TA Paris, 05/01/2023, n°2021131
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 10 décembre 2020, la société d'études et de travaux d'étanchéité (SETE), représentée par Me Billebeau, demande au tribunal :
1°) de prononcer le retrait des pénalités, à hauteur de de 156 071,12 euros, qui lui ont été imputées indûment dans le décompte de liquidation du lot n°2 du marché conclu avec le ministère de l'économie et des finances intitulé " opération d'aménagement et des travaux pour la densification du service commun des laboratoires (SCL) " à Massy (91) ;
2°) de condamner le ministère de l'économie et des finances, de la souveraineté industrielle et numérique, à lui verser la somme de 55 628,40 euros en réparation de l'ensemble des préjudices subis ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la résiliation du contrat a été prononcée à tort par le maître d'ouvrage ;
- les pénalités relatives au délai d'exécution, d'un montant de 5 122,43 euros, sont injustifiées ; il en va de même des pénalités relatives à l'absence de dossier des ouvrages exécutés, d'un montant de 75 000 euros, des pénalités relatives au repli des installations de chantier, d'un montant de 75 500 euros, de la pénalité intitulée " passage en pénalité définitive de la retenue de la situation 2 ", d'un montant de 448,69 euros ;
- les travaux prescrits et réalisés en 2019 doivent être inclus dans le décompte, à hauteur de 2 646 euros ; les interventions pour recherche de fuite doivent être incluses à hauteur de 2 042,40 euros ; la mobilisation d'un chauffeur à raison de 2 heures par semaine pendant 112 semaines de travaux supplémentaires doit être indemnisée à hauteur de 13 440 euros ; la mobilisation d'équipes de trois personnes à raison de 50 jours de travaux supplémentaires doit être indemnisée à hauteur de 37 500 euros.
La requête a été communiquée au ministère de l'économie et des finances, de la souveraineté industrielle et numérique, qui, malgré la mise en demeure qui lui a été adressée le 7 septembre 2022, n'a pas produit d'écritures en défense.
Par une ordonnance du 15 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 30 novembre 2022.
Vu :
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des marchés publics ;
- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux, modifié par arrêté du 3 mars 2014.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A,
- et les conclusions de Mme Baratin, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. Dans le cadre d'une opération de réaménagement et de densification du service commun des laboratoires de Massy (Essonne), le ministère de l'économie et des finances a passé un marché de travaux alloti en 11 lots. Le lot n°2, intitulé " étanchéité ", a été attribué à la société d'études et de travaux d'étanchéité (SETE), par un acte d'engagement du 1er février 2017, pour un montant forfaitaire de 134 604 euros toutes taxes comprises (TTC). Les travaux ont commencé, aux termes de l'ordre de service n°1, le 4 février 2017 et ont été prolongés à plusieurs reprises par des ordres de service des 21 mars 2018, 22 juin 2018, 29 octobre 2018, 28 janvier 2019 et 26 juin 2019. Par un courrier du 11 février 2020, notifié le 13 février suivant, le ministère de l'économie et des finances a prononcé la résiliation du marché conclu avec la société SETE. Par un courrier du 16 avril 2020, un décompte de liquidation lui a été adressé fixant le solde dû par la société SETE, compte tenu des avances et acomptes déjà versés par le ministère de l'économie et des finances et des pénalités imputées à la titulaire du lot n°2, à 35 241, 54 euros TTC. La société SETE a adressé un mémoire en réclamation au ministère, le 15 mai 2020, qui a implicitement rejeté sa demande. Par la présente requête, la société SETE demande au tribunal de prononcer le retrait des pénalités, à hauteur de 156 071,12 euros, qui lui ont été imputées indûment dans le décompte de liquidation et de condamner le ministère de l'économie et des finances à lui verser la somme de 55 628,40 euros en réparation de l'ensemble des préjudices subis.
2. Aux termes de l'article R. 612-6 du code de justice administrative : "Si, malgré une mise en demeure, la partie défenderesse n'a produit aucun mémoire, elle est réputée avoir acquiescé aux faits exposés dans les mémoires du requérant". Il résulte de ces dispositions que l'acquiescement aux faits prévu à l'article R. 612-6 est acquis lorsque, comme en l'espèce, le délai imparti à l'administration a expiré et que la date de clôture de l'instruction fixée par ordonnance est échue sans que le ministre ait présenté d'observations. Cette circonstance ne saurait dispenser le juge, d'une part, de vérifier que les faits allégués par le demandeur ne sont pas contredits par les autres pièces versées au dossier, d'autre part, de se prononcer sur les moyens de droit que soulève l'affaire.
Sur les conclusions indemnitaires :
3. L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. Ce compte inclut, au profit de l'entreprise, la rémunération de ses travaux et, à sa charge, s'il y a lieu, le coût de la réparation des malfaçons qui lui sont imputables et les pénalités contractuelles qui peuvent éventuellement lui être appliquées. Il appartient au juge du contrat, en l'absence de décompte général devenu définitif, comme en l'espèce, de statuer sur les réclamations pécuniaires présentées par chacune des deux parties et de déterminer ainsi le solde de leurs obligations contractuelles respectives.
