CAA Nantes, 07/04/2023, n°22NT00940

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société MC Bat a demandé au tribunal administratif de Nantes, d'une part, d'arrêter le montant du décompte général et définitif du lot n° 1 " démolition - gros œuvre " du marché de réaménagement d'une grange en bibliothèque à Sainte-Flaive-des-Loups à la somme de 101 025,22 euros toutes taxes comprises (TTC), d'autre part, de condamner la commune de Sainte-Flaive-des-Loups à lui verser le solde du décompte de ce marché, soit la somme de 26 462,18 euros TTC, assortie des intérêts moratoires à compter du 18 octobre 2012 et de la capitalisation de ces intérêts.

Par un jugement n° 1708437 du 19 juin 2019, le tribunal administratif de Nantes a condamné la commune de Sainte-Flaive-des-Loups à verser à la société MC Bat une somme de 26 462,18 euros TTC, majorée des intérêts à compter du 4 août 2014 et de leur capitalisation, au titre du solde du lot n° 1 du marché, sous réserve des paiements déjà intervenus, et rejeté le surplus des conclusions des parties.

Procédure devant la cour avant cassation :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 13 août 2019 et 21 octobre 2020, la commune de Sainte-Flaive-des-Loups, représentée par Me Tertrais, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 juin 2019 ;

2°) d'arrêter à la somme de 81 021,61 euros TTC le montant du décompte général et définitif et de condamner la société MC Bat à lui rembourser les sommes perçues en sus dudit montant en exécution du jugement rendu par le tribunal administratif de Nantes ;

3°) de mettre à la charge de la société MC Bat la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la demande de première instance était irrecevable dès lors que le décompte général était devenu définitif ; en effet, le document communiqué à l'entreprise le 31 janvier 2014 constitue une ampliation non signée du décompte général, lequel a été régulièrement signé ; l'absence de signature du décompte par le maître d'ouvrage ne fait pas obstacle à ce qu'il acquière un caractère définitif lorsque le maître d'ouvrage s'en est approprié sans ambiguïté les éléments essentiels ; en tout état de cause, le courrier du 30 janvier 2014 indique clairement qu'il comprend non pas le projet de décompte général mais le décompte général ; peu importe que ce soit le maître d'œuvre ou le maître d'ouvrage qui ait procédé à la notification ; ce courrier a donc fait courir le délai de 45 jours applicable conformément aux dispositions combinées des articles 13 et 50 du cahiers des clauses administratives générales (CCAG) Travaux de 2009, à l'expiration duquel le décompte général devient définitif ; or ce n'est que le 4 juillet 2014 que l'entreprise a formé une réclamation ; le courrier simple non motivé, ni formalisé du 5 février 2014 ne tenait pas lieu de réclamation ; dans ces conditions, la réclamation était tardive par application des articles 50.1.1 et 50.3.1 du CCAG Travaux ;

- à supposer que le courrier du 30 janvier 2014 n'ait pas compris de décompte général, la saisine du tribunal administratif est intervenue prématurément ; l'entreprise devait en effet suivre la procédure fixée à l'article 13.4.2. du CCAG Travaux en mettant en demeure la commune de notifier le décompte général ; or, aucune réception des travaux n'a précédé la procédure d'établissement du décompte et aucun décompte général n'a été élaboré ;

- la pose de l'enduit est entachée de malfaçons ;

- les travaux de reprise de l'enduit n'avaient pas à être réalisés préalablement à la modification du décompte général ;

- les travaux de reprise de l'enduit s'élevaient à 14 983,03 euros hors taxes (HT), somme correspondant à la réfaction opérée dans le décompte général ;

- les réserves formulées lors des opérations de réception n'ont pas été tacitement levées ; aucune réception tacite n'est intervenue au regard de l'article 41.3 du CCAG Travaux ;

- la prise de possession du bâtiment n'impliquait pas réception ;

- pour procéder à la réfaction litigieuse, la commune n'avait pas à procéder à une résiliation du marché pour faute, les dispositions de l'article 46 du CCAG Travaux ayant trait à la défaillance du titulaire dans le cadre de l'exécution du marché et non dans le cadre des opérations de réception.

