TA Montreuil, 13/01/2023, n°1908903
Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 13 août 2019, 15 juin 2022, 9 septembre 2022, 28 septembre 2022, 10 novembre 2022 et 5 décembre 2022, les sociétés Axa France Iard et Climat Systems, représentées par Me Piquet, demandent au tribunal, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) de condamner in solidum la société Engie Energie Services et la société Nalco à leur verser la somme de 201 270,11 euros, le syndicat mixte des réseaux d'énergie calorifique (SMIREC) à leur verser la somme de 89 453,40 euros, le BET Berim à leur verser la somme de 44 726,70 euros, et la société Mitsubishi Electric Europe BV ainsi que son assureur, la société Zurich Insurance Public Limited Company, à leur verser la somme de 22 363,35 euros, avec les intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de la requête ;
2°) de juger la société Engie Energie Services responsable des manquements de la société Nalco, sa sous-traitante en charge du traitement de l'eau, et de la condamner en conséquence à prendre en charge les conséquences financières résultant de la quote-part de responsabilité de la société Nalco ;
3°) de mettre à la charge in solidum du SMIREC, des sociétés Mitsubishi, Zurich, Engie Energie Services, Nalco et Berim, les frais et honoraires d'expertise évalués à la somme de 61 414,44 euros TTC sur la base du partage de responsabilité retenu par l'expert ;
4°) de mettre à leur charge in solidum la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- les responsabilités de la société Mitsubishi et du SMIREC, avec lesquels la société Climat Systems a conclu respectivement un contrat d'achat de fournitures et le marché litigieux, sont recherchées sur le fondement contractuel ;
- la responsabilité des autres parties est engagée sur le fondement quasi-délictuel ;
- la société Engie Energie Services est responsable des désordres à hauteur de 30 % ;
- la société Nalco est responsable à hauteur de 15 % en sa qualité de fournisseur et de fabricant ;
- la société Climat Systems n'est pas responsable dès lors que le traitement Nalco mis en œuvre par la société Engie Energie Services devait passiver les surfaces en cuivre, et que, si cette couche n'a pas été formée correctement, c'est en raison d'un mauvais dosage des produits Nalco qui n'a pas été maîtrisé par la société Engie Energie Services ;
- le SMIREC est responsable à hauteur de 20 % ;
- la société BERIM est responsable à hauteur de 10 % ;
- la société Mitsubishi est responsable à hauteur de 5 % ;
- les frais engagés en amont des opérations d'expertise judiciaire, en particulier les investigations menées par l'Institut de soudure et l'analyse de l'eau réalisée par la société Aquaticia, ont coûté 28 070,88 euros TTC ;
- la location des pompes à chaleur provisoires et les frais annexes représentent un coût de 290 363,19 euros ; étant précisé que la société Axa France Iard a versé à la société Climat Systems la somme totale de 290 363,19 euros TTC, sous déduction de la franchise à hauteur de 3 374 euros, de sorte qu'elle est subrogée dans les droits de son assuré à hauteur de 286 989,16 euros ;
- les dépenses engagées dans le cadre des opérations d'expertise représentent une somme de 61 414,44 euros ;
- les coûts des investigations menées par les divers laboratoires, et de stockage des échangeurs par GDA s'élèvent à une somme totale de 67 418,40 euros TTC ;
- la demande de contre-expertise et de mission complémentaire présentée par la société Nalco doit être rejetée.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 23 janvier 2020, 27 juillet 2022 et 25 octobre 2022, la société de droit étranger Mitsubishi Electric Europe BV et la SA Zurich Insurance Public Limited Company, représentées par Me Varenne, demandent au tribunal administratif de se déclarer incompétent pour statuer sur toute demande à l'encontre de la société Mitsubishi, à titre subsidiaire, de rejeter les demandes des sociétés requérantes et, en toutes hypothèses, de les condamner in solidum à verser à la société Zurich Insurance Public Limited Company la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles font valoir que :
- la juridiction administrative n'est pas compétente pour connaître des demandes présentées à l'encontre de la société Mitsubishi, venant aux droits de la société Climaveneta, qui est unie avec la société Climat Systems par un contrat de droit privé, en sa qualité de fournisseur, ni davantage à l'encontre de son assureur ;
- il revient aux sociétés Climat Systems et Axa France Iard de justifier de l'existence d'un lien de solidarité avec la société Mitsubishi ;
- la responsabilité contractuelle de la société Mitsubishi ne peut être engagée ;
- l'expert n'avait pas à se prononcer sur un défaut de conseil ou d'information prétendu dès lors que cette question relève d'une appréciation juridique.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 19 janvier, 23 août, 26 septembre et
28 octobre 2022, la société Engie Energie Services, représentée par Me Hecquet, demande au tribunal, à titre principal, de rejeter la requête, à titre subsidiaire, de limiter à 5 % sa responsabilité et de condamner le SMIREC, la société Mitsubishi Electric Europe BV, et son assureur la société Zurich Insurance Public Limited Company, le BET Berim ainsi que la société Nalco à la garantir à hauteur de 95 %, et en tout état de cause de mettre à la charge in solidum des parties succombantes la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la réalisation de la couche de passivation incombait uniquement à la société Climat Systems au titre de ses obligations contractuelles ;
- elle a respecté ses obligations contractuelles, notamment le taux de sulfite dans le réseau ;
- elle utilisait une pompe doseuse ;
- les désordres ne sont pas dus à l'éloignement du point d'injection dans le réseau aux pompes à chaleur ;
- les machines doivent s'adapter au réseau existant ; la cause des désordres est l'incompatibilité des pompes à chaleur avec le réseau.
