TA Lille, 07/11/2022, n°1909059

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 21 octobre 2019 et le 17 décembre 2020, Mme B A, représentée par Me Crevaux, demande au tribunal :

1°) de condamner la Métropole européenne de Lille à lui verser la somme totale de 62 559 euros en réparation des préjudices qu'elle invoque au titre :

- d'une part, de la gestion fautive de sa carrière ;

- d'autre part, des fautes commises dans l'instruction de sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie ;

- et enfin, des faits de harcèlement moral qu'elle estime avoir subis ;

2°) de mettre à la charge de la Métropole européenne de Lille la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

Sur la gestion de sa carrière par la Métropole européenne de Lille :

- son affectation temporaire sur un poste rattaché au pôle Ressources humaines ne comportant aucune mission effective, du 1er janvier 2017 au 30 juin 2017, constitue une illégalité fautive ;

- son affectation sur le poste de chargée d'analyse des faits d'ambiance et de fraudes sur le réseau de transport à compter du 1er juillet 2017, par décision du 17 avril 2018 ayant retiré celle du 7 juillet 2017, constitue une illégalité fautive, d'une part, en ce qu'elle ne correspondait pas à son grade et, d'autre part, en ce qu'elle n'a pas donné lieu à saisine préalable de la commission administrative paritaire ; cette affectation a d'ailleurs été annulée par jugement du tribunal administratif de Lille du 10 novembre 2020 ;

- ces fautes sont à l'origine d'un préjudice matériel résultant de la perte d'une partie de son régime indemnitaire, qu'elle évalue à 9 559 euros, un préjudice moral qu'elle évalue à 8 000 euros et des troubles dans ses conditions d'existence dont la réparation s'élève à la somme de 3 000 euros.

Sur l'instruction de sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie :

- le délai excessif mis pour instruire sa demande est imputable aux manquements de la collectivité ;

- les agissements fautifs de la Métropole européenne de Lille lui ont causé un préjudice matériel et des troubles dans ses conditions d'existence, qu'elle évalue à 22 000 euros ainsi qu'un préjudice moral qu'elle évalue à 5 000 euros.

Sur les faits de harcèlement moral :

- elle a été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de la part de la Métropole européenne de Lille ;

- les agissements fautifs de la Métropole européenne de Lille lui ont causé un préjudice moral qu'elle évalue à 15 000 euros.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 17 juillet 2020 et le 16 février 2021, la Métropole européenne de Lille, représentée par Me Walgenwitz, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de Mme A le versement d'une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que sa responsabilité ne peut être engagée dès lors qu'elle n'a commis aucune des fautes reprochées.

Mme A a présenté le 22 février 2021 un mémoire qui n'a pas été communiqué, sans préjudicier aux droits des parties.

Par une ordonnance du 21 décembre 2020, la clôture de l'instruction a été fixée au 22 février 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le décret n° 87-602 du 30 juillet 1987 ;

- le décret n° 87-1099 du 30 décembre 1987 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Borget, rapporteur,

- les conclusions de Mme Allart, rapporteure publique,

- les observations de Mme A,

- et les observations de Me Brunière, substituant Me Walgenwitz, représentant la Métropole européenne de Lille.

