Vu la procédure suivante :
I. Sous le n° 1807848, par une requête et des mémoires enregistrés le 24 septembre 2018, le 7 octobre 2019, le 10 février 2021, le 28 mai 2021 et le 12 octobre 2022 ainsi qu'un mémoire enregistré le 26 mars 2024, non communiqué, la société Sepur, représentée par Me Lheritier, doit être regardée comme demandant au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) à titre principal, de la décharger des pénalités pour inexécution totale ou partielle des prestations de collecte des déchets constatés durant la période du 26 mars au 4 avril 2018, que lui a infligé l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir pour un montant total de
706 000 euros ;
2°) de condamner l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir à lui payer l'ensemble des factures de mars et d'avril d'un montant total de 478 402,97 euros HT, soit 526 905,28 euros TTC correspondant aux prestations réalisées, montant augmenté des intérêts de retard courant jusqu'à leur paiement effectif, de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros pour chaque facture mensuelle et de la capitalisation des intérêts ;
3°) à titre subsidiaire, de modérer le montant des pénalités infligées ;
4°) de mettre à la charge de l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soulève les moyens suivants :
- la décision du 25 mai 2018 est entachée d'incompétence, dès lors que son signataire ne disposait d'aucune délégation de signature ;
- à titre principal, aucune pénalité contractuelle ne pouvait être régulièrement appliquée pour des manquements qui auraient été commis le 10 février 2018, date à laquelle le marché avait expiré en application de l'article 81 du code des marchés publics qui prévoit que le marché prend effet à la date de notification du marché ; la circonstance que l'article 3 de l'acte d'engagement stipule que les prestations débuteront le 5 avril 2001 ne modifie pas la date de prise d'effet du marché prévue à l'article 8 de l'acte d'engagement ;
- seule la responsabilité contractuelle du nouveau titulaire, la société Suez Environnement, pouvait être engagée dès lors que son contrat avait déjà pris effet et que la grève trouve uniquement son origine dans sa défaillance à assurer son obligation contractuelle de reprise du personnel prévue par l'article 3.3 du CCTP du nouveau marché ; la cour d'appel de Versailles a confirmé l'obligation de reprise du personnel des salariés ordonnée par le conseil des prud'hommes ;
- le GPSEA aurait dû mettre en œuvre la procédure de réfaction qui doit être appliquée lorsque le manquement résulte de l'inexécution complète de la prestation, dès lors qu'il ne s'agit pas de sanctionner un retard mais une inexécution complète des prestations, de sorte que seule une décision de réfaction pour le mois de mars et de rejet pour le mois d'avril aurait permis de sanctionner l'inexécution des prestations ;
- le GPSEA n'a pas respecté la procédure de constatation de l'inexécution des prestations dans le délai de quinze jours à compter de l'exécution des prestations en application des articles 23.1 et 25 du CCAG FCS applicable au marché auquel renvoie l'article 5 du CCAP nécessaire avant l'application des pénalités ;
- aucune stipulation contractuelle ne prévoyait l'application de pénalités en cas d'inexécution complète des prestations prévues par le marché ;
- le pouvoir adjudicateur était tenu d'imputer les pénalités sur la facture afférente au mois au cours duquel le retard a été constaté ; les pénalités du mois d'avril d'un montant de 384 000 euros ont été uniquement déduites des factures du mois de mars ;
- il n'est pas établi que la grève est imputable à son comportement en l'absence de constatation des manquements par le GPSEA conformément au formalisme prévue à l'article 11.1 du CCP ; le tableau du 25 mai 2018 établi par le GPSEA plus d'un mois et demi après la date des manquements reprochés et après l'admission intégrale des prestations ne peut constituer une telle constatation ; la circonstance que la société Sepur ait reconnu l'inexécution de certaines prestations dans le cadre de la discussion tenant à l'absence de bien-fondé des pénalités ne peut pallier l'insuffisance de la matérialité de la preuve au jour de la constatation du défaut de prestation ;
- à titre subsidiaire, les pénalités sont infondées dès lors que les manquements contractuels liés à la grève des personnels due au changement de prestataire ne lui sont pas imputables compte tenu du fait qu'elle n'était pas chargée de la reprise des salariés dans le cadre du changement de prestataire ; la société Suez Environnement a refusé de reprendre treize salariés de la société Sepur affectés à l'exécution du marché ; elle n'a commis aucune faute et n'était pas en mesure d'éviter ce mouvement social qui l'a empêché d'exécuter ses prestations alors qu'elle a tenté d'assurer un service minimum en recrutant des intérimaires ; en tout état de cause, ces circonstances sont constitutives d'un cas de force majeur dès lors que cet évènement était indépendant de sa
