TA Cergy-P, 16/02/2023, n°2002394
Vu la procédure suivante :
Par une ordonnance n° 1927524/3-1 du 21 février 2020, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, en application des articles R. 312-11 et R. 351-3 du code de justice administrative, le dossier de la requête de la société par actions simplifiée (SAS) Entreprise de Construction Portier (ECP), enregistrée le 12 décembre 2019.
Par cette requête et un mémoire, enregistré le 17 novembre 2022, la SAS ECP, représentée par Me Vernade, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de condamner le ministre de l'intérieur à lui verser, à titre principal, la somme de 46 447,93 euros, augmentée des intérêts moratoires à compter de la date de régularisation de la requête, au titre de sa responsabilité quasi-délictuelle ou, à titre subsidiaire, la somme de 38 549,50 euros, ramenée à titre très subsidiaire à 20 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2017, en règlement des prestations de sous-traitance qu'elle a exécutées ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité quasi-délictuelle du ministre de l'intérieur est engagée, à titre principal, pour un montant de 46 447,93 euros, dès lors qu'il a commis une faute en s'abstenant de mettre en demeure la société titulaire du marché de régulariser sa situation ;
- elle a droit, sur le fondement de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975, au paiement direct par le maître d'ouvrage des prestations qu'elle a réalisées en tant que sous-traitante, à titre subsidiaire pour un montant de 38 549,50 euros et à titre très subsidiaire pour un montant de 20 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 février 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- à titre principal, la requête est irrecevable ;
- à titre subsidiaire, sa responsabilité n'est pas engagée ;
- à titre très subsidiaire, sa condamnation doit être limitée à la somme de 20 000 euros hors taxes (HT).
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;
- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gay-Heuzey, conseillère ;
- les conclusions de M. Camguilhem, rapporteur public ;
- et les observations de Me Vernade, représentant la SAS ECP.
Considérant ce qui suit :
1. Le ministre de l'intérieur a confié le lot " gros œuvre - terrassement - maçonnerie " à la société par actions simplifiée (SAS) Escher et Associés dans le cadre du marché public de travaux " Projet PASS " à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). Pour l'exécution de ce lot, un contrat de sous-traitance a été conclu le 11 août 2016 entre la SAS Escher et Associés et la SAS Entreprise de Construction Portier (ECP) pour un montant maximum de 20 000 euros. Cette dernière a été acceptée en qualité de sous-traitante et ses conditions de paiement ont été agréées par une décision implicite du ministre de l'intérieur née du silence qu'il a gardé pendant plus de vingt-et-un jours. Par courrier du 13 juillet 2017, la SAS ECP a formé une demande de paiement direct d'un montant de 59 549,50 euros auprès de la SAS Escher et Associés et du ministre de l'intérieur. Par la présente requête, et après une nouvelle réclamation adressée au ministre le 4 octobre 2019 mettant en cause sa responsabilité quasi-délictuelle pour un montant de 46 447,93 euros et sollicitant le paiement direct de cette somme, la SAS ECP demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures, de condamner le ministre de l'intérieur à lui verser, à titre principal, la somme de 46 447,93 euros, augmentée des intérêts moratoires à compter de la date de régularisation de la requête, au titre de sa responsabilité quasi-délictuelle ou, à titre subsidiaire, la somme de 38 549,50 euros, ramenée à titre très subsidiaire à 20 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2017, en règlement des prestations de sous-traitance qu'elle a exécutées.
2. Aux termes de l'article 3 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à laloi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance
TA Cergy-P, 16/02/2023, n°2002394
Vu la procédure suivante :
Par une ordonnance n° 1927524/3-1 du 21 février 2020, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, en application des articles R. 312-11 et R. 351-3 du code de justice administrative, le dossier de la requête de la société par actions simplifiée (SAS) Entreprise de Construction Portier (ECP), enregistrée le 12 décembre 2019.
Par cette requête et un mémoire, enregistré le 17 novembre 2022, la SAS ECP, représentée par Me Vernade, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de condamner le ministre de l'intérieur à lui verser, à titre principal, la somme de 46 447,93 euros, augmentée des intérêts moratoires à compter de la date de régularisation de la requête, au titre de sa responsabilité quasi-délictuelle ou, à titre subsidiaire, la somme de 38 549,50 euros, ramenée à titre très subsidiaire à 20 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2017, en règlement des prestations de sous-traitance qu'elle a exécutées ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité quasi-délictuelle du ministre de l'intérieur est engagée, à titre principal, pour un montant de 46 447,93 euros, dès lors qu'il a commis une faute en s'abstenant de mettre en demeure la société titulaire du marché de régulariser sa situation ;
- elle a droit, sur le fondement de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975, au paiement direct par le maître d'ouvrage des prestations qu'elle a réalisées en tant que sous-traitante, à titre subsidiaire pour un montant de 38 549,50 euros et à titre très subsidiaire pour un montant de 20 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 février 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- à titre principal, la requête est irrecevable ;
- à titre subsidiaire, sa responsabilité n'est pas engagée ;
- à titre très subsidiaire, sa condamnation doit être limitée à la somme de 20 000 euros hors taxes (HT).
