Tribunal Administratif de Lyon, 23/08/2022, n°2205964

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 3 et 12 août 2022, la société Rocharm, représentée par Me Duffaud, demande au juge des référés, statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :

1°) d'annuler la procédure engagée par la commune de Curis-au-Mont-d'Or relative au lot n°  13 " Electricité CFO-CFA " pour la passation du marché de restructuration et d'extension d'une halle commerciale ;

2°) d'enjoindre à cette commune de reprendre la passation du lot n°  13 au stade de l'analyse des offres ; 

3°) de mettre à la charge de cette commune le paiement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- son offre a été dénaturée, dès lors qu'il lui a été attribué une note de seulement 12 s'agissant du sous-critère 3 relatif à la valeur technique ;

- la circonstance qu'une offre pourtant anormalement basse n'ait pas été écartée a eu pour conséquence de minorer l'écart entre son offre et l'offre de la société qui a été retenue.

Par un mémoire, enregistré le 22 août 2022, la commune de Curis-au-Mont-d'Or, représentée par la SELAS Cabinet Lega-Cité, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la société requérante au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'offre de la société Rocharm n'a pas été dénaturée, cette offre étant manifestement moins précise que celle de la société Bertholon s'agissant du planning et des moyens mis en œuvre pour respecter les délais ;

- le pouvoir adjudicateur n'a commis aucune erreur manifeste d'appréciation en s'abstenant d'écarter l'offre de la société Electricité Clim Réseau, dès lors qu'il était évident que cette offre ne serait pas retenue compte tenu de sa faiblesse sur le plan technique ; en tout état de cause, dans l'hypothèse même dans laquelle cette offre aurait été écartée compte tenu de son caractère anormalement bas, l'offre de la société Bertholon serait restée la mieux classée. 

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique  ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal a désigné M. Chenevey, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.

Ont été entendues au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. A ;

- Me Duffaud, pour la société Rocharm, qui a repris les faits, moyens et conclusions exposés dans la requête ;

- Me Mourey, pour la commune de Curis-au-Mont-d'Or, qui a repris les faits, moyens et conclusions exposés dans le mémoire en défense.

La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit :

1. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique. / () Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". Aux termes de l'article L. 551-10 du même code : " Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat ou à entrer au capital de la société d'économie mixte à opération unique et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué, () ". En vertu des dispositions précitées, les personnes habilitées à agir pour mettre fin aux manquements du pouvoir adjudicateur à ses obligations de publicité et de mise en concurrence sont celles susceptibles d'être lésées par de tels manquements. Il appartient dès lors au juge des référés précontractuels de rechercher si l'opérateur économique qui le saisit se prévaut de manquements qui, eu égard à leur portée et au stade de la procédure auquel ils se rapportent, sont susceptibles de l'avoir lésé ou risquent de le léser, fût-ce de façon indirecte en avantageant une entreprise concurrente.

2. La commune de Curis-au-Mont-d'or a engagé une procédure de passation d'un marché public  ayant pour objet la restructuration et l'extension d'une halle commerciale. La société Rocharm, candidate évincée, conteste la régularité de la procédure relative au lot n°  13 " Electricité CFO-CFA ". 

3. En premier lieu, il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats.

4. L'article 7.2.2 du règlement de la consultation, relatif aux " Critères de jugement des offres de chaque lot ", prévoit que la valeur technique des offres est appréciée en fonction de trois sous-critères. Au niveau du sous-critère 3 " Planning et moyens mis en œuvre pour le respect des délais ", la société Rocharm a obtenu l'appréciation " Très satisfaisant " et la note de 12 sur 20, avec comme justification de cette appréciation la mention " Planning détaillé, personnalisé et conforme aux attentes ". A ce même sous-critère, la société Bertholon a quant a elle obtenu l'appréciation " Bon " et la note de 15 sur 20, avec comme justification de cette appréciation la mention " Planning détaillé, process détaillé et conforme aux attentes ". Il ne résulte pas de l'instruction, alors que l'appréciation " Bon " est supérieure à l'appréciation " Très satisfaisant ", que, ce faisant, le pouvoir adjudicateur aurait procédé à une dénaturation de l'offre de la société requérante au regard de celle de la société Bertholon.

5. En second lieu, aux termes de l'article L. 2152-5 du code de la commande publique  : " Une offre anormalement basse  est une offre dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché ". Aux termes de l'article L. 2152-6 du même code : " L'acheteur met en œuvre tous moyens lui permettant de détecter les offres anormalement basses. / Lorsqu'une offre semble anormalement basse, l'acheteur exige que l'opérateur économique fournisse des précisions et justifications sur le montant de son offre. / Si, après vérification des justifications fournies par l'opérateur économique, l'acheteur établit que l'offre est anormalement basse, il la rejette dans des conditions prévues par décret  en Conseil d'Etat ". Enfin, aux termes de l'article R. 2152-4 du même code : " L'acheteur rejette l'offre comme anormalement basse dans les cas suivants : / 1° Lorsque les éléments fournis par le soumissionnaire  ne justifient pas de manière satisfaisante le bas niveau du prix ou des coûts proposés () ". Est utilement invocable dans le cadre du référé précontractuel le moyen tiré de ce que le pouvoir adjudicateur aurait dû rejeter une offre comme anormalement basse. Pour contrôler le caractère anormalement bas ou non d'une offre, le juge du référé précontractuel ne peut se borner à relever un écart de prix important entre cette offre et d'autres offres que les explications fournies par le candidat ne sont pas de nature à justifier, sans rechercher si le prix en cause est en lui-même manifestement sous-évalué et, ainsi, susceptible de compromettre la bonne exécution du marché.

6. La société Rocharm fait valoir que, si l'offre anormalement basse présentée par la société Electricité-Clim-Réseau avait, comme telle, été écartée, son offre aurait obtenu, au niveau du critère du prix, une note qui aurait eu pour conséquence de lui permettre d'atteindre un total de points supérieur à celui obtenu par la société Bertholon. Il résulte toutefois de l'instruction que, compte tenu de l'offre de prix présentée par cette dernière société après négociation, indiquée dans son acte d'engagement, dont aucun élément ne peut sérieusement faire douter de l'exactitude, le classement des offres n'aurait pas été modifié dans l'hypothèse même dans laquelle l'offre de la société Electricité-Clim-Réseau aurait été rejetée comme anormalement basse. Dans ces conditions, le moyen ne peut, en tout état de cause, qu'être écarté.

7. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

8. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la commune de Curis-au-Mont-d'Or sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

ORDONNE :

Article 1er : La requête de la Société Rocharm est rejetée. 

Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Curis-au-Mont-d'Or au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées. 

Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la Société Rocharm, à la commune de Curis-au-Mont-d'Or et à la société Bertholon.

Fait à Lyon le 23 août 2022. 

Le juge des référés La greffière

J.-P. A S. Hosni

La République mande et ordonne au préfet du Rhône en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Un greffier

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