volonté ; plusieurs manquements ayant donné lieu à l'application de pénalités ne sont pas constitués dès lors qu'elle a procédé à de nombreux rattrapages ;
- l'article 11.1 du CCAP prévoyant qu'une grève du personnel ne rentre pas dans le champs des cas de force majeure donnant droit à exonération n'exclut pas la nécessité pour le GPSEA de démontrer que les manquements sont imputables exclusivement au cocontractant, sauf à méconnaître le principe de bonne foi et de loyauté contractuelle, dès lors qu'elle n'a jamais consenti à l'application de pénalités pour une grève causée par les conditions de reprise du personnel du nouveau titulaire du marché ; l'article 11.1 est imprécis et doit être interprété, à la lumière de la commune intention des parties, du principe de loyauté contractuelle et de bonne foi, comme concernant uniquement une grève liée aux conditions de travail imposée par la
société Sepur et non à toutes les grèves quelle qu'en soit leur origine ; s'il est expressément stipulé au contrat que la grève du personnel du titulaire n'est pas considérée comme un cas de force de majeure, cela ne signifie pas pour autant, en l'absence de dispositions contractuelles expresses au CCAP et au CCTP, que la société Sepur serait soumise à une obligation de résultat en cas d'interruption du service qui ne résulterait pas de son fait ;
- la grève des salariés peut constituer un cas de force majeure :
* en ce qui concerne le caractère d'extériorité, l'ensemble des manquements entre le
26 mars 2018 au 4 avril 2018 trouve leur origine dans la grève de ses salariés qui a été provoquée par les conditions de reprise de son personnel par la société Suez Environnement, nouveau titulaire du marché ; la société Suez Environnement a d'ailleurs été condamnée par la Cour d'Appel de Versailles par un jugement du 11 juillet 2019 à la reprise du personnel ; cette grève était donc indépendante de la volonté de la société Sepur ;
* en ce qui concerne le caractère imprévisible, elle ne pouvait présumer des conditions de reprise du nouveau titulaire du marché sept ans avant la conclusion de celui-ci ;
* en ce qui concerne le caractère irrésistible, elle ne pouvait pallier la grève ; elle a procédé aux rattrapages qu'elle était en mesure d'accomplir ; elle ne dispose pas de personnels de " réserve " destinés à suppléer les salariés qui se mettraient en grève et le redéploiement d'autres salariés affectés à d'autres marchés est impossible sans la mettre en difficulté dans le cadre de l'exécution de ces autres marchés ; le préavis de grève du 26 mars 2018 pour un début de grève le 30 mars suivant avec des débrayages prévus dès le 26 mars, était insuffisant pour recourir aisément à la sous-traitance dès le 26 mars 2018 ou même avant le 5 avril 2018 ;
- le montant des pénalités appliqué est manifestement excessif eu égard aux montants déjà facturés par la société Sepur ; les pénalités, qui s'élèvent à la somme 706 000 euros correspondent à un sixième du montant du marché sur une année qui s'élève à 4 424 200 euros HT, sont déloyales et manifestement disproportionnées, alors qu'elle concerne la dernière semaine d'exécution du marché et que la reprise du personnel est inhabituelle en matière de marchés de collectif de déchets ; l'application de pénalités pour une grève portant sur les conditions de reprise du personnel est inhabituelle dans des marchés comparables ; seul le montant de la dernière année devrait être pris en compte dès lors que la reconduction du marché de deux fois pour une période d'un an implique que seul soit pris en considération le montant de 4 242 000 euros hors taxes sur la dernière année ; il est particulièrement inéquitable d'appliquer des pénalités pour un fait de grève portant sur les conditions de reprise du personnel compte tenu du comportement du nouveau titulaire alors que le pouvoir adjudicateur n'a pas exercé son pouvoir de sanction à l'encontre du nouveau titulaire en appliquant des pénalités à ce dernier ; la circonstance que le montant des pénalités représente 1,90% du montant total du marché est insuffisant pour considérer que ce montant n'a pas un caractère manifestement excessif ;
- dans l'hypothèse où le tribunal estimerait que le contrat a pris fin le 10 février 2018, elle est fondée à demander le remboursement des factures de mars et d'avril 2018 correspondant aux prestations réalisées et caractérisant des dépenses utiles sur le fondement de l'enrichissement sans cause, dès lors que les prestations de collecte réalisées en mars et avril 2018 n'ont pas donné lieu à paiement intégral ce qui a eu pour conséquences d'enrichir le GPSEA et, corrélativement, d'appauvrir le société Sepur ;
- elle a droit aux intérêts moratoires et à leur capitalisation concernant les factures mensuelles sur lesquelles ont été imputées des pénalités ainsi qu'à une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement de 40 euros pour chacune des fractures.