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;
- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gay-Heuzey, conseillère ;
- les conclusions de M. Camguilhem, rapporteur public ;
- et les observations de Me Vernade, représentant la SAS ECP.
Considérant ce qui suit :
1. Le ministre de l'intérieur a confié le lot " gros œuvre - terrassement - maçonnerie " à la société par actions simplifiée (SAS) Escher et Associés dans le cadre du marché public de travaux " Projet PASS " à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). Pour l'exécution de ce lot, un contrat de sous-traitance a été conclu le 11 août 2016 entre la SAS Escher et Associés et la SAS Entreprise de Construction Portier (ECP) pour un montant maximum de 20 000 euros. Cette dernière a été acceptée en qualité de sous-traitante et ses conditions de paiement ont été agréées par une décision implicite du ministre de l'intérieur née du silence qu'il a gardé pendant plus de vingt-et-un jours. Par courrier du 13 juillet 2017, la SAS ECP a formé une demande de paiement direct d'un montant de 59 549,50 euros auprès de la SAS Escher et Associés et du ministre de l'intérieur. Par la présente requête, et après une nouvelle réclamation adressée au ministre le 4 octobre 2019 mettant en cause sa responsabilité quasi-délictuelle pour un montant de 46 447,93 euros et sollicitant le paiement direct de cette somme, la SAS ECP demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures, de condamner le ministre de l'intérieur à lui verser, à titre principal, la somme de 46 447,93 euros, augmentée des intérêts moratoires à compter de la date de régularisation de la requête, au titre de sa responsabilité quasi-délictuelle ou, à titre subsidiaire, la somme de 38 549,50 euros, ramenée à titre très subsidiaire à 20 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2017, en règlement des prestations de sous-traitance qu'elle a exécutées.
2. Aux termes de l'article 3 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance : " L'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage ; l'entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l'ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande. / Lorsque le sous-traitant n'aura pas été accepté ni les conditions de paiement agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, l'entrepreneur principal sera néanmoins tenu envers le sous-traitant mais ne pourra invoquer le contrat de sous-traitance à l'encontre du sous-traitant. ". Selon l'article 5 de cette même loi : " Sans préjudice de l'acceptation prévue à l'article 3, l'entrepreneur principal doit, lors de la soumission, indiquer au maître de l'ouvrage la nature et le montant de chacune des prestations qu'il envisage de sous-traiter, ainsi que les sous- traitants auxquels il envisage de faire appel. / En cours d'exécution du marché, l'entrepreneur principal peut faire appel à de nouveaux sous-traitants, à la condition de les avoir déclarés préalablement au maître de l'ouvrage. ". L'article 6 de cette même loi dispose que : " Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution. Toutefois les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas lorsque le montant du contrat de sous-traitance est inférieur à un seuil qui, pour l'ensemble des marchés prévus au présent titre, est fixé à 600 euros () ". Enfin, aux termes de l'article 14-1 de la loi précitée : " Pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics : / - le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3 ou à l'article 6, ainsi que celles définies à l'article 5, mettre l'entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s'acquitter de ces obligations. Ces dispositions s'appliquent aux marchés publics et privés () ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe au maître d'ouvrage, lorsqu'il a connaissance de l'exécution, par le sous-traitant, de prestations excédant celles prévues par l'acte spécial et conduisant au dépassement du montant maximum des sommes à lui verser par paiement direct, de mettre en demeure le titulaire du marché ou le sous-traitant de prendre toute mesure utile pour mettre fin à cette situation ou pour la régulariser, à charge pour le titulaire du marché, le cas échéant, de solliciter la modification de l'exemplaire unique ou du certificat de cessibilité et celle de l'acte spécial afin de tenir compte d'une nouvelle répartition des prestations avec le sous-traitant. A défaut, il engage sa responsabilité quasi-délictuelle.
Sur les conclusions tendant au paiement de la somme de 46 447,93 euros au titre de la responsabilité quasi-délictuelle du maître d'ouvrage :
4. Pour établir la faute qu'aurait commise le maître d'ouvrage en la laissant en toute connaissance de cause intervenir dans des conditions irrégulières sur le chantier, sans provoquer la régularisation de sa situation, la SAS ECP se prévaut du compte rendu d'inspection du chantier établi le 22 août 2016, selon lequel le ministre de l'intérieur aurait été informé de la réalisation par ses soins de travaux excédant le cadre de la sous-traitance agréée. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'elle se réfère pour cela à des travaux exécutés postérieurement à la réalisation de cette inspection, matérialisés par une facture n° 86 du 19 octobre 2016 faisant suite à un devis du 20 septembre 2016, une facture n° 95 du 28 octobre 2016 faisant suite à un devis du 7 octobre 2016, une facture n° 112 du 28 décembre 2016 et une facture n° 128 du 10 février 2017. Dans ces conditions, la SAS ECP n'établit pas que le maître d'ouvrage pouvait avoir connaissance de l'exécution de prestations excédant celles prévues par l'acte spécial et dépassant le montant maximum du paiement direct. Dès lors, elle ne saurait lui reprocher d'avoir commis une faute en s'abstenant, en violation des dispositions précitées de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, de provoquer la régularisation de sa situation. La SAS ECP ne peut donc être indemnisée, sur le terrain de la responsabilité extra-contractuelle du maître d'ouvrage, de la somme de 46 447,93 euros correspondant aux montants des factures précitées, aux intérêts y afférents, aux frais d'avocats et aux dépens liés.
