TA Lyon, 15/02/2024, n°2109986


REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS


Vu la procédure suivante :

I. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 décembre 2021, 30 octobre et 5 décembre 2023, sous le n° 2109986, la société Confort Immobilier, représentée par Me Bichelonne, demande au tribunal :

1°) de condamner la communauté de communes de la Dombes à lui verser la somme de 854 724,28 euros TTC en réparation des préjudices résultant des fautes qu'elle a commises dans l'exécution puis la résiliation du marché global de performance conclu avec le groupement dont elle était le mandataire pour la réhabilitation partielle d'un bâtiment avec acquisition et valorisation des surfaces restantes et en règlement de prestations exécutées dans le cadre de ce marché ;

2°) de mettre à la charge de la communauté de communes de la Dombes la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la communauté de communes a commis une faute en résiliant le marché au tort du groupement :

- la décision de résiliation du marché est irrégulière à défaut d'envoi d'une mise en demeure conformément à l'article 48 du CCAG travaux ;

- la résiliation est infondée dès lors que le groupement n'a commis aucun manquement en refusant de signer l'avenant au marché, qu'il a fourni les attestations d'assurance de garantie décennale dès la remise de l'offre s'agissant de la société Arc et Types et en janvier 2020 s'agissant du principal sous-traitant, qu'elle s'est engagée à fournir l'attestation la concernant dès le dépôt de la déclaration d'ouverture de chantier, l'attitude de la commune de Neuville-les-Dames étant sur ce point déloyale, et qu'une partie des sous-traitants, présentés et acceptés avec la candidature du groupement étaient connus par la commune qui a conditionné leur acceptation à la signature de l'avenant au marché, son attitude étant sur ce point aussi déloyale ;

- la résiliation doit être requalifiée aux torts de la communauté de communes ;

- les conseillers communautaires n'ont pas été suffisamment informés préalablement à la décision de résiliation ;

- aucun motif d'intérêt général n'est susceptible de la justifier ;

- du fait de la résiliation, elle a subi des préjudices qu'elle évalue aux sommes de 20 021,90 euros au titre des frais engagés pour répondre à la procédure de mise en concurrence, de 145 064,72 euros en remboursement des investissements engagés pour l'acquisition des surfaces restantes qui ne pourront être commercialisées, de 67 697,33 euros au titre des frais engagés pour la valorisation des surfaces restantes, de 17 510,80 euros au titre des frais d'assurances et des frais financiers supportés pour l'exécution de l'opération immobilière et de 396 219 euros au titre du manque à gagner ;

- la publicité conférée à la décision de résiliation a porté atteinte à sa réputation et son image ; elle est fondée à demander la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice ;

- la communauté de communes a commis des fautes dans l'exécution du marché compte tenu de son immobilisme ; elle évalue son préjudice à ce titre à la somme de 61 000 euros ;

- la communauté de communes lui est redevable de prestations exécutées et non encore réglées à hauteur de 91 786,16 euros ; la somme de 5 424,37 euros, à parfaire, doit également être mise à sa charge au titre des intérêts moratoires et de l'indemnité forfaitaire de recouvrement en l'absence de paiement de la facture du 18 mars 2020 de 73 772,40 euros TTC.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 février et 5 décembre 2023, la communauté de communes de la Dombes, représentée par Me Ribet-Marillier, conclut au rejet de la requête et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Confort Immobilier sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ou, à titre subsidiaire, à ce que sa condamnation soit limitée à la somme de 34 882,88 euros.

