TA Nantes, 04/01/2023, n°2004149
Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 avril 2020, 20 août 2021, 9 juin et 30 septembre 2022, le syndicat mixte d'alimentation en eau potable Vendée Eau, représenté par Me Bernot, demande au tribunal :
1°) à titre principal, de condamner solidairement, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, les sociétés SCE, Hydratech, Vinci Construction Grands Projets et Sogea Ouest TP à lui verser la somme de 2 063 957,39 euros TTC, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts ;
2°) de mettre à la charge des sociétés SCE, Hydratech, Vinci Construction Grands Projets et Sogea Ouest TP la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner sur le fondement de la responsabilité contractuelle la société SCE à lui verser la somme de 2 063 957,39 euros TTC, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts ;
4°) de mettre à la charge de la société SCE la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- le désordre de nature décennale ; il est apparu dans le délai de dix ans à compter de la réception des travaux ; le processus d'aggravation du phénomène de corrosion est inéluctable ;
- la responsabilité décennale des constructeurs est engagée ;
- les sociétés SCE et Hydratech ont participé à la réalisation du dommage ; elles ont assuré la maîtrise d'œuvre de la construction de la nouvelle usine de traitement de l'eau de Finfarine ; la société Hydratech était chargée de la rédaction du cahier des charges et la société SCE du suivi et de la direction des travaux ;
- les sociétés Vinci Construction Grands Projets et Sogea Ouest TP ont participé à la réalisation du dommage ; la première était mandataire du groupement conjoint et solidaire pour la construction de l'usine de traitement d'eau potable de Finfarine, la seconde l'était pour la construction de la station de pompage de cette usine ; elles étaient en particulier chargées de préciser les spécifications techniques des équipements répondant aux besoins de l'exploitation ; elles devront en outre répondre des fautes commises par leurs sous-traitants ;
- le décompte général et définitif du marché de maîtrise d'œuvre n'a pas été établi ; la responsabilité contractuelle la société SCE est susceptible d'être engagée pour défaut de conseil au cours des opérations de réception, dès lors qu'elle avait également une mission d'assistance aux opérations de réception (AOR) ;
- les préjudices comprennent le coût des travaux de reprise, d'un montant de 1 915 660,34 euros TTC, les honoraires de maîtrise d'œuvre, d'un montant de 70 848 euros TTC, la mission de contrôle technique, d'un montant de 4 488 euros TTC, la mission de coordination SPS, d'un montant de 1 558,79 euros TTC, la mission de chiffrage des travaux de reprise, d'un montant de 11 710,80 euros TTC, l'intervention de prélèvement sur tuyauterie, d'un montant de 11 925 euros TTC, les frais d'avocat, d'un montant de 15 671,96 euros et les frais et horaires de l'expert, d'un montant de 32 094,50 euros ;
- ces travaux de remise en état n'apportent pas de plus-value dès lors que les caractéristiques propres de l'usine n'ont nullement été améliorées ;
- Vendée Eau ne récupère pas la TVA sur ses travaux d'investissement, le service public étant délégué.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 21 janvier et 23 septembre 2022, la société SCE, représentée par Me Bailly, conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) à la condamnation des sociétés Hydratech, Sogea Ouest TP et Vinci Construction Grands Projets à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
3°) et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge du syndicat mixte d'alimentation en eau potable Vendée Eau en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) à titre subsidiaire, au rejet des demandes présentées à son encontre sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun ;
5°) à ce que la responsabilité soit partagée, 80 % incombant à la société Hydratech et 20 % à la société SCE ;
6°) à la condamnation de la société Hydratech à la garantir à hauteur de 80 % de toute condamnation prononcée à son encontre ;
7°) à ce que sa part de responsabilité dans l'entier sinistre n'excède pas 4,8 % ;
8°) à la condamnation des sociétés Hydratech, Sogea Ouest TP et Vinci Construction Grands Projets à la garantir à hauteur de 95,2 % de toute condamnation prononcée à son encontre ;
9°) à ce que l'indemnité due au syndicat mixte d'alimentation en eau potable Vendée Eau soit limitée à la somme de 1 376 042,26 euros TTC au titre des travaux de reprise ;
10°) à la réduction de la somme allouée au titre des frais irrépétibles à de plus justes proportions ;
11°) à titre très subsidiaire, à ce que les indemnités allouées soient réparties au prorata de l'implication respective des parties dans l'entier litige et à ce qu'il soit fait droit aux recours des uns et des autres dans les mêmes proportions.
