TA de Montpellier, 05 janvier 2024, n° 2307371
Vu la procédure suivante :
Par une requête et trois mémoires, enregistrés les 16 et 22 décembre 2023 puis les 1er et 4 janvier 2024, la société GIP Assistance, représentée par Me Sahel, demande au juge des référés statuant en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative :
1°) d'ordonner la communication, sous sept jours, conformément aux articles
R. 2181-2 et R.2181-4 du code de la commande publique, le nom de l'attributaire du marché, les caractéristiques et avantages de l'offre retenue, les motifs du rejet de l'offre, les notes détaillées pour chaque candidat, les éléments d'appréciation écrits pour chaque critère et sous-critère pour chaque candidat ;
2°) d'annuler la procédure de passation du marché AO 02 202 lancée par le Syndicat mixte Pôle aéroportuaire de Béziers Cap d'Agde Hérault Occitanie, ainsi que la décision du
5 décembre 2023 rejetant son offre ;
3°) d'enjoindre au Syndicat mixte Pôle aéroportuaire Béziers Cap d'Agde Hérault Occitanie de relancer une nouvelle consultation ;
4°) d'annuler la décision en date du 26 septembre 2023 déclarant la procédure relative au marché AO 01 2023 infructueuse ;
5°) de mettre à la charge du Syndicat mixte Pôle aéroportuaire Béziers Cap d'Agde Hérault Occitanie la somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient :
- s'agissant de l'appel d'offres AO 02 2023 que :
. le Syndicat mixte Pôle aéroportuaire Béziers Cap d'Agde Hérault Occitanie a méconnu son obligation d'information du candidat dont l'offre n'a pas été retenue, faute de lui avoir communiqué des éléments de comparaison entre les deux offres de nature à lui permettre d'exercer de façon éclairée son recours ;
. le Syndicat a utilisé des critères de sélection trop généraux qui lui ont conféré un pouvoir discrétionnaire dans la notation des offres, ce qui ressort, d'une part, de l'appréciation portée sur le sous-critère " procédés d'exécution et moyens " pour lequel le Syndicat mixte indique que l'offre de la société Falck était " plus claire et satisfaisante ", appréciation qui ne fait pas mention des caractéristiques et avantages, d'autre part, du sous-critère " volet sécurité règlementaire " qui prévoit notamment " l'adhésion à la politique sécurité de l'aéroport ", sujet de conformité de l'offre, sans influence sur sa qualité intrinsèque, et a, en outre, conduit à l'attribution du même nombre de points aux deux soumissionnaires sur cet élément d'appréciation, qui pèse 1/3 du sous-critère " Volet Sécurité réglementaire ", soit 6,67 points / 20 et, après proratisation, 4 points sur 100 de la note globale ; et il en va de même du sous-critère " volet formation ", élément de politique générale de l'entreprise qui, ne se rapportant pas directement aux conditions d'exécution du marché, ne peut pas être apprécié au travers d'un critère de sélection, plus précisément, l'élément d'appréciation " politique de formation ", qui compte pour la moitié du volet " formations ", soit 10 points (après proratisation, 6 points sur 100 de la note globale), a été conçu pour noter une politique générale de l'entreprise en matière de formation de ses personnels déconnectée de l'objet du marché comme le montrent les appréciations au rapport d'analyse des offres ; et, enfin, en ce qui concerne le sous-critère " volet social ", le Syndicat mixte n'apporte pas d'élément permettant de comprendre ses attentes, en outre, les " modalités de reprise du personnel " n'ont rien à voir avec l'objet du marché ou ses conditions d'exécution, et constituent un élément d'appréciation discriminatoire en défaveur du titulaire sortant, le sujet de la reprise du personnel se posant en des termes différents pour le titulaire sortant et le titulaire entrant, puisque l'un doit se séparer du personnel transféré, et l'autre doit l'accueillir, et ceci sur un élément d'appréciation pesant 5 points (la moitié de 10) soit, après proratisation, 3 points sur 100 de la note globale ;