Par un mémoire, enregistré le 30 septembre 2020, la société MC Bat, représentée par Me David, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la commune de Sainte-Flaive-des-Loups une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le document intitulé " décompte général " transmis le 30 janvier 2014 et reçu le 31 janvier 2014, ne porte aucune signature, ni celle du maître d'œuvre, ni surtout, celle du maître d'ouvrage, en sorte qu'il ne saurait constituer le décompte général au sens de l'article 13.4.2. du CCAG Travaux ; par ailleurs, ce document a été transmis par le maître d'œuvre, et ne peut pour ce second motif constituer un décompte général ;

- elle a fait état de ses réserves notamment par courrier du 5 février 2014 ;

- à la suite du rejet implicite de son mémoire en réclamation du 4 juillet 2014, elle était recevable à saisir le tribunal administratif ;

- la réception tacite de l'ouvrage, en application de l'article 41.3 du CCAG Travaux et confirmée par la prise de possession mentionnée à l'article 41.8 du CCAG Travaux, fait obstacle à ce que le maître d'ouvrage retire une somme de 14 983,03 euros HT du décompte général ;

- aucune malfaçon n'affecte l'enduit ; le montant de la réfaction précitée n'est pas justifié ;

- en l'absence de réalisation des travaux de réparation ou de marché de substitution après résiliation en application de l'article 48 du CCAG Travaux, la somme en cause ne peut en tout état de cause pas être mise à sa charge ;

- la commune a omis d'inclure dans le décompte général la révision des prix soit 2 083,91 euros TTC ; le montant du décompte général et définitif du marché doit être arrêté à la somme définitive, après révision des prix du marché, de 101 025,22 euros TTC ;

- elle a droit aux intérêts moratoires sur la somme de 26 462,18 euros TTC et à leur capitalisation.

Par un arrêt n° 19NT03351 du 8 janvier 2021, la cour administrative d'appel de Nantes a rejeté l'appel de la commune de Sainte-Flaive-des-Loups contre ce jugement.

Par une décision n° 450477 du 28 mars 2022, le Conseil d'Etat statuant au contentieux, a annulé cet arrêt et a renvoyé l'affaire devant la cour, où elle a été enregistrée sous le n° 22NT00940.

Procédure devant la cour après cassation :

Par un mémoire, enregistré le 15 décembre 2022, la société MC Bat, conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens que dans ses précédentes écritures.

Par un mémoire, enregistré le 16 mars 2023 (non communiqué), la commune de Sainte-Flaive-des-Loups porte à 3 000 euros sa demande au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, pour le surplus, conclut aux mêmes fins, par les mêmes moyens que dans ses précédentes écritures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code des marchés publics ;

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 modifié ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Derlange, président-assesseur,

- les conclusions de M. Pons, rapporteur public,

- et les observations de Me Gobé, pour la commune de Sainte-Flaive-des-Loups.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Sainte-Flaive-des-Loups (Vendée) a entrepris en 2011 des travaux de transformation d'une grange en bibliothèque. Elle a attribué le lot n° 1 " démolition - gros œuvre " du marché à la société MC Bat par un acte d'engagement du 3 novembre 2011. La réception de l'ouvrage a été prononcée sous réserve de l'achèvement de certaines prestations, dont celles relatives à la finition de l'enduit traditionnel extérieur. Dans le décompte général transmis à la société MC Bat, la commune a notamment déduit du montant du marché une somme de 17 979,64 euros TTC au titre de la finition de l'enduit traditionnel extérieur. Contestant ce décompte, la société MC Bat a demandé au tribunal administratif de Nantes de condamner la commune de Sainte-Flaive-des-Loups à lui verser le solde de ce décompte, d'un montant de 26 462,18 euros TTC, assorti des intérêts moratoires et de leur capitalisation. Par un jugement du 19 juin 2019, le tribunal administratif a fait droit à cette demande. Par un arrêt du 8 janvier 2021, la cour a rejeté l'appel de la commune contre ce jugement. Par un arrêt du 28 mars 2022, sur recours en cassation de la commune de Sainte-Flaive-des-Loups, le Conseil d'Etat a annulé cet arrêt et renvoyé l'affaire à la cour.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne les fins de non-recevoir opposées à la demande de première instance par la commune de Sainte-Flaive-des-Loups :

