COUR ADMINISTRATIVE D'APPEL DE LYON, 22/09/2022, n°20LY02670
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Peinta Concept a demandé au tribunal administratif de Grenoble, d'une part, d'annuler le marché public n°17/002-03 conclu par la commune nouvelle d'Annecy avec la société LGL Etanchéité pour la réalisation du lot n° 3 "résine de sol" des travaux de rénovation du parking Bonlieu et, d'autre part, de condamner la commune d'Annecy à lui verser la somme de 67 887,23 euros outre intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2017, en réparation du préjudice subi du fait de son éviction illégale.
Par un jugement nos 1703850,1706050 du 30 juin 2020, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés le 9 septembre 2020 et le 26 août 2022, non communiqué, la société Peinta Concept, représentée par Me Vacheron, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et le marché public n°17/002-03 ;
2°) de condamner la commune nouvelle d'Annecy à lui verser la somme de 67 887,23 euros outre intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2017 ;
3°) de mettre à la charge de la commune nouvelle d'Annecy la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le marché doit être annulé car la valeur technique de son offre a été appréciée au vu de critères erronés et qu'elle a été manifestement sous-évaluée, tandis que l'offre de l'attributaire a été surévaluée et qu'il existait un très faible écart de points entre elle et l'attributaire du marché ;
- la faute commise par le maître d'ouvrage dans la définition des caractéristiques techniques du marché le vicie ;
- ayant été classée deuxième, elle avait des chances sérieuses de remporter le marché de sorte qu'elle est fondée à être indemnisée du préjudice résultant de son éviction illégale et correspondant à sa perte de marge brute soit 67 887,23 euros.
Par des mémoires enregistrés le 26 août 2021 et le 1er août 2022, la société LGL étanchéité, représentée par Me Nicod, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de condamner la société Peinta Concept à lui verser une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société Peinta Concept ne sont pas fondés.
Par mémoire enregistré le 25 février 2022, la commune nouvelle d'Annecy, représentée par la SELARL CDMF-avocats, Affaires publiques, avocats, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de condamner la société Peinta Concept à lui verser une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que les moyens soulevés par la société Peinta Concept ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 ;
- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatifs aux marchés publics ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A,
- les conclusions de M. Savouré, rapporteur public,
- les observations de Me Cadet pour la société Peinta Concept, de Me Tissot pour la commune nouvelle d'Annecy et de Me Brunel-Pellegrin pour la société LGL étanchétié ;
Considérant ce qui suit :
1. En vue de la rénovation du parking Bonlieu, la commune nouvelle d'Annecy a attribué le 14 avril 2017 la réalisation du lot n°3 "résine de sol" à la société LGL Etanchéité. La société Peinta Concept, candidate évincée, a saisi le tribunal administratif de Grenoble d'une demande d'annulation de ce marché et de condamnation de la commune nouvelle d'Annecy à lui verser la somme de 67 887,23 euros outre intérêts au taux légal à compter du 10 juillet 2017 en réparation du préjudice subi du fait de son éviction illégale. La société Peinta Concept relève appel du jugement du 30 juin 2020 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur les conclusions tendant à l'annulation du contrat :
2. Le pouvoir adjudicateur définit librement la méthode de notation pour la mise en œuvre de chacun des critères de sélection des offres qu'il a définis et rendus publics. Il peut ainsi déterminer tant les éléments d'appréciation pris en compte pour l'élaboration de la note des critères que les modalités de détermination de cette note par combinaison de ces éléments d'appréciation. Une méthode de notation est toutefois entachée d'irrégularité si, en méconnaissance des principes fondamentaux d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, les éléments d'appréciation pris en compte pour noter les critères de sélection des offres sont dépourvus de tout lien avec les critères dont ils permettent l'évaluation ou si les modalités de détermination de la note des critères de sélection par combinaison de ces éléments sont, par elles-mêmes, de nature à priver de leur portée ces critères ou à neutraliser leur pondération et sont, de ce fait, susceptibles de conduire, pour la mise en œuvre de chaque critère, à ce que la meilleure note ne soit pas attribuée à la meilleure offre, ou, au regard de l'ensemble des critères pondérés, à ce que l'offre économiquement la plus avantageuse ne soit pas choisie. Il en va ainsi alors même que le pouvoir adjudicateur, qui n'y est pas tenu, aurait rendu publique, dans l'avis d'appel à concurrence ou les documents de la consultation, une telle méthode de notation.
3. Si, pour assurer le respect des principes de liberté d'accès à la commande publique, d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures, le pouvoir adjudicateur a l'obligation d'indiquer dans les documents de consultation les critères d'attribution du marché et leurs conditions de mise en œuvre, il n'est en revanche pas tenu d'informer les candidats de la méthode de notation des offres.
4. L'article 6 du règlement de la consultation du marché prévoyait que la " " valeur technique ", notée sur 40 points, sera jugée en fonction des informations contenues dans le mémoire justificatif du candidat par application du barème de notation fixé à l'article 4 ". Selon cet article : " () Le dossier remis par les candidats comprendra () : () / B5- Le mémoire justificatif, détaillant:/ - l'ensemble des fiches techniques des matériels et matériaux proposés pour la réalisation des travaux- noté sur 15 points ; / la présentation des méthodes et des moyens d'exécution mis en œuvre pour chacune des phases - noté sur 20 points / - le descriptif des mesures prises en matière de sécurité, d'installation de chantier et de gestion des nuisances sonores - noté sur 5 points () ".
