TA Lyon, 10/11/2022, n°2008257
Vu la procédure suivante :
Par une requête et des mémoires, enregistrés le 17 novembre 2020, le 24 février 2021 et le 2 septembre 2022, la société Gassend, la société Charles de Saint Rapt et Bruno Berthollet, en qualité d'administrateur judiciaire de cette société, et la société étude Balincourt, en qualité de mandataire judiciaire de cette société, représentées par Me Guimet, demandent au tribunal :
1°) de fixer le solde du décompte de liquidation du marché de travaux que la société Gassend avait conclu avec le département de l'Ardèche pour l'exécution du lot n°13 "Plâtrerie, peinture et faux-plafonds" de l'opération de restructuration du collège Les Perrières à Annonay à la somme de 442 578 euros toutes taxes comprises en sa faveur et de condamner le département de l'Ardèche à lui verser la somme de 442 325 euros toutes taxes comprises, assortie des intérêts moratoires à compter de l'établissement du décompte de liquidation le 1er avril 2020 ;
2°) de mettre à la charge du département de l'Ardèche la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- la requête est recevable car enregistrée dans le délai de six mois qui a suivi la décision expresse de rejet du mémoire en réclamation ;
- les retards subis par la société Gassend dans l'exécution de son marché sont imputables à une faute du département de l'Ardèche dans l'exercice de son pouvoir de contrôle et de direction ;
- il a modifié unilatéralement l'ordonnancement des travaux en méconnaissance de ses engagements contractuels ; l'intervention de la société Gassend a été reportée de près de neuf mois par rapport à la date initialement prévue et elle a été contrainte d'intervenir dans un bâtiment qui n'était pas hors d'eau et hors d'air ; ces décisions caractérisent un comportement fautif du maître d'ouvrage, qui a eu pour effet de rallonger la durée d'exécution de son intervention et de la rendre plus complexe et coûteuse ;
- la consistance des travaux demandés pour le plafond de l'atrium a fait l'objet de modifications en cours de chantier par le maître d'ouvrage et le maître d'œuvre, qui constituent des prestations supplémentaires indemnisables ;
- le maître d'ouvrage a commis une faute en sous-estimant ses besoins de maîtrise d'œuvre, en se méprenant dans le choix du maître d'œuvre et en reconfigurant ses besoins en cours de chantier ;
- à titre subsidiaire, les nombreuses modifications unilatérales imposées par le maître d'ouvrage ouvrent droit, sur le fondement de l'article 15.3 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés de travaux, à l'indemnisation des surcoûts en résultant ;
- ces surcoûts s'élèvent à 230 230 euros HT au titre de la mobilisation de main d'œuvre d'intervention, à 38 588 euros HT au titre du personnel de maîtrise de chantier et à 52 315 euros HT au titre pour le personnel d'encadrement ;
- la société Gassend est fondée à demander l'indemnisation des autres préjudices inhérents au décalage et à la prolongation du chantier, soit 15 514 euros HT pour la révision des surcoûts, 10 427 euros HT pour la sous-couverture des frais généraux, 27 142 euros HT pour les frais financiers des surcoûts avancés, 35 945 euros HT de manque à gagner en terme de marge non-réalisée et 22 000 euros HT pour les frais de constitution et de suivi du dossier ;
- elle est fondée à demander le paiement de la somme de 252 euros restant à percevoir dans le cadre du décompte en paiement direct d'un sous-traitant ;
- les pénalités appliquées par le département ne sont pas fondées ; le maître d'ouvrage devra en outre justifier de sa déclaration de créance dans le cadre de la procédure de sauvegarde ouverte à l'égard de la société Gassend ;
- la date retenue pour l'achèvement des travaux sur le plafond de l'atrium a été fixée au 23 décembre 2019 par le département ;
- le retard dans la levée des réserves est imputable pour 14 jours à l'absence de remise des clés du bâtiment et à la contrainte d'intervention posée par le maître d'ouvrage ; à titre subsidiaire, les réserves ayant été levées le 13 novembre 2019, seule une somme de 3 000 euros TTC peut être imputée à la société Gassend ;
- le département ne pouvait pas imputer des réfactions supplémentaires pour l'exécution tardive des travaux dès lors que les pénalités de retard appliquées permettent une réparation forfaitaire de l'ensemble des préjudices liées au retard ; ces réfactions ne sont pas destinées à couvrir les imperfections matérielles de l'intervention de la société Gassend, mais répercutent des coûts liés au retard du chantier, en méconnaissance de l'article 6.5 du CCAP du marché ; elles ne sont pas justifiées dans leur principe, ni le lien avec le retard de la société Gassend établi ;
- la réfaction de 73 931 euros TTC au titre des réserves non levées n'est pas justifiée.
