TA Montpellier, 09/03/2023, n°1905583

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 18 octobre 2019 et le 23 février 2021, la société Eiffage Construction Languedoc-Roussillon, représentée par la SCP Salesse et Associés, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de condamner le département des Pyrénées-Orientales à lui verser la somme de 2 020 387 euros HT au titre du solde du marché de la construction et de la rénovation du collège de Millas, assortie des intérêts à compter de la date des retenues pratiquées ;

2°) de mettre à la charge du département des Pyrénées-Orientales la somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- elle est bien recevable dès lors que son mémoire en réclamation du 16 janvier 2017 est détaillé ;

- le département des Pyrénées-Orientales a entrepris la construction et la réhabilitation du collège de Millas ; par acte d'engagement du 11 avril 2014, elle est désignée attributaire du lot n°2 " gros œuvre et charpente " ; la durée des travaux était de 18 mois pour une fin des travaux le 11 octobre 2015 ; le montant du marché était de 3 690 000 euros HT ;

- les travaux tous corps d'état ont été réceptionnés le 18 novembre 2015 soit avec 38 jours de retard ;

- une expertise a été réalisée par M. A, mais en raison de son indigence et de sa partialité, elle a abandonné la procédure ;

- le décompte général a été reçu le 6 décembre 2016 et un mémoire en réclamation a été adressé le 16 janvier 2017 ; son mémoire en réclamation a été rejeté le 28 février 2017 ;

- ses demandes indemnitaires s'élèvent à 2 020 387 euros HT : un solde de 315 709,36 euros TTC n'a pas été réglé, le total de ses demandes au titre des travaux complémentaires est de 1 136 691,42 euros HT, soit 1 364 029,70 euros TTC, des pénalités infondées ont été appliquées à hauteur de 825 573,95 euros et des réfactions infondées ont été appliquées ;

- le 11 avril 2014, l'acte d'engagement a été modifié avec un montant de la tranche ferme de 3 500 509,42 euros HT et une tranche conditionnelle n°4 d'un montant de 189 490,58 euros HT ; le délai d'exécution de la tranche ferme était de 18 mois ;

- elle a diffusé un planning détaillé ; elle a subi le non-respect des délais de fournitures des plans engendrant un arrêt de ses équipes ; elle a subi des décalages de planning pour le gros œuvre en raison de la réalisation de la rampe fondation et dallage entre le bâtiment C et la chaufferie et la réalisation des dallages extérieurs ; elle a également subi des décalages de planning pour la réalisation des ouvrages de charpente métallique à savoir la réalisation des passerelles et la réalisation de l'auvent d'entrée du collège ; elle a également subi des arrêts de chantier en raison de la réalisation des murs en pierres ; elle a subi des allongements de délai pour pose de contreventement ;

- elle conteste les pénalités appliquées, notamment celle pour retard de chantier à hauteur de 80 jours pour un montant de 507 573,95 euros HT ; à titre subsidiaire, le montant de ces pénalités est disproportionné et représente 20% du montant du marché ;

- en ce qui concerne les pénalités pour retard de transmission de documents à hauteur de 318 000 euros HT, elles ne sont pas justifiées ;

- elle conteste également les retenues injustifiées sur le poste 4.6.6.1 (chape de ravoirage de 40mm d'épaisseur) à hauteur de 103 156 euros HT ;

- elle conteste la réfaction sur l'esthétique des murs en pierres à hauteur de 58 112 euros ;

- elle a réalisé des travaux complémentaires sur ordres de service, pour un complément de 9 565,38 euros HT pour l'ordre de service n°5, 38 350 euros HT pour l'ordre de service n°6, 19 887,21 euros HT pour l'ordre de service n°7, 10 947 euros HT pour l'ordre de service n°8, 21 315,82 euros HT pour l'ordre de service n°9 ;

- elle a réalisé des travaux supplémentaires mais sans ordre de service, pour la mise en place d'un transformateur provisoire tarif vert pour un montant de 16 650 euros HT, pour la prestation de bureau d'étude pour la réalisation des plans d'exécution pour 13 746 euros HT, pour le devis n°008 pour 3 750 euros HT en ce qui concerne la reprise d'une erreur d'un plan d'exécution, pour le devis n°012 à hauteur de 4 764 euros HT en ce qui concerne la réouverture d'une tranchée à la demande de la maitrise d'œuvre, pour le devis n°28 à hauteur de 1 210 euros HT en ce qui concerne la réalisation de carottages, pour le devis n°30 à hauteur de 4 935 euros en ce qui concerne le changement de prestation de dallages extérieurs et la plus-value pour l'incorporation de quartz, pour le devis n°33 à hauteur de 500 euros HT en ce qui concerne la fourniture et la pose d'une grille dans le local TGBT, pour la réalisation d'une deuxième installation de chantier le 31 août à hauteur de 9 250 euros HT, pour le gardiennage complémentaire à hauteur de 21 050 euros HT, pour la base de vie complémentaire à hauteur de 10 995 euros HT ;

- elle présente également des demandes liées aux conditions d'attribution du marché ; elle a rendu une offre sur la base des pièces techniques lui permettant de chiffrer les travaux et sur la mission de maitrise d'œuvre mission PRO + EXE ; son offre a retenu les quantités de 1 213 m3 de gros béton et 261 m3 de béton armé ; la commission l'a interrogée et lui a demandé de valider les quantités prévues et a répondu par l'affirmative en tenant compte des documents qui l'engageaient contractuellement ; en l'espèce il est évident que le maitre d'ouvrage, le maitre d'œuvre et l'assistant à maitrise d'ouvrage se sont aperçus de l'erreur commise par elle, qui aurait été à l'avantage du maitre d'ouvrage ; ils auraient dû la questionner précisément ; la conduite du chantier conduira à un surcoût de 321 000 euros (d'ouvrages complémentaires réalisés) et 507 573 euros de pénalités de retard (sa cadence initialement prévue était de 19,64m2/jour pour les fondations, les fondations ont engendré 1 095m3 supplémentaires non prévus au marché, soit au rythme de 19m3/jour environ, 39 jours calendaires, soit un surcoût financier de 65 144 euros) ;

- le retard de transmission des plans d'exécution a entrainé une incidence financière en raison des différents arrêts de chantier lors des ouvrages de gros œuvre : un 1er arrêt de chantier de 3 jours du 8 au 10 juillet 2014 pour 10 425 euros, un arrêt de 17 jours en juillet 2014 pour 43 555 euros HT, un arrêt de 6 jours à compter du 9 septembre 2014 pour le bâtiment B pour 16 993 euros HT, un arrêt de 5 jours à compter du 12 septembre 2014 pour le bâtiment A pour 20 893 euros, un arrêt de 11 jours à compter du 26 septembre 2014 sur le bâtiment E, pour 47 080 euros HT, un arrêt de 4 jours à compter du 12 novembre 2014 sur le bâtiment TC4 pour 18 674 euros , un arrêt de 50 jours à compter du 28 octobre 2014 sur le bâtiment F, un arrêt de 17 jours lors de la réalisation de la rampe fondation et dallage entre le bâtiment C pour 12 247 euros et un décalage d'intervention de 256 jours pour un surcoût de 17 684 euros HT, un décalage lors de la réalisation des dallages extérieurs de 213 jours pour 14 714 euros HT et un arrêt de 2 jours pour 1 204 euros HT ;

- le retard de transmission des plans d'exécution a entrainé une incidence financière en raison des différents arrêts de chantier lors de la réalisation de la charpente métallique : la réalisation des passerelles a subi un décalage d'intervention de 198 jours, soit 13 678 euros, la réalisation de l'auvent de l'entrée du collège a subi un décalage de 194 jours soit 13 401 euros ;

- le retard de transmission des plans d'exécution a entrainé une incidence financière en raison des différents arrêts de chantier lors de la réalisation du mur de pierre, soit 19 490 euros HT ;

- le retard de transmission des plans d'exécution a entrainé une incidence financière en raison des différents arrêts de chantier lors de la mise au point du contreventement, chiffré dans le devis n°35, soit 14 575 euros HT ;

- le département des Pyrénées-Orientales et Pyrénées-Orientales Aménagement savaient, lors de la consultation, que leurs documents contenaient des erreurs et que ces erreurs allaient engendrer des pertes énormes pour le candidat retenu ; cette faute a engendré un préjudice représentant les différences entre le cout des ouvrages décrits dans le DCE et ceux décrits dans le dossier EXE ;

- elle demande à être déchargée des pénalités de retard appliquées à hauteur de 507 573,95 euros ;

- elle demande à être déchargée des pénalités de retard de transmission de document à hauteur de 318 000 euros HT ;

- les comptes rendus de chantier ne lui ont imputé à aucun moment un retard ; en revanche l'imputabilité des retards au maitre d'œuvre explique l'allongement des délais d'exécution ; le maitre d'ouvrage engage sa responsabilité en n'imposant pas directement, soit indirectement par l'intermédiaire de son mandataire, au maitre d'œuvre de respecter sa mission ;

- le solde du marché de 315 709,36 euros TTC ne lui a pas été réglé.

Par un mémoire en défense, enregistré le 6 mai 2020, le département des Pyrénées-Orientales, représenté par la Selarl D4 Avocats Associés, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 4 500 euros soit mise à la charge de la société Eiffage Construction Languedoc Roussillon au titre de l'article L. 761-1 code de justice administrative.

Il soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable dès lors que le mémoire du 17 janvier 2017 ne saurait être qualifié de mémoire en réclamation au sens de l'article 50.1.1 du CCAG Travaux de 2009, lequel ne comprenait aucune base de calcul malgré son montant de 2 020 387 euros HT ;

- le marché de construction et de réhabilitation du collège de Millas était réparti en 27 lots, et le lot n°2 gros œuvre et charpente a été attribué à la société Eiffage Construction (ECLR) pour un montant de 3 690 000 euros pour la tranche ferme ;

- il a confié la maitrise d'ouvrage déléguée à la SAEM Roussillon Aménagement, devenue SPLA Pyrénées-Orientales Aménagement ;

- la maitrise d'œuvre était assurée par un groupement à qui ont été confiées les missions bâtiment, EXE (réalisation des études d'exécution), OPC et diverses missions complémentaires (CCSI, SIGN, ART) ;

- par ordre de service n°1 du 11 juin 2014, la SPLA a notifié à la société ECLR le démarrage des travaux ;

- en cours d'exécution du marché, la société ECLR a sollicité du juge des référés la désignation d'un expert ; par ordonnance du 24 septembre 2015, l'expertise a été ordonnée ; la société ECLR a décidé de renoncer à cette expertise, dès lors qu'elle n'allait pas dans son sens et l'expert a rendu un rapport en l'état daté du 24 juin 2016 ;

- l'expert proposait de ne pas retenir de préjudice en considérant que le DCE avait légèrement surévalué les volumes de béton et l'écart de 5% était normal et n'était pas de nature à induire des incidences quant aux délais, que l'entreprise a sous-évalué les quantités et a confirmé son calcul ainsi que le prix global et forfaitaire de son offre, que ECLR ayant confirmé les quantités, elle doit assumer les conséquences de son erreur, et il n'y a pas eu d'arrêt de chantier mais une modification des phases de travaux ;

- les travaux ont été réceptionnés le 18 novembre 2015 avec 38 jours de retard ;

- la société ECLR a transmis un décompte final de 5 824 903,62 euros TTC ; la requérante ne produit aucune preuve de la date de transmission de ce projet de décompte final ;

- par un décompte du 30 novembre 2016, le décompte général a été fixé à la somme de 3 477 393,76 euros TTC ;

- par une demande du 24 août 2017, la société ECLR a saisi le comité consultatif de règlement amiable des différends en matière de marchés publics de Marseille (CCIRA) ; le CCIRA a proposé de rejeter les demandes d'ECLR mais considère qu'une solution équitable pourrait consister à réduire les pénalités à hauteur de 10% ;

- à titre subsidiaire, la requête est mal fondée ;

- sur le paiement des travaux supplémentaires : en ce qui concerne les travaux réalisés à prix provisoires, la société ECLR ne produit pas les prétendus ordres de service, ainsi que l'a relevé le CCIRA ; en ce qui concerne les travaux sans ordres de service, les travaux sollicités sont inclus dans son prix et ECLR ne démontre pas que les travaux auraient été réalisés et étaient indispensables ;

- ces demandes sont par ailleurs mal fondées ; s'agissant de la mise en place d'un transformateur provisoire tarif vert, celle-ci était prévue par le marché au point 2.5.1 du CCTP du lot n°2 ; s'agissant du bureau d'étude pour la réalisation des plans d'exécution, la société ECLR ne justifie pas les sommes engagées et n'indique pas leur caractère indispensable, par ailleurs, le point 1.4.1 du CCTP incluait cette étude et il n'appartenait pas au maitre d'œuvre de réaliser des plans d'exécution résultant de variantes proposées par le titulaire ;

- s'agissant de la réalisation d'une deuxième installation de chantier gardiennage complémentaire et base de vie complémentaire, cela ne représente pas des travaux supplémentaires mais seulement et éventuellement des préjudices liés à l'allongement du chantier, or le CCIRA relève que le retard du chantier est imputable aux choix techniques de la société s'agissant des fondations ;

- s'agissant de la surconsommation de béton lors de la réalisation des fondations : l'article 1-3-3-1-1 du CCTP commun à tous les lots prévoit que les candidats sont réputés, avant la remise de leur offre, s'être informés de la nature des ouvrages, de leur importance et avoir contrôlé toutes les indications du dossier de consultation, notamment des plans, des dessins et du CCTP ; il appartenait à ECLR de vérifier l'exactitude des quantitatifs de matériaux figurants dans les documents de consultation et nécessaires à la réalisation des travaux ; par ailleurs, il n'y a pas de surconsommation de béton, l'expert indique que l'écart entre les plans joints au DCE et les plans EXE était de l'ordre de 5% et que cet écart est normal et sans incidence sur les délais d'exécution ; par ailleurs la société ECLR ne justifie pas des quantités effectivement mises en œuvre ; en tout état de cause, la mise en œuvre de quantités supplémentaires résulte uniquement d'une grave négligence de la part de la société ECLR, en effet l'expert relève qu'ECLR a volontairement diminué les quantités prévues dans le cadre du DPGF, au niveau des fouilles, des bétons, au niveau des planchers, poutrelles, hourdis, dalles pleines et divers ; par ailleurs, la maitrise d'œuvre avait interrogé la société ECLR sur la réduction des quantités prévues, laquelle a confirmé son calcul et le prix global et forfaitaire ;

- sur les demandes indemnitaires au titre des préjudices subis liés aux arrêts de chantiers (324 865 euros), aux décalages de chantier (19 490 euros) et à la mise au point du contreventement (14 575 euros), elles seront rejetées car ECLR ne démontre pas les fautes propres du maitre d'ouvrage ; par ailleurs, les réclamations sont fondées sur un calendrier non contractuel, à savoir celui du 7 mai 2014, alors que la calendrier validé est celui du 4 juillet 2014 ;

- il n'existe pas de faute propre du maitre d'ouvrage, et les préjudices ne sont pas établis ;

- sur les demandes de restitution des pénalités et autres retenues : s'agissant de la retenue de 103 156 euros HT, le maitre d'ouvrage délégué a constaté l'absence de réalisation de chapes sur une surface de 5 576 m2 ;

- s'agissant de la retenue pour le mur en pierre, la réfaction a été de 48 510 euros HT pour 225m2 et non 58 112 euros HT comme allégué, elle ne porte pas sur la totalité du mur, mais sur 225m2 sur 731 m2 et la société ECLR ne démontre à aucun moment que l'absence de joints vides entre les pierres aurait été expressément prescrit par la maîtrise d'œuvre, et que ces travaux n'étaient pas constitutifs de " sujétions de pose " qu'elle était tenue de réaliser ;

- sur la restitution des pénalités : s'agissant des retards de chantier, le compte rendu de chantier du 16 septembre 2015 a informé les entreprises de l'application ultérieure de pénalités en laissant 7 jours pour présenter des observations, la société ECLR était informée à cette date d'une pénalité de 374 554,50 euros ; les travaux ont été réceptionnés avec un retard de 38 jours ; la société ECLR a eu des retards dans la réalisation de divers travaux ;

- s'agissant des retards de transmission de documents : la société ECLR n'établit pas ne pas avoir transmis avec 212 jours de retard les sous-détails de prix ;

- sur la modulation des pénalités de retard : celles-ci ne sont pas excessives et ne représentent que 23% du montant du marché.

Vu

- les autres pièces du dossier ;

- l'ordonnance du 27 juillet 2016, par laquelle la présidente du tribunal a taxé les frais de l'expertise réalisée par M. A.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Huchot, rapporteur ;

- les conclusions de M. Lauranson, rapporteur public ;

- les observations de Me Salesse, représentant la société Eiffage Construction Languedoc-Roussillon ;

- et les observations de Me Grail, représentant le département des Pyrénées-Orientales.

Considérant ce qui suit :

1. Le département des Pyrénées-Orientales a entrepris la construction et la réhabilitation d'un collège à Millas et a confié la maitrise d'ouvrage déléguée à la SAEM Roussillon Aménagement, devenue SPLA Pyrénées-Orientales Aménagement. La maitrise d'œuvre était quant à elle confiée à un groupement composé d'architectes et de divers bureaux d'études. Le marché était réparti en 24 lots et la société Eiffage Construction Languedoc-Roussillon (ECLR) a été désignée attributaire du lot n°2 " gros œuvre - charpente " par un acte d'engagement du 4 avril 2014 pour un montant de 3 690 000 euros HT en ce qui concerne la tranche ferme, modifié le 11 juin 2014 pour un montant forfaitaire de la tranche ferme à 3 500 509,42 euros HT et une tranche conditionnelle n°4 d'un montant de 189 490,58 euros HT. Le démarrage des travaux a eu lieu le 11 juin 2014 et le délai d'exécution était de 18 mois. Les travaux ont été réceptionnés le 18 novembre 2015. En cours de travaux, la société ECLR a saisi le tribunal d'un référé expertise, laquelle a été ordonnée le 24 septembre 2015. Par un courrier du 31 mai 2016, la société ECLR a sollicité l'arrêt de l'expertise. M. A a rendu son rapport d'expertise en l'état le 24 juin 2016. La société ECLR a transmis son décompte final d'un montant de 4 854 085,93 euros HT, soit 5 824 903,12 euros TTC. Le maitre d'ouvrage a transmis le projet de décompte général le 30 novembre 2016 d'un montant de 3 477 393,76 euros TTC. Par un mémoire en réclamation du 16 janvier 2017, la société ECLR a contesté ce décompte. Par une décision du 28 février 2017, cette réclamation a été rejetée. Par sa requête, la société ECLR demande l'indemnisation des préjudices qu'elle estime avoir subi en raison de retenues et de pénalités indues, de l'allongement du chantier, et au titre de travaux supplémentaires qu'elle estime avoir réalisés.

Sur la fin de non-recevoir :

2. Aux termes de l'article 50 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux, dans sa version issue de l'arrêté susvisé du 8 septembre 2009 (CCAG Travaux) : " 50.1.1. Si un différend survient () entre le titulaire et le représentant du pouvoir adjudicateur, le titulaire rédige un mémoire en réclamation. () Si la réclamation porte sur le décompte général du marché, ce mémoire est transmis dans le délai de trente jours à compter de la notification du décompte général. / Le mémoire reprend, sous peine de forclusion, les réclamations formulées antérieurement à la notification du décompte général et qui n'ont pas fait l'objet d'un règlement définitif. 50.1.2. () le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire sa décision motivée dans un délai de trente jours à compter de la date de réception du mémoire en réclamation. () 50.3. Procédure contentieuse : 50.3.2. Pour les réclamations auxquelles a donné lieu le décompte général du marché, le titulaire dispose d'un délai de six mois, à compter de la notification de la décision prise par le représentant du pouvoir adjudicateur en application de l'article 50.1.2, ou de la décision implicite de rejet conformément à l'article 50.1.3, pour porter ses réclamations devant le tribunal administratif compétent. 50.3.3. Passé ce délai, il est considéré comme ayant accepté cette décision et toute réclamation est irrecevable ".

3. Un mémoire du titulaire du marché ne peut être regardé comme une réclamation au sens des stipulations précitées que s'il comporte l'énoncé d'un différend et expose, de façon précise et détaillée, les chefs de la contestation en indiquant, d'une part, les montants des sommes dont le paiement est demandé et, d'autre part, les motifs de ces demandes, notamment les bases de calcul des sommes réclamées. Si ces éléments ainsi que les justifications nécessaires peuvent figurer dans un document joint au mémoire, celui-ci ne peut pas être regardé comme une réclamation lorsque le titulaire se borne à se référer à un document antérieurement transmis au représentant du pouvoir adjudicateur ou au maître d'œuvre sans le joindre à son mémoire.

4. Il résulte de l'instruction que la société ECLR a transmis le 16 janvier 2017 un courrier intitulé " mémoire en réclamation " détaillant longuement l'exposé des différents chefs de préjudices, les motifs de ses réclamations et leurs bases de calcul, l'ensemble étant d'ailleurs repris dans sa requête et répond ainsi aux exigences de l'article 50 précité du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux. Si le département des Pyrénées-Orientales indique que les préjudices ne sont pas justifiés par des pièces annexes, tels que des devis, le courrier détaille en lui-même les sommes réclamées avec suffisamment de précisions pour lui permettre de comprendre la teneur des réclamations et d'y apporter une réponse circonstanciée. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de l'absence de mémoire en réclamation doit être écartée.

Sur les conclusions tendant au paiement de travaux supplémentaires :

En ce qui concerne la quantité de béton mis en œuvre :

5. Si la société ECLR reproche aux documents de marchés de contenir des erreurs et des divergences entre le dossier de consultation des entreprises (DCE) et les plans d'exécution (EXE) l'ayant conduit à mettre en œuvre une quantité de béton, notamment pour les fondations, bien plus importante que prévue, il résulte toutefois de l'instruction, et en particulier du rapport d'expertise, que le DCE et les plans EXE prévoyaient respectivement des quantités de béton de 2 471 m3 et 2 360 m3, soit un écart de 5% qui n'était pas de nature à influer sur les délais d'exécution. Par ailleurs, la société ECLR indique dans sa requête avoir mis en œuvre une quantité de 2 247 m3, proche de celle prévue par le DCE et le plan EXE. Ensuite, il résulte de l'instruction que la société ECLR a proposé dans sa candidature la mise en œuvre de seulement 1 474 m3 de béton pour les fondations, et que la maitrise d'œuvre a expressément interrogé la société ECLR sur cette différence de quantité en donnant un certain nombre d'articles de référence, tant au niveau des fouilles qu'au niveau des planchers poutrelles hourdis, dalles pleines et divers, laquelle a confirmé, dans un courrier du 31 janvier 2014, maintenir sa proposition sans variante en s'appuyant sur le métré réalisé par son bureau d'études spécialisé. Dans ces conditions, il résulte de l'instruction que la société ECLR a elle-même sous-évalué les quantités de béton à mettre en œuvre au niveau de son offre malgré l'alerte circonstanciée de la maitrise d'œuvre et a finalement mis en œuvre une quantité de béton telle que prévue à l'origine de l'ordre d'environ 2 300 m3. Par suite, la société ECLR n'est pas fondée à soutenir que les documents du marché ne lui auraient pas permis de rendre une offre adaptée et que la maitrise d'œuvre ne l'aurait pas alertée. Dès lors les conclusions indemnitaires à hauteur de 511 013 euros HT pour surconsommation de béton doivent être rejetées.

En ce qui concerne les travaux supplémentaires sur ordre de service à prix provisoires :

6. Il résulte de l'instruction que la société ECLR ne produit ni les ordres de service du maitre d'ouvrage qui auraient ordonné la réalisation de travaux supplémentaires, lesquels ne sont pas même évoqués, ni les devis sur lesquels elle se fonde. Dans ces conditions, les préjudices invoqués à hauteur de 58 920,42 euros HT ne sont pas matériellement établis et ne sauraient être indemnisés.

En ce qui concerne les travaux supplémentaires et indispensables :

7. Le caractère global et forfaitaire du prix du marché ne fait pas obstacle à ce que l'entreprise cocontractante sollicite une indemnisation au titre de travaux supplémentaires effectués, même sans ordre de service, dès lors que ces travaux étaient indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art.

S'agissant de la mise en place d'un transformateur provisoire tarif Vert :

8. La société ECLR demande le paiement d'une somme de 16 650 euros HT pour la mise en place d'un transformateur provisoire tarif vert pour palier à l'impossibilité technique d'ERDF de raccorder le chantier, ce qu'elle ne pouvait pas prévoir. Toutefois, il résulte de l'instruction que l'article 2.5.1 du CCTP du lot n°2 prévoyait expressément l'obligation pour le titulaire d'inclure dans son prix les branchements, et notamment un branchement électrique provisoire et la mise en place d'une armoire de type forain. La société ECLR n'a pas émis de réserve après sa visite des lieux. Dans ces conditions, cette prestation, dont le montant n'est d'ailleurs justifié par aucune pièce du dossier, devait être incluse dans l'offre de la société ECLR et ne constitue pas des travaux supplémentaires.

S'agissant de la prestation de bureau d'étude pour la réalisation des plans d'exécution :

9. Il ne résulte pas de l'instruction que la maitrise d'œuvre n'aurait pas réalisé les plans d'exécution pour les plans d'armatures de plancher et que la société ECLR aurait effectivement commandé et payé une étude supplémentaire pour la réalisation de ces plans. Par ailleurs, il apparait que cette étude complémentaire concernerait l'adaptation des choix techniques de la société ECLR qui s'est écartée des prévisions initiales et doit donc en tout état de cause rester à sa charge. Par suite ce préjudice allégué de 13 746 euros HT n'est pas établi et ne saurait être indemnisé.

S'agissant des devis n°008, 12, 28, 30 et 33 :

10. Il résulte de l'instruction que la société ECLR ne produit pas les devis 008, 28, 30 et 33 dont elle demande le paiement et n'établit pas que les travaux qui y seraient mentionnés (la reprise réalisée par suite d'une erreur du plan d'exécution, des carottages, le changement de prestation des dallages extérieurs et plus-value d'incorporation de quartz teinté, la fourniture et la mise en place d'une grille dans le local TGBT) auraient été effectivement réalisés et qu'ils étaient indispensables et non prévus au marché. Par ailleurs, le devis n°12 d'un montant de 5 716,80 euros TTC concernant la réouverture d'une tranchée entre le bâtiment C et la chaufferie indique que ces travaux feraient suite à une demande de la maitrise d'œuvre, or la société ECLR ne produit aucune pièce établissant cette demande, notamment un ordre de service. Par suite, ces préjudices allégués ne sauraient être indemnisés.

S'agissant de la réalisation d'une deuxième installation de chantier le 31 août 2015 lors de l'ouverture du collège :

11. Il résulte de l'instruction que la société ECLR ne justifie pas des frais engagés pour l'installation d'une deuxième installation de chantier, du gardiennage complémentaire et du coût de location liés, lesquels, ainsi que l'oppose le département, relèvent davantage de préjudices résultant de l'allongement du délai d'exécution, que de travaux supplémentaires. La société ECLR indique d'ailleurs expressément dans sa requête que ces frais sont la conséquence de l'ouverture du collège le 31 août 2015 et du déplacement de cette base de vie en raison de l'allongement des délais du chantier jusqu'au 18 novembre 2015. Par suite, la société ECLR n'est pas fondée à demander le paiement des frais liés à cette deuxième installation sur le fondement des travaux supplémentaires.

Sur les conclusions tendant au paiement des préjudices liés à l'allongement du chantier :

12. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

En ce qui concerne les préjudices liés à l'allongement du chantier, décalage de chantier et mise au point du contreventement :

13. En premier lieu, et pour les mêmes motifs qu'énoncés au point 5, l'allongement allégué du chantier lié à la mise en œuvre de quantité supplémentaire de béton par rapport à ce que la société ECLR avait envisagé est seulement la conséquence de ses propres erreurs d'estimation et de sous-évaluation du métré. Par suite, le préjudice lié à l'allongement du chantier à hauteur de 39 jours, pour un montant évalué à 65 144 euros, ne saurait être indemnisé.

14. En deuxième lieu, s'agissant des différents arrêts de chantier allégués, il résulte de l'instruction que l'expert estime qu'ils n'ont pas eu lieu, mais qu'a seulement été constaté une modification des phases de travaux. Par ailleurs, lesdits retards selon les différentes périodes alléguées ne sont établis par aucune pièce du dossier, ni même les préjudices liés, comprenant notamment le déplacement de la base de vie, lesquels sont contestés par le département. Ensuite, il résulte de l'instruction que la société ECLR fonde ses calculs en prenant en considération un planning du 4 mai 2014 alors que le planning validé est celui remis par les architectes validé et signé par ECLR le 4 juillet 2014 et que seul ce planning est opposable, ainsi que l'indique le département. Au surplus et en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que ces retards intermédiaires entre juillet et octobre 2014, à les supposer avérés, auraient trouvé leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser le contrat ou qu'ils auraient été imputables à une faute du maître d'ouvrage dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché. Par suite, la société ECLR n'est pas fondée à engager la responsabilité du département des Pyrénées-Orientales.