Elle soutient que :
- la maîtrise d'œuvre pour la construction de l'usine de traitement d'eau potable de Finfarine a été confiée à la société Hydratech, en charge de la conception des ouvrages, et à elle-même en charge du suivi et de la direction des travaux ; étaient exclus de la mission de maîtrise d'œuvre les études de projet (PRO), les études d'exécution (EXE) et l'ordonnancement, le pilotage et la coordination (OPC) ; aucune des causes des désordres, relevées par l'expert, ne lui est imputable ;
- le choix du matériau incombait aux sociétés Sogea Ouest TP et Vinci Construction Grands Projets qui avaient une mission PRO ; sa mission de suivi de l'exécution des travaux n'impliquait aucune intervention dans la conception de l'ouvrage ;
- la responsabilité de la mauvaise qualité de l'acier inoxydable mis en œuvre incombe aux sociétés Sogea Ouest TP et Vinci Construction Grands Projets ;
- la responsabilité des défauts ponctuels de soudure incombe aux sociétés Sogea Ouest TP et Vinci Construction Grands Projets ; ces défauts ponctuels n'ont pu qu'échapper à la vigilance de la maîtrise d'œuvre ;
- les reproches formulés par l'expert à l'encontre de la maîtrise d'œuvre relèvent des prestations de conception et de rédaction, essentiellement imputables à la société Hydratech ;
- l'indemnité éventuellement due au syndicat mixte d'alimentation en eau potable, Vendée Eau, au titre des travaux de reprise, doit être limitée à la somme de 1 376 042,26 euros TTC, acceptée par l'expert, alors que rien ne justifie des frais supplémentaires ;
- sa responsabilité contractuelle ne peut pas être engagée ; le maître d'ouvrage a signé son décompte général et définitif sans émettre la moindre réserve ; le requérant n'est pas recevable à rechercher sa responsabilité contractuelle.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 3 février, 9 juin et 29 septembre 2022, les sociétés Vinci Construction Grands Projets et Sogea Ouest TP, représentées par Me Siebert, concluent :
1°) à titre principal, au rejet de la requête ;
2°) à titre subsidiaire, à la limitation de leur part de responsabilité à 50 % ;
3°) à la limitation de l'indemnité éventuellement dû au syndicat mixte d'alimentation en eau potable Vendée Eau à la somme de 528 645,60 euros HT ;
4°) à la condamnation in solidum des sociétés SCE et Hydratech, à les garantir à hauteur de 50 % de toute condamnation prononcée à leur encontre ;
5°) en tout état de cause, à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge du syndicat mixte d'alimentation en eau potable Vendée Eau en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- à titre principal, la demande du syndicat mixte d'alimentation en eau potable Vendée Eau est irrecevable, dès lors que le phénomène de corrosion était identifié avant la réception et que la réception a été accompagnée de réserves relatives à la corrosion ; le phénomène de corrosion est apparu dès le mois d'août 2015 ; lors de la réception prononcée le 4 juillet 2017, il était noté comme réserve à la réception la corrosion des soudures inox des canalisations de la galerie " filtres à sable " ; le décompte général a été accepté sans réserve le 18 septembre 2018 ;
- à titre subsidiaire, l'expert a estimé que la maîtrise d'œuvre n'a pas accordé une grande importance à la qualité du matériel qu'elle préconisait ; la maîtrise d'œuvre a manqué à son obligation de conseil ;
- l'expert a surestimé leur part de responsabilité qui doit être limitée à 50 % ;
- l'indemnité éventuellement due au syndicat mixte d'alimentation en eau potable Vendée Eau, au titre des travaux de reprise, doit être limitée à la somme acceptée par l'expert, alors que rien ne justifie des frais supplémentaires ;
- cette indemnité devra exclure la taxe sur la valeur ajoutée, sauf au syndicat mixte à justifier qu'il ne la récupère pas.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 6 juin et 30 septembre 2022, la SAS Setec Hydratech, représentée par Me Viaud, conclut :
1°) à titre principal, au rejet de la requête et plus généralement de toute autre demande des autres parties dirigée contre elle ;
2°) à titre subsidiaire, à la limitation de l'indemnité susceptible d'être allouée au syndicat mixte d'alimentation en eau potable Vendée Eau à la somme de 1 043 712 euros ;