2. Aux termes de l'article 13.41 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux approuvé par le décret du 21 janvier 1976 (CCAG Travaux), dans sa dernière version, applicable au marché en vertu du b) de l'article 2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) : " Le maître de l'ouvrage établit le décompte général qui comprend : /- le décompte final défini au 34 du présent article ; /- l'état du solde établi, à partir du décompte final et du dernier décompte mensuel, dans les mêmes conditions que celles qui sont définies au 21 du présent article pour les acomptes mensuels ; / - la récapitulation des acomptes mensuels et du solde. /Le montant du décompte général est égal au résultat de cette dernière récapitulation. ". Aux termes de l'article 13.42 du CCAG Travaux : " Le décompte général, signé par la personne responsable du marché, doit être notifié à l'entrepreneur par ordre de service avant la plus tardive des deux dates ci-après : / Quarante-cinq jours après la date de remise du projet de décompte final. Trente jours après la publication de l'index de référence permettant la révision du solde. () ". Aux termes de l'article 13.44 du CCAG Travaux : " L'entrepreneur doit, dans un délai compté à partir de la notification du décompte général, le renvoyer au maître d'œuvre, revêtu de sa signature, sans ou avec réserves, ou faire connaître les raisons pour lesquelles il refuse de le signer. Ce délai est de trente jours, si le marché a un délai d'exécution inférieur ou égal à six mois. Il est de quarante-cinq jours dans le cas où le délai contractuel d'exécution du marché est supérieur à six mois. / () Si la signature du décompte général est refusée ou donnée avec réserves, les motifs de ce refus ou de ces réserves doivent être exposés par l'entrepreneur dans un mémoire de réclamation qui précise le montant des sommes dont il revendique le paiement et qui fournit les justifications nécessaires en reprenant, sous peine de forclusion, les réclamations déjà formulées antérieurement et qui n'ont pas encore fait l'objet d'un règlement définitif ; ce mémoire doit être remis au maître d'œuvre dans le délai indiqué au premier alinéa du présent article. Le règlement du différend intervient alors suivant les modalités indiquées à l'article 50. () ". Aux termes de l'article 13.45 du CCAG Travaux : " Dans le cas où l'entrepreneur n'a pas renvoyé au maître d'œuvre le décompte général signé dans le délai de trente jours ou de quarante-cinq jours, fixé au 44 du présent article, ou encore, dans le cas où, l'ayant renvoyé dans ce délai, il n'a pas motivé son refus ou n'a pas exposé en détail les motifs de ses réserves en précisant le montant de ses réclamations, ce décompte général est réputé être accepté par lui ; il devient le décompte général et définitif du marché. ".

3. En premier lieu, il résulte des stipulations précitées du cahier des clauses administratives générales que c'est l'approbation par l'entrepreneur du décompte général signé par le maître de l'ouvrage ou l'expiration du délai de réclamation laissé à l'entrepreneur qui confèrent à ce décompte son caractère définitif et intangible, lequel a notamment pour effet d'interdire aux parties toute contestation ultérieure sur les éléments de ce décompte. Lorsque la personne responsable du marché s'abstient de notifier dans les conditions prévues par l'article 13.42 précité le décompte général à l'entrepreneur, le décompte général ne peut être regardé comme étant devenu définitif ni à l'égard du maître de l'ouvrage ni à l'égard de l'entrepreneur et peut ainsi être contesté devant le juge du contrat.

