TA Lille, 06/03/2023, n°2301154
Vu la procédure suivante :
Par une requête, enregistrée le 7 février 2023, la commune de Brebières, représentée par Me Dutat, demande au juge des référés :
1°) de suspendre, en application de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la clause de révision des prix figurant dans le marché public conclu avec la société Dalkia pour la période du 1er mars 2013 au 30 juin 2023 et ayant pour objet le chauffage des bâtiments communaux ;
2°) de mettre à la charge de la société Dalkia le versement de la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient :
Sur l'urgence, que :
- les factures émises par la société Dalkia excèdent de plus de 50 % les montants initialement prélevés, bouleversant l'équilibre financier de la commune, qui n'est pas en mesure de faire face à cette augmentation ;
Sur le doute sérieux, que :
- l'Assemblée générale du Conseil d'État, dans son avis n° 405540 rendu le 15 septembre 2022, a rappelé qu'il est possible de déroger au principe selon lequel les clauses financières ne peuvent être modifiées, cette possibilité ayant également été mentionnée dans la circulaire n° 6374/SG édictée par la Première ministre le 30 mars 2022.
Le président du tribunal a désigné M. Robbe, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.
Vu :
- la copie de la requête à fin d'annulation de la décision attaquée ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la commande publique ;
- le code de justice administrative.
Considérant ce qui suit :
1. La commune de Brebières a conclu avec la société Dalkia un marché relatif au chauffage des bâtiments communaux, pour la période allant du 1er mars 2013 au 30 juin 2023. En application de la clause de révision des prix figurant dans ce contrat, la société Dalkia, qui avait précédemment émis des factures d'un montant de 15 085,13 euros les 3 janvier, 1er février, 1er mars, et 1er avril 2022, a ensuite émis des factures d'un montant de 54 664,84 euros et de 43 841,18 euros, respectivement le 1er juillet et le 1er septembre 2022. Par une lettre du 14 décembre 2022, la commune de Brebières, se fondant en particulier sur l'avis n° 405540 relatif aux possibilités de modification du prix ou des tarifs des contrats de la commande publique et aux conditions d'application de la théorie de l'imprévision, rendu le 15 septembre 2022 par l'Assemblée générale du Conseil d'État, a demandé à la société Dalkia qu'une discussion soit engagée en vue de modifier cette clause. La société Dalkia a rejeté cette demande. La commune de Brebières demande au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, de suspendre la clause de révision des prix précitée.
2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : "Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision ()". En vertu de l'article L. 522-3 du même code, le juge des référés peut, par une ordonnance motivée, rejeter une requête sans instruction ni audience lorsque la condition d'urgence n'est pas remplie ou lorsqu'il apparaît manifeste, au vu de la demande, que celle-ci ne relève pas de la compétence de la juridiction administrative, qu'elle est irrecevable ou qu'elle est mal fondée.
3. En admettant que les parties à un contrat administratif ayant saisi le juge d'un recours de plein contentieux contestant la validité de ce contrat, tel que défini par la décision du Conseil d'État, statuant au contentieux, du 28 décembre 2009, puissent assortir ce recours d'une demande tendant, sur le fondement de l'article L. 521-1 précité, à la suspension de l'exécution de ce contrat, la demande de la commune de Brebières, contestant uniquement la validité de la clause financière de révision des prix, qui n'est pas divisible du reste du contrat, est irrecevable.
4. Et à supposer, par ailleurs, que la demande de la commune doive être regardée, au regard en particulier des moyens invoqués, relatifs au cadre dans lequel la modification d'une clause financière d'un contrat de la commande publique peut intervenir, comme tendant, en réalité, à la suspension de la décision par laquelle la société Dalkia a implicitement rejeté sa demande tendant à la modification de la clause de révision des prix, le juge du contrat ne peut, en principe, lorsqu'il est saisi par une partie d'un litige relatif à une mesure d'exécution d'un contrat, que rechercher si cette mesure est intervenue dans des conditions de nature à ouvrir droit à indemnité. Or, le refus opposé par la société Dalkia à cette demande constituant une mesure d'exécution du contrat, les conclusions tendant à la suspension de l'exécution de ce refus seraient, pour ce motif, irrecevables.
5. En tout état de cause, les factures émises par la société Dalkia à l'encontre de la commune de Brebières n'étant pas exécutoires, et cette société n'étant donc pas susceptible d'obtenir le recouvrement forcé des sommes y figurant sans avoir obtenu au préalable une décision du juge administratif reconnaissant le bien-fondé de la créance ainsi revendiquée, l'atteinte alléguée par la commune à sa situation financière ne peut être regardée comme suffisamment immédiate, et, par suite, la condition d'urgence comme remplie.
6. Il résulte de tout ce qui précède qu'il y a lieu de rejeter la requête de la commune de Brebières, y compris ses conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, selon la procédure prévue à l'article L. 522-3 du code de justice administrative.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête de la commune de Brebières est rejetée.
Article 2 : La présente ordonnance sera notifiée à la commune de Brebières.
Fait à Lille, le 6 mars 2023.
Le juge des référés,
signé
J. ROBBE
La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
Pour expédition conforme,
Le greffier,
N°2301154