3°) à la condamnation des sociétés SCE, Vinci Construction Grands Projets et Sogea Ouest TP à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ;
4°) à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge du syndicat mixte d'alimentation en eau potable Vendée Eau, ou à défaut de tout succombant, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- contrairement aux conclusions de l'expert, la corrosion constatée ne peut pas être d'origine bactérienne, rien ne permet de conclure à la composition instable et agressive de l'eau prélevée sur le site, le type d'acier inox retenu correspond à celui habituellement mis en œuvre sur tous les projets du même type, les aciers mis en œuvre sont conformes aux nuances d'acier retenues, l'architecture du réseau n'est pas en cause, la seule cause confirmée de la corrosion est la mauvaise qualité des soudures ;
- les désordres étaient apparents au moment de la réception ; la responsabilité décennale des constructeurs n'est pas engagée ;
- les désordres ne lui sont pas imputables ;
- le dommage trouve son origine dans la mauvaise qualité des soudures, problème d'exécution des travaux qui ne peut pas lui être imputée, dès lors qu'elle était en charge de la conception des ouvrages et que c'est la société SCE qui était en charge du suivi et de la direction des travaux ;
- si le dommage résultait de l'inadéquation du type d'acier choisi et de l'architecture du réseau, la responsabilité en incomberait aux sociétés Vinci Construction Grands Projets et Sogea Ouest TP qui avaient en charge les études de projet (PRO) et les études d'exécution (EXE) ;
- en tout état de cause, elle est fondée à demander la condamnation des sociétés SCE, Vinci Construction Grands Projets et Sogea Ouest TP à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre ; la part de responsabilité restant à sa charge ne devrait pas dépasser les 12 % retenus par l'expert ;
- le chiffrage des travaux retenu par l'expert, d'un montant de 1 304 640 euros apporte une plus-value à l'ouvrage, le revêtement époxy préconisé apportant une meilleure tenue dans le temps, et doit être réduit de 20 %.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A,
- les conclusions de M. Dias, rapporteur public,
- les observations de Me Bernot, représentant Vendée Eau,
- les observations de Me Bailly, représentant la société SCE,
- les observations de Me Parée, substituant Me Viaud, représentant la SAS Setec Hydratech,
- et les observations de Me Siebert, représentant les sociétés Vinci Construction Grands Projets et Sogea Ouest TP.
Considérant ce qui suit :
1. Le syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable (SIAEP) des Olonnes et du Talmondais, aux droits duquel vient le syndicat mixte d'alimentation en eau potable Vendée Eau, a décidé de construire une nouvelle usine de traitement de l'eau. Par un marché du
20 juillet 2009, la maîtrise d'œuvre a été confiée au groupement composé de la société SCE, mandataire, et de la société Hydratech. Le marché de travaux du 15 février 2012 a été confié à un groupement de sept entreprises, dont les sociétés Vinci Environnement, mandataire, désormais dénommée Vinci Construction Grands Projets, et Sogea Ouest TP, faisant intervenir son établissement secondaire Sogea Atlantique Hydraulique, pour un montant total de
16 564 600 euros TTC. L'usine a été mise en service le 15 octobre 2015 pour une période d'observation d'un an. Par un marché de travaux du 25 avril 2014, le syndicat intercommunal d'alimentation en eau potable des Olonnes et du Talmondais a confié la réalisation d'une station de pompage à un groupement de cinq entreprises, dont la société Sogea Ouest TP, mandataire, pour un montant total de 861 600 euros TTC. Dès 2015, des traces de corrosion ont été constatées sur des canalisations de la station de pompage et de l'usine de traitement de l'eau. Par une ordonnance du 4 mars 2016, le juge des référés du tribunal administratif de Nantes, saisi par le SIAEP, a désigné un expert, avec pour seule mission de décrire les désordres affectant les canalisations inox de la station de pompage et de l'usine de traitement de l'eau de Finfarine, propriété du SIAEP des Olonnes et du Talmondais, avant et après leur démontage. L'expert a rédigé un rapport de constat le 21 avril 2016. Un protocole d'accord transactionnel a été conclu le 5 juillet 2017, entre le SIAEP et les sociétés