Une note en délibéré présentée par Mme A a été enregistrée le 7 octobre 2022.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B A, titulaire du grade de directrice territoriale au sein de la Métropole urbaine de Lille (MEL), a été affectée, de 2003 à 2015, au secrétariat général et plus précisément au service " affaires juridiques, marchés publics et documentation " au sein duquel elle exerçait la fonction de responsable de l'unité fonctionnelle " marchés publics ". En 2015, une restructuration des services de la métropole a conduit à la création d'une direction de la commande publique comprenant notamment une unité fonctionnelle " procédure et expertise ", dont la responsabilité a été confiée à Mme A. L'intéressée a alors développé un état dépressif qui a conduit, d'une part, à un arrêt de travail à compter du mois de novembre 2016 et, d'autre part, à son rattachement temporaire à compter du 1er janvier 2017 et pour une durée de six mois au pôle " Ressources humaines " en vue de la réalisation d'un bilan professionnel lui permettant de se positionner sur un autre poste de la collectivité. Par une décision du 7 juillet 2017, Mme A a été affectée sur un poste existant de chargée d'analyse des faits d'ambiance et de fraude sur le réseau de transports de la MEL, emploi relevant de la catégorie B. Une nouvelle fiche de poste a alors été élaborée afin d'étoffer le poste et le faire correspondre à des missions relevant du cadre d'emploi des attachés territoriaux. Mme A, placée en congé de maladie à compter du 28 août 2017, n'a jamais repris le travail. Par un jugement du 10 novembre 2020, le tribunal administratif de Lille a annulé la décision du 17 avril 2018 par laquelle Mme A a été formellement affectée sur le nouvel emploi de chargé d'analyse des faits d'ambiance et de fraude sur le réseau de transports de la MEL, pour absence de délibération créant ledit emploi. Parallèlement, la MEL, saisie par Mme A le 29 août 2017, a reconnu, par un arrêté du 17 avril 2019, l'imputabilité au service de la maladie présentée par la requérante, pour la période du 1er juillet 2017 au 1er mars 2019. Par un courrier du 10 juillet 2019, Mme A a demandé à son employeur l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subis en raison des fautes commises par l'établissement dans la gestion de sa carrière, dans l'instruction de sa demande d'imputabilité au service de sa maladie et en raison de faits de harcèlement moral et sa demande a été implicitement rejetée. Par la présente requête, Mme A demande au tribunal la condamnation de la MEL à lui verser une somme totale de 62 559 euros.

Sur les conclusions indemnitaires :

En ce qui concerne la gestion de la carrière de Mme A par la MEL :

2. D'une part, aux termes de l'article 12 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, dans sa version alors en vigueur : " Le grade est distinct de l'emploi. / Le grade est le titre qui confère à son titulaire vocation à occuper l'un des emplois qui lui correspondent () ". Aux termes de l'article 4 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, dans sa version alors en vigueur : " () Un cadre d'emplois regroupe les fonctionnaires soumis au même statut particulier, titulaires d'un grade leur donnant vocation à occuper un ensemble d'emplois () ". Aux termes de l'article 56 de la même loi : " L'activité est la position du fonctionnaire qui, titulaire d'un grade, exerce effectivement les fonctions de l'un des emplois correspondant à ce grade ". Il résulte de ces dispositions que, sauf circonstances exceptionnelles liées à l'intérêt du service, les fonctions attribuées à un fonctionnaire doivent être au nombre de celles qu'il a vocation à exercer en vertu des dispositions régissant son cadre d'emploi. Par ailleurs, sous réserve de dispositions statutaires particulières, tout fonctionnaire en activité tient de son statut le droit de recevoir, dans un délai raisonnable, une affectation correspondant à son grade.

3. D'autre part, aux termes de l'article 2 du décret du 30 décembre 1987 portant statut particulier du cadre d'emplois des attachés territoriaux, dans sa version applicable au litige : " Les membres du cadre d'emplois participent à la conception, à l'élaboration et à la mise en œuvre des politiques décidées dans les domaines administratif, financier, économique, sanitaire, social, culturel, de l'animation et de l'urbanisme. Ils peuvent ainsi se voir confier des missions, des études ou des fonctions comportant des responsabilités particulières, notamment en matière de gestion des ressources humaines, de gestion des achats et des marchés publics, de gestion financière et de contrôle de gestion, de gestion immobilière et foncière et de conseil juridique. Ils peuvent également être chargés des actions de communication interne et externe et de celles liées au développement, à l'aménagement et à l'animation économique, sociale et culturelle de la collectivité. Ils exercent des fonctions d'encadrement et assurent la direction de bureau ou de service ".

4. Enfin, si une illégalité externe qui entache une décision administrative est susceptible de caractériser une faute de nature à engager la responsabilité de la personne publique qui a pris cette décision, une telle faute ne peut donner lieu à la réparation du préjudice subi par le bénéficiaire de cette décision lorsque, les circonstances de l'espèce étant de nature à justifier légalement la décision, le préjudice allégué ne peut être regardé comme la conséquence du vice dont cette décision est entachée.