En ce qui concerne la définition de ses besoins par le pouvoir adjudicateur :
5. Aux termes de l'article 30 de l'ordonnance n° 2015-899 du 23 juillet 2015 : " La nature et l'étendue des besoins à satisfaire sont déterminées avec précision avant le lancement de la consultation en prenant en compte des objectifs de développement durable dans leurs dimensions économique, sociale et environnementale ". Aux termes du I de l'article 6 du décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 : " Les spécifications techniques définissent les caractéristiques requises des travaux () qui font l'objet du marché public. () ".
6. Il résulte de l'instruction que le maître d'ouvrage avait défini avec précision ses besoins. Le fait que des désordres soient apparus en cours d'exécution des travaux, s'il traduit des défauts d'exécution, ne suffit pas à établir que le pouvoir adjudicateur aurait commis des fautes dans l'expression de ces besoins.
En ce qui concerne les modalités de notation :
7. Il résulte du tableau d'analyse des offres que, pour évaluer au sein du critère de la " valeur technique de l'offre ", le sous critère sur les fiches techniques des matériels et matériaux proposés pour la réalisation des travaux, qui avait pour but de s'assurer, au-delà de la production formelle de ces fiches, de l'adaptation des produits aux nécessités du marché, le pouvoir adjudicateur a pris en compte différents éléments d'appréciation, notamment, la transmission complète ou non des fiches techniques, la conformité des matériaux proposés au CCTP, le recours à des produits provenant de différents fournisseurs en cas d'application superposée de deux couches de matériaux afin d'éviter des problèmes de mise en œuvre de garanties.
8. Si aucune disposition du CCTP ou de la documentation technique unifiée n'impose de s'abstenir de recourir à deux fournisseurs différents lors de la pose sur un même support de deux peintures et que le pouvoir adjudicateur n'avait pas précisé qu'il en tiendrait compte pour apprécier la valeur des offres, il s'agissait uniquement d'un élément d'appréciation pris en compte pour noter, au sein du critère relatif à la " valeur technique de l'offre ", le sous critère sur les matériels et matériaux proposés pour la réalisation des travaux. Le pouvoir adjudicateur a ainsi pu se fonder sur cet élément d'appréciation, qui n'était pas sans lien avec le critère dont il permettait l'appréciation, sans avoir à en informer préalablement les candidats.
En ce qui concerne l'appréciation de la valeur des offres :
9. La société Peinta Concept, qui a proposé de réaliser le marquage des sols avec la peinture de sol polyuréthanne "struthane 100 RD" et un diluant mixte, ne démontre pas avoir, contrairement à ce qu'elle affirme, transmis de fiche technique sur le marquage des sols. Par suite, le pouvoir adjudicateur pouvait se fonder sur cet élément pour diminuer la note de son offre. En revanche, il ne résulte pas de l'instruction que la société LGL étanchéité n'aurait pas produit de fiche technique sur le marquage des sols, la fiche technique du produit "servasil E" produite par cette société indiquant une "application possible en marquages sur des revêtements époxydiques ".
10. La circonstance que les travaux réalisés par la société LGL étanchéité après l'attribution du marché présenteraient de nombreux désordres et ne seraient pas conformes au CCTP, n'est pas de nature à démontrer que l'offre de la société LGL étanchéité, telle que présentée dans sa candidature, n'était pas la meilleure du point de vue du critère technique.
11. Si la société Peinta Concept a alerté le pouvoir adjudicateur dans son mémoire technique sur certaines insuffisances alléguées du CCTP, toutefois, la collectivité n'était pas tenue de prendre en compte ces éléments pour apprécier la valeur de chaque critère qu'elle avait défini. En outre, hormis le sous-critère relatif aux fiches techniques des matériels et matériaux proposés pour la réalisation des travaux, pour lequel elle n'a obtenu que 10 points sur 15, la société Peinta Concept a obtenu la meilleure note sur les deux autres critères, notamment celui tenant à la présentation des méthodes et des moyens d'exécution mis en œuvre pour chacune des phases.
12. Dans ces conditions, en attribuant une note de 10 sur 15 à la société Peinta Concept qui n'avait pas présenté de fiche technique de marquage des sols et avait prévu de s'approvisionner auprès de deux fournisseurs et une note de 15 sur 15 à la société LGL étanchéité, qui avait transmis l'ensemble des fiches techniques et avait détaillé le grammage prestation par prestation, le pouvoir adjudicateur n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation de la valeur de chacune de ces offres au regard de ce sous-critère.
13. Par suite, c'est à juste titre que le tribunal a rejeté la demande de la société Peinta Concept tendant à la contestation de la validité du contrat.
Sur les conclusions indemnitaires :
14. Compte tenu de ce qui a été indiqué précédemment sur la régularité de la procédure d'attribution du marché litigieux, les conclusions de la société Peinta Concept tendant à l'indemnisation de son manque à gagner en raison des vices supposés entachant cette procédure ne peuvent qu'être rejetées.
15. Il résulte de ce qui précède que la société Peinta Concept n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté ses demandes. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions, y compris celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre une somme à la charge de la société Peinta Concept à verser à la commune nouvelle d'Annecy et à la société LGL étanchéité au titre de ces mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Peinta Concept et les conclusions de la commune nouvelle d'Annecy et de la société LGL étanchéité présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société Peinta Concept, à la commune nouvelle d'Annecy et à la société LGL étanchéité.
Délibéré après l'audience du 1er septembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Arbaretaz, président,
Mme Duguit-Larcher, première conseillère,
Mme Psilakis, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 septembre 2022.
La rapporteure,
A. ALe président,
Ph. Arbaretaz
Le greffier,
J. Billot
La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Le greffier,