SCE, Hydratech, Vinci Construction Grands Projets et Sogea Atlantique Hydraulique, et a réglé, d'une part, un différend extérieur au présent litige et relatif aux performances contractuelles non atteintes et, d'autre part, la répartition de la charge des travaux de reprise des désordres de corrosion constatés. La réception des ouvrages remplacés sur la station de pompage et des canalisations d'eau brute de l'usine a été prononcée le 20 juillet 2016 avec une date d'effet fixée au 17 mai 2016. Estimant que de nouvelles traces de corrosion étaient apparues sur les canalisations de l'usine, mais cette fois en sortie de l'eau filtrée, le SIAEP a saisi le juge des référés du tribunal administratif de Nantes qui, par une ordonnance du 1er février 2018, a désigné le même expert, qui a rendu son rapport le
16 décembre 2019. Dans le dernier état de ses écritures, le syndicat mixte d'alimentation en eau potable Vendée Eau, représenté par Me Bernot, demande au tribunal de condamner solidairement, sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs, les sociétés SCE, Hydratech, aux droits de laquelle vient la SAS Setec Hydratech, Vinci Construction Grands Projets et Sogea Ouest TP à lui verser la somme de 1 807 709,85 euros, assortie des intérêts et de la capitalisation des intérêts.
Sur la responsabilité décennale des constructeurs :
2. Il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Toutefois, la garantie décennale ne s'applique pas à des désordres qui étaient apparents lors de la réception de l'ouvrage.
3. Il résulte de l'instruction que la réception des travaux de l'usine a eu lieu le
4 juillet 2017. Le syndicat mixte d'alimentation en eau potable Vendée Eau soutient qu'en octobre 2017 de nouvelles traces de corrosion sont apparues sur les canalisations de l'usine, mais cette fois en sortie de l'eau filtrée. Toutefois, les sociétés Vinci Construction Grands Projets et Sogea Ouest TP soutiennent que le phénomène de corrosion est apparu dès le mois d'août 2015, qu'il était identifié avant la réception et que la réception a été accompagnée de réserves relatives à la corrosion.
4. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport de constat en date du
21 avril 2016, que l'usine a subi des phases successives de mise en régime, dont sa mise en eau, que dès le mois d'août 2015 des traces de corrosion sont apparues sur les canalisations d'aspiration et de refoulement de la station de pompage et sur la canalisation d'eau brute de l'usine, que l'expert notait déjà que le désordre était susceptible de rendre l'ouvrage impropre à sa destination, que les traces de corrosion affectaient les joints de soudure et le corps des canalisations, que les taches étaient réparties de manière aléatoire sur la quasi-totalité des canalisations et que la corrosion avait conduit à la perforation ou à la fissuration des tôles.
5. Le protocole d'accord transactionnel a constaté que les travaux de reprise des désordres, suite à la corrosion constatée en 2015, étaient terminés pour un montant de 302 698,57 euros HT et que ces travaux ont fait l'objet d'une double réception, l'une pour le pompage et l'autre pour le traitement, le 21 juin 2016. La partie II de ce protocole d'accord transactionnel, qui concerne " la corrosion de l'inox ", a réparti la charge des réparations entre les entreprises et le SIAEP. L'article V de ce protocole, intitulé " Renonciation à recours ultérieur ", stipule : " Sous réserve de l'exécution des présentes, les Parties renoncent entre elles, à toutes prétentions, réclamations, instance et action, de quelque nature que ce soit, qui seraient directement ou indirectement nées du différend faisant l'objet du présent Protocole. / Cette renonciation ne s'étend pas aux sinistres ". C'est sur le fondement de cette dernière clause, " Cette renonciation ne s'étend pas aux sinistres ", que Vendée Eau fonde sa requête. Toutefois, par un procès-verbal du 4 juillet 2017, la réception de l'installation " Construction de la nouvelle unité de production d'eau potable de Finfarine " a été prononcée avec réserves, en particulier " 4 et 28 - Filtre à sable, galerie et réacteurs UV () 4 et 28 - 2 Traiter les dernières corrosions identifiées sur les soudures inox ", " 24 et 26 - Flottateur, pressurisation et préparation polymère () 24 et 26 - 6 Surveiller les points de rouille