4. Il résulte de l'instruction que le document adressé par l'intermédiaire du maître d'œuvre à la société MC Bat par un courrier du 30 janvier 2014, dont il n'est pas contesté qu'il comportait les éléments mentionnés à l'article 13.41 du CCAG Travaux, présentait, compte tenu de ses termes et de son objet, le caractère du décompte général du marché, alors même que son bordereau d'envoi portait la mention " Nous adresser votre décompte définitif ". Toutefois, en méconnaissance de l'article 13.42 du CCAG Travaux, le décompte général ainsi notifié à la société MC Bat n'était pas signé par la personne responsable du marché et la circonstance, alléguée par la commune, que le document notifié ne constituait qu'une ampliation du décompte effectivement signé par son maire, n'est en tout état de cause pas de nature à remédier au défaut de signature du décompte général notifié. Dès lors, faute de notification à la société MC Bat dans les conditions prévues par l'article 13.42 du CCAG Travaux, les délais mentionnés à l'article 13.45 du CCAG Travaux n'ont pas couru et le décompte général n'a pu acquérir un caractère définitif. Ainsi, le mémoire en réclamation du 2 juillet 2014 de la société MC Bat n'était pas tardif.

5. En second lieu, si dans le cas où le maître de l'ouvrage n'établit pas le décompte général, il appartient à l'entrepreneur, préalablement à toute saisine du juge, de mettre le maître de l'ouvrage en demeure d'y procéder, il n'en est pas de même lorsque ce dernier établit ce décompte mais omet d'y apposer sa signature ou le communique à l'entrepreneur sous une forme autre qu'un ordre de service.

6. En l'espèce, ainsi qu'il vient d'être dit, la commune n'a pas omis de notifier le décompte général du marché, mais l'a notifié sans qu'il soit revêtu de la signature de la personne responsable du marché. La commune n'est donc pas fondée à soutenir, à titre subsidiaire, que la société MC Bat aurait dû la mettre en demeure d'établir ce décompte général, avant de saisir le tribunal administratif.

7. Il résulte de ce qui précède que doivent être écartées les fins de non-recevoir opposées par la commune de Sainte-Flaive-des-Loups à la demande de première instance.

En ce qui concerne la fixation du solde du marché :

8. Aux termes de l'article 41.3 du CCAG Travaux : " Au vu du procès-verbal des opérations préalables à la réception et des propositions du maître d'œuvre, la personne responsable du marché décide si la réception est ou non prononcée ou si elle est prononcée avec réserves. Si elle prononce la réception, elle fixe la date qu'elle retient pour l'achèvement des travaux. La décision ainsi prise est notifiée à l'entrepreneur dans les quarante-cinq jours suivant la date du procès-verbal. A défaut de décision de la personne responsable du marché notifiée dans le délai précisé ci-dessus, les propositions du maître d'œuvre sont considérées comme acceptées. La réception, si elle est prononcée ou réputée comme telle, prend effet à la date fixée pour l'achèvement des travaux. ". Aux termes de l'article 41.6 du CCAG Travaux : " Lorsque la réception est assortie de réserves, l'entrepreneur doit remédier aux imperfections et malfaçons correspondantes dans le délai fixé par la personne responsable du marché ou, en l'absence d'un tel délai, trois mois avant l'expiration du délai de garantie défini au 1 de l'article 44. / Au cas où ces travaux ne seraient pas faits dans le délai prescrit, la personne responsable du marché peut les faire exécuter aux frais et risques de l'entrepreneur. ". Aux termes de l'article 41.7 du même cahier : " Si certains ouvrages ou certaines parties d'ouvrages ne sont pas entièrement conformes aux spécifications du marché, sans que les imperfections constatées soient de nature à porter atteinte à la sécurité, au comportement ou à l'utilisation des ouvrages, la personne responsable du marché peut, eu égard à la faible importance des imperfections et aux difficultés que présenterait la mise en conformité, renoncer à ordonner la réfection des ouvrages estimés défectueux et proposer à l'entrepreneur une réfaction sur les prix. / Si l'entrepreneur accepte la réfaction, les imperfections qui l'ont motivée se trouvent couvertes de ce fait et la réception est prononcée sans réserve. / Dans le cas contraire, l'entrepreneur demeure tenu de réparer ces imperfections, la réception étant prononcée sous réserve de leur réparation. ". Aux termes de l'article 41.8 : " Toute prise de possession des ouvrages par le maître de l'ouvrage, doit être précédée de leur réception. () ".