Par des mémoires en défense, enregistrés le 12 février 2019, le 10 mars 2021, le
19 septembre 2022 et le 2 décembre 2022, l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir, représenté par Me Rouveyran, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Sepur la somme de 10 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir les moyens en défense suivants :
- le signataire de la décision du 25 mars 2018 par laquelle le GPSEA a infligé des pénalités d'un montant de 706 000 euros disposait d'une délégation de signature ;
- les pénalités ont été régulièrement appliquées pour des manquements de la société Sepur à ses obligations contractuelles qui duraient jusqu'au 4 avril 2018 inclus ; le marché prévoyait bien des pénalités forfaitaires en cas de tournées non terminées ou non faites à l'article 11.1 du CCAP ; le marché a pris effet le 10 février 2016 mais son exécution a commencé le 5 avril 2011 conformément à l'article 3 de l'acte d'engagement du marché ; il a été reconduit pour une durée de deux ans par un courrier du 7 décembre 2015, de sorte qu'il a pris fin le 4 avril 2018 ; la société requérante a signé l'avenant n° 2 du marché qui stipulait que la durée du marché était reconduite une fois pour deux ans à compter du 5 avril 2016 ; en tout état de cause, la survenance de la date de fin d'exécution du marché public ne met pas fin aux relations contractuelles, dès lors que le marché continue de régir leur relations en ce qui concerne le paiement du décompte général et définitif du marché ou la mise en œuvre de la responsabilité contractuelle postérieurement à cette exécution ;
- l'article 11.1 du CCAP prévoit la possibilité d'infliger des pénalités en cas de toutes infractions au CCTP ou au CCAP et en particulier en cas d'inexécution totale ou partielle des prestations ;
- le GPSEA pouvait infliger des pénalités sans suivre la procédure de vérification prévue à l'article 5 du CCAP, dès lors que l'article 11.1 du CCAP précise que ces pénalités interviendront de plein droit sur simple constatation de non-exécution conformément au cahier des charges et sans mise en demeure ; aucun renvoi à l'article 5 du CCAP n'est effectué dans l'article 11.1 du CCAP ; la procédure de vérification n'a pas pour objet de permettre l'application de pénalité dès lors que la réfaction a pour objet de réduire le prix proportionnellement aux imperfections constatées alors que l'application de pénalité a pour but de sanctionner forfaitairement une inexécution ; la procédure de vérification ne peut être appliquée que lorsque les prestations ont été exécutées ; la constatation des manquements pouvaient, en l'absence de précision des pièces contractuelles du marché, se faire par tout moyen ; la société Sepur a reconnu les manquements constatés dans divers courriers ;
- l'inexécution de ses obligations lui est imputable dès lors que la société Sepur, en tant que titulaire du marché, était tenue de mettre en œuvre tous les moyens lui permettant de pallier la grève de son personnel dans le but d'assurer la continuité du service de collecte des déchets dont elle était responsable jusqu'au 4 avril 2018 inclus ; elle ne démontre pas qu'elle a tout tenté pour assurer la continuité du service de collecte des déchets ; en affirmant qu'elle ne disposait pas des moyens, dans le cadre du marché dont elle était titulaire, de pallier cette grève, la société Sepur a manqué à l'obligation qui pesait sur elle d'en disposer en vertu de l'article 11.1 du CCAP et de l'article 10.1.3 du CCAG-FCS ; si la société Sepur soutient qu'elle a reçu un message de remerciement pour les rattrapages effectués, ces propos n'engagent que l'agent du GPSEA et ne saurait démontrer que la société requérante a mis tous les moyens en œuvre pour pallier la grève de son personnel et ne permet pas de considérer que les pénalités appliquées seraient infondées ni à exonérer la société Sepur de ces dernières ;
- contrairement aux affirmations de la société requérante, GPSEA a bien respecté la procédure prévue à cet article puisqu'il a informé la société Sepur que les pénalités visant à sanctionner les manquements commis par cette société au mois d'avril seraient déduites des factures du mois d'avril ;
- l'existence d'une grève, quelle que soit son origine, n'est pas un motif d'exonération des pénalités prévues par le CCAP, dont l'article 11.1 stipule expressément, et d'ailleurs conformément à la commune intention des parties, que " n'entre pas dans le champ des cas de force majeure, une grève du personnel du titulaire du marché ou de ses sous-traitants " ; en tout état de cause, les conditions de mise en œuvre de la théorie de la force majeure, notamment la condition d'irréstibilité, ne sont pas remplies en l'espèce ; même à considérer qu'il conviendrait d'interpréter l'article 11.1 du CCAP, la société Sepur était informée de son obligation d'assurer la continuité du service même en cas de grève dès lors que, dans le cadre de la passation du marché, elle devait dimensionner son offre en tenant compte, notamment dans le prix de son offre, du fait qu'elle devrait, le cas échéant, être en capacité de disposer de tous les moyens humains et matériels lui permettant de faire face à une grève de son personnel, quelle que soit son origine, puisque l'article 10.1.3 du CCAG-FCS stipulait que " les prix sont réputés comprendre () toutes les autres dépenses nécessaires à l'exécution des prestations " ;
- la société requérante ne peut soutenir que la société Suez Environnement, nouvel attributaire du marché, a commis une faute étant à l'origine de l'inexécution des obligations contractuelle du marché dont la société Sepur est attributaire ; si la société Suez Environnement devait engager une procédure de reprise du personnel, la société Sepur restait tenue d'exécuter l'exécution des prestations avant le 4 avril 2018, date de la fin de durée du marché ; quand bien même la grève ne lui serait pas imputable, cette grève n'est pas à l'origine des retards et des absences de tournées de collecte des déchets qui sont uniquement imputables à l'absence de réaction de la société Sepur qui n'a pas mis les moyens suffisants en œuvre pour pallier cette grève et assurer la continuité du service de collecte des déchets ;
- le principe de loyauté des relations contractuelles n'impose pas à la personne publique d'informer préalablement son cocontractant des mesures d'exécution du contrat qu'elle entend prendre ;
- le montant des pénalités représentent 1,90% du montant total du marché qui s'élève à 37 163 778,64 euros hors taxes, de sorte que le montant des pénalités n'est pas manifestement excessif ; la reconduction du marché a pour seul effet de poursuivre son exécution et non de faire naître un nouveau marché, de sorte qu'il y a lieu de prendre en compte la totalité de la durée du marché, reconduction comprise ; les manquements de la société Sepur ont eu pour effet d'empêcher le maintien de la salubrité publique mais aussi, par ricochet, de nuire à l'image du GPSEA ;
- dans l'hypothèse où les pénalités seraient considérées comme irrégulières, les conclusions indemnitaires de la société requérante doivent être rejetées, dès lors qu'elle ne démontre pas que les conditions de la responsabilité quasi-contractuelles relatives à l'enrichissement sans cause sont réunies et qu'elle n'a pas rapporté la preuve que les sommes dont elle sollicite le paiement correspondent uniquement à l'indemnisation de dépenses utiles ;
- elle ne peut prétendre que le marché a pris fin le 10 février 2018 tout en réclamant des intérêts moratoires concernant le paiement de prestations postérieures sur le fondement des stipulations de ce marché.