5. En premier lieu, Mme A soutient que son affectation, du 1er janvier 2017 au 30 juin 2017, au pôle " Ressources humaines " était fautive en ce qu'elle ne comportait aucune mission effective et ne correspondait pas à son grade et à son cadre d'emplois. Il résulte toutefois de l'instruction que ce rattachement temporaire avait pour objet principal de répondre à une souffrance professionnelle exprimée par l'intéressée elle-même en novembre 2016 et ainsi de lui permettre de sortir de son service pour réfléchir à la suite de sa carrière en lui offrant un accompagnement. Il n'est ni établi ni même allégué que Mme A aurait vu, durant cette période, sa situation statutaire modifiée. Il n'est pas davantage établi que la MEL n'aurait pas effectivement mis en place l'accompagnement proposé ou qu'elle aurait privé l'intéressée de toute mission effective. Dans ces conditions, Mme A n'est pas fondée à soutenir que la MEL aurait commis une faute dans la gestion de sa carrière en la rattachant provisoirement au pôle " Ressources humaines " pour la période du 1er janvier 2017 au 30 juin 2017.

6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que l'affectation de Mme A, à compter du 1er juillet 2017, sur le poste de chargée d'analyse des faits d'ambiance et de fraude sur le réseau de transport de la MEL était fautive dès lors que ce poste relevait de la catégorie B et n'était ainsi pas conforme aux attributions du cadre d'emplois auquel appartenait l'intéressée.

7. En troisième lieu, Mme A est fondée à soutenir que son affectation, à compter du mois d'avril 2018, est entachée de deux vices de légalité externe, tirés pour le premier de l'absence de délibération préalable visant à créer le nouvel emploi de catégorie A de chargé d'analyse des faits d'ambiance et de fraudes et, pour le second, de l'absence de saisine préalable de la commission administrative paritaire pour avis sur sa mutation. Toutefois, ces vices ne sont pas de nature à engager la responsabilité de la MEL dès lors que la fiche de poste produite à l'instance établit qu'à compter du mois d'avril 2018, Mme A s'est vue confier des missions de pilotage, d'organisation, d'analyse et d'animation, conforme aux missions relevant de son cadre d'emploi et qu'il résulte de l'instruction que cette nouvelle affectation de la requérante a été prise dans l'intérêt du service compte tenu de la souffrance éprouvée par l'intéressée dans son poste précédent, qui faisait obstacle à ce qu'elle y demeure affectée.

8. Il résulte de ce qui précède que Mme A est seulement fondée à obtenir réparation des préjudices résultant de l'illégalité fautive de son affectation pour les mois de juillet 2017 à avril 2018, à la double condition que ces préjudices soient matériellement établis et qu'ils présentent un lien de causalité direct et certain avec cette illégalité.

9. Mme A fait valoir qu'elle a subi une perte de rémunération liée à un régime indemnitaire moins important que celui qu'elle percevait lors de son affectation précédente au sein de la direction de la commande publique. Elle ne produit toutefois aucun élément au soutien de ses allégations, et notamment pas ses bulletins de paie, de sorte qu'elle n'établit pas la réalité du préjudice financier invoqué. La requérante fait également valoir qu'elle a perdu le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire qui lui était attribuée à raison de ses fonctions d'encadrement. Toutefois, ainsi qu'il a été dit, le changement d'affectation de Mme A répondait à l'intérêt tant du service que de l'agent et au surplus, les fonctions relevant du cadre d'emploi des attachés territoriaux ne s'accompagnent pas toutes de fonctions d'encadrement. Mme A ne démontre pas davantage les troubles dans ses conditions d'existence dont elle se prévaut. En revanche, elle est fondée à obtenir réparation du préjudice moral résultant de son affectation durant quelques mois sur un emploi ne correspondant pas à son grade. Il en sera fait une juste appréciation en allouant à la requérante la somme de 500 euros à ce titre.