9. En premier lieu, il résulte de l'instruction que, par une décision du 2 août 2012 non contestée par la société MC Bat, la commune a refusé de lever les réserves à la réception des travaux portant, en particulier, sur l'enduit extérieur, et fixé au 15 septembre 2012 la date limite d'achèvement des travaux de reprise. L'article 41.3 du CCAG Travaux prévoit que les propositions du maître d'œuvre formulées à l'issue des opérations préalables à la réception s'imposent au titulaire et à la personne responsable du marché à défaut de décision de ce dernier notifiée dans le délai de quarante-cinq jours suivant la date du procès-verbal des opérations préalables. Toutefois ces dispositions, qui déterminent les conditions dans lesquelles la réception des ouvrages est prononcée, ne sont pas applicables aux décisions ultérieures de la personne responsable du marché relatives à la levée des réserves assortissant la décision de réception. Par suite, la société MC Bat ne peut utilement invoquer cet article pour soutenir que les réserves assortissant la décision de réception de l'ouvrage auraient été tacitement levées par la commune de Sainte-Flaive-des-Loups. Elle ne se prévaut d'aucune autre stipulation contractuelle ou disposition applicable au marché prévoyant que les propositions du maître d'œuvre relatives à la levée des réserves s'imposeraient au maître de l'ouvrage à défaut pour celui-ci de notifier sa décision au titulaire dans un délai déterminé. Dès lors, si à l'issue de constatations contradictoires ayant donné lieu à l'établissement d'un procès-verbal signé le 2 mai 2013 par le maître d'œuvre, d'ailleurs non contresigné par le représentant de la commune, puis le 15 juillet suivant par la société MC Bat, le maître d'œuvre a proposé au maître de l'ouvrage de lever en totalité les réserves dont la décision de réception du 3 juillet 2012 était assortie, le refus du maire de la commune de Sainte-Flaive-des-Loups de lever ces réserves, quand bien même il n'a été communiqué à la société MC Bat que le 22 novembre 2013, a fait obstacle à ce que le maître d'ouvrage, bien qu'il ait pris possession du bâtiment, puisse être regardé comme ayant tacitement levé les réserves formulées à la réception de l'ouvrage. Par suite, la société MC Bat n'est pas fondée à soutenir que la réception tacite de l'ouvrage, confirmée par sa prise de possession, faisait obstacle à l'inscription dans le décompte général de la créance litigieuse de la commune.

10. En deuxième lieu, d'une part, s'il résulte des termes du dernier alinéa de l'article 41.6 du CCAG précité que le maître d'ouvrage peut faire exécuter aux frais et risques du titulaire les travaux ayant fait l'objet de réserves lors de la réception qui n'ont pas été levées dans le délai imparti au titulaire pour ce faire, il n'en résulte pas qu'il devrait le faire avant l'établissement du décompte général.

11. D'autre part, l'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché public est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte général et définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. Toutes les conséquences financières de l'exécution du marché sont retracées dans ce décompte même lorsqu'elles ne correspondent pas aux prévisions initiales. Lorsque des réserves ont été émises lors de la réception et n'ont pas été levées, il appartient au maître d'ouvrage d'en faire état au sein de ce décompte. À défaut, le caractère définitif de ce dernier a pour effet de lui interdire toute réclamation des sommes correspondant à ces réserves. Les réserves ainsi mentionnées dans le décompte peuvent être chiffrées ou non.