5. En tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que le ministre de l'intérieur, qui pouvait légitimement penser que la présence de la SAS ECP sur le chantier s'effectuait dans le cadre des travaux pour lesquels elle était agréée, aurait eu connaissance de son intervention effective sur le chantier à un autre titre. Ainsi, le maître de l'ouvrage ne peut être regardé comme ayant commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de la société requérante qui, en toute hypothèse, n'a pas demandé l'exécution des formalités requises par les dispositions des articles 3 et 6 de la loi du 31 décembre 1975 pour les prestations réalisées pour le compte de la SAS Escher et Associés et a poursuivi l'exécution de ces travaux malgré sa connaissance de l'irrégularité de sa situation.
Sur les conclusions tendant au paiement direct des prestations de sous-traitance exécutées :
En ce qui concerne la somme de 38 549,50 euros :
6. Même si un marché public a été conclu à prix forfaitaire, son titulaire a droit à être indemnisé pour les dépenses exposées en raison de sujétions imprévues, c'est-à-dire de sujétions présentant un caractère exceptionnel et imprévisible et dont la cause est extérieure aux parties, si ces sujétions ont eu pour effet de bouleverser l'économie générale du marché. Un sous-traitant bénéficiant du paiement direct des prestations sous-traitées a également droit à ce paiement direct pour les dépenses résultant pour lui de sujétions imprévues qui ont bouleversé l'économie générale du marché.
7. Il résulte de l'instruction, notamment de la décision implicite d'acceptation et d'agrément des conditions de paiement de la SAS ECP en tant que sous-traitante par le ministre de l'intérieur, que celle-ci bénéficiait d'un droit au paiement direct des travaux réalisés pour un montant maximum de 20 000 euros. Par ailleurs, il n'est pas contesté que la SAS Escher et Associés n'a pas présenté au maître d'ouvrage, pour agrément, les travaux supplémentaires réalisés par la SAS ECP, pour un montant cumulé de 38 549,50 euros eu égard aux factures n°s 86, 95, 112 et 128 précitées, dont il n'avait pas été informé ainsi qu'il a été dit ci-dessus. A supposer que la SAS ECP soit regardée comme soutenant que ces travaux constituaient des travaux supplémentaires rendus nécessaires par les travaux confiés dans le cadre du contrat de sous-traitance, il ne résulte pas de l'instruction que ces travaux supplémentaires aient porté sur des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel susceptible de se rattacher au contrat de sous-traitance au titre duquel elle bénéficiait du droit au paiement direct. Dans ces conditions, la SAS ECP n'est pas fondée à solliciter le paiement direct desdits travaux supplémentaires, pour un montant de 38 549,50 euros, par le ministre de l'intérieur.
En ce qui concerne la somme de 20 000 euros :
8. Aux termes de l'article 136 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics : " I. - Le sous-traitant admis au paiement direct adresse sa demande de paiement au titulaire du marché public, sous pli recommandé avec accusé de réception, ou la dépose auprès du titulaire contre récépissé. / Le titulaire dispose d'un délai de quinze jours à compter de la signature de l'accusé de réception ou du récépissé pour donner son accord ou notifier un refus, d'une part, au sous-traitant et, d'autre part, à l'acheteur ou à la personne désignée par lui dans le marché public. / Le sous-traitant adresse également sa demande de paiement à l'acheteur ou à la personne désignée dans le marché public par l'acheteur, accompagnée des copies des factures adressées au titulaire et de l'accusé de réception ou du récépissé attestant que le titulaire a bien reçu la demande ou de l'avis postal attestant que le pli a été refusé ou n'a pas été réclamé. / L'acheteur ou la personne désignée par lui dans le marché public adresse sans délai au titulaire une copie des factures produites par le sous-traitant. / L'acheteur informe le titulaire des paiements qu'il effectue au sous-traitant. () ".
9. Il résulte de ces dispositions que, pour obtenir le paiement direct par le maître d'ouvrage de tout ou partie des prestations qu'il a exécutées dans le cadre de son contrat de sous-traitance, le sous-traitant régulièrement agréé doit adresser sa demande de paiement direct à l'entrepreneur principal, titulaire du marché. Il appartient ensuite au titulaire du marché de donner son accord à la demande de paiement direct ou de signifier son refus dans un délai de quinze jours à compter de la réception de cette demande. Le titulaire du marché est réputé avoir accepté cette demande s'il garde le silence pendant plus de quinze jours à compter de sa réception. A l'issue de cette procédure, le maître d'ouvrage procède au paiement direct du sous-traitant régulièrement agréé si le titulaire du marché a donné son accord ou s'il est réputé avoir accepté la demande de paiement direct. Cette procédure a pour objet de permettre au titulaire du marché d'exercer un contrôle sur les pièces transmises par le sous-traitant et de s'opposer, le cas échéant, au paiement direct. Sa méconnaissance par le sous-traitant fait ainsi obstacle à ce qu'il puisse se prévaloir, auprès du maître d'ouvrage, d'un droit à ce paiement.