II. Sous le n° 2101322, par une requête et des mémoires enregistrés le 10 février 2021, le 12 octobre 2022 et le 12 décembre 2022, la société Sepur, représentée par Me Lheritier, doit être regardée comme demandant au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) d'annuler l'avis de somme à payer n° 2286 émis le 30 décembre 2020 ;
2°) de la décharger du paiement de la somme de 236 182,03 euros ;
3°) de modérer le montant des pénalités infligées ;
4°) de mettre à la charge de l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soulève des moyens identiques à ceux de la requête n° 1807848 ainsi que les moyens suivants :
- le titre exécutoire est entaché d'incompétence de son signataire ;
- il ne comporte pas la signature de son auteur ;
- il ne pouvait être émis dès lors que l'une des créances dont il opère la compensation n'est pas certaine compte tenu de son recours à l'encontre des pénalités infligées.
Par des mémoires en défense enregistrés le 19 septembre 2022 et le 2 décembre 2022, l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir représenté par Me Rouveyran, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de la société Sepur la somme de 10 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir les mêmes moyens en défense que dans la requête n° 1807848 et que les trois autres moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- l'arrêté du 19 janvier 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales des marchés publics de fournitures courantes et de services ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme E,
- les conclusions de Mme Leboeuf, rapporteure publique,
- et les observations de Me Lheritier, représentant la société Sepur, et de Me Le Fustec, représentant l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir.
Dans le dossier n°1807848, une note en délibéré présentée pour la société Sepur a été enregistrée le 2 mai 2024 et n'a pas été communiquée.
Dans le dossier n° 2101322, une note en délibéré présentée pour la société Sepur a été enregistrée le 2 mai 2024 et n'a pas été communiquée.
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement du 1er février 2011, la communauté d'agglomération du Haut Val-de-Marne, à laquelle s'est substitué l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir (ci-après GPSEA), a attribué à la société Sepur un marché portant sur la collecte des déchets ménagers et assimilés sur son territoire. Le GPSEA, ayant estimé que les prestations confiées à la société Sepur n'avaient pas été exécutées conformément aux stipulations contractuelles, l'a informée, par un courrier du 25 mai 2018, de sa décision de lui appliquer des pénalités prévues par le marché pour inexécution totale ou partielle des prestations de collecte des déchets constatés entre le 26 mars et le 4 avril 2018, pour un montant total de 706 000 euros. Après une tentative de conciliation, la société Sepur a, par un courrier du 23 juillet 2018, contesté l'application de ces pénalités. Par un courrier du 4 septembre 2018, le GPSEA a confirmé l'application des pénalités. Le GPSEA a émis, le 30 décembre 2020, un titre exécutoire n° 2286 d'un montant de 236 182,03 euros au titre des pénalités restantes dues par la société Sepur au titre du marché. Par la première requête, enregistrée le 24 septembre 2018, la société Sepur demande au tribunal la décharge totale ou partielle des pénalités ainsi infligées. Par la seconde requête, enregistrée le 10 février 2021, la société Sepur demande au tribunal d'annuler le titre exécutoire n° 2286 émis le 30 décembre 2020 et de la décharger du paiement de la somme
de 236 182,03 euros.
Sur la jonction :
2. Les requêtes n° 1807848 et 2101322 concernent les mêmes parties et soulèvent des questions communes. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul jugement.
Sur la requête n° 1807848 :
En ce qui concerne la date de fin d'exécution du marché :
3. Il résulte de l'instruction que le marché a été notifié à la société Sepur le
9 février 2011. Si la société requérante soutient que le début de l'exécution des prestations a commencé dès la date de notification, l'article 3 de l'acte d'engagement du marché concernant la durée du marché prévoyait que le marché était conclu pour une durée de cinq ans fermes et que l'exécution des prestations débutait le 5 avril 2011. Le marché a été reconduit le 1er décembre 2015 une fois pour deux ans à compter du 6 avril 2016, de sorte que la société Sepur était tenue d'exécuter les prestations objet du marché jusqu'au 4 avril 2018. En outre, si la société requérante fait valoir qu'elle a commencé à exécuter les prestations en mars 2011, il ne ressort pas de la facture produite que ces prestations aient été exécutées en application de ce marché. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'était plus liée contractuellement avec le GPSEA entre le 26 mars 2018 et le 4 avril 2018, et alors qu'elle a facturé les prestations concernant cette période en faisant application du marché.
En ce qui concerne les pénalités infligées :
Quant à la régularité des pénalités :
4. En premier lieu, la décision du 25 mai 2018 a été signée par M. C D, directeur général des services de GPSEA, qui disposait d'une délégation de signature du
10 avril 2018 du président de GPSEA, publié au recueil des actes administratifs de l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir, et consultable par tout public en ligne, à l'effet de signer les décisions relatives à l'exécution et au règlement de l'ensemble des marchés de l'établissement public territorial quel que soit le montant. Par suite, ce moyen doit être écarté.