10. Il résulte de ce qui précède que la MEL doit être condamnée à verser à Mme A, au titre des préjudices résultant des fautes commises dans la gestion de sa carrière, la somme de 500 euros.

En ce qui concerne l'instruction de la demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de la maladie de Mme A :

11. Aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale, alors en vigueur : " Le fonctionnaire en activité a droit : () / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Celui-ci conserve alors l'intégralité de son traitement pendant une durée de trois mois ; ce traitement est réduit de moitié pendant les neuf mois suivants. () / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service. () / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de l'accident ou de la maladie est appréciée par la commission de réforme instituée par le régime des pensions des agents des collectivités locales. ". Aux termes de l'article 16 du décret du 30 juillet 1987 relatif aux congés de maladie des fonctionnaires territoriaux, alors en vigueur : " () la commission de réforme prévue par le décret n° 65773 du 9 septembre 1965 susvisé est obligatoirement consultée dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice de l'article 57 (2°, 2ème alinéa) de la loi du 26 janvier 1984 susvisée. Le dossier qui lui est soumis doit comprendre un rapport écrit du médecin du service de médecine professionnelle et préventive compétent à l'égard du fonctionnaire concerné. Lorsque l'administration est amenée à se prononcer sur l'imputabilité au service d'une maladie ou d'un accident, elle peut, en tant que de besoin, consulter un médecin expert agréé. () ". Aux termes de l'article 13 de l'arrêté du 4 août 2004 relatif aux commissions de réforme des agents de la fonction publique territoriale et de la fonction publique hospitalière : " La demande d'inscription à l'ordre du jour de la commission est adressée au secrétariat de celle-ci par l'employeur de l'agent concerné. / L'agent concerné peut également adresser une demande de saisine de la commission à son employeur, qui doit la transmettre au secrétariat de celle-ci dans un délai de trois semaines ; le secrétariat accuse réception de cette transmission à l'agent concerné et à son employeur ; passé le délai de trois semaines, l'agent concerné peut faire parvenir directement au secrétariat de la commission un double de sa demande par lettre recommandée avec accusé de réception ; cette transmission vaut saisine de la commission. / La commission doit examiner le dossier dans le délai d'un mois à compter de la réception de la demande d'inscription à l'ordre du jour par son secrétariat. Ce délai est porté à deux mois lorsqu'il est fait application de la procédure prévue au deuxième alinéa de l'article 16. Dans ce cas, le secrétariat de la commission notifie à l'intéressé et à son employeur la date prévisible d'examen de ce dossier ".

12. Il résulte de ces dispositions que le fonctionnaire en activité a droit à des congés de maladie à plein traitement, pendant une durée de trois mois, en cas de maladie dûment constatée le mettant dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. Au-delà de cette période, il a droit à des congés de maladie à demi-traitement, pendant une durée de neuf mois, s'il lui est toujours impossible d'exercer ses fonctions. Toutefois, si la maladie est imputable au service, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service. La commission de réforme étant obligatoirement consultée dans tous les cas où un fonctionnaire demande le bénéfice du 2ème alinéa du 2° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984, l'administration dispose, à compter de la demande du fonctionnaire de bénéficier de ces dispositions, d'un délai de deux mois pour se prononcer sur cette demande.

13. Il résulte de l'instruction que Mme A a adressé le 29 août 2017 à son employeur, une demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa dépression. La requérante a été convoquée par le médecin du travail le 28 septembre 2017 et l'expert psychiatre mandaté par la collectivité a rendu son rapport le 6 décembre 2017. La MEL a ensuite diligenté une enquête administrative qui s'est achevée le 27 avril 2018 et n'a saisi la commission de réforme qu'en janvier 2019. Cette dernière s'est prononcée favorablement dans sa séance du 1er mars 2019 et la MEL a, par un arrêté du 17 avril 2019, reconnu l'imputabilité au service de la maladie présentée par la requérante à compter du 1er juillet 2017. Les retards pris par la MEL pour saisir la commission de réforme et pour statuer sur la demande présentée par Mme A après que la commission a rendu son avis ne sont pas justifiés et présentent, par suite, un caractère fautif de nature à engager la responsabilité de la collectivité d'emploi de la requérante.