Elle fait valoir que :

- elle n'a commis aucune faute en résiliant le marché aux torts du titulaire après avoir mis en demeure la société Confort Immobilier de produire une attestation d'assurance ; en tout état de cause, l'irrégularité invoquée est sans incidence sur son droit à indemnisation ; l'absence de signature de l'avenant n° 1 au marché n'a pas fondé la décision de résiliation pour faute mais il s'agit néanmoins d'un manquement de la société Confort Immobilier à son obligation de loyauté contractuelle ; les membres du groupement n'ont pas remis d'attestation de garantie décennale, ni au stade de l'offre, ni à la notification du marché, ni pendant son exécution ; aucune pièce n'établit l'acceptation du sous-traitant Confort Construction, de bureaux d'études des fluides et des structures et d'un économiste ;

- à titre subsidiaire, la résiliation est justifiée par un motif d'intérêt général ;

- la présentation du projet de résiliation aux conseillers communautaires était complète et, en tout état de cause, cette irrégularité est sans influence sur le droit à indemnisation de la société Confort Immobilier ;

- l'atteinte à l'image et à la réputation de la société, résultant d'articles de presse, ne lui est pas imputable ; en tout état de cause, ce préjudice n'est pas établi ;

- elle n'a commis aucune faute dans l'exécution du marché ;

- les manquements de la société Confort Immobilier doivent limiter son droit à indemnisation ;

- elle ne peut être indemnisée en tout état de cause des frais et investissement engagés pour répondre à la consultation, ni au titre de l'acquisition des surfaces restantes dont elle est devenue propriétaire et les frais d'assurance et financiers sont nécessairement intégrés dans le manque à gagner ; en cas de requalification en résiliation pour motif d'intérêt général, l'indemnisation du manque à gagner serait limitée, en application de l'article 46.4 du cahier des charges administratives générales applicables aux travaux, à 5 % du montant initial du marché HT, soit à la somme de 34 882,88 euros ; si la résiliation devait être regardée comme injustifiée, le taux de marge nette n'est pas justifié ; les frais de conseil et d'avocats et les frais liés à la participation à des réunions de l'équipe sont, pour les premiers, non strictement nécessaires à l'exécution du marché, pour les seconds, déjà inclus dans le manque à gagner ;

- le groupement ne peut être payé que par des prestations réalisées, ce qui a été fait pour 65 515,47 euros TTC.

Un mémoire, enregistré le 26 décembre 2023, présenté pour la société Confort Immobilier, n'a pas été communiqué.

La clôture d'instruction a été fixée au 27 décembre 2023 par une ordonnance du 8 décembre 2023.

II. Par une requête et des mémoires, enregistrés les 10 décembre 2021, 30 octobre 2023 et 5 décembre 2023, sous le n° 2109987, la société Confort Immobilier, représentée par Me Bichelonne, demande au tribunal :

1°) de condamner la commune de Neuville-les-Dames à lui verser la somme de 629 959,65 euros TTC en réparation des préjudices résultant des fautes qu'elle a commises dans l'exécution puis la résiliation du marché global de performance conclu avec le groupement dont elle était le mandataire pour la réhabilitation partielle d'un bâtiment avec acquisition et valorisation des surfaces restantes et en règlement de prestations exécutées dans le cadre de ce marché ;

2°) de mettre à la charge de la commune de Neuville-les-Dames la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la commune a commis une faute en résiliant le marché au tort du groupement ;

- la décision de résiliation du marché est irrégulière à défaut d'envoi d'une mise en demeure conformément à l'article 48 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics ;

- la résiliation est infondée dès lors que le groupement a fourni les attestations d'assurance de garantie décennale dès la remise de l'offre s'agissant de la société Arc et Types et en janvier 2020 s'agissant du principal sous-traitant, qu'elle s'est engagée à fournir l'attestation la concernant dès le dépôt de la déclaration d'ouverture de chantier, l'attitude de la commune étant déloyale sur ce point, et que tous les sous-traitants ont été présentés et acceptés avec la candidature du groupement, ou postérieurement le 5 mai 2020 ;

- la résiliation doit être requalifiée aux torts de la commune ;

- les conseillers municipaux n'ont pas été suffisamment informés préalablement à la décision de résiliation ;

- aucun motif d'intérêt général n'est susceptible de la justifier ;

- du fait de la résiliation, elle a subi des préjudices qu'elle évalue aux sommes de 14 678 euros au titre des frais engagés pour répondre à la procédure de mise en concurrence, de 106 347,28 euros en remboursement des investissements engagés pour l'acquisition des surfaces restantes qui ne pourront être commercialisées, de 49 629,06 euros au titre des frais engagés pour la valorisation des surfaces restantes, de 12 837,20 euros au titre des frais d'assurances et des frais financiers supportés pour l'exécution de l'opération immobilière et de 290 468,98 euros au titre du manque à gagner ;

- la publicité conférée à la décision de résiliation a porté atteinte à sa réputation et son image ; elle est fondée à demander la somme de 50 000 euros en réparation de son préjudice ;

- la commune a commis des fautes dans l'exécution du marché compte tenu de son immobilisme ; elle évalue son préjudice à ce titre à la somme de 44 719,56 euros ;

- elle lui est redevable de prestations exécutées et non encore réglées à hauteur de de 61 279,57 euros ; les conclusions reconventionnelles de la commune tendant au remboursement à ce titre de la somme de 5 365,13 euros HT doivent être rejetées.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 26 février et 5 décembre 2023, la commune de Neuville-les-Dames, représentée par Me Ribet-Marillier, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à la condamnation de la société Confort Immobilier au versement de la somme de 6 438,15 euros TTC au titre du solde du marché et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Confort Immobilier sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, à titre subsidiaire, à ce qu'elle soit condamnée au paiement de la somme uniquement de 25 598,10 euros.

Elle fait valoir que :

- elle n'a commis aucune faute en résiliant le marché aux torts du titulaire après avoir mis en demeure la société Confort Immobilier de produire une attestation d'assurance ; en tout état de cause, l 'irrégularité invoquée est sans incidence sur son droit à indemnisation ; les membres du groupement n'ont pas remis d'attestation de garantie décennale, ni au stade de l'offre, ni à la notification du marché, ni pendant son exécution ; aucune pièce n'établit l'acceptation du sous-traitant Confort Construction, de bureaux d'études des fluides et des structures et d'un économiste ;

- à titre subsidiaire, la résiliation est justifiée par un motif d'intérêt général ;

- la présentation du projet de résiliation aux conseillers municipaux était complète et, en tout état de cause, cette irrégularité est sans influence sur le droit à indemnisation de la société Confort Immobilier ;

- l'atteinte à l'image et à la réputation de la société, résultant d'articles de presse, ne lui est pas imputable ; en tout état de cause, ce préjudice n'est pas établi ;

- elle n'a commis aucune faute dans l'exécution du marché ;

- les manquements de la société Confort Immobilier doivent limiter son droit à indemnisation ;

- elle ne peut être indemnisée en tout état de cause des frais et investissement engagés pour répondre à la consultation, ni au titre de l'acquisition des surfaces restantes dont elle est devenue propriétaire et les frais d'assurance et financiers sont nécessairement intégrés dans le manque à gagner ; en cas de requalification en résiliation pour motif d'intérêt général, l'indemnisation du manque à gagner serait limitée, en application de l'article 46.4 du cahier des charges administratives générales applicables aux travaux, à 5 % du montant initial du marché HT, soit à la somme de 25 598,10 euros ; si la résiliation devait être regardée comme injustifiée, le taux de marge nette n'est pas justifié ; les frais de conseil et d'avocats et les frais liés à la participation à des réunions de l'équipe sont, pour les premiers, non strictement nécessaires à l'exécution du marché, pour les seconds, déjà inclus dans le manque à gagner ;

- le groupement ne peut être payé que des prestations réalisées, ce qui a été fait ; le solde du décompte de liquidation a été porté à son débit.

Un mémoire, enregistré le 26 décembre 2023, présenté pour la société Confort Immobilier, n'a pas été communiqué.

La clôture d'instruction a été fixée au 27 décembre 2023 par une ordonnance du 8 décembre 2023.

Vu les autres pièces des dossiers ;

Vu :

- le code de la commande publique ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lacroix,

- les conclusions de M. Reymond-Kellal, rapporteur public,

- et les observations de Me Vuillemenot, représentant la société Confort Immobilier, et de Me Tardieu, représentant la communauté de communes de la Dombes et la commune de Neuville-les-Dames.

Considérant ce qui suit :

1. Les requêtes nos 2109986 et 2109987, présentées pour la société Confort Immobilier, présentent à juger les mêmes questions et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul jugement.

2. Par acte d'engagement du 31 décembre 2018, la commune de Neuville-les-Dames a confié au groupement d'entreprises composé de la société Arc et Types, chargée du dépôt du permis de construire et de la conformité architecturale, et de la société Confort Immobilier, chargée des autres prestations de maîtrise d'œuvre et mandataire du groupement, un marché global de performance pour la réhabilitation partielle d'un bâtiment avec acquisition et valorisation des surfaces restantes, en vue notamment d'y installer une crèche et les locaux de la mairie. A la suite du transfert, à compter du 1er janvier 2019, de la compétence " petite enfance " à la communauté de communes de la Dombes, le conseil communautaire et le conseil municipal, par des délibérations du 10 septembre 2020 et du 23 septembre 2020, ont décidé de résilier le marché respectivement aux torts exclusifs du groupement pour la partie concernant la communauté de communes et pour faute pour la partie concernant la commune. Les décomptes de liquidation ont été notifiés le 16 avril 2021. La société Confort Immobilier a adressé des mémoires en réclamation le 12 mai 2021 qui ont été rejetés le 10 juin 2021. Elle demande la condamnation de la communauté de communes de la Dombes et de la commune de Neuville-les-Dames à lui verser, respectivement, les sommes de 854 724,28 et de 629 959,65 euros TTC en réparation des préjudices résultant des fautes qu'elles ont commises dans l'exécution puis la résiliation du marché et en règlement de prestations exécutées. La commune de Neuville-les-Dames présente des conclusions reconventionnelles tendant à la condamnation de la société Confort Immobilier au versement de la somme de 6 438,15 euros au titre du solde du marché.

Sur la résiliation du marché et le droit à indemnisation :

En ce qui concerne la régularité de la résiliation :

3. Si la société Confort Immobilier soutient que les décisions de résiliation sont intervenues au terme de procédures irrégulières dès lors, d'une part, que les conseillers communautaires et municipaux n'ont pas été suffisamment informés lors des débats en séance, d'autre part, qu'aucune mise en demeure ne lui a été adressée préalablement, en méconnaissance de l'article 48 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de travaux, de telles irrégularités, à les supposer établies, feraient seulement obstacle à ce que le groupement supporte les conséquences onéreuses de la résiliation par le maître de l'ouvrage. Il ne résulte pas de l'instruction que la communauté de communes des Dombes et la commune de Neuville-les-Dames ont fait supporter à la société Confort Immobilier des surcoûts liés aux mesures de résiliation prises à l'encontre du groupement. Par suite, et alors que la requérante ne se prévaut, en outre, d'aucun préjudice particulier lié aux irrégularités qu'elle invoque, ces irrégularités ne sont pas susceptibles de lui ouvrir droit à réparation.

En ce qui concerne le bien-fondé de la résiliation :

4. Aux termes de l'article 46.3.1 du CCAG : " Le représentant du pouvoir adjudicateur peut résilier le marché pour faute du titulaire dans les cas suivants : / () e) Le titulaire a sous-traité en contrevenant aux dispositions législatives et réglementaires relatives à la sous-traitance, ou il ne respecte pas les obligations relatives aux sous-traitants mentionnées à l'article 3. 6 ; / f) Le titulaire n'a pas produit les attestations d'assurances dans les conditions prévues à l'article 9 ; (). ".

5. Il résulte de l'instruction que le marché conclu entre la commune de Neuville-les-Dames et, à compter du 1er janvier 2019, la communauté de communes de la Dombes, et le groupement a été résilié pour faute du titulaire aux seuls motifs de l'absence d'agrément de sous- traitants et de présentation de l'attestation de garantie décennale.

6. D'une part, aux termes de l'article 9 du CCAG : " 9.1. Le titulaire doit contracter les assurances permettant de garantir sa responsabilité à l'égard du maître de l'ouvrage, du représentant du pouvoir adjudicateur et des tiers, victimes d'accidents ou de dommages, causés par l'exécution des prestations. Pour les ouvrages de construction autres que ceux mentionnés à l'article L. 243-1-1 du code des assurances, cette obligation inclut l'assurance de responsabilité décennale. / 9. 2. Il doit justifier dans un délai de quinze jours à compter de la notification du marché et avant tout début d'exécution de celui-ci qu'il est titulaire de ces contrats d'assurances au moyen d'une attestation établissant l'étendue de la responsabilité garantie. / A tout moment durant l'exécution du marché, le titulaire doit être en mesure de produire cette attestation, sur demande du pouvoir adjudicateur et dans un délai de quinze jours à compter de la réception de la demande. ".

7. Il ressort des termes mêmes de l'article 9 précité du CCAG que la justification d'une assurance de responsabilité décennale doit être apportée dans un délai de quinze jours à compter de la notification du marché et avant tout début d'exécution de celui-ci. Il résulte de l'instruction, notamment des échanges intervenus entre la commune et la société Confort Immobilier et du compte rendu de la réunion du 31 juillet 2020, que les travaux d'exécution du marché avaient débuté à cette date. La circonstance que le sous-traitant principal de la société Confort Immobilier, la société Confort Construction, était titulaire d'un contrat d'assurance et qu'une attestation en ce sens avait été présentée aux maîtres d'ouvrage n'est pas de nature à exonérer la société Confort Immobilier de ses obligations à ce titre en sa qualité de cotitulaire du marché. Si elle soutient que pour son activité de constructeur non réalisateur, de telles attestations ne sont délivrées que chantier par chantier, à la suite du dépôt de la déclaration d'ouverture de chantier, ainsi qu'en atteste son courtier en assurances, il résulte de l'instruction, notamment d'un courrier électronique envoyé le 4 septembre 2020 par le dirigeant de la société Confort Immobilier aux services de la commune de Neuville-les-Dames, qu'une déclaration d'ouverture de chantier avait été déposée antérieurement à cette date. Par suite, la société Confort Immobilier, qui n'a pas produit d'attestation justifiant qu'elle était titulaire d'un contrat d'assurance de responsabilité décennale, n'a pas satisfait à l'obligation contractuelle pesant sur elle en vertu de l'article 9 précité du CCAG. Quant à la société Arc et Type, l'attestation de garantie décennale la concernant versée à l'instance n'était valable que pour les travaux ayant fait une ouverture de chantier au cours de l'année 2018. Elle n'a donc pas été produite dès le dépôt de l'offre, contrairement à ce que soutient la société Confort Immobilier. En application de l'article 46.3.1 du CCAG, les manquements contractuels des membres du groupement étaient de nature à justifier la résiliation du marché.

8. D'autre part, aux termes de l'article 3.6.1.4 du CCAG : " Le recours à la sous-traitance, sans acceptation préalable du sous-traitant et sans agrément préalable des conditions de paiement, expose le titulaire à l'application des mesures prévues à l'article 46.3. (). ".

9. Il est constant que plusieurs sous-traitants de la société Confort Immobilier n'ont pas été présentés et agréés par les maîtres d'ouvrage. Toutefois, il résulte de l'instruction, d'une part, que ceux-ci étaient connus de ces derniers comme en attestent des échanges écrits entre les parties ainsi que plusieurs comptes rendus de réunion, d'autre part, alors que les maîtres d'ouvrage avaient indiqué qu'une régularisation interviendrait à ce titre postérieurement à la signature de l'avenant au marché, ils n'ont pas, à la suite du refus par le groupement de signer un tel avenant, demander à la société Confort Immobilier de régulariser cette situation. Par suite, c'est à tort que la communauté de communes de la Dombes et la commune de Neuville-les-Dames ont considéré que la société Confort Immobilier avait sous-traité en contrevenant aux dispositions législatives et réglementaires relatives à la sous-traitance et résilié le marché en litige pour ce motif. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'elles auraient pris la même décision si elles ne s'étaient fondées que sur le motif tiré de la méconnaissance par les sociétés membres du groupement de l'obligation de production des attestations d'assurance de responsabilité décennale. Il s'ensuit que les conclusions tendant à la réparation des préjudices résultant de la résiliation fautive du marché doivent être rejetées.

Sur les autres conclusions à fin d'indemnisation :

En ce qui concerne les conditions d'exécution du marché :

10. Ainsi qu'il a été dit au point 2, la compétence " petite enfance " de la commune de Neuville-les-Dames a été transférée à compter du 1er janvier 2019 à la communauté de communes de la Dombes, qui s'est substituée en conséquence à la commune pour cette partie du contrat conclu le 31 décembre 2018. Un avenant à ce contrat avait été prévu, notamment afin de définir un cahier des clauses administratives particulières alors inexistant. Les négociations sur ce point avec la société Confort Immobilier ont duré plus d'une année. Il ne résulte pas de l'instruction que la société, qui n'est donc pas étrangère à ces longueurs, se serait plainte de l'immobilisme des maîtres d'ouvrage au cours des deux années qui se sont écoulées entre l'attribution du marché et sa résiliation. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que les maîtres d'ouvrage auraient commis des fautes dans l'exécution du marché lui ouvrant droit à indemnisation.

En ce qui concerne l'atteinte à la réputation et à l'image :

11. Il ne résulte pas de l'instruction, notamment des articles de presse produits, que la communauté de communes de la Dombes et la commune de Neuville-les-Dames auraient procédé à une publicité de la résiliation pour faute du marché de nature à porter atteinte à l'image et à la réputation de la société Confort Immobilier. Cette dernière n'est dès lors pas fondée à demander à être indemnisée à ce titre.

Sur le paiement des prestations réalisées :

12. La circonstance que la résiliation du marché soit fondée ne fait pas obstacle au droit de la société Confort Immobilier à être payée des prestations effectivement réalisées à la date de la résiliation. Conformément aux dispositions de l'article 47.2.2 CCAG, ce paiement doit être effectué à hauteur de la valeur contractuelle des prestations exécutées.

13. Il résulte de l'instruction que le marché a été signé avec la commune de Neuville-les-Dames pour un prix global et forfaitaire, hors maintenance, de 1 300 000 euros HT dont, respectivement, 57 115 et 41 885 euros pour les parties " crèche " et " mairie " au titre de la période 1 de conception du projet, 71 077 et 52 123 euros pour les parties " crèche " et " mairie " au titre des prestations de " Réalisation - prestations intellectuelles " de la période 2 de réalisation et 621 808 et 455 992 euros pour les parties " crèche " et " mairie " au titre des prestations de " Réalisation - Travaux " de la période 2.

14. Si les maîtres d'ouvrage soutiennent que la société Confort Immobilier n'aurait réalisé que 95,59 % des prestations de la période 1, il résulte de l'instruction, notamment des plans, factures et comptes rendus de réunion produits, que la société Confort Immobilier a réalisé, ou fait réaliser, les études de diagnostic ainsi que les études d'avant-projet et de projet, couvrant ainsi 100 % des prestations prévues contractuellement au titre de la période 1. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que les missions d'assistance pour la passation des contrats de travaux, de réalisation des études d'exécution ou l'examen de la conformité au projet de ces études d'exécution, d'ordonnancement, de coordination et de pilotage du chantier et d'assistance lors des opérations de réception ainsi que pendant la période de garantie de parfait achèvement ont été réalisées. Compte tenu des éléments produits, et en l'absence d'éléments contractuellement définis sur le déroulement de ces phases d'exécution, il sera fait une juste appréciation des prestations réalisées à la date de résiliation du marché à 25 % des prestations " Réalisation - prestations intellectuelles " et à 0 % des prestations de " Réalisation - Travaux " prévues contractuellement au titre de la période 2. Il s'ensuit que la valeur contractuelle des travaux exécutés par la société Confort Immobilier seule s'élève, pour la période 1 à la somme de 79 000 euros HT et pour la période 2 à la somme de 28 300 euros HT. Compte tenu de la répartition non contestée du prix fixé dans les termes de l'engagement précisant la ventilation du prix entre les maîtres d'ouvrage, la société Confort Immobilier est fondée à demander à être payée de la somme de 62 384,25 euros HT, soit 74 861,10 euros TTC, par la communauté de communes de la Dombes et de la somme de 44 915,75 euros HT, soit 53 898,90 euros TTC, par la commune de Neuville-les-Dames. Etant donné l'acompte de 54 483,60 euros TTC déjà versé par la commune, du solde du marché réglé par la communauté de communes pour un montant de 65 515,47 euros TTC et après déduction de la somme revenant à la société Arc et Type pour les prestations exécutées pour 24 000 euros TTC, les sommes restant dues à la société Confort Immobilier par la communauté de communes de la Dombes et la commune de Neuville-les-Dames s'élèvent respectivement à 22 545,63 euros TTC et à 10 215,30 euros TTC.