5. En deuxième lieu, l'article 11 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché en litige intitulé " Pénalités de retard " prévoit que " Toute infraction au CCTP ou au CCAP donne lieu à l'application d'une pénalité " qui " interviendront de plein droit sur la simple constatation de non-exécutions des prestations telles qu'elles sont prévues au cahier des charges, et sans qu'il y ait besoin, pour l'administration, d'avoir à adresser au titulaire une mise en demeure ". Un tableau des pénalités indique ensuite l'ensemble des cas pouvant donner lieu à une pénalité et le montant de celle-ci. Il est notamment indiqué que la " tournée non terminée (forfait) " fait l'objet d'une pénalité d'un montant de 2 000 euros et la " tournée non faite (forfait) " d'une pénalité d'un montant de 6 000 euros.
6. Il résulte des stipulations contractuelles de l'article 11 du CCAP que, en dépit du titre de cet article, des pénalités sanctionnant l'inexécution des prestations du contrat, en particulier les tournées de collecte des déchets non terminées ou non faites, étaient expressément prévues. Par suite, la société Sepur n'est pas fondée à soutenir qu'aucune stipulation du marché ne prévoyait la possibilité pour le GPSEA d'infliger des pénalités pour inexécution totale ou partielle des prestations du marché.
7. En troisième lieu, aux termes de l'article 5 du CCAP du marché : " 5. Constatation de l'exécution des prestations / Les vérifications quantitatives et qualitatives simples sont effectuées par le service environnement au moment même de la livraison de la fourniture ou de l'exécution de service (examen sommaire) conformément aux articles 22 et 23.1 du C.C.A.G.-F.C.S. / A l'issue des opérations de vérification, le pouvoir adjudicateur prendra sa décision dans les conditions prévues aux articles 24 et 25 du C.C.A.G.-F.C.S. ". Il résulte de ces stipulations qu'elles concernent des prestations regardées comme exécutées par le titulaire du marché, auquel il appartient, en application des dispositions de l'article 22.2 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés de fournitures courantes et de services (CCAG-FCS) dans sa version applicable au marché, d'aviser le pouvoir adjudicateur de la date à partir de laquelle ces prestations pourront être présentées en vue des opérations de vérification et qui, en application de l'article 22.3, doit être avisé par le pouvoir adjudicateur des jours et heures fixés pour ces opérations, afin de lui permettre d'y assister ou de se faire représenter. En outre, elles ont pour but de permettre au pouvoir adjudicateur de s'assurer de la bonne exécution des prestations et de prendre, en application de l'article 25 du CCAG, une décision d'admission des prestations, d'ajournement, de réfaction du prix lorsqu'elles n'ont pas été entièrement exécutées conformément aux stipulations du marché, ou une décision de rejet. Enfin, l'article 23.1 du CCAG prévoit le déroulement des opérations de vérification quantitatives et qualitatives simples nécessitant seulement un examen sommaire.
8. D'une part, il résulte de l'instruction que le GPSEA a appliqué à la société Sepur les pénalités prévues à l'article 11 du CCAP. Si la société Sepur soutient qu'elle ne pouvait, pour sanctionner les inexécutions contractuelles, que procéder à une décision de rejet et à une décision de réfaction du prix après avoir effectué le contrôle de vérification prévu à l'article 5 du CCAP, il résulte de la lecture combinée des stipulations des articles 5 et 11 du CCAP que l'application des pénalités, intervenant sans mise en demeure préalable du titulaire du marché après " simple constatation " d'un manquement, n'est pas subordonnée à la procédure de vérification prévue par l'article 5 du CCAP, auquel l'article 11 ne renvoie pas, ni d'ailleurs à celle prévue aux articles 22 et 23 du CCAG. D'autre part, le GPSEA pouvait appliquer les pénalités expressément prévues par l'article 11 du CCAP afin de sanctionner ces manquements, quand bien même ces derniers pourraient également donner lieu, dans les conditions prévues à l'article 5, à une décision de rejet ou de réfaction du prix. En outre, si la société Sepur soutient qu'une décision d'admission implicite des prestations est intervenue dans le délai de quinze jours mentionné à l'article 23.2 du
CCAG-FCS, ce qui ferait obstacle à l'infliction des pénalités prévues à l'article 11 du CCAP, l'article 5 du CCAP prévoit uniquement l'existence d'une vérification qualitative et quantitative par le biais d'un examen sommaire et renvoie, en conséquence, uniquement à l'article 23.1 du CCAG, de sorte que l'article 23.2 invoqué par la requérante est inapplicable au marché en cause. Par suite, la société n'est pas fondée à soutenir que le GPSEA aurait dû mettre en œuvre la procédure de vérification prévue à l'article 5 du CCAP avant de lui infliger les pénalités en litige.