. il ressort des commentaires écrits du Syndicat mixte que pas moins de quatre éléments d'appréciation n'ont pas été analysés ; ainsi, s'agissant de l'élément " stratégie d'organisation de site (effectifs, planification, organigramme) ", en ne réalisant pas l'analyse sur deux des trois éléments d'appréciation prévus par le DCE, le Syndicat mixte viole l'application de ses propres critères, de sorte que seul un maximum de 3,3 points pouvait être attribué sur cet élément d'appréciation qui était noté sur 10 sur le fondement initial de trois éléments ; ensuite, sur l'absence d'analyse de l'élément d'appréciation " profil du responsable de site ", la mention
" RAS " ne constitue pas un élément d'appréciation permettant d'analyser une offre par rapport à une autre et cette absence d'appréciation fait perdre 10 points de notation au sous-critère
" procédés d'exécution et moyens " ; également, l'absence d'analyse de l'élément d'appréciation " compréhension des missions opérationnelles " pour lequel le Syndicat mixte se limite à indiquer " bonne compréhension des exigences ", de sorte que les 6,6 points de cet élément d'appréciation ne sont pas analysés ; enfin l'absence d'analyse de l'élément " moyens mis en œuvre pour assurer la continuité du service " du sous-critère " continuité du service ", pour lequel l'appréciation écrite se limite à " pas d'observation particulière à émettre ", donc aucune analyse ni aucune comparaison des offres n'est réalisée sur ce critère valant pas moins de 20 points sur la notation totale des offres pourtant identifié comme très important par le Syndicat ; ainsi les éléments non-analysés correspondaient à 43,3 points sur les 60 (20 points pour le sous-critère " continuité du service ", 6,6 points sur l'élément d'appréciation
" compréhension des missions opérationnelles ", 10 points sur l'élément d'appréciation " profil du responsable de site " et 6,7 points sur l'élément d'appréciation " stratégie d'organisation de site (effectif, planification, organigramme) ;
. son offre a été dénaturée sur l'élément d'appréciation relatif au " suivi de la maintenance des équipements et matériels ", il ressort en effet de l'analyse que son offre se limiterait à une maintenance de niveau 1 alors que celle de la société attributaire proposerait également un pôle logistique et un mécanicien en support, or son offre propose exactement les mêmes prestations que celles de l'attributaire et va même au-delà, un mécanicien en support est membre des effectifs de GIP, ce que ne peut ignorer le Syndicat mixte dans le cadre de l'exécution actuelle du marché puisqu'il est régulièrement en contact avec ce dernier et un pôle logistique est également prévu par elle avec l'existence d'un responsable d'exploitation en interne qui gère la partie logistique avec l'apport du matériel à fournir ou renouveler, pourtant la comparaison des deux commentaires de l'analyse des offres permet de constater que le Syndicat mixte considère qu'il n'y a pas de pôle logistique pour GIP Assistance ;
. le Syndicat ne peut valablement se prévaloir, au nom de l'intérêt général, des conséquences négatives de l'annulation de la procédure compte tenu de l'expiration le 30 janvier 2024 du marché en cours, dès lors que les missions couvertes par l'appel d'offres en litige sont actuellement exécutées au moyen d'un marché pouvant faire l'objet d'une prolongation par avenant, comme cela a été le cas suite à la déclaration d'infructuosité ;
- s'agissant de l'appel d'offres AO 01 2023 irrégulièrement déclaré infructueux que :
. si le Syndicat mixte s'est fondé sur la circonstance que le prix modifié de son offre ne correspondait pas aux prestations prévues par les documents de la consultation, elle n'a modifié son bordereau de prix, à la suite de d'échanges avec le Syndicat, qu'afin de prendre en compte l'ensemble des demandes de ce dernier concernant les coûts, notamment en matière de consommation énergétique, de sorte que cette modification n'ayant pas un caractère substantiel, il ne peut être lui être valablement opposé que ce prix ne correspondait pas aux prestations prévues par le DCE et donc que son offre était irrégulière.