Par un mémoire en défense, enregistré le 24 août 2022, le syndicat mixte des réseaux d'énergie calorifique (SMIREC), représenté par Me Landot et Me Karamitrou, demande :
1°) à titre principal, sur fondement décennal, de condamner in solidum les sociétés Climat Systems, Berim et Mitsubishi Electric Europe BV à lui verser la somme de 509 087,86 euros à parfaire en réparation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison des désordres affectant les pompes à chaleur des ZAC 1 et 2 ;
2°) à titre subsidiaire, de condamner la société Climat Systems sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, la société Engie Energie Services et la société Berim sur le fondement contractuel, la société Mitsubishi Electric Europe BV et la société Nalco sur le fondement quasi-délictuel, à lui verser la somme correspondant à la part de responsabilité que retiendra le tribunal ;
3°) en tout état de cause d'assortir ces condamnations des intérêts au taux légal à compter de la date d'introduction de son mémoire et de leur capitalisation, de rejeter les conclusions de la société Climat Systems, et de mettre à la charge de l'ensemble des parties la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- le SMIREC est non le maître d'œuvre mais le maître d'ouvrage de l'opération ;
- aucune responsabilité dans l'apparition des désordres constatés ne peut lui être imputée ;
- il résulte des stipulations de son marché de conception-réalisation que la société Climat Systems était en charge de la réalisation des études nécessaires à la vérification de la compatibilité des pompes à chaleur avec l'environnement du réseau et les équipements existants ;
- la société Berim était assistante à maîtrise d'ouvrage chargée de certaines missions de maîtrise d'œuvre ;
- le SMIREC ne peut se voir imputer une part de responsabilité équivalente à celle de la société Climat Systems ;
- les ouvrages ayant été réceptionnés le 12 mai 2016, il est fondé à rechercher, à titre principal, la responsabilité décennale des constructeurs ;
- les désordres affectant les pompes à chaleur ont rendu l'ouvrage impropre à sa destination ;
- les sociétés Climat Systems, Berim et Mitsubishi ont la qualité de constructeurs et pourront être condamnées in solidum ;
- à titre subsidiaire, il est fondé à obtenir la condamnation des parties à qui l'expert impute en partie l'apparition des dommages, sur le fondement de leur responsabilité contractuelle ou
quasi-délictuelle ;
- le SMIREC a eu à supporter les frais destinés à procéder au renouvellement des installations de la ZAC 2, d'une part le prix du marché de maîtrise d'œuvre de la société Sermet pour un montant de 18 895 euros HT et d'autre part le prix du marché de remplacement des pompes à chaleur de la société S.T.I. Maiani pour un montant de 372 167 euros HT ;
- il a subi un préjudice lié aux surconsommations électriques pour un montant de 103 144,44 euros HT ;
- le remplacement provisoire des doigts de gain en cuivre de gants par la société Mitsubishi représente un préjudice d'un montant de 1 276 euros HT ;
- l'intervention en urgence de l'entreprise tierce STI Maiani fin avril début mai 2020 a coûté 1 500 euros HT ;
- la fourniture à venir des doigts de gain en inox par la société Engie Energie Services sur les autres pompes à chaleur de la ZAC 1 représente un coût de 880,78 euros HT ;
- le SMIREC a subi un préjudice d'image qu'il évalue à la somme de 50 000 euros ;
- il a subi un préjudice financier lié aux frais de suivi par son personnel soit 20 000 euros correspondant à 50 jours de travail d'un ETP ;
- il a subi un préjudice financier lié aux frais de représentation et de conseil pour la somme de 25 000 euros HT ;
- les sociétés requérantes réclament l'indemnisation de préjudices qui ne sont pas indemnisables par le SMIREC ou le seraient dans une très moindre mesure ;
- au titre des frais engagés en amont des opérations d'expertise chiffrés par les requérantes à la somme de 28 070,88 euros TTC, seul un montant de 18 168 euros TTC pourra être mis à la charge des parties perdantes et à hauteur de leur responsabilité, notamment à la charge de la société Climat Systems ;
- les frais de location et de raccordements des pompes à chaleur provisoires ne sont pas indemnisables dans la mesure où ils s'inscrivent dans le cadre de la garantie de parfait achèvement ;
- les frais de personnel et les frais financiers allégués ne sont pas justifiés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 16 septembre 2022, la société Nalco, représentée par Me Briand, demande au tribunal, à titre principal, de rejeter les demandes dirigées à son encontre et de la mettre hors de cause, à titre subsidiaire, de condamner les sociétés Climat Systems, Axa France Iard, Mitsubishi Electric Europe BV, Zurich Insurance Public Limited Company, Engie Energie Services, le SMIREC, et le BET Berim à la garantir des condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre et de ramener le préjudice subi à de plus justes proportions, et de mettre à la charge du SMIREC, de la société Climat Systems, et de la société Axa France Iard ainsi que de toute partie succombante la somme de 15 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- une contre-expertise doit être ordonnée sur le fondement de l'article R. 621-1 du code de justice administrative ;
- à défaut, le tribunal sollicitera l'avis d'un nouvel expert afin de l'éclairer sur le fondement de l'article R. 625-2 du code de justice administrative ;
- ses prestations ne portent pas sur les aspects opérationnels du traitement de l'eau qui relèvent de la seule responsabilité de la société Engie Energie Services ;
- les premiers percements des tubes ont été occasionnés par un phénomène de formicary corrosion ;
- le défaut de passivation des tubes a joué un rôle causal déterminant dans la survenance des désordres, qui ne saurait être inférieur à 90 % ;
- il relevait donc de la responsabilité exclusive de l'entreprise en charge des travaux de réalisation des pompes à chaleur d'entreprendre, avant la mise en service, une passivation pour protéger les tubes de la corrosion, au regard notamment de l'article 7.2 du programme technique et fonctionnel des travaux ;
- il convient de retenir à l'encontre de la société Climat Systems et du maître d'œuvre une quote-part cumulée de l'ordre de 90 % ;
- l'hypothèse d'une corrosion induite par une variation du taux de sulfites dans l'eau est infirmée par les analyses réalisées durant la période de fonctionnement des pompes à chaleur ;