14. Mme A se prévaut d'un préjudice financier qu'elle évalue à la somme de 12 000 euros, résultant du paiement au titre de l'année 2019 des arriérés de salaire dus pour les années antérieures, qui lui aurait occasionné un surcoût d'imposition sur le revenu et un surcoût des prestations liées au quotient familial. Toutefois, la requérante, qui produit pour seules pièces, des avis d'imposition partiels, ne démontrent pas la réalité de son préjudice. En revanche, il est constant que Mme A, qui a été placée en disponibilité d'office pour maladie à compter du 21 décembre 2018, a nécessairement été victime de troubles dans ses conditions d'existence et d'un préjudice moral pour la période du 21 décembre 2018 au 17 avril 2019. Il en sera une juste appréciation en en fixant la réparation à la somme globale de 1 000 euros.

15. Il résulte de ce qui précède que la MEL doit être condamnée à verser à Mme A, au titre des préjudices résultant des fautes commises dans l'instruction de sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie, la somme de 1 000 euros.

En ce qui concerne les faits de harcèlement moral :

16. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 alors en vigueur : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. () ".

17. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'administration auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral. Pour être qualifiés de harcèlement moral, ces agissements doivent être répétés et excéder les limites de l'exercice normal du pouvoir hiérarchique.

18. Mme A soutient que l'ensemble des décisions prises par la MEL dans la gestion de sa carrière et de sa situation administrative de 2015 à 2019 sont constitutifs d'agissements de harcèlement moral. Toutefois, ainsi qu'il a été dit précédemment, il n'apparait pas que les décisions de la collectivité à compter de la réorganisation de ses services en charge de la commande publique en 2015 auraient eu pour finalité de nuire à Mme A, laquelle a bénéficié d'un accompagnement à partir de la fin de l'année 2016, lorsqu'elle a fait part de son mal-être et de ses difficultés. Il n'apparait pas davantage que le retard fautif pris dans l'instruction de sa demande de reconnaissance de ses arrêts de travail en maladie professionnelle, l'erreur commise et réparée dans le versement de son régime indemnitaire au début de l'année 2019 ou les absences ponctuelles de réponse rapide à des messages qu'elle a envoyés à différents services puissent être qualifiés d'agissements de harcèlement moral. Enfin, la circonstance que Mme A a douloureusement vécu sa situation professionnelle, ce qui a conduit à la reconnaissance en maladie professionnelle de la dépression qu'elle a connue à compter de l'année 2016, ne suffit pas à faire présumer que les troubles dépressifs dont elle souffre auraient pour origine des faits de harcèlement moral.

19. Il résulte de ce qui précède que les éléments avancés par Mme A ne sont pas susceptibles de laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral. Dans ces conditions, la requérante n'est pas fondée à demander la condamnation de la MEL à l'indemniser des préjudices qui en résulterait et les conclusions indemnitaires présentées à ce titre doivent donc être rejetées.

20. Il résulte de tout ce qui précède que Mme A est fondée à obtenir le versement d'une somme globale de 1 500 euros au titre de la réparation de ses préjudices.

Sur les frais liés au litige :

21. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter l'ensemble des conclusions présentées par les parties sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les dispositions du même article font par ailleurs obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par la MEL soient mises à la charge de la requérante, qui n'est pas la partie perdante.

D E C I D E :

Article 1er : La Métropole européenne de Lille est condamnée à verser à Mme A la somme de 1 500 euros.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté.

Article 3 : Les conclusions présentées par la Métropole européenne de Lille sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme B A et à la Métropole européenne de Lille.

Délibéré après l'audience du 4 octobre 2022, à laquelle siégeaient :

- Mme Leguin, présidente,

- M. Borget, premier conseiller,

- Mme Zoubir, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2022.

Le rapporteur,

signé

J. BORGET

La présidente,

signé

A-M. LEGUIN La greffière,

signé

S. MAUFROID

La République mande et ordonne au préfet du Nord en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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