Par trois mémoires enregistrés les 28 décembre 2023 puis les 2 et 4 janvier 2024, le Syndicat mixte Pôle aéroportuaire de Béziers Cap d'Agde Hérault Occitanie, représenté par
Me Moreau et Me Hamidi, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la requérante la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir :
- s'agissant de l'appel d'offres AO 02 2023 que :
. il a transmis, par courrier en date du 2 janvier 2024 à la société requérante, un tableau comportant les éléments essentiels de comparaison entre les offres avec les commentaires qui ont assorti les notes attribuées à chaque candidat ;
. les cinq sous-critères de la valeur technique sont pertinents au regard de l'objet du marché, il en va ainsi de la prise en compte des " procédés d'exécution et moyens ", sous-critère objectif ayant permis de mettre en lumière un problème de dimensionnement d'effectif dans l'offre de la société GIP Assistance pouvant engendrer des difficultés opérationnelles et sociales ; le sous-critère " volet sécurité règlementaire " est quant à lui important dès lors que l'aspect règlementaire est fondamental au regard du certificat de sécurité aéroportuaire (CSA) dont est titulaire le Syndicat mixte depuis 2017, ce qui l'oblige à veiller à la conformité règlementaire de ses tiers sous-traitants ; en ce qui concerne le sous-critère " formation ", la règlementation impose au Syndicat mixte de veiller à la bonne formation et aux capacités des agents à exercer les missions régaliennes objets du marché et, dans ce cadre règlementaire objectif, le plan de formation correspond à un point régulièrement audité par l'autorité de tutelle, la Direction Générale de l'Aviation civile (DGAC) ; enfin, s'agissant du sous-critère " volet social ", la jurisprudence considère qu'il est loisible d'imposer dans les pièces contractuelles des clauses à caractère social pour l'exécution du marché et, en l'espèce, il y a un besoin d'une organisation stable et, tout particulièrement, s'agissant du management des équipes d'encadrement et opérationnelles, pour des missions régaliennes confiées à un tiers sous-traitant ;
. la dénaturation alléguée en ressort pas de l'offre déposée par la société GIP Assistance ;
. la requérante ne justifie pas avoir été lésée par les manquements, au demeurant non établis, dont elle se prévaut dans ses dernières écritures ;
- s'agissant de l'appel d'offres AO 01 2023 déclaré infructueux que :
. la société GIP Assistance a, le 13 septembre 2023, donc après la date limite de remise des offres, adressé un mémoire technique complémentaire et un BPU modifié, comprenant des coûts plus élevés et ainsi apporté des modifications à son offre initiale à la suite d'une lecture plus approfondie du CCTP et en particulier de son article 13 modifiant notamment le périmètre de l'ancien marché, sur lequel elle a porté son attention à la suite des questions posées par le Syndicat mixte ; il s'agit donc d'une erreur de sa part qui résulte de sa propre négligence dès lors qu'à aucun moment il ne lui été demandé d'apporter des modifications à son offre financière, mais seulement des éclaircissements sur certains points car son mémoire technique était imprécis ; et, le 26 septembre 2023, la commission d'appel d'offres a été contrainte de déclarer son offre irrégulière au motif que la société GIP Assistance avait déposé une nouvelle offre ; si tel n'avait pas été le cas, il ne fait aucun doute que le préfet, dans le cadre de son contrôle de légalité, aurait relevé cette irrégularité, rendant illégale la notification du marché et exposant le Syndicat mixte à un déféré.
Par deux mémoires enregistrés le 28 décembre 2023 et le 3 janvier 2024, le Syndicat mixte Pôle aéroportuaire de Béziers Cap d'Agde Hérault Occitanie a communiqué au Tribunal des pièces sous le bénéfice des dispositions de l'article R. 412-2-1 du code justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique,
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné M. Eric Souteyrand, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 4 janvier 2024 :
- le rapport de M. Souteyrand ;
- les observations de Me Sahel, représentant la société GIP Assistance qui soutient que l'ensemble des manquements constatés l'ont lésée eu égard à l'écart réduit entre les notes globales des deux soumissionnaires et de Me Hamidi pour le Syndicat mixte Pôle aéroportuaire de Béziers Cap d'Agde Hérault Occitanie qui ajoute que le tableau communiqué à la requérante n'est pas le rapport d'analyse des offres.
L'instruction a été close à l'issue de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. Le Syndicat mixte Pôle aéroportuaire de Béziers Cap d'Agde Hérault Occitanie a lancé, le 13 juillet 2023, une procédure d'appel d'offres négociée AO 01 2023 avec mise en concurrence préalable, pour l'attribution d'un marché public en vue de la sous-traitance des missions de service de sauvetage et de lutte contre l'incendie des aéronefs et le service de prévention du péril animalier de l'aéroport de Béziers Cap d'Agde, pour laquelle la société GIP Assistance, titulaire sortante, a seule candidaté. Mais, par un courrier du 26 septembre 2023, le Syndicat mixte l'a informée que la procédure était déclarée infructueuse du fait de l'irrégularité de son offre qui méconnaît l'article 5 du CCAP à la suite du dépôt, durant la période d'intangibilité, d'une nouvelle offre annexée au mémoire technique complémentaire fourni à la suite de simples demandes d'informations du Syndicat mixte. Le Syndicat mixte a, ensuite publié, le 18 octobre 2023, un nouvel avis de marché AO 02 2023 auquel la société GIP Assistance a également candidaté, mais, par une décision du 5 décembre 2023, le Syndicat mixte a informé la société GIP Assistance du rejet de son offre, classée seconde. La société GIP Assistance demande au Tribunal, d'une part, d'annuler la décision en date du 26 septembre 2023 déclarant la procédure relative au marché AO 01 2023 infructueuse, d'autre part, d'annuler la procédure de passation du marché AO 02 2023 ainsi que la décision du 5 décembre 2023 rejetant son offre et d'enjoindre au Syndicat mixte Pôle aéroportuaire Béziers Cap d'Agde Hérault Occitanie de relancer une nouvelle consultation.