- l'expert n'a pas tiré les conséquences de ses constatations, notamment de l'action des chicanes ;
- à titre subsidiaire, la société Climat Systems la garantira de toute condamnation ;
- les tubes utilisés ne sont conformes à aucune norme applicable pour la fabrication de matériels de production de chaleur, de sorte que la société Mitsubishi est responsable des désordres et doit être appelée en garantie ;
- le SMIREC la garantira de toute condamnation en sa qualité de maître d'œuvre de l'opération de remplacement des pompes à chaleur ;
- la société Berim la garantira de toute condamnation pour manquement à son obligation de validation et de contrôle des prestations de la société Climat Systems ;
- la société Engie Energie Services la garantira de toute condamnation ;
- la société Climat Systems n'ayant pas remédié aux désordres avant le 1er octobre 2017 alors même que le SMIREC l'avait mise en demeure de le faire le 20 avril 2017, seul le coût de location des pompes à chaleur provisoires entre octobre 2016 et octobre 2017 pourrait être mis à la charge des responsables des désordres ;
- la société Climat Systems ne démontre pas que son personnel mobilisé pour le remplacement des pompes à chaleur inutilisables aurait effectivement pu être affecté à une autre opération et surtout la perte de marge qu'aurait permise ladite opération ;
- en outre, la société Climat Systems ne justifie pas la réalité et l'ampleur des heures de gestion alléguées ;
- enfin, la réclamation relative à la mobilisation de son personnel est redondante avec celle présentée au titre des frais de mise en place et de raccordement des pompes à chaleur ;
- le préjudice allégué résultant des frais financiers induits par le préfinancement des factures de matériel loué n'est pas justifié dès lors que le fait de débourser une somme ne correspond pas en soi à un préjudice si cette somme a vocation à être récupérée, et que la société Climat Systems ne justifie pas du taux annuel d'emprunt de 3 % ;
- les pompes à chaleur provisoires ayant été fournies par la société Trane, leur mise en place et leur raccordement n'ont occasionné que des prestations de main d'œuvre, de sorte que le préjudice réclamé à ce titre n'est pas justifié ;
- il convient non pas d'ajouter mais de déduire un coefficient de 1,596 afin de neutraliser la plus-value que l'intervention permettrait à la société Climat Systems de réaliser si elle était valorisée au prix de vente, ce qui revient à retenir un montant, au titre de ce chef de réclamation,
de 6 893,48 euros ;
- elle doit être mise hors de cause au titre des réclamations relatives aux avaries survenues dans la ZAC 1 ;
- les réclamations du SMIREC ne pourront conduire à l'engagement de la responsabilité de la société Nalco.
La société Engie Energie Services a produit un mémoire enregistré le 6 décembre 2022, qui n'a pas été communiqué en l'absence d'élément nouveau.
La clôture de l'instruction a été fixée au 6 décembre 2022 par une ordonnance du même jour, en application des dispositions des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.
Par courrier du 8 décembre 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que le jugement était susceptible d'être fondé sur les moyens relevés d'office tirés de ce que :
- les conclusions reconventionnelles présentées par le SMIREC à l'encontre de toute autre partie que la société Climat Systems sont irrecevables en ce qu'elles soulèvent un litige distinct de l'action principale de l'instance ;
- les conclusions reconventionnelles présentées par le SMIREC à l'encontre des sociétés Axa France Iard et Climat Systems à titre principal sur le fondement décennal et à titre subsidiaire sur celui de la garantie de parfait achèvement soulèvent un litige distinct et sont donc irrecevables ;
- en l'absence de preuve de paiement d'une indemnité à la société Climat Systems, il n'est pas établi que la société Axa France Iard soit partiellement subrogée dans les droits de la société Climat Systems, de sorte que les conclusions présentées par la société Axa France Iard sont irrecevables ;
- la réception des travaux prononcée sans réserve le 12 mai 2016 a mis fin aux relations contractuelles entre le SMIREC et la société Climat Systems, de sorte que cette dernière ne saurait depuis lors invoquer la responsabilité contractuelle du SMIREC.
Les sociétés requérantes ont produit des observations et des pièces en réponse à ces moyens d'ordre public, qui ont été enregistrées le 9 décembre 2022.
La société Berim et le SMIREC ont présenté des mémoires qui ont été enregistrés respectivement les 12 et 13 décembre 2022, postérieurement à la clôture de l'instruction, qui n'ont pas été communiqués.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. B,
- les conclusions de Mme Mathieu, rapporteure publique,
- les observations de Me Piquet pour Axa France Iard, de Me Lahiteau pour le SMIREC, de Me Hecquet substitué par Me Fakkar pour la société Engie Energie Services, de Me Varenne pour les sociétés Mitsubishi Electric Europe BV et Zurich Insurance Public Limited Company, et de Me Briand pour la société Nalco.
Les sociétés requérantes ont présenté, le 21 décembre 2022, une note en délibéré.
Considérant ce qui suit :
1. Sous la responsabilité du syndicat mixte des réseaux d'énergie calorifique (SMIREC), les réseaux de chaleur de La Courneuve étaient équipés jusqu'en 2014 de pompes à chaleur de marque Carrier installées en 1982, permettant de produire de l'eau chaude sanitaire et de chauffage domestique. Par un acte d'engagement notifié le 11 mai 2015, la société Climat Systems s'est vu confier par le SMIREC, en sa qualité de maître d'ouvrage de l'opération, la conception-réalisation de travaux de remplacement des pompes à chaleur dans les sous-stations de la ZAC 1 (une pompe à chaleur pour chacune des cinq sous-stations) qui alimente en eau chaude sanitaire 173 logements, et de la ZAC 2 (deux pompes à chaleur) qui valorise l'énergie géothermale pour 500 logements. Les pompes à chaleur ont été fournis par la société Climaveneta aux droits de laquelle vient la société Mitsubishi Electric Europe BV. Le BET Berim s'est vu confier l'assistance à maîtrise d'ouvrage du marché. Parallèlement, le SMIREC avait confié, le 10 octobre 2011, le marché d'exploitation et de maintenance des réseaux à la société Cofely aux droits de laquelle vient la société Engie Energie Services, celle-ci ayant confié le traitement de l'eau à la société Nalco.