15. La société Confort Immobilier demande le paiement, par la communauté de communes de la Dombes uniquement, d'intérêts moratoires sur la facture de situation n° 1 datée du 25 septembre 2019 d'un montant de 73 772,40 euros TTC. D'une part, la société requérante n'est pas fondée à demander le paiement des intérêts dus sur les sommes réclamées pour la société Arc et Type pour un montant de 17 000 euros HT, soit 20 400 euros TTC. D'autre part, à défaut de date certaine de réception de cette facture par le maître d'ouvrage, ce dernier doit être regardé comme l'ayant réceptionnée au plus tard le 17 septembre 2020, date d'un courrier de la présidente de la communauté évoquant cette facture. Enfin, il est constant que la somme de 65 515,47 euros TTC a été payée sur cette facture, dont 13 200 euros TTC de prestations exécutées par la société Arc et Types, et que ce paiement est intervenu, au plus tôt, le 15 avril 2021, date d'établissement du décompte de résiliation. Compte tenu du délai de paiement de trente jours fixé dans l'acte d'engagement, la société Confort Immobilier est dès lors fondée à demander le paiement d'intérêts moratoires sur la somme de 52 315,40 euros pour la période du 18 octobre 2020 au 15 avril 2021 et sur la somme de 1 057 euros à compter du 18 octobre 2020. Par ailleurs, la société Confort Immobilier est fondée à demander le paiement par la communauté de communes de la somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.

Sur les conclusions reconventionnelles de la commune :

16. Compte tenu de ce qui précède, les conclusions présentées par la commune de Neuville-les-Dames tendant à la condamnation de la société Confort Immobilier au versement de la somme de 6 438,15 euros au titre du solde du marché pour la partie " mairie " doivent être rejetées.

Sur les conclusions présentées au titre des frais du litige :

17. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge des parties les frais qu'elles ont exposés au titre du litige.

D E C I D E :

Article 1er : La communauté de communes de la Dombes est condamnée à verser à la société Confort Immobilier la somme de 22 545,63 euros TTC, les intérêts moratoires portant sur la somme de 52 315,40 euros TTC pour la période du 18 octobre 2020 au 15 avril 2021 et sur la somme de 1 057 euros TTC à compter du 18 octobre 2020, ainsi que la somme de 40 euros au titre de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement.

Article 2 : La commune de Neuville-les-Dames est condamnée à verser à la société Confort Immobilier la somme de 10 215,30 euros TTC.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la société Confort Immobilier, à la communauté de communes de la Dombes et à la commune de Neuville-les-Dames.

Délibéré après l'audience du 1er février 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, présidente,

Mme Lacroix, première conseillère,

Mme Reniez, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 février 2024.

La rapporteure,

A. Lacroix

La présidente,

C. MichelLa greffière,

K. Schult

La République mande et ordonne à la préfète de l'Ain en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

Un greffier,

Nos 2109986 - 2109987