2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation () / Le juge est saisi avant la conclusion du contrat ". Aux termes de l'article L. 551-2 de ce code : " I. Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations () ". Et, aux termes de l'article L. 551-10 du même code : " Les personnes habilitées à engager les recours prévus aux articles L. 551-1 et L. 551-5 sont celles qui ont un intérêt à conclure le contrat et qui sont susceptibles d'être lésées par le manquement invoqué () ".
S'agissant de l'appel d'offres AO 01 2023 lancé le 13 juillet 2023 :
3. En application de ces dispositions, il n'appartient pas au juge, saisi en application de l'article L. 551-1 du code de justice administrative de connaître de conclusions aux fins d'annulation dirigées contre une décision par laquelle un pouvoir adjudicateur déclare infructueuse une procédure d'appel d'offres. Par suite, les conclusions de la société GIP Assistance tendant à l'annulation de la décision du 26 septembre 2023, par laquelle le Syndicat mixte a déclaré infructueuse, du fait de l'irrégularité de son offre, la procédure d'appel d'offres négociée AO 01 2023, lancée le 13 juillet 2023, doivent être rejetées en tant qu'elles sont irrecevables.
S'agissant de l'appel d'offres AO 02 2023 lancé le 18 octobre 2023 :
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
4. Aux termes de l'article L. 2181-1 du Code de la commande publique : " Dès qu'il a fait son choix, l'acheteur le communique aux candidats et aux soumissionnaires dont la candidature ou l'offre n'a pas été retenue, dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. ". L'article R. 2181-1 du même code prévoit que : " L'acheteur notifie sans délai à chaque candidat ou soumissionnaire concerné sa décision de rejeter sa candidature ou son offre. ". Et, l'article R. 2181-3 dudit code précise : " La notification prévue à l'article R. 2181-1 mentionne les motifs du rejet de la candidature ou de l'offre. Lorsque la notification de rejet intervient après l'attribution du marché, l'acheteur communique en outre : 1° Le nom de l'attributaire ainsi que les motifs qui ont conduit au choix de son offre ; 2° La date à compter de laquelle il est susceptible de signer le marché dans le respect des dispositions de l'article R. 2182-1. ". Enfin, aux termes de l'article R. 2181-4 de ce code : " A la demande de tout soumissionnaire ayant fait une offre qui n'a pas été rejetée au motif qu'elle était irrégulière, inacceptable ou inappropriée, l'acheteur communique dans les meilleurs délais et au plus tard quinze jours à compter de la réception de cette demande : 1° Lorsque les négociations ou le dialogue ne sont pas encore achevés, les informations relatives au déroulement et à l'avancement des négociations ou du dialogue ; 2° Lorsque le marché a été attribué, les caractéristiques et les avantages de l'offre retenue. ".
5. En l'espèce, il résulte de l'instruction qu'à la suite de sa demande, le Syndicat mixte Pôle aéroportuaire Béziers Cap d'Agde Hérault Occitanie a transmis à la société requérante, par courrier en date du 2 janvier 2024, un tableau comportant les éléments de comparaison entre les deux offres avec des commentaires et les notes attribuées aux deux soumissionnaires pour chacun des critères et sous-critères. Par suite, il n'y pas lieu d'enjoindre au Syndicat mixte de communiquer à la société requérante les informations concernant le rejet de ses offres ainsi que les caractéristiques et avantages de celles de l'attributaire pour l'ensemble des critères et des sous-critères.