2. A la suite du remplacement des pompes à chaleur par la société Climat Systems, des désordres sont apparus en avril 2016 d'abord avec deux arrêts de transporteurs pour une cause inconnue. Pour autant, les travaux effectués par la société Climat Systems ont été réceptionnés sans réserve le 12 mai 2016 par le SMIREC. De nouveaux désordres sont apparus, avec des compresseurs de pompes à chaleur hors service en juillet-août 2016, le percement de l'évaporateur et une corrosion importante de deux échangeurs lors du changement du compresseur de la pompe à chaleur de la ZAC 2 en septembre 2016. Confronté à ces dysfonctionnements, par un courrier du 16 septembre 2016, le SMIREC a demandé à la société Climat Systems d'établir un plan d'action afin de remédier aux pannes constatées. En octobre 2016, un compresseur est, de nouveau, tombé en panne. A la demande de la société Climat Systems, l'Institut de soudure a examiné, le 14 novembre 2016, un doigt de gant perforé. En janvier 2017, un compresseur est tombé en panne. Par un courrier du 20 avril 2017, le SMIREC a mis en demeure la société Climat Systems de réaliser les travaux de réparation avant
le 1er octobre 2017, et a pris une décision de prolongation du délai de la garantie de parfait achèvement jusqu'à exécution complète des travaux et des prestations. Par un courrier du 18 mai 2017, la société Climat Systems a indiqué qu'elle s'attachait à remédier aux pannes, et qu'elle en avait informé son fournisseur. Par un nouveau courrier du 11 octobre 2017, le SMIREC a informé la société Climat Systems de l'aggravation des désordres, a constaté sa carence à la suite de l'expiration du délai qui lui était imparti par la précédente mise en demeure, et que les travaux seront donc exécutés par le SMIREC à ses frais et risques. L'Institut de soudure a rendu, le 14 novembre 2017, un nouveau rapport sur l'examen d'un évaporateur du fournisseur. C'est dans ce contexte que, à la suite des demandes du SMIREC et afin de garantir la continuité du service de fourniture de chaleur, en remédiant provisoirement aux dysfonctionnements des pompes à chaleur qu'elle avait installées, la société Climat Systems a procédé, à ses frais, à un certain nombre d'opérations de diagnostic et mis en place, dans l'attente du remplacement définitif des pompes à chaleur défaillantes, une solution provisoire de location de nouvelles pompes à chaleur.
3. Par une ordonnance rendue le 7 mars 2018, le juge des référés du tribunal administratif, statuant sur le fondement de l'article R. 532-1 du code de justice administrative, a, à la demande des sociétés Climat Systems et de son assureur, la société Axa France Iard, prescrit une expertise. Par une ordonnance rendue le 12 mars 2018, le juge des référés du tribunal administratif, statuant sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, a rejeté la requête introduite par le SMIREC tendant à ce que la société Climat Systems lui verse une provision correspondant au coût allégué des désordres qu'il aurait supporté. Par une ordonnance rendue le 6 mai 2019, un sapiteur a été désigné. L'expert a rendu son rapport le 30 avril 2022.
4. Par la présente requête, enregistrée le 13 août 2019, les sociétés Climat Systems et son assureur, la société Axa France Iard, demandent au tribunal administratif de condamner, d'une part, sur le fondement contractuel, le SMIREC en sa qualité alléguée de maître d'œuvre à leur verser la somme de 89 453,40 euros, et la société Mitsubishi Electric Europe BV ainsi que son assureur à leur verser la somme de 22 363,35 euros, et, d'autre part, sur le fondement quasi-délictuel, la société Engie Energie Services et la société Nalco à leur verser la somme de 201 270,11 euros, le BET Berim à leur verser la somme de 44 726,70 euros, avec les intérêts au taux légal, en réparation des préjudices qu'elles estiment avoir subis du fait des dépenses exposées par la société Climat Systems à la demande du maître d'ouvrage, le SMIREC, pour pallier aux désordres affectant les pompes à chaleur des ZAC 1 et 2 et procédant de l'installation de trois pompes à chaleur provisoires, ainsi que de divers frais d'expertise et de diagnostic. A titre reconventionnel, le SMIREC demande au tribunal administratif, à titre principal, de condamner in solidum, sur le fondement décennal, les sociétés Climat Systems, Berim, Mitsubishi Electric Europe BV à lui verser la somme de 509 087,86 euros, à titre subsidiaire, de condamner à la même indemnisation la société Climat Systems sur le fondement de la garantie de parfait achèvement, la société Engie Energie Services et la société Berim sur le terrain contractuel, et la société Mitsubishi Electric Europe BV ainsi que la société Nalco sur le fondement quasi-délictuel, en réparation des préjudices qui résulteraient du remplacement des pompes à chaleur.
Sur la compétence de la juridiction administrative :
5. Le litige né de l'exécution d'un marché de travaux publics et opposant des participants à l'exécution de ces travaux relève de la compétence de la juridiction administrative, sauf si les parties en cause sont unies par un contrat de droit privé.
6. La société Mitsubishi Electric Europe BV, anciennement Climaveneta, intervenue pour vendre, en qualité, non de fabricant, mais de simple fournisseur, sur la base d'un contrat de droit privé, les pompes à chaleur à la société Climat Systems, est unie par un contrat de droit privé avec la société Climat Systems. Il s'ensuit que les conclusions de la requête ainsi que l'ensemble des demandes présentées contre la société Mitsubishi Electric Europe BV et contre son assureur, la société Zurich Insurance Public Limited Company, relèvent de la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire. Par suite, ainsi que ces dernières le font valoir, les conclusions présentées à leur encontre ne peuvent qu'être rejetées comme portées devant une juridiction incompétente pour en connaître.