12. Lorsque les réserves sont mentionnées dans le décompte sans être chiffrées, celui-ci ne devient définitif que sur les éléments n'ayant pas fait l'objet de réserves. Lorsque le maître d'ouvrage chiffre le montant de ces réserves dans le décompte et que ce montant n'a fait l'objet d'aucune réclamation de la part du titulaire, le décompte devient définitif dans sa totalité, les sommes correspondant à ces réserves pouvant être déduites du solde du marché au titre des sommes dues au titulaire au cas où celui-ci n'aurait pas exécuté les travaux permettant la levée des réserves.

13. Il suit de là que, contrairement à ce que soutient la société MC Bat, la commune de Sainte-Flaive-des-Loups n'était pas tenue de faire réaliser les travaux de réparation ou d'ailleurs de passer un marché de substitution pour les faire réaliser, pour se prévaloir de la créance correspondant à ces travaux ayant fait l'objet de réserves non levées et l'inscrire dans le décompte général.

14. En troisième lieu, il résulte de l'instruction, et en particulier des photographies des façades de sa bibliothèque versées à l'instance par la commune, que l'enduit traditionnel appliqué conformément au marché, affecté d'irrégularités et de défauts d'homogénéité de sa couleur, n'a pas été réalisé dans les règles de l'art, malgré une ré-intervention de la société MC Bat consistant à couvrir cet enduit d'une peinture de teinte identique, les conclusions de l'expertise, au demeurant non produite, diligentée par l'assureur de cette société, même en présence de représentants de la commune, étant insuffisamment probantes pour remettre en cause cette appréciation.

15. En quatrième et dernier lieu, il n'est pas sérieusement contesté que le montant des travaux de reprise des défauts constatés au point précédent s'élève, au vu du devis du 27 janvier 2014 d'une entreprise de ravalement de façades, produit par la commune, à la somme de 14 98,03 euros HT, soit 17 919,70 euros TTC. La commune de Sainte-Flaive-des-Loups est donc fondée à demander que le solde du décompte général et définitif du marché intègre une créance en sa faveur correspondant à cette somme.

16. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de Sainte-Flaive-des-Loups, qui ne conteste pas les montants de révision des prix, d'intérêts moratoires et de leur capitalisation pris en compte dans le jugement du 19 juin 2019, est seulement fondée à demander que la somme que le tribunal administratif l'a condamnée à verser à la société MC Bat soit ramenée à 8 542,48 euros (26 462,18 euros - 17 919,70 euros).

Sur les frais liés au litige :

17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative s'opposent à ce qu'il soit fait droit aux conclusions présentées à ce titre par la société MC Bat. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de celle-ci le versement d'une somme de 1 500 euros à la commune de Sainte-Flaive-des-Loups à ce titre.

DECIDE :

Article 1er : La somme de 26 462,18 euros que la commune de Sainte-Flaive-des-Loups a été condamnée à verser à la société MC Bat par l'article 1er du jugement du 19 juin 2019 est ramenée à 8 542,48 euros.

Article 2 : Le jugement du tribunal administratif de Nantes du 19 juin 2019 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 3 : La société MC Bat versera à la commune de Sainte-Flaive-des-Loups une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Les conclusions de la société MC Bat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à la société MC Bat et à la commune de Sainte-Flaive-des-Loups.

Délibéré après l'audience du 21 mars 2023, à laquelle siégeaient :

- M. Couvert-Castéra, président de la cour,

- M. Derlange, président assesseur,

- Mme Chollet, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 avril 2023.

Le rapporteur,

S. DERLANGE

Le président de la cour,

O. COUVERT-CASTÉRA

Le greffier,

C. WOLF

La République mande et ordonne au préfet de la Vendée en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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