Sur les conclusions tendant à l'annulation de la procédure d'appel d'offres :
6. En premier lieu, l'article L. 2152-7 du code de la commande publique dispose : " Le marché est attribué au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse sur la base d'un ou plusieurs critères objectifs, précis et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution (). Les offres sont appréciées lot par lot. Le lien avec l'objet du marché ou ses conditions d'exécution s'apprécie conformément aux articles L. 2112-2 à L. 2112-4. ". L'article L. 2152-8 dudit code prévoit que : " Les critères d'attribution n'ont pas pour effet de conférer une liberté de choix illimitée à l'acheteur et garantissent la possibilité d'une véritable concurrence. Ils sont rendus publics dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. ". Et, l'article R. 2152-7 du même code dispose : " Pour attribuer le marché au soumissionnaire ou, le cas échéant, aux soumissionnaires qui ont présenté l'offre économiquement la plus avantageuse, l'acheteur se fonde : () 2° Soit sur une pluralité de critères non-discriminatoires et liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution, parmi lesquels figure le critère du prix ou du coût et un ou plusieurs autres critères comprenant des aspects qualitatifs, environnementaux ou sociaux. Il peut s'agir des critères suivants : a) La qualité, y compris la valeur technique et les caractéristiques esthétiques ou fonctionnelles, l'accessibilité, l'apprentissage, la diversité, les conditions de production et de commercialisation, la garantie de la rémunération équitable des producteurs, le caractère innovant, les performances en matière de protection de l'environnement, de développement des approvisionnements directs de produits de l'agriculture, d'insertion professionnelle des publics en difficulté, la biodiversité, le bien-être animal ; b) Les délais d'exécution, les conditions de livraison, le service après-vente et l'assistance technique, la sécurité des approvisionnements, l'interopérabilité et les caractéristiques opérationnelles ; c) L'organisation, les qualifications et l'expérience du personnel assigné à l'exécution du marché lorsque la qualité du personnel assigné peut avoir une influence significative sur le niveau d'exécution du marché. D'autres critères peuvent être pris en compte s'ils sont justifiés par l'objet du marché ou ses conditions d'exécution. () ".
7. Dans le cas où le pouvoir adjudicateur souhaite retenir d'autres critères que celui du prix, l'information appropriée des candidats doit alors également porter sur les conditions de mise en œuvre de ces critères. Il appartient au pouvoir adjudicateur d'indiquer les critères d'attribution du marché et les conditions de leur mise en œuvre selon les modalités appropriées à l'objet, aux caractéristiques et au montant du marché concerné. En outre, si l'acheteur peut, pour sélectionner l'offre économiquement la plus avantageuse, mettre en oeuvre des critères comprenant des aspects sociaux, c'est à la condition, notamment, qu'ils soient liés à l'objet du marché ou à ses conditions d'exécution, et non à la politique générale de l'entreprise en matière sociale, appréciée au regard de l'ensemble de son activité et indistinctement applicable à l'ensemble des marchés de l'acheteur, indépendamment de l'objet ou des conditions d'exécution propres au marché en cause.
8. En l'espèce, l'article 9 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), valant règlement de consultation de l'appel d'offres en cause, prévoit deux critères d'appréciation des offres, le prix, noté sur 40 et la valeur technique notée sur 60, ce dernier étant lui-même divisé en cinq sous-critères : " procédés d'exécution et moyens " (d'une valeur de 30/100), " volet sécurité règlementaire ", " volet formation ", " volet continuité du service " (respectivement d'une valeur de 20/100), et " volet social " (d'une valeur de 10/100).
9. Tout d'abord, il résulte de l'instruction que ces cinq sous-critères, qui correspondent aux prescriptions détaillées aux articles 3 et suivants du cahier des clauses techniques particulières (CCTP), sont, d'une part, en lien direct avec l'exécution des missions dévolues à l'attributaire du marché et, d'autre part, suffisamment précis, notamment eu égard aux éléments également portés à la connaissance des soumissionnaires au règlement du marché en vue de l'appréciation de chacun des cinq sous-critères. Si ces éléments, ou " items " d'appréciation, ont vocation à guider le pouvoir adjudicateur dans la notation des offres, ils n'ont pas un caractère limitatif. Par suite, ne constituent pas un manquement de nature à vicier la procédure, alors qu'au surplus les appréciations correspondant à ces items ont été identiques pour les deux offres, les seules circonstances que, d'une part, dans le sous-critère " volet sécurité règlementaire ", soit mentionnée, parmi les trois items d'appréciation, " l'adhésion à la politique sécurité de l'aéroport ", laquelle s'impose au stade de la candidature mais est sans influence sur la qualité intrinsèque des offres, d'autre part, dans le sous-critère " volet formation ", soit indiqués à la fois le plan de formation et la politique de formation qui est un élément de politique générale de l'entreprise ne se rapportant pas directement aux conditions d'exécution du présent marché, et enfin, en ce qui concerne le sous-critère " volet social ", que le Syndicat mixte n'apporte pas d'élément de nature à permettre de distinguer, au regard de l'item " modalités de reprise du personnel " la situation de l'entreprise titulaire du marché sortante de celle des autres soumissionnaires.
10. Ensuite, la société requérante se prévaut de ce que, dans le tableau explicatif des notes des deux soumissionnaires qui lui a été communiqué le 2 janvier dernier, ne figure pas un commentaire correspondant nécessairement à tous les items, ou à toutes les composantes de ceux-ci, tels que mentionnés au règlement de la consultation sous chaque sous-critère, s'agissant, d'une part, de la " stratégie d'organisation de site (effectifs, planification, organigramme) ", pour lequel seuls les effectifs respectifs des deux offres sont commentés, d'autre part, du " profil du responsable de site " où figure la mention " RAS " pour les deux offres, également de la " compréhension des missions opérationnelles " pour lequel le Syndicat mixte se limite à indiquer " bonne compréhension des exigences " et, enfin, des " moyens mis en œuvre pour assurer la continuité du service " pour lequel l'appréciation se limite à " pas d'observation particulière à émettre ". Toutefois, d'une part, ce tableau de commentaires n'étant pas le rapport d'analyse des offres dont la communication n'est, quant à elle, pas obligatoire, l'on ne peut déduire des constats susmentionnés que l'entité adjudicatrice n'a pas tenu compte de sa grille d'appréciation indicative, laquelle, en tout état de cause, est dépourvue de caractère exhaustif pour comparer les offres, d'autre part, les mentions portées de manière identique sur les deux offres, " RAS ", " bonne compréhension des exigences " et " pas d'observation particulière à émettre ", ne signifient pas, contrairement à ce qui est soutenu, que les éléments correspondants à ces commentaires n'ont pas été pris en compte pour établir les notes respectives et classer les offres des deux soumissionnaires mais seulement que celles-ci sont d'une valeur équivalente au regard de ces éléments d'appréciation. Par suite, l'entité adjudicatrice n'a pas dénaturé, ni privé de portée, les sous-critères qu'elle avait retenus dans le règlement du marché.
11. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de la violation des articles L. 2152-7 et suivant précités du code de la commande publique doit être écarté.
12. En second lieu, il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par le pouvoir adjudicateur, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en méconnaissant ou en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats.
13. Si la société requérante soutient que son offre a été manifestement dénaturée s'agissant de l'élément d'appréciation " suivi de la maintenance des équipements et matériels " du sous-critère " procédés d'exécution et moyens ", au motif qu'il résulte du commentaire correspondant porté sur le tableau comparatif que son offre se limiterait à une maintenance de niveau 1 alors qu'elle propose exactement les mêmes prestations que celles de l'attributaire et va même au-delà, il est admis à la barre que cela ne ressort pas matériellement de l'offre qu'elle a déposée et, en tout état de cause, aucune dénaturation manifeste de son offre ne pourrait en être déduite dès lors que s'agissant de l'autre élément d'appréciation de ce sous-critère portant sur la " stratégie d'organisation du site " son offre est qualitativement inférieure à celle de la société attributaire.
14. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions de la requête de la société GIP Assistance aux fins d'annulation de la procédure de passation du marché AO 02 202 lancée par le Syndicat mixte Pôle aéroportuaire de Béziers Cap d'Agde Hérault Occitanie, ainsi que de la décision du 5 décembre 2023 rejetant son offre, doivent être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge Syndicat mixte Pôle aéroportuaire de Béziers Cap d'Agde Hérault Occitanie, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société GIP Assistance au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Et, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de la société GIP Assistance une somme à verser au Syndicat mixte Pôle aéroportuaire de Béziers Cap d'Agde Hérault Occitanie au titre des mêmes dispositions.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société GIP Assistance est rejetée.
Article 2 : Les conclusions du Syndicat mixte Pôle aéroportuaire de Béziers Cap d'Agde Hérault Occitanie en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente décision sera notifiée à la société GIP Assistance, au Syndicat mixte Pôle aéroportuaire de Béziers Cap d'Agde Hérault Occitanie et à la société Falck.
Fait à Montpellier, le 5 janvier 2024,
Le juge des référés,
E. Souteyrand
La greffière
M. ALa République mande et ordonne au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Montpellier, le 8 janvier 2024.
La greffière,
M. A