Sur la recevabilité des conclusions reconventionnelles du SMIREC :
7. D'une part, les conclusions reconventionnelles du SMIREC, présentées en qualité de maître d'ouvrage à l'encontre des sociétés Climat Systems et Axa France Iard, à titre principal, sur le fondement décennal, et, à titre subsidiaire, sur celui de la garantie de parfait achèvement, portent sur l'indemnisation, par les différents participants à l'opération, du préjudice direct subi par le maître d'ouvrage à la suite des dysfonctionnements des pompes à chaleur. En revanche, les demandes principales des sociétés requérantes portent sur l'indemnisation, notamment par le SMIREC pris en sa qualité alléguée par celles-ci de maître d'œuvre, des conséquences indirectes de ces désordres résultant pour elles de la mise en œuvre, par le maître d'ouvrage, des différentes garanties légales. Il s'ensuit que les conclusions reconventionnelles du SMIREC, présentées sur un fondement juridique différent et relatives à des préjudices distincts de ceux dont la réparation est présentement demandée par le constructeur, soulèvent un litige distinct de celui qui fait l'objet de la requête et sont, par suite, irrecevables.
8. D'autre part, les conclusions reconventionnelles du SMIREC présentées à l'encontre de parties autres que les sociétés requérantes, à savoir contre les sociétés Berim, Engie Energie Services et Nalco, soulèvent également un litige distinct de l'action principale de l'instance. Il s'ensuit que ces conclusions reconventionnelles sont irrecevables et doivent, par suite, être rejetées.
9. Il en résulte que les conclusions reconventionnelles du SMIREC sont irrecevables et doivent ainsi être rejetées.
Sur les conclusions indemnitaires de la requête des sociétés Climat Systems et Axa France Iard :
En ce qui concerne les fondements de responsabilité du SMIREC, et des sociétés Engie Energie Services, Nalco et Berim :
S'agissant de la responsabilité contractuelle du SMIREC :
10. La société Climat Systems soutient que la responsabilité contractuelle du SMIREC est engagée à son égard dès lors que, en marge de sa mission de maître de l'ouvrage, les services techniques du SMIREC ont également assuré la maîtrise d'œuvre de l'opération litigieuse de remplacement des PAC. Toutefois, à supposer que le SMIREC ait agi également en qualité de maître d'œuvre de l'opération, aucun lien contractuel ne l'unissait en cette qualité au titulaire du marché, la société Climat Systems n'ayant pas entendu invoquer, avant la clôture de l'instruction, l'engagement de la responsabilité du SMIREC sur le fondement de la faute quasi-délictuelle.
11. En tout état de cause, à supposer que soit présentement invoquée la responsabilité contractuelle du SMIREC en tant que maître de l'ouvrage, la réception met fin aux rapports contractuels entre le maître de l'ouvrage et les constructeurs en ce qui concerne la réalisation de l'ouvrage et interdit, par conséquent, au maître d'ouvrage et au constructeur d'invoquer, après qu'elle a été prononcée, et sous réserve de la garantie de parfait achèvement, des désordres apparents causés à l'ouvrage ou des désordres causés aux tiers, dont il est alors réputé avoir renoncé à demander la réparation. Or, les travaux ont été réceptionnés sans réserve le 12 mai 2016, mettant ainsi fin aux rapports contractuels entre la société Climat Systems et le SMIREC en sa qualité de maître d'ouvrage. En conséquence, la demande des sociétés Axa France Iard et Climat Systems présentée à l'encontre du SMIREC sur le seul fondement contractuel doit être rejetée.
S'agissant de la responsabilité quasi-délictuelle des sociétés Engie Energie Services, Nalco et Berim :
Quant aux causes des désordres :
12. Dans le cadre d'un litige né de l'exécution d'un marché public, le titulaire peut rechercher la responsabilité quasi délictuelle des autres participants à la même opération de construction avec lesquels il n'est lié par aucun contrat, notamment s'ils ont commis des fautes qui ont contribué à l'inexécution de ses obligations contractuelles à l'égard du maître d'ouvrage, sans devoir se limiter à cet égard à la violation des règles de l'art ou à la méconnaissance de dispositions législatives et réglementaires. Il peut en particulier rechercher leur responsabilité du fait d'un manquement aux stipulations des contrats qu'ils ont conclus avec le maître d'ouvrage.
13. S'il a admis, comme l'Institut de soudure, une corrosion dite formicary, c'est-à-dire en nid de fourmis, sur les tubes de cuivre, l'expert a cependant considéré que cette hypothèse n'explique pas leur percement qui a débuté onze mois après le début de cette corrosion. L'expert a estimé que les percements des tubes en cuivre étaient dus à la conjonction de deux facteurs. D'une part, au stade de la conception des pompes à chaleur, l'expert a fait état d'une mauvaise protection du tube de cuivre due à l'absence de couche de passivation rendant le cuivre plus vulnérable aux éléments présents dans l'eau, à la formation d'une couche de gangue autour de cuivre laissant ainsi passer l'oxygène, et à une mauvaise protection des chicanes en plastique. D'autre part, s'agissant de l'exploitation du réseau, la corrosion a été facilitée par le contact avec plusieurs éléments, en particulier la présence de sulfure, qui est dangereuse pour le cuivre, et par le mauvais dosage de produits à base de sulfite.
Quant à la responsabilité de la société Engie Energie Services :
14. L'expert a constaté que la société Engie Energie Services n'avait pas relevé la mauvaise protection du cuivre et n'avait pas réalisé la couche de passivation. L'article 7.2.1 du programme technique fonctionnel au regard duquel l'offre de la société Climat Systems a été présentée, relatif à la protection du matériel contre la corrosion, prescrivait que " les pièces métalliques susceptibles d'être attaquées seront cadmiées et passivées, soit zinguées à chaud, soit chromées ". Contrairement à ce qui est soutenu, le programme technique fonctionnel ne distingue pas entre la protection extérieure et la surface interne des éléments métalliques. Ainsi, il appartenait uniquement à la société Climat Systems de protéger les tubes en cuivre de l'échangeur d'une couche de passivation, ce qui n'a pas été fait en l'espèce. Dès lors, et à supposer même que le traitement de l'eau participe au processus de passivation, la société Engie Energie Services, en charge uniquement de la maintenance et de l'exploitation des réseaux, n'avait pas à réaliser la couche de passivation en lieu et place de la société Climat Systems. Par suite, les sociétés Climat Systems et Axa France Iard ne sont pas fondées à soutenir que la société Engie Energie Services a commis une faute de nature à engager à leur égard sa responsabilité quasi-délictuelle en ne relevant pas la mauvaise protection du cuivre et ne réalisant pas elle-même la couche de passivation.
15. En outre, l'expert a constaté que le produit filmogène a été injecté à plusieurs kilomètres des pompes à chaleur. Bien que la conception-réalisation du projet incombait à la société Climat Systems au regard notamment du réseau dans lequel les pompes à chaleur avaient vocation à être installés, il appartient néanmoins à la société Engie Energie Services, en charge de la maintenance et de l'exploitation, de s'assurer que le traitement de l'eau était adapté au matériel installé. Si la société Engie Energie Services fait valoir que le point d'injection doit être éloigné de la machine à traiter afin que la concentration de produit ne soit pas trop importante lorsque l'eau arrive à la machine, elle ne le démontre pas. La circonstance que le même point d'injection ait été retenu que dans le cadre du précédent marché, sans adapter la distance aux caractéristiques des nouvelles pompes à chaleur, est de nature à caractériser une faute quasi-délictuelle d'Engie Energie Services à l'égard de la société Climat Systems.
16. Enfin, l'expert a relevé que la présence de deux métaux (cuivre et acier) nécessitait un traitement adapté et dosé de l'eau. Or, selon les constatations de l'expert, la société Engie Energie Services n'a pas réagi au dosage du traitement de l'eau choisi par son sous-traitant, la société Nalco, en particulier sur les valeurs de sulfures et de sulfites (700 ppm / 89 ppm). En particulier, les composants complexes tels que le sulfite ou le lignosulfonates appelaient un dosage particulier avec l'apport en eau notamment avec une pompe doseuse. Contrairement à ce que fait valoir la société Engie Energie Services ainsi que la société Nalco, il résulte de l'instruction, en particulier des analyses chimiques effectuées par l'Institut de soudure et par les différents laboratoires sollicités (Corrodys, LCFM), confirmées par le sapiteur, M. A, que la corrosion est due à un mauvais dosage du produit en sulfite. En effet, le sur-dosage de sulfite entraîne une quantité importante de sulfates attaquant le cuivre, et le sous-dosage a pour conséquence que l'oxygène atteigne la couche de cuivre en passant par la gangue formant ainsi des oxydes de cuivre. L'installation d'une pompe doseuse par la société Engie Energie Services, point qui n'est au demeurant pas contesté par les parties, est sans influence sur la nécessité de choisir un dosage pertinent du produit à base de sulfite.
17. Il suit de là que la société Engie Energie Services a commis une faute de nature à engager sa responsabilité quasi-délictuelle à l'égard des sociétés Climat Systems et Axa France Iard, en tant uniquement que la corrosion a été facilitée par l'injection éloignée du produit filmogène vers les pompes à chaleur et un mauvais dosage du traitement de l'eau en sulfite.
Quant à la responsabilité de la société Nalco :
18. L'expert a constaté que le produit de traitement de l'eau fourni par la société Nalco était adapté, mais estimé que celle-ci n'avait pas réagi au dosage inadapté du produit mis en œuvre par la société Engie Energie Services. Cependant, en l'absence de toute précision sur les obligations de la société Nalco à l'égard de la société Engie Energie Services, sa faute quasi-délictuelle alléguée à l'égard des sociétés Climat Systems et Axa France Iard n'est pas caractérisée. Dans ces conditions, la demande des sociétés requérantes tendant à l'engagement de la responsabilité quasi-délictuelle de la société Nalco doit être rejetée.
Quant à la responsabilité du BET Berim :
19. En vertu de l'article 2 du contrat d'assistance à maîtrise d'ouvrage conclu entre le SMIREC et le BET Berim, il incombait à ce dernier de valider les études de conception, et de contrôler la conformité de l'exécution aux solutions techniques et de dimensionnement validées aux règles de l'art et aux normes. Dès lors, il appartenait au BET Berim, en sa qualité d'assistant au maître d'ouvrage, d'alerter ce dernier sur les caractéristiques de conception, en particulier de formuler des préconisations compte tenu du mélange cuivre-acier retenu, ainsi que sur le traitement de l'eau notamment le dosage du produit mis en œuvre par la société Engie Energie Services. Cette faute contractuelle du BET Berim à l'égard du maître d'ouvrage constitue également une faute quasi-délictuelle de nature à engager sa responsabilité à l'égard des sociétés Climat Systems et Axa France Iard.
20. Il résulte de ce qui précède que les sociétés requérantes sont uniquement fondées à rechercher la responsabilité quasi-délictuelle des sociétés Engie Energie Services et Berim.
En ce qui concerne la demande de condamnation in solidum et les parts de responsabilité des sociétés Engie Energie Services et Berim :
21. Si les sociétés requérantes demandent la condamnation in solidum des sociétés Engie Energie Services et Berim, il ne résulte pas de l'instruction, ainsi qu'il a été développé ci-dessus, que leurs fautes respectives ont contribué à la réalisation de l'entièreté du dommage. En tout état de cause, les sociétés requérantes demandent la condamnation individuelle des sociétés Engie Energie Services et Berim à hauteur de leurs parts respectives de responsabilité.
22. Eu égard aux demandes présentées et aux fautes commises par les sociétés Engie Energie Services et Berim, il y a lieu d'imputer à ces dernières chacune respectivement à hauteur de 30 % et 10 % les parts de responsabilité des préjudices subis par les sociétés Axa France Iard et Climat Systems.
En ce qui concerne les préjudices :
S'agissant des préjudices résultant de la location de pompes à chaleur provisoires :
23. Les sociétés Climat Systems et Axa France Iard demandent une indemnité de 290 363,19 euros HT, décomposée en les sommes de
235 068,50 euros HT au titre du coût de location des pompes à chaleur provisoires, 11 002 euros HT pour les frais de raccordement, et 44 292,69 euros HT au titre des frais financiers résultant du financement des factures de matériel loué et de la mobilisation supplémentaire de personnel.
24. En premier lieu, il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise et des notes économiques établies par Néoconstruction, que la société Climat Systems a commandé auprès de la société Trane et installé trois pompes à chaleur provisoires pour un coût total
de 235 068,50 euros HT. Contrairement à ce que fait valoir le SMIREC, il n'est pas démontré qu'une autre solution consistant à remplacer immédiatement les pompes à chaleur plutôt que de les louer temporairement le temps de leur remplacement était envisageable à très bref délai. En outre, les frais de raccordement de ces pompes à chaleur, qui ne correspondent pas à la mobilisation supplémentaire de personnel, ont représenté un coût de 11 002 euros HT. Il résulte de l'instruction que la société Axa France Iard a versé à la société Climat Systems une somme de 286 989,19 euros au titre de leur contrat d'assurance pour la location et le raccordement des pompes à chaleur de remplacement. En conséquence, et ainsi que demandé, la société Axa France Iard est subrogée dans les droits de la société Climat Systems concernant uniquement ce poste de préjudice, à hauteur du montant indemnisable de 246 070,50 euros (= 235 068, 50 € + 11 002 €).
25. En deuxième lieu, d'une part, les sociétés requérantes réclament l'indemnisation des frais résultant du financement à un taux d'emprunt annuel de 3 % des factures de matériel loué. Toutefois, ainsi que le fait valoir notamment le SMIREC et la société Nalco, la seule note économique n° 2 établie par Néoconstruction ne permet pas d'établir que la société Climat Systems a eu recours à l'emprunt à un taux annuel de 3 % pour le financement des pompes à chaleur provisoires. En l'absence d'élément permettent d'établir la réalité du préjudice allégué, cette demande ne peut qu'être rejetée. D'autre part, les sociétés Climat Systems et Axa France Iard demandent une indemnisation au titre de la mobilisation supplémentaire du personnel de la société Climat Systems pour faire face aux désordres constatés. Toutefois, en se bornant à exposer les salaires des employés de la société Climat Systems sur la période des désordres, les sociétés requérantes ne démontrent pas, notamment en isolant le surcoût d'heures de travail résultant des désordres, qu'ils ont été mobilisés au-delà de ce qui était initialement prévu. Par suite, cette demande doit être rejetée.
26. En troisième et dernier lieu, la société Climat Systems réclame le versement de la franchise versée à son assureur, pour un montant de 3 374 euros. Cependant, la franchise d'assurance, qui a trait aux relations de droit privé entre l'assureur et l'assuré, ne constitue pas un élément du préjudice indemnisable en lien direct avec les désordres. Par suite, cette demande ne peut qu'être rejetée.
27. Les préjudices subis en raison de la commande et de l'installation des pompes à chaleur provisoires par la société Axa France Iard, subrogée totalement dans les droits de la société Climat Systems à ce titre, doivent être chiffrés à la somme totale de 246 070,50 euros HT.
S'agissant des frais d'expertise :
28. Les frais d'expertise ne constituent pas un élément du préjudice indemnisable. Par suite, la demande indemnitaire présentée à ce titre par les sociétés requérantes ne peut qu'être rejetée.
S'agissant des frais exposés par la société Climat Systems en amont de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif :
29. La société Climat Systems demande le versement d'une somme totale de 28 070,88 euros TTC correspondant, d'une part, aux prestations de l'Institut de soudure pour un montant de 26 826 euros TTC, d'autre part, à l'analyse de l'eau réalisée par la société Aquaticia pour un montant de 1 244,88 euros TTC. Il est constant que ces frais exposés par la société Climat Systems en amont des opérations d'expertise présentaient un caractère d'utilité. Par suite, la société Climat Systems est fondée à demander une indemnisation d'un montant de 28 070,88 euros TTC
(= 26 826 € + 1 244,88 €) au titre des frais exposés en amont de l'expertise.
S'agissant des frais exposés par la société Climat Systems non-couvertes par les frais d'expertise :
30. La société Climat Systems réclame le paiement de la somme de 55 432 euros HT au titre des frais exposés et non couverts par les frais d'expertise. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise, que la société Climat Systems a exposé des sommes au titre de la mise en stockage d'échangeurs et d'analyses, pour une somme totale de 55 432 euros HT, soit, après application d'un taux de TVA de 20 %, 66 518,40 euros TTC, à laquelle il y a lieu d'ajouter la somme de 900 euros TTC correspondant à une facture datée du 21 avril 2022 portant sur la manutention de sortie de stock et le chargement de deux échangeurs. Par suite, les coûts supportés par la société Climat Systems doivent être évalués à la somme totale
de 67 418,40 euros TTC (= 66 518,40 € + 900 €).
31. Il résulte de ce qui précède que la société Axa France Iard, subrogée dans les droits de la société Climat Systems, a subi un préjudice qui doit être chiffré à la somme
de 246 070,50 euros HT, et que la société Climat Systems a subi quant à elle un préjudice qui doit être évalué à la somme de 95 489,28 euros TTC (= 28 070,88 € + 67 418,40 €).
32. D'une part, eu égard aux parts de responsabilité fixés au point 22, les sociétés Engie Energie Services et Berim verseront à la société Axa France Iard chacune respectivement les sommes de 73 821,15 euros HT (= 30 % * 246 070,50 €) et 24 607,05 euros HT
(= 10 % * 246 070,50 €).
33. D'autre part, les sociétés Engie Energie Services et Berim verseront à la société Climat Systems chacune respectivement les sommes de 28 646,79 euros TTC
(= 30 % * 95 489,28 €) et 9 548,93 euros TTC (= 10 % * 95 489,28 €).