identifiés sur les conduites inox dans le couloir du bâtiment prétraitement " et " 27 - Local CHAIGNEAU () 27 - 2 Traiter les fuites ponctuelles identifiées sur les inox (piquages aspiration pompe n° 2, rouille) ". Si le syndicat soutient qu'en octobre 2017 de nouvelles traces de corrosion sont apparues sur les canalisations de l'usine, mais cette fois en sortie de l'eau filtrée, l'expert avait indiqué, dans son rapport de constat, que les traces de corrosion affectaient les joints de soudure et le corps des canalisations et que les taches étaient réparties de manière aléatoire sur la quasi-totalité des canalisations. En outre, il ne résulte pas de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que de nouvelles traces de corrosion seraient apparues sur les canalisations de l'usine, mais cette fois en sortie de l'eau filtrée. Au contraire, l'expert a constaté, lors de l'expertise, que les désordres consistent en l'apparition de taches de corrosion sur les surfaces extérieures et intérieures des tubes en acier inoxydable, que la plupart des tronçons de tubes examinés présentent des débuts de corrosion et que le désordre est évolutif. Par suite, les sociétés Vinci Construction Grands Projets et Sogea Ouest TP sont fondées à soutenir que la corrosion généralisée était apparente lors de la réception, faisant obstacle à la mise en œuvre de la garantie décennale des constructeurs.
Sur la responsabilité contractuelle de la société SCE :
6. Vendée Eau soutient que le décompte général et définitif du marché de maîtrise d'œuvre n'a pas été établi et que la responsabilité contractuelle de la société SCE est susceptible d'être engagée pour défaut de conseil au cours des opérations de réception, dès lors qu'elle avait également une mission d'assistance aux opérations de réception (AOR).
7. L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché public est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties.
8. Il résulte de l'instruction que Vendée Eau a signé le décompte général et définitif du marché de la société SCE le 17 septembre 2019, sans émettre aucune réserve. Ainsi, ce décompte général, qui a vocation à retracer l'ensemble des sommes auxquelles peut prétendre le titulaire du marché du fait de l'exécution de celui-ci, compte tenu des déductions pratiquées par le maître d'ouvrage, est, à cette date, devenu définitif. Les prétentions des parties au contrat ayant ainsi été définitivement arrêtées le 17 septembre 2019, Vendée Eau ne pouvait plus, à la date du
9 juin 2022, date d'enregistrement de son mémoire invoquant pour la première fois la responsabilité contractuelle de la société SCE, demander aucune somme à cette société à raison d'un manquement quelconque à ses obligations contractuelles résultant de ce contrat, y compris à son devoir de conseil lors des opérations de réception. Par suite, la société SCE est fondée à soutenir que la demande de Vendée Eau, qui est irrecevable, doit être rejetée.
Sur les frais et honoraires d'expertise :
9. Les frais et honoraires d'expertise ont été liquidés et taxés à la somme de
32 094,50 euros, par une ordonnance du 16 janvier 2020 du premier vice-président du tribunal administratif de Nantes. Dans les circonstances de l'espèce, ces frais et honoraires doivent être mis à la charge définitive du syndicat mixte d'alimentation en eau potable Vendée Eau.
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
10. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La requête du syndicat mixte d'alimentation en eau potable Vendée Eau est rejetée.
Article 2 : Les frais et honoraires d'expertise, liquidés et taxés à la somme de
32 094,50 euros, sont mis à la charge définitive du syndicat mixte d'alimentation en eau potable Vendée Eau.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié au syndicat mixte d'alimentation en eau potable Vendée Eau et aux sociétés SCE, Setec Hydratech, Vinci Construction Grands Projets et Sogea Ouest TP.
Délibéré après l'audience du 7 décembre 2022 à laquelle siégeaient :
Mme Loirat, présidente,
M. Gauthier, premier conseiller,
M. Marowski, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 janvier 2023.
Le rapporteur,
E. A
La présidente,
C. LOIRAT La greffière,
P. LABOUREL
La République mande et ordonne au préfet de la Vendée, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière