TA Orléans, 04/04/2023, n°2001644

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 14 mai 2020 et des mémoires enregistrés le 20 août 2020 et le 4 novembre 2020, la société Olys venant aux droits de la société Mac § Co Digital, représentée par Me Hamelin, demande au tribunal dans le dernier état de ses écritures :

1°) de condamner la commune de Noyers-sur-Cher à lui verser en réparation du préjudice subi du fait de la résiliation du marché relatif à l'" Amélioration de la vidéo protection " de la commune :

- à titre principal, la résiliation étant fautive, la somme de 15 461,17 euros avec intérêts au taux contractuel de 12% à compter du 30 septembre 2018, la somme de 15 390,73 euros, avec intérêts au taux contractuel de 12% à compter du 29 octobre 2019, la somme de 1 677,16 euros au titre du temps passé par ses techniciens, valorisée au coût d'achat, et la somme de 4 228,25 euros correspondant à 50% des paiements réalisés par la société Mac § Co Digital, auprès de la société RSTC, au titre de son audit et de son intervention, facturés 8 456,50 euros ;

- à titre subsidiaire, si le tribunal estime que la décision portant résiliation simple est justifiée, la somme de 15 461,17 euros avec intérêts au taux contractuel de 12% à compter du 30 septembre 2018, et la somme de 15 390,73 euros, avec intérêts au taux contractuel de 12% à compter du 29 octobre 2019.

2°) de mettre à la charge de la commune de Noyers-sur-Cher la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- sa requête n'est pas tardive, car même à supposer que la lettre datée du 8 février 2020 adressée par le conseil de la société Mac § Co Digital à la commune ne soit pas considérée comme un recours gracieux, elle a saisi la juridiction dans les délais édictés par les articles 1 et 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, modifiée par les ordonnances n°2020-427 du 15 avril 2020, n° 2020-560 du 13 mai 2020 et n°2020-666 du 3 juin 2020, et les délais prévus par les articles R. 421-1 et R. 421-2 du code de la justice administrative ne sont pas applicables à la contestation des mesures prises pour l'exécution d'un contrat ;

- à titre principal, la résiliation notifiée le 27 janvier 2020 doit être requalifiée en résiliation aux torts de la commune, lui ouvrant droit à des dommages et intérêts dès lors que les fautes graves reprochées à la société Mac § Co Digital ne sont pas établies ;

- à titre subsidiaire, la commune devait respecter la procédure afférente à la résiliation simple prononcée et doit l'indemniser du coût de la prestation réalisée.

Par des mémoires en défense enregistrés le 16 juillet 2020, le 28 septembre 2020 et le 1er décembre 2020, la commune de Noyers-sur-Cher, représentée par Me Mortelette, conclut au rejet de la requête et demande au tribunal de mettre à la charge de la requérante la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est irrecevable car tardive ;

- les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 21 septembre 2021 la clôture de l'instruction a été fixée au 22 novembre 2021

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lefebvre-Soppelsa, présidente-rapporteure ;

- les conclusions de Mme A de Gand, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Hamelin représentant la société Olys venant aux droits de la société Mac § Co Digital.

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Noyers-sur-Cher a attribué le 10 octobre 2017, à la société Mac et Co Digital, le marché de rénovation de son système de vidéosurveillance. L'exécution du marché a connu de nombreuses difficultés. Par courrier du 27 janvier 2020, la commune a résilié le marché. La société Olys, venant aux droits de la société Mac § Co Digital, demande au tribunal de condamner la commune de Noyers-sur-Cher à lui verser, en réparation de son préjudice, à titre principal, la résiliation étant fautive, la somme de 15 461,17 euros avec intérêts au taux contractuel de 12% à compter du 30 septembre 2018, la somme de 15 390,73 euros, avec intérêts au taux contractuel de 12% à compter du 29 octobre 2019, la somme de 1 677,16 euros au titre du temps passé par ses techniciens, valorisée au coût d'achat, et la somme de 4 228,25 euros correspondant à 50% des paiements qu'elle a réalisés auprès de la société SRTC, au titre de son audit et de son intervention, à titre subsidiaire, si le tribunal estime que la décision portant résiliation simple est justifiée, la somme de 15 461,17 euros avec intérêts au taux contractuel de 12% à compter du 30 septembre 2018 et la somme de 15 390,73 euros, avec intérêts au taux contractuel de 12% à compter du 29 octobre 2019.

Sur la résiliation :

2. Aux termes de l'article L. 2195-3 du code de la commande publique : " Lorsque le marché est un contrat administratif, l'acheteur peut le résilier: / 1° En cas de faute d'une gravité suffisante du cocontractant; : 2° Pour un motif d'intérêt général, conformément aux dispositions du 5° de l'article L. 6 ". La résiliation peut être prononcée à titre de sanction en cas de manquements graves du titulaire du marché à ses obligations contractuelles. Elle doit être précédée d'une mise en demeure de respecter ces obligations et ne peut être prononcée qu'à l'expiration du délai fixé par cette mise en demeure.

3. Il résulte de l'instruction que, dès décembre 2017, il a été constaté que, suite à l'installation des nouvelles caméras dans le cadre de l'exécution du marché en litige, attribué à la société Mac § Co Digital le 10 octobre 2017, non seulement l'équipement de vidéo protection ne fonctionnait pas correctement et ne permettait pas une captation d'images en conformité avec le cahier des charges, mais qu'en outre, des défaillances consistant en l'impossibilité de lectures des plaques d'immatriculation en journée, l'absence de vision nocturne et la coupure de l'enregistrement des vidéos sont apparues. La commune a mis en demeure, par lettre recommandée du 5 décembre 2017, la société Mac § Co Digital de remédier à ces anomalies, dont la société a convenu par courrier du 11 décembre 2017 en précisant qu'elle ne parvenait pas à opérer un paramétrage satisfaisant du modèle de caméra qu'elle avait proposé et installé, et en indiquant qu'elle entreprenait de valider, avec le constructeur, un autre modèle dont elle prévoyait d'installer une " unité test ". Par courrier du 11 avril 2018, la commune a confirmé les dysfonctionnements constatés et demandé à la société Mac § Co Digital de revoir ses prestations afin que les équipements soient conformes au cahier des charges et répondent aux besoins du marché. Par lettre recommandée du 8 juin 2018, la commune a adressé à la société Mac § Co Digital une note technique détaillant les dysfonctionnements. Un nouveau modèle de caméra ayant été validé, la commune a demandé à la société Mac § Co Digital, le 19 septembre 2018, de reprendre sans délai les travaux d'installation puis, le 21 décembre 2018, elle lui a adressé un courrier faisant état de problèmes persistants, tenant notamment en l'impossibilité d'identifier les plaques d'immatriculation en période nocturne et au fonctionnement intermittent de 3 caméras. La commune ayant refusé de procéder à la réception du marché en mars 2019, la société Mac § Co Digital a sollicité un cabinet d'expertise missionné par sa protection juridique. Ce cabinet, Ciblexperts, est intervenu le 20 juin 2019 pour procéder à une expertise sur le système de vidéo protection et a indiqué, en octobre 2019, qu'il confirmait les dysfonctionnements mais qu'il n'en avait pas identifié l'origine et ne pouvait par suite proposer des préconisations pour y remédier. En novembre 2019, la société Mac § Co Digital a proposé l'intervention d'un deuxième prestataire, la société SRTC, pour procéder à un audit complet de l'installation. Le 26 novembre 2019 la commune a donné son accord pour l'intervention de cette société qui a remis, le 10 décembre 2019, un rapport d'audit selon lequel le dispositif mis en place était inopérant et non conforme au cahier des charges et fait plusieurs préconisations. Par courrier recommandé du 12 décembre 2019, la commune a donné son accord pour la mise en œuvre desdites préconisation en précisant d'une part, que l'intervention devait être achevée le 10 janvier 2020 au plus tard, et qu'une réunion de réception du système de vidéo protection et de vérification de son bon fonctionnement serait organisée le 21 janvier 2020 et d'autre part, qu'en cas de constatation de dysfonctionnement elle procéderait à la résiliation pure et simple du contrat sans aucune contrepartie financière. Par courrier du 27 janvier 2020, la commune a notamment indiqué à la société Mac § Co Digital que, lors de la réunion du 21 janvier 2020, il avait été constaté que la réception de la vidéoprotection en état normal de fonctionnement s'était avérée impossible, les travaux n'étant pas achevés, en particulier les réglages pour la vision nocturne n'ayant pas été réalisés et qu'un autre modèle de caméra que celui dont il avait été convenu et qui avait été installé à titre de test, avait été déployé sans que la commune en ait été informée et ait donné son accord.

4. En premier lieu, la société Mac et Co Digital soutient qu'elle est en droit de réclamer le paiement de l'intégralité de son marché assorti des intérêts contractuels, car aucun des manquements reprochés n'est constitué, notamment qu'il résulte du compte rendu d'intervention de la société SRTC que l'installation est fonctionnelle, qu'il ne reste plus que des réglages à réaliser auxquels la commune se serait opposée.

5. Toutefois, aux termes de la synthèse de son rapport d'audit, la société SRTC a mentionné qu'il était nécessaire, s'agissant du réseau transmission, de " repenser l'infrastructure en place ", de " supprimer et/ou modifier certaines liaisons " multipoints " ", " remplacer certaines antennes pour limiter la diffusion spectrale ", " remplacer certaines liaisons non adaptées " et " revoir l'implantation physique de certaines antennes ", s'agissant des caméras, de " revoir l'installation physique des caméras qui, en l'état, ne peuvent identifier les plaques minéralogiques " et d'" apporter des correctifs sur la configuration " et enfin, de " revoir certaines connectiques et vérifier l'ensemble ". Ainsi, il résulte de l'instruction que, contrairement à ce que soutient la requérante, au demeurant sans aucunement l'établir, le système n'était pas, plus de deux ans après le début de sa mise en œuvre, opérationnel. Pour ce seul motif tiré de l'incapacité de la société Mac et Co Digital à lui livrer un système de vidéoprotection répondant aux exigences du marché, la commune a pu résilier le contrat.

6. En second lieu, il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 3, que la société Mac et Co Digital a été régulièrement mise en demeure par le courrier du 12 décembre 2019 qui lui a été envoyé par la commune, ainsi qu'en attestent les mentions qui y sont apposées.

7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée, que les conclusions indemnitaires de la société Olys venant aux droits de la société Mac § Co Digital doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Noyers-sur-Cher, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société Olys demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société Olys une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Noyers-sur-Cher et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la société Olys est rejetée.

Article 2 : La société Olys versera à la commune de Noyers-sur-Cher une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Olys venant aux droits de la société Mac § Co Digital, et à la commune de Noyers-sur-Cher.

Délibéré après l'audience du 17 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Lefebvre-Soppelsa, présidente,

Mme Defranc-Dousset, première conseillère,

M. Joos, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 avril 2023.

La présidente-rapporteure,

Anne LEFEBVRE-SOPPELSA

L'assesseure la plus ancienne,

Hélène DEFRANC-DOUSSET

La greffière,

Nadine PENNETIER-MOINET

La République mande et ordonne au préfet de Loir-et-Cher en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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