En ce qui concerne les intérêts :
34. Lorsqu'ils ont été demandés, et quelle que soit la date de cette demande, les intérêts courent à compter du jour où la demande de paiement du principal est parvenue au débiteur ou, en l'absence d'une telle demande préalablement à la saisine du juge, à compter du jour de cette saisine. Par suite, les sociétés Climat Systems et Axa France Iard ont droit aux intérêts au taux légal sur les sommes énumérées aux points 33 et 34 à compter du 13 août 2019, date à laquelle leur requête, dans laquelle elles ont présenté pour la première fois cette demande, a été enregistrée.
En ce qui concerne les appels en garantie :
35. Le recours entre constructeurs, non contractuellement liés, ne peut avoir qu'un fondement quasi-délictuel et, coauteurs obligés solidairement à la réparation d'un même dommage, ces constructeurs ne sont tenus entre eux que chacun, pour sa part, déterminée à proportion du degré de gravité des fautes qu'ils ont personnellement commises, caractérisées par un manquement dans les règles de leur art.
36. En premier lieu, eu égard à la répartition des parts de responsabilité telle qu'opérée au point 22, il n'y a pas lieu de statuer sur l'appel en garantie de la société Engie Energie Services.
37. En second lieu, il n'y a pas davantage lieu de statuer sur les appels en garantie présentés à l'encontre du et par le SMIREC, la société Nalco et les sociétés Mitsubishi Electric Europe BV ainsi que Zurich Insurance Public Limited Company, en l'absence de condamnation à leur encontre.
Sur les conclusions à fin d'une nouvelle expertise ou d'un nouvel avis technique :
38. Aux termes de l'article R. 621-1 du code de justice administrative : " La juridiction peut, soit d'office, soit sur la demande des parties ou de l'une d'elles, ordonner, avant dire droit, qu'il soit procédé à une expertise sur les points déterminés par sa décision. () ". Aux termes de l'article R. 625-2 du même code : " Lorsqu'une question technique ne requiert pas d'investigations complexes, la formation de jugement peut charger la personne qu'elle commet de lui fournir un avis sur les points qu'elle détermine. Elle peut, à cet effet, désigner une personne figurant sur l'un des tableaux établis en application de l'article R. 221-9. Elle peut, le cas échéant, désigner toute autre personne de son choix. Le consultant, à qui le dossier de l'instance n'est pas remis, n'a pas à opérer en respectant une procédure contradictoire à l'égard des parties. ".
39. La société Nalco soutient que les conclusions de l'expert se séparent de celles formulées par l'Institut de soudure, laboratoire spécialisé, notamment en excluant l'hypothèse d'une formicary corrosion, et en validant celle d'un premier percement provoqué par un défaut de passivation cumulé à un défaut de dosage ayant permis une attaque par sulfures et sulfates. Il résulte toutefois du rapport diligenté par le tribunal administratif que l'expert s'est, à l'aide du sapiteur, mais aussi de tous les éléments à sa disposition, en particulier l'analyse de l'Institut de soudure, prononcé sur l'ensemble des points demandés et en litige. Ainsi, il ne résulte pas de l'instruction qu'une nouvelle expertise ou qu'un nouvel avis technique présentent un caractère utile. Dans ces conditions, la demande de la société Nalco à fin d'une nouvelle expertise ou d'un nouvel avis technique doit être rejetée.
Sur les dépens :
40. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. () ".
41. Les frais et honoraires du sapiteur et de l'expert ont été liquidés et taxés par des ordonnances du premier vice-président du tribunal administratif respectivement des 28 juillet 2021 et 5 juillet 2022 à des sommes respectives de 53 914,44 euros et 7 500 euros, soit un montant total de 61 414,44 euros TTC. Dans les circonstances particulières de l'espèce, ils doivent, à parts égales, être mis à la charge des sociétés requérantes, des sociétés Engie Energie Services, Nalco, Berim, et du SMIREC.
Sur les frais non compris dans les dépens :
42. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge des sociétés Engie Energie Services et Berim le versement aux sociétés Axa France Iard et Climat Systems de la somme de 1 200 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par les autres parties sur le fondement de ces dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Les conclusions de la requête dirigées contre la société Mitsubishi Electric Europe BV et contre son assureur, la société Zurich Insurance Public Limited Company, sont rejetées comme portées devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Article 2 : La société Engie Energie Services versera à la société Axa France Iard la somme de 73 821,15 euros HT, avec les intérêts au taux légal à compter du 13 août 2019.
Article 3 : La société Berim versera à la société Axa France Iard la somme de 24 607,05 euros HT, avec les intérêts au taux légal à compter du 13 août 2019.
Article 4 : La société Engie Energie Services versera à la société Climat Systems la somme de 28 646,79 euros TTC, avec les intérêts au taux légal à compter du 13 août 2019.
Article 5 : La société Berim versera à la société Climat Systems la somme de 9 548,93 euros TTC, avec les intérêts au taux légal à compter du 13 août 2019.
Article 6 : Les frais et honoraires de l'expertise d'un montant total de 61 414,44 euros TTC sont mis à la charge des sociétés Axa France Iard et Climat Systems à hauteur de la somme de 12 282,89 euros, du SMIREC à hauteur de la somme de 12 282,89 euros, de la société Engie Energie Services à hauteur de la somme de 12 282,89 euros, de la société Nalco à hauteur de la somme
de 12 282,89 euros et de la société Berim à hauteur de la somme de 12 282,89 euros.
Article 7 : Les sociétés Engie Energie Services et Berim verseront chacune aux sociétés Climat Systems et Axa France Iard la somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 8 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 9 : Le présent jugement sera notifié à la société Climat Systems, à la société Axa France Iard, à la société Mitsubishi Electric Europe BV, à la SA Zurich Insurance Public Limited Company, à la société Engie Energie Services, au syndicat mixte des réseaux d'énergie calorifique, à la société Nalco et à la société Berim.
Délibéré après l'audience du 14 décembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Michel Romnicianu, président,
Mme Marianne Parent, première conseillère,
M. Youssef Khiat, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 janvier 2023.
Le rapporteur,
Y. B Le président,
M. C
La greffière,
S. Le Bourdiec
La République mande et ordonne au préfet de la Seine-Saint-Denis, en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.