En ce qui concerne les pénalités de retard :
4. Les pénalités de retard prévues par les clauses d'un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus. Lorsque le cocontractant n'est que partiellement responsable d'un retard dans l'exécution du contrat, les pénalités applicables doivent être calculées seulement d'après le nombre de jours de retard imputables au cocontractant lui-même.
5. La société SETE fait valoir que les pénalités relatives au délai d'exécution qui lui ont été imputées, correspondant à 35 jours de retard, sont injustifiées, dès lors que, à la suite de la prolongation du délai d'exécution des travaux, aucun calendrier modifié ne lui a été notifié, en méconnaissance des stipulations de l'article 4.4.2 du cahier des clauses administratives particulières du marché. En l'absence de contestation du ministère de l'économie et des finances, il n'y a pas lieu d'infliger ces pénalités à la société SETE. Pour les mêmes motifs, il n'y a pas davantage lieu d'infliger à la société SETE les pénalités relatives à l'absence de remise du dossier des ouvrages exécutés, dès lors qu'il n'est pas contesté que la requérante a remis les pièces requises au maître d'œuvre, ni la pénalité intitulée " passage en pénalité définitive de la retenue de la situation 2 ".
6. La société SETE soutient que des pénalités relatives au repli des installations de chantier ne pouvaient lui être imputées, dès lors qu'elle n'en possédait pas. En l'absence de contestation de ce fait par le ministère de l'économie et des finances, il n'y a pas lieu d'infliger ces pénalités à la société SETE.
En ce qui concerne les travaux indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art :
7. Le prestataire a le droit d'être indemnisé du coût des prestations supplémentaires indispensables à l'exécution du marché dans les règles de l'art, sauf dans le cas où la personne publique s'est préalablement opposée, de manière précise, à leur réalisation.
8. La société SETE soutient avoir dû effectuer des travaux supplémentaires, d'une part pour procéder à la recherche de fuites, d'autre part pour des travaux d'intervention consécutifs à l'arrachage d'une dalle de béton sur la terrasse située au R+7 par le titulaire du lot n°1. Elle soutient que ces travaux lui ont respectivement coûté 2 646 euros et 2 042,40 euros. Aucune pièce du dossier ne venant contredire ces énonciations, la société SETE est fondée à demander une rémunération complémentaire de 4 688,40 euros.
En ce qui concerne le préjudice résultant de la prolongation du délai d'exécution des travaux :
9. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.
10. La société SETE soutient que le ministère de l'économie et des finances a commis une faute dans l'estimation de ses besoins, notamment dans la conception du lot n°8, ce qui a entraîné des difficultés significatives dans l'exécution des travaux de la terrasse située au R+7. Elle soutient que cette faute de la personne publique responsable du marché a entraîné la mobilisation d'un chauffeur à raison de 2 heures par semaine pendant 112 semaines de travaux supplémentaires et la mobilisation d'équipes de trois personnes à raison de 50 jours de travaux supplémentaires. Le ministère de l'économie et des finances ne produisant aucun élément susceptible de contredire ces énonciations, il y a lieu de le condamner à indemniser la société SETE à hauteur de 50 940 euros.
Sur le solde du marché :
11. Il est constant que le montant initial du marché, qui s'élevait 134 607,34 euros TTC, a été minoré à 111 516,98 euros TTC dans le décompte de liquidation du ministère de l'économie et des finances, après prise en compte du coût réel des travaux modificatifs et des prestations non réalisées. Il n'est pas davantage contesté que le montant total des acomptes et avances versés à la société SETE s'élève à 132 899,46 euros. Au regard du montant des travaux supplémentaires réalisés par la société SETE, du montant de réparation du préjudice subi par elle du fait de la prolongation du délai d'exécution des travaux et de l'absence de pénalités de retard à lui infliger, il y a lieu de fixer le solde du marché à la somme de 34 245,92 euros restant due à la société SETE.
Sur les frais liés au litige :
12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à la société SETE au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : Le solde du lot n°2, restant à régler à la société SETE, est fixé à la somme de 34 245,92 euros toutes taxes comprises.
Article 2 : L'Etat versera à la société SETE une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société d'études et de travaux d'étanchéité (SETE) et au ministre de l'économie et des finances, de la souveraineté industrielle et numérique.
Délibéré après l'audience du 15 décembre 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Viard, président,
M. Paret, conseiller,
M. Perrot, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 janvier 2023.
Le rapporteur,
V. A
La présidente,
M-P. VIARDLa greffière,
I. SZYMANSKI
La République mande et ordonne au ministre de l'économie et des finances, de la souveraineté industrielle et numérique, en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.