15. En troisième lieu, si la société ECLR soutient avoir subi des décalages d'interventions et des arrêts en ce qui concerne la réalisation d'éléments du gros œuvre (rampe et fondation et dallage entre le bâtiment C et la chaufferie et dallages extérieurs), de la charpente (réalisation des passerelles, réalisation de l'auvent d'entrée du collège), de mur en pierre et de la mise au point du contreventement, ces allégations ne sont pas établies par les pièces du dossier et sont contestés par le département. Ensuite, il résulte de l'instruction que la société ECLR fonde ses calculs en prenant en considération un planning du 4 mai 2014 alors que le planning validé est celui remis par les architectes validé et signé par ECLR le 4 juillet 2014 et que seul ce planning est opposable, ainsi que l'indique le département. Au surplus et en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que ces décalages entre sept/octobre 2014 et juin/juillet 2015, à les supposer avérés, auraient trouvé leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser le contrat ou qu'ils auraient été imputables à une faute du maître d'ouvrage dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché. Par suite, la société ECLR n'est pas fondée à engager la responsabilité du département des Pyrénées-Orientales.

Sur les conclusions indemnitaires portant sur les pénalités de retard :

16. Les pénalités de retard prévues par les clauses d'un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus. Elles sont applicables au seul motif qu'un retard dans l'exécution du marché est constaté et alors même que le pouvoir adjudicateur n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi. Si, lorsqu'il est saisi d'un litige entre les parties à un marché public, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat, il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l'ampleur du retard constaté dans l'exécution des prestations. Il en résulte que lorsque le titulaire du marché saisit le juge de conclusions tendant à ce qu'il modère les pénalités mises à sa charge, il ne saurait utilement soutenir que le pouvoir adjudicateur n'a subi aucun préjudice ou que le préjudice qu'il a subi est inférieur au montant des pénalités mises à sa charge. Il lui appartient de fournir aux juges tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif. Au vu de l'argumentation des parties, il incombe au juge soit de rejeter les conclusions dont il est saisi en faisant application des clauses du contrat relatives aux pénalités, soit de rectifier le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché dans la seule mesure qu'impose la correction de leur caractère manifestement excessif.

En ce qui concerne les retards liés aux travaux :

17. Il résulte de l'instruction que les travaux ont été réceptionnés le 18 novembre 2015 avec 38 jours de retard passé le délai d'exécution de 18 mois. Or le département des Pyrénées-Orientales a appliqué dans le décompte général des pénalités cumulées à hauteur de 80 jours en application de l'article 7.3.1 du CCAP, sans toutefois établir la réalité de ces retards, dès lors qu'il se borne à faire état d'un retard concernant le contreventement de la charpente bois du bâtiment F et d'un retard concernant la fourniture et la pose de la grille en façade du local TGBT en se référant aux comptes rendus de chantier n°79 à 81 des 30 septembre, 7 et 14 octobre 2015, lesquels ne permettent pourtant pas de calculer ces retards et ne les quantifient pas. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que le premier constat de retard n'est relevé pour le lot n°2 que très tardivement, à compter du compte rendu n°78 du 16 septembre 2015 à hauteur de 61 jours en faisant référence à un " 12e rappel " concernant la pose du contreventement du bâtiment F et un retard pour la réalisation de la chape de ce même bâtiment. Toutefois, ce compte rendu n°78 ne donne aucun détail et élément de calcul pour déterminer la durée de ce retard par rapport notamment à une date de commencement de travaux prévue par le planning du 4 juillet 2014 et par rapport à une date de fin attendue de réalisation de ces travaux. Dans ces conditions, il apparait que seul le retard objectif de 38 jours sur le délai global d'exécution est établi. Dans ces conditions, la société ECLR est fondée à demander la restitution des pénalités de retards supplémentaires appliquées, à savoir en l'espèce la somme de 294 042,87 euros. Enfin, il résulte de l'instruction que la somme restante à la charge de la société ECLR d'un montant de 213 531,08 euros au titre des pénalités de retard n'est pas disproportionnée.

En ce qui concerne les pénalités pour remise tardive de documents :

18. Il résulte de l'instruction que le département des Pyrénées-Orientales a appliqué des pénalités de retard pour non transmission des sous-détails de prix demandés par courrier du 21 janvier 2016 par le maitre d'ouvrage, soit 212 jours à hauteur de 318 000 euros. Or ce courrier du 21 janvier 2016 n'est pas produit et il ne résulte pas de l'instruction que ces sous-détails de prix n'étaient pas déjà mentionnés dans l'offre de la société ECLR. Par suite, la société ECLR est fondée à demander la restitution de la somme de 318 000 euros.