10. Il ne résulte pas de l'instruction que la SAS ECP a adressé une demande de paiement direct au titulaire du marché puis au maître d'ouvrage aux fins de règlement de la somme de 20 000 euros correspondant aux travaux réalisés dans le cadre du contrat de sous-traitance accepté et agréé. En tout état de cause, à supposer que la demande formée le 13 juillet 2017 auprès du ministre et de la société Escher et Associés ait eu un tel objet, il résulte de l'instruction que la demande adressée au ministre de l'intérieur, maître d'ouvrage, n'a pas été formée à l'issue du silence gardé pendant plus de quinze jours par la société titulaire du marché. En toute hypothèse, la société requérante n'établit pas avoir informé le ministre de ce qu'elle aurait en amont déjà effectué une demande de paiement direct auprès de la société Escher et Associés et qu'une décision implicite d'accord serait née de son éventuel silence. Dans ces conditions, la SAS ECP n'est pas fondée à solliciter le paiement direct par le ministre de l'intérieur de la somme de 20 000 euros.
11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'indemnisation et de paiement direct de la SAS ECP doivent être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, de ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par ces motifs, le tribunal décide :
Article 1er : La requête de la SAS Entreprise de Construction Portier est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la SAS Entreprise de Construction Portier et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 2 février 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Oriol, présidente,
Mmes B et Gay-Heuzey, conseillères,
Assistées de Mme Vivet, greffière.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2023.
La rapporteure,
Signé
A. GAY-HEUZEY
La présidente,
Signé
C. ORIOL
La greffière,
Signé
M. A
La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour ampliation,
La greffière
TA Cergy-P, 16/02/2023, n°2002394
Vu la procédure suivante :
Par une ordonnance n° 1927524/3-1 du 21 février 2020, le président du tribunal administratif de Paris a transmis au tribunal administratif de Cergy-Pontoise, en application des articles R. 312-11 et R. 351-3 du code de justice administrative, le dossier de la requête de la société par actions simplifiée (SAS) Entreprise de Construction Portier (ECP), enregistrée le 12 décembre 2019.
Par cette requête et un mémoire, enregistré le 17 novembre 2022, la SAS ECP, représentée par Me Vernade, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de condamner le ministre de l'intérieur à lui verser, à titre principal, la somme de 46 447,93 euros, augmentée des intérêts moratoires à compter de la date de régularisation de la requête, au titre de sa responsabilité quasi-délictuelle ou, à titre subsidiaire, la somme de 38 549,50 euros, ramenée à titre très subsidiaire à 20 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2017, en règlement des prestations de sous-traitance qu'elle a exécutées ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la responsabilité quasi-délictuelle du ministre de l'intérieur est engagée, à titre principal, pour un montant de 46 447,93 euros, dès lors qu'il a commis une faute en s'abstenant de mettre en demeure la société titulaire du marché de régulariser sa situation ;
- elle a droit, sur le fondement de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975, au paiement direct par le maître d'ouvrage des prestations qu'elle a réalisées en tant que sous-traitante, à titre subsidiaire pour un montant de 38 549,50 euros et à titre très subsidiaire pour un montant de 20 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 10 février 2021, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- à titre principal, la requête est irrecevable ;
- à titre subsidiaire, sa responsabilité n'est pas engagée ;
- à titre très subsidiaire, sa condamnation doit être limitée à la somme de 20 000 euros hors taxes (HT).
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;
- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Gay-Heuzey, conseillère ;
- les conclusions de M. Camguilhem, rapporteur public ;
- et les observations de Me Vernade, représentant la SAS ECP.
Considérant ce qui suit :
1. Le ministre de l'intérieur a confié le lot " gros œuvre - terrassement - maçonnerie " à la société par actions simplifiée (SAS) Escher et Associés dans le cadre du marché public de travaux " Projet PASS " à Levallois-Perret (Hauts-de-Seine). Pour l'exécution de ce lot, un contrat de sous-traitance a été conclu le 11 août 2016 entre la SAS Escher et Associés et la SAS Entreprise de Construction Portier (ECP) pour un montant maximum de 20 000 euros. Cette dernière a été acceptée en qualité de sous-traitante et ses conditions de paiement ont été agréées par une décision implicite du ministre de l'intérieur née du silence qu'il a gardé pendant plus de vingt-et-un jours. Par courrier du 13 juillet 2017, la SAS ECP a formé une demande de paiement direct d'un montant de 59 549,50 euros auprès de la SAS Escher et Associés et du ministre de l'intérieur. Par la présente requête, et après une nouvelle réclamation adressée au ministre le 4 octobre 2019 mettant en cause sa responsabilité quasi-délictuelle pour un montant de 46 447,93 euros et sollicitant le paiement direct de cette somme, la SAS ECP demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures, de condamner le ministre de l'intérieur à lui verser, à titre principal, la somme de 46 447,93 euros, augmentée des intérêts moratoires à compter de la date de régularisation de la requête, au titre de sa responsabilité quasi-délictuelle ou, à titre subsidiaire, la somme de 38 549,50 euros, ramenée à titre très subsidiaire à 20 000 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 13 juillet 2017, en règlement des prestations de sous-traitance qu'elle a exécutées.