Quant au bien-fondé des pénalités :
9. En premier lieu, si la société Sepur soutient que le GPSEA n'établit pas l'inexécution contractuelle qui a justifié l'application des pénalités, le GPSEA relève que le personnel de la société Sepur affecté au marché en litige s'est mis en grève à compter du 30 avril 2018 jusqu'à la fin de l'exécution du marché, avec des débrayages dès le 26 mars 2018, ainsi qu'il ressort du préavis de grève du 26 mars 2018 ainsi que de divers articles de presse en lien avec cette grève produits par la société Sepur elle-même. En outre, le GPSEA a informé la société requérante par un courrier du 25 mai 2018 de l'application des pénalités en se fondant sur le nombre de tournées non terminées et non faites constatées chaque jour pendant cette période, éléments répertoriés dans un tableau transmis à la société requérante, ce qui la mettait suffisamment à même de contester précisément chaque pénalité appliquée. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de la preuve de matérialité des manquements sanctionnés doit être écarté.
10. En deuxième lieu, la société Sepur soutient que l'inexécution et la mauvaise exécution des prestations de collecte des déchets ayant donné lieu à l'application des pénalités en litige ne lui est pas imputable dès lors qu'elle n'est pas à l'origine de la grève de son personnel affecté au marché. Toutefois, la société Sepur était engagée contractuellement auprès du GPSEA jusqu'au 4 avril 2018, ainsi qu'il a été dit au point 2 du présent jugement et était la seule à pouvoir exécuter les prestations du marché en cause, de sorte que les manquements à ses inexécutions contractuelles lui sont imputables. En outre, la circonstance que la grève de son personnel trouverait son origine dans le comportement du nouveau titulaire du marché qui a refusé de reprendre une partie du personnel de la société Sepur est, en tant que telle, sans incidence, dès lors qu'elle ne peut, dans le cadre d'une relation contractuelle, s'exonérer de ses obligations en invoquant le fait d'un tiers au contrat conclu.
11. En troisième lieu, aux termes de l'article 11 du CCAP : " () En cas de force majeure (phénomène naturel ) qui empêcherait le titulaire d'effectuer la collecte, aucune pénalité ne lui sera appliquée. Le titulaire devra toutefois faire face au retard pris de manière à assurer l'accomplissement des prestations prévues au marché. / N'entre pas dans le champ mes cas de force majeure, une grève du personnel du titulaire du marché ou de ses sous-traitants ".
12. La société Sepur soutient que la grève de son personnel constitue un cas de force majeure qui n'est pas exclu par les stipulations de l'article 11 du CCAP. Toutefois, les termes mêmes de l'article 11 excluent de façon générale la grève du personnel du titulaire du marché des cas de force majeure, sans faire aucune distinction en fonction de l'origine de la grève. La société n'est dès lors pas fondée à soutenir que cette clause serait imprécise, ni qu'elle devrait être lue comme excluant de la force majeure uniquement la grève du personnel du titulaire dont ce dernier serait lui-même à l'origine. Par suite, le moyen doit être écarté.
13. En quatrième lieu, la circonstance que la société Sepur ait effectué des rattrapages de collecte des déchets, dont il n'est d'ailleurs pas contesté qu'ils ont fait l'objet d'un paiement de la part de l'établissement public territorial, à la suite de la grève, est sans incidence sur le
bien-fondé des pénalités appliquées qui sanctionne l'inexécution des prestations prévues par le marché entre le 26 mars et le 4 avril 2018. En outre, il ne résulte pas de l'instruction, et notamment des propos du GPSEA retranscrits par la presse locale, que la personne publique aurait renoncé à l'application de ces pénalités.
14. En dernier lieu, la société Sepur ne peut se prévaloir, ni du principe de bonne foi, ni du principe de loyauté contractuelle dans l'exécution du contrat, dès lors qu'en appliquant les pénalités en litige, le GPSEA s'est borné à mettre en œuvre les stipulations contractuelles convenues entre les parties.
Quant à la modulation des pénalités infligées :
15. Les pénalités prévues par les clauses d'un contrat de la commande publique ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer à l'acheteur le non-respect, par son cocontractant, de ses obligations contractuelles. Elles sont applicables au seul motif qu'une inexécution des obligations contractuelles est constatée et alors même que la personne publique n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge de son cocontractant qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi.
16. Lorsqu'il est saisi d'un litige entre les parties à un contrat de la commande publique, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat. Il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de la gravité de l'inexécution constatée.
17. Lorsque le titulaire du contrat saisit ainsi le juge de conclusions tendant à ce qu'il modère les pénalités mises à sa charge, il ne saurait utilement soutenir que le pouvoir adjudicateur n'a subi aucun préjudice ou que le préjudice qu'il a subi est inférieur au montant des pénalités mises à sa charge. Il lui appartient de fournir aux juges tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des contrats comparables ou aux caractéristiques particulières du contrat en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif. Au vu de l'argumentation des parties, il incombe au juge soit de rejeter les conclusions dont il est saisi en faisant application des clauses du contrat relatives aux pénalités, soit de rectifier le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du contrat dans la seule mesure qu'impose la correction de leur caractère manifestement excessif.
18. Ainsi qu'il a été dit au point 1, le GPSEA a infligé à la société Sepur des pénalités d'un montant total de 706 000 euros en application de l'article 11 du CCAP, compte tenu des
vingt tournées de collectes des déchets non terminées et des cent-onze tournées non réalisées entre le 26 mars 2018 et le 4 avril 2018. Si la société requérante fait valoir que ces sommes sont manifestement excessives, il ne résulte pas de l'instruction, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce et notamment de l'inexécution de ses obligations contractuelles par la société Sepur et de ses conséquences sur la salubrité publique, et alors que la société Sepur ne fournit aucun élément relatif aux pratiques observées en matière de pénalités pour des contrats comparables ou concernant les caractéristiques particulières du marché en litige, que les pénalités infligées par le GPSEA à cette société, qui représentent 1,90 % du montant total du marché, atteindraient un montant manifestement excessif.