Sur les conclusions indemnitaires portant sur les retenues pour moins-values et réfections :

19. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le décompte général retient des retenues pour moins-value à hauteur de 80 714,82 euros HT mais la société ECLR ne les conteste qu'à hauteur de 48 510 euros HT soit 58 212 euros TTC en ce qui concerne le caractère inesthétique du mur en pierre en façades Sud et Ouest dont le rendu ne correspond pas aux attentes du maitre d'ouvrage et maitres d'œuvre sur une surface de 225m2. S'il semble que le motif de cette retenue réside dans les caractéristiques des joints de ces murs, il ne résulte pas de l'instruction que ce mécontentement soit matériellement établi dès lors qu'il n'est fait référence à aucun compte rendu de chantier ou courrier demandant la reprise des murs litigieux. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que le département a appliqué le coût unitaire de 215,6 euros HT le m2 alors qu'il ne résulte pas de l'instruction qu'il serait nécessaire de procéder à la reconstruction totale de ces pans de murs. Dans ces conditions, la société ECLR est fondée à demander la restitution de la retenue de 48 510 euros HT.

20. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que selon le poste 4.6.6.1 du CCTP, la société ECLR devait réaliser une chape de ravoirage de 40 mm d'épaisseur sur la dalle intérieure du collège, en rez-de-chaussée, en R+1, au niveau PDAEM, au niveau du logement de fonction en rez-de-chaussée et au niveau du vestiaire du gymnase. Or, pour contester la retenue de 103 156 euros HT opérée par le département des Pyrénées-Orientales en raison de l'absence de réalisation de 5 576 m2 sur les 6 306 m2 de cette chape, la société ECLR se borne à indiquer avoir réalisé la chape de ravoirage du logement de fonction, du vestiaire du gymnase et le rez-de-chaussée du bâtiment C et ne conteste pas ne pas avoir réalisé les autres surfaces. Par ailleurs, si la société ECLR indique que cette chape était indiquée " comprise " dans son offre et que le caractère de marché global et forfaitaire s'oppose à ce qu'une somme puisse lui être réclamée, elle n'a droit au paiement de la somme forfaitairement prévue qu'à la condition d'avoir réalisé les travaux, ce qui n'est pas le cas en l'espèce. Dans ces conditions, la société ECLR n'est pas fondée à contester la retenue de 103 156 euros HT réalisée par le département des Pyrénées-Orientales.

Sur le " solde " non réglé :

21. Si la société ECLR demande le paiement d'un solde de 315 709,36 euros TTC, cette somme n'est justifiée par aucune pièce du dossier. Par ailleurs, à supposer que ce solde soit la résultante des sommes initialement réclamées par la requérante, il résulte de ce qui précède que ce solde, dont le calcul n'est pas justifié, n'est pas établi.

22. Il résulte de tout ce qui précède que la société ECLR est fondée à demander le paiement de la somme totale de 612 042,87 euros au titre des pénalités et la somme de 48 510 euros HT, soit 58 212 euros TTC, au titre de la retenue restituée.

Sur les intérêts :

23. La société ECLR a droit aux intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2017, date de réception par le département des Pyrénées-Orientales du mémoire en réclamation de la société ECLR.

Sur les frais d'expertise :

24. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. L'Etat peut être condamné aux dépens ".

25. Les frais et honoraires d'expertise ont été liquidés et taxés à la somme de 5 523,34 euros TTC par ordonnance de la présidente du tribunal administratif en date du 27 juillet 2016, qui les a mis à la charge de la société ECLR. Il y a lieu, en application de ces dispositions et de tout ce qui précède, de les laisser à la charge définitive de la société Eiffage Construction Languedoc-Roussillon.

Sur les frais liés au litige :

26. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de laisser à la charge de chacune des parties les frais liés au litige. Les conclusions des parties au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : Le département des Pyrénées-Orientales est condamné à verser à la société Eiffage Construction Languedoc-Roussillon la somme de 612 042,87 euros au titre des pénalités et la somme de 58 212 euros TTC au titre de la retenue restituée. Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 17 janvier 2017.

Article 2 : Les frais et honoraires de l'expertise, liquidés et taxés à la somme de 5 523,34 euros TTC par une ordonnance de la présidente de ce tribunal en date du 27 juillet 2016, sont laissés à la charge définitive de la société Eiffage Construction Languedoc-Roussillon.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : La présente décision sera notifiée à la société Eiffage Construction Languedoc-Roussillon et au département des Pyrénées-Orientales.

Délibéré après l'audience du 16 février 2023, à laquelle siégeaient :

M. Charvin, président,

M. Huchot, premier conseiller,

Mme Lesimple, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 9 mars 2023.

Le rapporteur,

N. Huchot

Le président,

J. CharvinLa greffière,

M.-A Barthélémy

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Montpellier le 9 mars 2023,

La greffière,

M.-A Barthélémy

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