2. Aux termes de l'article 3 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance : "L'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage ; l'entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l'ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande. / Lorsque le sous-traitant n'aura pas été accepté ni les conditions de paiement agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, l'entrepreneur principal sera néanmoins tenu envers le sous-traitant mais ne pourra invoquer le contrat de sous-traitance à l'encontre du sous-traitant. ". Selon l'article 5 de cette même loi : "Sans préjudice de l'acceptation prévue à l'article 3, l'entrepreneur principal doit, lors de la soumission, indiquer au maître de l'ouvrage la nature et le montant de chacune des prestations qu'il envisage de sous-traiter, ainsi que les sous- traitants auxquels il envisage de faire appel. / En cours d'exécution du marché, l'entrepreneur principal peut faire appel à de nouveaux sous-traitants, à la condition de les avoir déclarés préalablement au maître de l'ouvrage". L'article 6 de cette même loi dispose que : " Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution. Toutefois les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas lorsque le montant du contrat de sous-traitance est inférieur à un seuil qui, pour l'ensemble des marchés prévus au présent titre, est fixé à 600 euros () ". Enfin, aux termes de l'article 14-1 de la loi précitée : " Pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics : / - le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3 ou à l'article 6, ainsi que celles définies à l'article 5, mettre l'entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s'acquitter de ces obligations. Ces dispositions s'appliquent aux marchés publics et privés () ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe au maître d'ouvrage, lorsqu'il a connaissance de l'exécution, par le sous-traitant, de prestations excédant celles prévues par l'acte spécial et conduisant au dépassement du montant maximum des sommes à lui verser par paiement direct, de mettre en demeure le titulaire du marché ou le sous-traitant de prendre toute mesure utile pour mettre fin à cette situation ou pour la régulariser, à charge pour le titulaire du marché, le cas échéant, de solliciter la modification de l'exemplaire unique ou du certificat de cessibilité et celle de l'acte spécial afin de tenir compte d'une nouvelle répartition des prestations avec le sous-traitant. A défaut, il engage sa responsabilité quasi-délictuelle.
Sur les conclusions tendant au paiement de la somme de 46 447,93 euros au titre de la responsabilité quasi-délictuelle du maître d'ouvrage :
4. Pour établir la faute qu'aurait commise le maître d'ouvrage en la laissant en toute connaissance de cause intervenir dans des conditions irrégulières sur le chantier, sans provoquer la régularisation de sa situation, la SAS ECP se prévaut du compte rendu d'inspection du chantier établi le 22 août 2016, selon lequel le ministre de l'intérieur aurait été informé de la réalisation par ses soins de travaux excédant le cadre de la sous-traitance agréée. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'elle se réfère pour cela à des travaux exécutés postérieurement à la réalisation de cette inspection, matérialisés par une facture n° 86 du 19 octobre 2016 faisant suite à un devis du 20 septembre 2016, une facture n° 95 du 28 octobre 2016 faisant suite à un devis du 7 octobre 2016, une facture n° 112 du 28 décembre 2016 et une facture n° 128 du 10 février 2017. Dans ces conditions, la SAS ECP n'établit pas que le maître d'ouvrage pouvait avoir connaissance de l'exécution de prestations excédant celles prévues par l'acte spécial et dépassant le montant maximum du paiement direct. Dès lors, elle ne saurait lui reprocher d'avoir commis une faute en s'abstenant, en violation des dispositions précitées de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, de provoquer la régularisation de sa situation. La SAS ECP ne peut donc être indemnisée, sur le terrain de la responsabilité extra-contractuelle du maître d'ouvrage, de la somme de 46 447,93 euros correspondant aux montants des factures précitées, aux intérêts y afférents, aux frais d'avocats et aux dépens liés.
5. En tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que le ministre de l'intérieur, qui pouvait légitimement penser que la présence de la SAS ECP sur le chantier s'effectuait dans le cadre des travaux pour lesquels elle était agréée, aurait eu connaissance de son intervention effective sur le chantier à un autre titre. Ainsi, le maître de l'ouvrage ne peut être regardé comme ayant commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de la société requérante qui, en toute hypothèse, n'a pas demandé l'exécution des formalités requises par les dispositions des articles 3 et 6 de la loi du 31 décembre 1975 pour les prestations réalisées pour le compte de la SAS Escher et Associés et a poursuivi l'exécution de ces travaux malgré sa connaissance de l'irrégularité de sa situation.
Sur les conclusions tendant au paiement direct des prestations de sous-traitance exécutées :
En ce qui concerne la somme de 38 549,50 euros :
6. Même si un marché public a été conclu à prix forfaitaire, son titulaire a droit à être indemnisé pour les dépenses exposées en raison de sujétions imprévues, c'est-à-dire de sujétions présentant un caractère exceptionnel et imprévisible et dont la cause est extérieure aux parties, si ces sujétions ont eu pour effet de bouleverser l'économie générale du marché. Un sous-traitant bénéficiant du paiement direct des prestations sous-traitées a également droit à ce paiement direct pour les dépenses résultant pour lui de sujétions imprévues qui ont bouleversé l'économie générale du marché.
7. Il résulte de l'instruction, notamment de la décision implicite d'acceptation et d'agrément des conditions de paiement de la SAS ECP en tant que sous-traitante par le ministre de l'intérieur, que celle-ci bénéficiait d'un droit au paiement direct des travaux réalisés pour un montant maximum de 20 000 euros. Par ailleurs, il n'est pas contesté que la SAS Escher et Associés n'a pas présenté au maître d'ouvrage, pour agrément, les travaux supplémentaires réalisés par la SAS ECP, pour un montant cumulé de 38 549,50 euros eu égard aux factures n°s 86, 95, 112 et 128 précitées, dont il n'avait pas été informé ainsi qu'il a été dit ci-dessus. A supposer que la SAS ECP soit regardée comme soutenant que ces travaux constituaient des travaux supplémentaires rendus nécessaires par les travaux confiés dans le cadre du contrat de sous-traitance, il ne résulte pas de l'instruction que ces travaux supplémentaires aient porté sur des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel susceptible de se rattacher au contrat de sous-traitance au titre duquel elle bénéficiait du droit au paiement direct. Dans ces conditions, la SAS ECP n'est pas fondée à solliciter le paiement direct desdits travaux supplémentaires, pour un montant de 38 549,50 euros, par le ministre de l'intérieur.
En ce qui concerne la somme de 20 000 euros :
8. Aux termes de l'article 136 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics : " I. - Le sous-traitant admis au paiement direct adresse sa demande de paiement au titulaire du marché public, sous pli recommandé avec accusé de réception, ou la dépose auprès du titulaire contre récépissé. / Le titulaire dispose d'un délai de quinze jours à compter de la signature de l'accusé de réception ou du récépissé pour donner son accord ou notifier un refus, d'une part, au sous-traitant et, d'autre part, à l'acheteur ou à la personne désignée par lui dans le marché public. / Le sous-traitant adresse également sa demande de paiement à l'acheteur ou à la personne désignée dans le marché public par l'acheteur, accompagnée des copies des factures adressées au titulaire et de l'accusé de réception ou du récépissé attestant que le titulaire a bien reçu la demande ou de l'avis postal attestant que le pli a été refusé ou n'a pas été réclamé. / L'acheteur ou la personne désignée par lui dans le marché public adresse sans délai au titulaire une copie des factures produites par le sous-traitant. / L'acheteur informe le titulaire des paiements qu'il effectue au sous-traitant. () ".
9. Il résulte de ces dispositions que, pour obtenir le paiement direct par le maître d'ouvrage de tout ou partie des prestations qu'il a exécutées dans le cadre de son contrat de sous-traitance, le sous-traitant régulièrement agréé doit adresser sa demande de paiement direct à l'entrepreneur principal, titulaire du marché. Il appartient ensuite au titulaire du marché de donner son accord à la demande de paiement direct ou de signifier son refus dans un délai de quinze jours à compter de la réception de cette demande. Le titulaire du marché est réputé avoir accepté cette demande s'il garde le silence pendant plus de quinze jours à compter de sa réception. A l'issue de cette procédure, le maître d'ouvrage procède au paiement direct du sous-traitant régulièrement agréé si le titulaire du marché a donné son accord ou s'il est réputé avoir accepté la demande de paiement direct. Cette procédure a pour objet de permettre au titulaire du marché d'exercer un contrôle sur les pièces transmises par le sous-traitant et de s'opposer, le cas échéant, au paiement direct. Sa méconnaissance par le sous-traitant fait ainsi obstacle à ce qu'il puisse se prévaloir, auprès du maître d'ouvrage, d'un droit à ce paiement.
10. Il ne résulte pas de l'instruction que la SAS ECP a adressé une demande de paiement direct au titulaire du marché puis au maître d'ouvrage aux fins de règlement de la somme de 20 000 euros correspondant aux travaux réalisés dans le cadre du contrat de sous-traitance accepté et agréé. En tout état de cause, à supposer que la demande formée le 13 juillet 2017 auprès du ministre et de la société Escher et Associés ait eu un tel objet, il résulte de l'instruction que la demande adressée au ministre de l'intérieur, maître d'ouvrage, n'a pas été formée à l'issue du silence gardé pendant plus de quinze jours par la société titulaire du marché. En toute hypothèse, la société requérante n'établit pas avoir informé le ministre de ce qu'elle aurait en amont déjà effectué une demande de paiement direct auprès de la société Escher et Associés et qu'une décision implicite d'accord serait née de son éventuel silence. Dans ces conditions, la SAS ECP n'est pas fondée à solliciter le paiement direct par le ministre de l'intérieur de la somme de 20 000 euros.
11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'indemnisation et de paiement direct de la SAS ECP doivent être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, de ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par ces motifs, le tribunal décide :
Article 1er : La requête de la SAS Entreprise de Construction Portier est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la SAS Entreprise de Construction Portier et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 2 février 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Oriol, présidente,
Mmes B et Gay-Heuzey, conseillères,
Assistées de Mme Vivet, greffière.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2023.
La rapporteure,
Signé
A. GAY-HEUZEY
La présidente,
Signé
C. ORIOL
La greffière,
Signé
M. A
La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour ampliation,
La greffière
sous-traitance : " L'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage ; l'entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l'ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande. / Lorsque le sous-traitant n'aura pas été accepté ni les conditions de paiement agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions prévues à l'alinéa précédent, l'entrepreneur principal sera néanmoins tenu envers le sous-traitant mais ne pourra invoquer le contrat de sous-traitance à l'encontre du sous-traitant. ". Selon l'article 5 de cette même loi : " Sans préjudice de l'acceptation prévue à l'article 3, l'entrepreneur principal doit, lors de la soumission, indiquer au maître de l'ouvrage la nature et le montant de chacune des prestations qu'il envisage de sous-traiter, ainsi que les sous- traitants auxquels il envisage de faire appel. / En cours d'exécution du marché, l'entrepreneur principal peut faire appel à de nouveaux sous-traitants, à la condition de les avoir déclarés préalablement au maître de l'ouvrage. ". L'article 6 de cette même loi dispose que : " Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution. Toutefois les dispositions de l'alinéa précédent ne s'appliquent pas lorsque le montant du contrat de sous-traitance est inférieur à un seuil qui, pour l'ensemble des marchés prévus au présent titre, est fixé à 600 euros () ". Enfin, aux termes de l'article 14-1 de la loi précitée : " Pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics : / - le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3 ou à l'article 6, ainsi que celles définies à l'article 5, mettre l'entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s'acquitter de ces obligations. Ces dispositions s'appliquent aux marchés publics et privés () ".
3. Il résulte de ces dispositions qu'il incombe au maître d'ouvrage, lorsqu'il a connaissance de l'exécution, par le sous-traitant, de prestations excédant celles prévues par l'acte spécial et conduisant au dépassement du montant maximum des sommes à lui verser par paiement direct, de mettre en demeure le titulaire du marché ou le sous-traitant de prendre toute mesure utile pour mettre fin à cette situation ou pour la régulariser, à charge pour le titulaire du marché, le cas échéant, de solliciter la modification de l'exemplaire unique ou du certificat de cessibilité et celle de l'acte spécial afin de tenir compte d'une nouvelle répartition des prestations avec le sous-traitant. A défaut, il engage sa responsabilité quasi-délictuelle.
Sur les conclusions tendant au paiement de la somme de 46 447,93 euros au titre de la responsabilité quasi-délictuelle du maître d'ouvrage :
4. Pour établir la faute qu'aurait commise le maître d'ouvrage en la laissant en toute connaissance de cause intervenir dans des conditions irrégulières sur le chantier, sans provoquer la régularisation de sa situation, la SAS ECP se prévaut du compte rendu d'inspection du chantier établi le 22 août 2016, selon lequel le ministre de l'intérieur aurait été informé de la réalisation par ses soins de travaux excédant le cadre de la sous-traitance agréée. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'elle se réfère pour cela à des travaux exécutés postérieurement à la réalisation de cette inspection, matérialisés par une facture n° 86 du 19 octobre 2016 faisant suite à un devis du 20 septembre 2016, une facture n° 95 du 28 octobre 2016 faisant suite à un devis du 7 octobre 2016, une facture n° 112 du 28 décembre 2016 et une facture n° 128 du 10 février 2017. Dans ces conditions, la SAS ECP n'établit pas que le maître d'ouvrage pouvait avoir connaissance de l'exécution de prestations excédant celles prévues par l'acte spécial et dépassant le montant maximum du paiement direct. Dès lors, elle ne saurait lui reprocher d'avoir commis une faute en s'abstenant, en violation des dispositions précitées de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, de provoquer la régularisation de sa situation. La SAS ECP ne peut donc être indemnisée, sur le terrain de la responsabilité extra-contractuelle du maître d'ouvrage, de la somme de 46 447,93 euros correspondant aux montants des factures précitées, aux intérêts y afférents, aux frais d'avocats et aux dépens liés.
5. En tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction que le ministre de l'intérieur, qui pouvait légitimement penser que la présence de la SAS ECP sur le chantier s'effectuait dans le cadre des travaux pour lesquels elle était agréée, aurait eu connaissance de son intervention effective sur le chantier à un autre titre. Ainsi, le maître de l'ouvrage ne peut être regardé comme ayant commis une faute de nature à engager sa responsabilité à l'égard de la société requérante qui, en toute hypothèse, n'a pas demandé l'exécution des formalités requises par les dispositions des articles 3 et 6 de la loi du 31 décembre 1975 pour les prestations réalisées pour le compte de la SAS Escher et Associés et a poursuivi l'exécution de ces travaux malgré sa connaissance de l'irrégularité de sa situation.
Sur les conclusions tendant au paiement direct des prestations de sous-traitance exécutées :
En ce qui concerne la somme de 38 549,50 euros :
6. Même si un marché public a été conclu à prix forfaitaire, son titulaire a droit à être indemnisé pour les dépenses exposées en raison de sujétions imprévues, c'est-à-dire de sujétions présentant un caractère exceptionnel et imprévisible et dont la cause est extérieure aux parties, si ces sujétions ont eu pour effet de bouleverser l'économie générale du marché. Un sous-traitant bénéficiant du paiement direct des prestations sous-traitées a également droit à ce paiement direct pour les dépenses résultant pour lui de sujétions imprévues qui ont bouleversé l'économie générale du marché.
7. Il résulte de l'instruction, notamment de la décision implicite d'acceptation et d'agrément des conditions de paiement de la SAS ECP en tant que sous-traitante par le ministre de l'intérieur, que celle-ci bénéficiait d'un droit au paiement direct des travaux réalisés pour un montant maximum de 20 000 euros. Par ailleurs, il n'est pas contesté que la SAS Escher et Associés n'a pas présenté au maître d'ouvrage, pour agrément, les travaux supplémentaires réalisés par la SAS ECP, pour un montant cumulé de 38 549,50 euros eu égard aux factures n°s 86, 95, 112 et 128 précitées, dont il n'avait pas été informé ainsi qu'il a été dit ci-dessus. A supposer que la SAS ECP soit regardée comme soutenant que ces travaux constituaient des travaux supplémentaires rendus nécessaires par les travaux confiés dans le cadre du contrat de sous-traitance, il ne résulte pas de l'instruction que ces travaux supplémentaires aient porté sur des sujétions imprévues présentant un caractère exceptionnel susceptible de se rattacher au contrat de sous-traitance au titre duquel elle bénéficiait du droit au paiement direct. Dans ces conditions, la SAS ECP n'est pas fondée à solliciter le paiement direct desdits travaux supplémentaires, pour un montant de 38 549,50 euros, par le ministre de l'intérieur.
En ce qui concerne la somme de 20 000 euros :
8. Aux termes de l'article 136 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics : " I. - Le sous-traitant admis au paiement direct adresse sa demande de paiement au titulaire du marché public, sous pli recommandé avec accusé de réception, ou la dépose auprès du titulaire contre récépissé. / Le titulaire dispose d'un délai de quinze jours à compter de la signature de l'accusé de réception ou du récépissé pour donner son accord ou notifier un refus, d'une part, au sous-traitant et, d'autre part, à l'acheteur ou à la personne désignée par lui dans le marché public. / Le sous-traitant adresse également sa demande de paiement à l'acheteur ou à la personne désignée dans le marché public par l'acheteur, accompagnée des copies des factures adressées au titulaire et de l'accusé de réception ou du récépissé attestant que le titulaire a bien reçu la demande ou de l'avis postal attestant que le pli a été refusé ou n'a pas été réclamé. / L'acheteur ou la personne désignée par lui dans le marché public adresse sans délai au titulaire une copie des factures produites par le sous-traitant. / L'acheteur informe le titulaire des paiements qu'il effectue au sous-traitant. () ".
9. Il résulte de ces dispositions que, pour obtenir le paiement direct par le maître d'ouvrage de tout ou partie des prestations qu'il a exécutées dans le cadre de son contrat de sous-traitance, le sous-traitant régulièrement agréé doit adresser sa demande de paiement direct à l'entrepreneur principal, titulaire du marché. Il appartient ensuite au titulaire du marché de donner son accord à la demande de paiement direct ou de signifier son refus dans un délai de quinze jours à compter de la réception de cette demande. Le titulaire du marché est réputé avoir accepté cette demande s'il garde le silence pendant plus de quinze jours à compter de sa réception. A l'issue de cette procédure, le maître d'ouvrage procède au paiement direct du sous-traitant régulièrement agréé si le titulaire du marché a donné son accord ou s'il est réputé avoir accepté la demande de paiement direct. Cette procédure a pour objet de permettre au titulaire du marché d'exercer un contrôle sur les pièces transmises par le sous-traitant et de s'opposer, le cas échéant, au paiement direct. Sa méconnaissance par le sous-traitant fait ainsi obstacle à ce qu'il puisse se prévaloir, auprès du maître d'ouvrage, d'un droit à ce paiement.
10. Il ne résulte pas de l'instruction que la SAS ECP a adressé une demande de paiement direct au titulaire du marché puis au maître d'ouvrage aux fins de règlement de la somme de 20 000 euros correspondant aux travaux réalisés dans le cadre du contrat de sous-traitance accepté et agréé. En tout état de cause, à supposer que la demande formée le 13 juillet 2017 auprès du ministre et de la société Escher et Associés ait eu un tel objet, il résulte de l'instruction que la demande adressée au ministre de l'intérieur, maître d'ouvrage, n'a pas été formée à l'issue du silence gardé pendant plus de quinze jours par la société titulaire du marché. En toute hypothèse, la société requérante n'établit pas avoir informé le ministre de ce qu'elle aurait en amont déjà effectué une demande de paiement direct auprès de la société Escher et Associés et qu'une décision implicite d'accord serait née de son éventuel silence. Dans ces conditions, la SAS ECP n'est pas fondée à solliciter le paiement direct par le ministre de l'intérieur de la somme de 20 000 euros.
11. Il résulte de tout ce qui précède que les conclusions à fin d'indemnisation et de paiement direct de la SAS ECP doivent être rejetées. Il en va de même, par voie de conséquence, de ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par ces motifs, le tribunal décide :
Article 1er : La requête de la SAS Entreprise de Construction Portier est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à la SAS Entreprise de Construction Portier et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 2 février 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Oriol, présidente,
Mmes B et Gay-Heuzey, conseillères,
Assistées de Mme Vivet, greffière.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 16 février 2023.
La rapporteure,
Signé
A. GAY-HEUZEY
La présidente,
Signé
C. ORIOL
La greffière,
Signé
M. A
La République mande et ordonne au préfet des Hauts-de-Seine, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour ampliation,
La greffière