En ce qui concerne les modalités de recouvrement des pénalités infligées :
19. Il résulte de l'article 11 du CCAP que chaque pénalité est déduite de la facture mensuelle correspondant au mois de la constatation du manquement sanctionné. La société Sepur soutient que les pénalités correspondant à des manquements du mois d'avril 2018 d'un montant de 383 000 euros ont été déduites des factures du mois de mars. Il résulte de l'instruction que la somme totale de 469 817,97 euros a été déduite des factures du mois de mars, alors que le montant des pénalités infligée à des manquements de ce même mois s'élève à un montant total de 322 000 euros. Si le GPSEA fait valoir que le courrier du 25 mai 2018 informant la société Sepur de l'application des pénalités indique que " le montant les pénalités devra être déduit des factures de mars et d'avril, le constat s'étant terminé le 4 avril 2018 ", il résulte de l'instruction que le GPSEA a effectué une compensation entre les pénalités infligées en mars et avril 2018 et les factures de la même période que le GPSEA n'avait pas payé, ce qui a eu pour incidence d'imputer sur les factures du mois de mars des pénalités concernant des manquements constatés au mois d'avril, privant ainsi la société Sepur du paiement, au mois de mars 2018, des sommes qui lui restaient dues au titre des prestations exécutées pendant ce mois, sauf pour le GPSEA à procéder ensuite, par l'émission d'un titre exécutoire, au recouvrement du montant qu'elle ne pouvait ainsi compenser. Il suit de là que la société requérante est fondée à soutenir que le GPSEA a méconnu l'article 11 du CCAP en imputant sur sa facture du mois de mars 2018 des pénalités concernant des manquements constatées le mois suivant.
20. Il résulte de ce qui précède que, si les pénalités infligées sont fondées, il y a lieu, en revanche, de condamner le GPSEA au paiement des factures correspondant aux prestations réalisées en mars 2018 qui s'élèvent à un montant total de 427 052,05 euros hors taxes après déduction des seules pénalités infligées pour cette même période qui s'élèvent à 322 000 euros, soit au paiement de la somme de 105 052,05 euros hors taxes, soit 115 557,20 euros toutes taxes comprises.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
21. Compte tenu de ce qui a été dit au point 3, les conclusions indemnitaires fondées sur l'enrichissement sans cause ne peuvent qu'être rejetées.
En ce qui concerne les intérêts moratoires et l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement :
22. Aux termes de l'article 1er du décret n°2002-232 du 21 février 2002 relatif à la mise en œuvre du délai maximum de paiement dans les marchés publics, dans sa version applicable à la date de conclusion du marché : " I.-Le point de départ du délai global de paiement prévu aux articles 54 et 55 de la loi du 15 mai 2001 susvisée et à l'article 98 du code des marchés publics est la date de réception de la demande de paiement par les services de la personne publique contractante ou, si le marché le prévoit, par le maître d'œuvre ou tout autre prestataire habilité à cet effet. Le marché indique les conditions administratives et techniques auxquelles sont subordonnés les mandatements et le paiement ". Aux termes de l'article 5 du même décret :
" I.-Le défaut de paiement dans les délais prévus par l'article 98 du code des marchés publics fait courir de plein droit, et sans autre formalité, des intérêts moratoires au bénéfice du titulaire ou du sous-traitant payé directement / Les intérêts moratoires courent à partir du jour suivant l'expiration du délai global jusqu'à la date de mise en paiement du principal incluse. / /
II.-1° Le taux des intérêts moratoires est référencé dans le marché. / 2° Pour les organismes soumis aux délais de paiement mentionnés aux 1° et 2° de l'article 98 du code des marchés publics, qu'il soit ou non indiqué dans le marché, le taux des intérêts moratoires est égal au taux d'intérêt de la principale facilité de refinancement appliquée par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement principal la plus récente effectuée avant le premier jour de calendrier du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de sept points ".
23. En l'espèce, il résulte de l'instruction que les factures du mois de mars 2018 d'un montant de 427 052,05 euros hors taxes a été reçu au plus tard le 25 mai 2018, date du courrier de l'établissement public territorial mentionnant son existence. Dans ces conditions, la société Sepur a droit au paiement des intérêts moratoires sur la somme de 105 052 euros hors taxes, soit
115 557,20 euros TTC à compter du 25 juin 2018 au taux de 7 % résultant de la majoration de
sept points du taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir (0% au 1er janvier 2018), ainsi qu'à la capitalisation de ces intérêts à compter de la date à laquelle elle en a fait la demande, soit le 10 février 2021.
24. Aux termes du premier alinéa de l'article 40 de la loi du 28 janvier 2013, dans sa rédaction initiale : " Le retard de paiement donne lieu, de plein droit et sans autre formalité, au versement d'une indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement, dont le montant est fixé par décret ". Aux termes de l'article 44 de cette même loi : " Le présent titre s'applique aux contrats conclus à compter du 16 mars 2013 ".
25. Le marché en litige ayant été conclu avant le 16 mars 2013, la société requérante n'est pas fondée à demander le versement d'une indemnité forfaitaires de recouvrement.
26. Il résulte de tout ce qui précède que la société Sepur n'est pas fondée à demander la décharge des pénalités infligées à hauteur de 706 000 euros par le GPSEA, ni à ce que ce montant soit modulé. Elle est toutefois fondée à demander la condamnation du GPSEA au paiement de la somme de 115 557,20 euros, assortie des intérêts moratoires au taux de la Banque centrale européenne majoré de sept points à compter du 25 juin 2018 et de la capitalisation des intérêts à compter du 10 février 2021 ainsi qu'à chaque échéance annuelle.
Sur la requête n° 2101322 :
27. En premier lieu, le titre exécutoire a été signé par Mme A B, chef du service exécution et simplification comptable, dialogue de gestion, financements innovants qui disposait d'une délégation de signature du 15 décembre 2020 du président de GPSEA, publié au recueil des actes administratifs de l'établissement public territoriale Grand Paris Sud Est Avenir, et consultable par tout public en ligne à l'effet de signer les bordereaux de dépenses et de recettes. Par suite, ce moyen doit être écarté.
28. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Toute décision prise par une administration comporte la signature de son auteur ainsi que la mention, en caractères lisibles, du prénom, du nom et de la qualité de celui-ci. () ". Et aux termes de l'article L. 1617-5 du code général des collectivités territoriales : " () 4° Quelle que soit sa forme, une ampliation du titre de recettes individuel ou de l'extrait du titre de recettes collectif est adressée au redevable. L'envoi sous pli simple ou par voie électronique au redevable de cette ampliation à l'adresse qu'il a lui-même fait connaître à la collectivité territoriale, à l'établissement public local ou au comptable public vaut notification de ladite ampliation. En application des articles L. 111-2 et L. 212-1 du code des relations entre le public et l'administration, le titre de recettes individuel ou l'extrait du titre de recettes collectif mentionne les nom, prénoms et qualité de la personne qui l'a émis ainsi que les voies et délais de recours. Seul le bordereau de titres de recettes est signé pour être produit en cas de contestation ".
29. Il résulte de l'instruction que le titre adressé à la société requérante mentionne qu'il a été émis par Mme A B et que le bordereau dématérialisé du titre de recette a été signé électroniquement par cette dernière, ainsi qu'il ressort du bordereau dématérialisé du titre de recette et du certificat électronique de Mme B produit en défense. Par suite, le moyen tiré de l'absence de signature de l'auteur du titre exécutoire doit être écarté.
30. En troisième lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés aux points 4 à 18 du présent jugement, les autres moyens soulevés à l'encontre du titre exécutoire, qui sont les mêmes que ceux soulevés à l'encontre des pénalités infligées dans le cadre de la requête n° 1807848, doivent être écartés.
31. En dernier lieu, l'imputation à tort des pénalités concernant des manquements constatés au mois d'avril 2018 sur les factures du mois de mars sont sans incidence sur le
bien-fondé du titre exécutoire dès lors que la créance concernée par celui-ci ne procède à aucune compensation irrégulière mais se borne uniquement à recouvrer les pénalités qui n'ont pu être imputées sur les factures de mars et avril 2018. Le moyen doit ainsi être écarté.
32. Il résulte de ce qui précède que la société Sepur n'est pas fondée à demander l'annulation du titre exécutoire n° 2286 émis le 30 décembre 2020, la décharge de la somme et la modération du montant des pénalités.
Sur les frais du litige :
33. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ".
34. D'une part, dans le cadre de l'instance n° 1807848, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la société Sepur, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée à ce titre par le GPSEA. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge du GPSEA une somme de 1 500 euros à verser sur ce fondement à la société Sepur.
35. D'autre part, dans le cadre de l'instance n° 2101322, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge du GEPSEA, qui n'est pas la partie perdante, la somme demandée à ce titre par la société Sepur. Il y a lieu en revanche de mettre à la charge de la société Sepur une somme de 1 500 euros à verser sur ce fondement au GPSEA.
D E C I D E :
Article 1er : L'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir est condamné à payer à la société Sepur la somme de 115 557,20 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires au taux de 7 % à compter du 25 juin 2018 et de la capitalisation des intérêts à compter du 10 février 2021 ainsi qu'à chaque échéance annuelle.
Article 2 : Il est mis à la charge de l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir, dans le cadre de l'instance n° 1807484, une somme de 1 500 euros à verser à la société Sepur au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Il est mis à la charge de la société Sepur, dans le cadre de l'instance n° 2101322, une somme de 1 500 euros à verser à l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requêtes no 1807484 est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la requête dans l'instance n° 2101322 sont rejetées.
Article 6 : Le surplus des conclusions de l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir dans les instances nos 1807484 et 2101322 est rejeté.
Article 7 : Le présent jugement sera notifié à la société Sepur et à l'établissement public territorial Grand Paris Sud Est Avenir.
Délibéré après l'audience du 30 avril 2024, à laquelle siégeaient :
M. Xavier Pottier, président,
Mme Andreea Avirvarei, conseillère,
Mme Jeanne Darracq-Ghitalla-Ciock, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 mai 2024.
La rapporteure,
J. E
Le président,
X. Pottier La greffière,
C. Mahieu
La République mande et ordonne à la préfète du Val-de-Marne en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière
N° 1807848