Par des mémoires en défense enregistrés le 9 septembre 2021 et le 15 septembre 2022, le département de l'Ardèche, représenté par Me Le Chatelier, conclut au rejet de la requête, à la condamnation de la société Gassend au paiement de l'intégralité des pénalités et réfactions qui ont été appliquées et à ce que la somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Gassend au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il fait valoir que :
- il n'a pas été fait un usage fautif du pouvoir de direction et de contrôle ; le report de la date de début de l'intervention de la société Gassend et l'allongement de sa durée résultent des différents retards des entreprises participant au chantier ; il est intervenu auprès des entreprises concernées dès la constatation des retards ;
- la société Gassend est intervenue le 7 janvier 2019 sur les blocs 1 et 2 du bâtiment C, qui étaient hors d'eau et hors d'air depuis décembre 2018 ;
- il a eu recours à un maître d'œuvre et a confié la mission d'ordonnancement pilotage et coordination a une autre société ; ces sociétés ont accompli les diligences nécessaires pour parer aux dysfonctionnements du chantier et aux retards de certaines entreprises ; le réajustement du planning d'exécution avait pour objet de permettre l'intervention des entreprises de second œuvre dans des conditions optimales ;
- les modifications apportées aux plans du plafond de l'atrium étaient mineures ; elles n'établissent pas qu'il aurait commis une faute et ne justifient pas l'octroi d'une rémunération supplémentaire ;
- aucune erreur n'a été commise dans l'estimation des besoins en maîtrise d'œuvre ;
- l'allongement de la durée du chantier constitue une sujétion incluse dans le prix du marché de la société Gassend ;
- les préjudices qu'elle aurait subis ne sont pas établis ;
- les pénalités pour retard, appliquées aux travaux de l'atrium du bâtiment C, sont justifiées par le propre retard de la société ;
- les pénalités pour retard dans la levée des réserves sont justifiées elles aussi : la société Gassend n'a pas sollicité les clés dans un délai utile ; les contraintes d'intervention étaient inhérentes au type d'établissement et justifiaient la mise en place d'un personnel suffisant par l'entreprise ; les travaux de levée des réserves n'ont jamais été achevés et ont dû être intégrés à un nouveau marché.
Un mémoire a été enregistré le 17 octobre 2022 pour la société Gassend, postérieurement à la clôture de l'instruction, et n'a pas été communiqué en application de l'article R. 613-3 du code de justice administrative.
Par une lettre du 13 octobre 2022, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que le jugement à intervenir était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions du département de l'Ardèche à fin de condamnation de la société Gassend, dès lors que, celle-ci ayant été placée en procédure de sauvegarde par un jugement du 26 novembre 2019 du tribunal de commerce d'Aubenas, les dispositions de l'article L. 622-21 du code de commerce y font en tout état de cause obstacle.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code des marchés publics ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bertolo, rapporteur,
- les conclusions de M. Reymond-Kellal, rapporteur public,
- et les observations de Me François, pour les sociétés Gassend, Charles de Saint Rapt et Bruno Berthollet et étude Balincourt, et de Me Houmer, pour le département de l'Ardèche.
Considérant ce qui suit :
1. Le département de l'Ardèche a conclu des marchés avec les sociétés Studio Gardoni architectures et Cometh qu'il a chargé respectivement de la maîtrise d'œuvre et de la mission d'ordonnancement pilotage et coordination des travaux de restructuration du collège des Perrières à Annonay. Par un acte d'engagement du 29 juin 2016, il a confié la réalisation du lot n° 13 "Plâtrerie, peinture et faux-plafonds" à la société Gassend. Le marché a été conclu pour un prix global et forfaitaire. Le maître d'ouvrage a été informé le 17 décembre 2019 par l'intermédiaire de l'administrateur judiciaire de la société Gassend de son placement, le 26 novembre 2019, en procédure de sauvegarde par le tribunal de commerce d'Aubenas et de sa décision de ne pas poursuivre l'exécution du marché. Le décompte de liquidation notifié le 3 avril 2020 à la société fait apparaître un solde débiteur de 290 866,14 euros. La société Gassend, la société Charles de Saint Rapt et Bruno Berthollet, en qualité d'administrateur judiciaire de cette société, et la société étude Balincourt, en qualité de mandataire judiciaire de cette société, demandent au tribunal de fixer le solde du décompte de liquidation du marché à la somme de 442 578 euros TTC en faveur de la société Gassend et de condamner le département de l'Ardèche à lui verser la somme de 442 325 euros TTC en réparation des préjudices subis dans le cadre de l'exécution du marché en cause.
Sur le solde du décompte de résiliation :
En ce qui concerne l'indemnisation de la société Gassend :
2. En premier lieu, les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie, soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics. L'entreprise titulaire ne saurait en revanche rechercher la responsabilité du maître d'ouvrage au titre de fautes commises par les autres intervenants.
3. D'une part, le délai global d'exécution des travaux était fixé à quarante-quatre mois. L'article 4.3 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) du marché du lot n° 13 stipulait que l'opération se déroulerait selon le calendrier prévisionnel établi par corps de métier. Les travaux, en site occupé et découpés en quatre phases, devaient être achevés le 6 juin 2020. Après plusieurs recalages du planning par la société Cometh, le démarrage de l'intervention de la société Gassend en phase 2 pour le bâtiment central a été reporté au 7 janvier 2019 au lieu du 18 avril 2018 indiqué dans le planning prévisionnel initial. Il est constant que ce décalage est imputable aux sociétés chargées de la réalisation des lots " gros-œuvre " et " couverture étanchéité ". L'obligation générale du maître d'ouvrage de direction des travaux est par nature distincte de la mission de maîtrise d'œuvre incluant la direction de l'exécution des travaux qui avait été en l'espèce confiée à une société d'architectes. Il résulte de l'instruction que le maître d'ouvrage a convoqué les entreprises titulaires des lots " gros-œuvre " et " couverture étanchéité " à une réunion de recadrage en septembre 2018 et qu'elles sont intervenues trois mois plus tard. Les travaux dont était chargée la société Gassend en phase 2 pour le bâtiment central ont été exécutés dans le délai de 5,5 mois qui lui était imparti. Le département, qui avait investi une société d'une mission d'ordonnancement pilotage, ne peut être tenu pour responsable du préjudice dont la société Gassend demande réparation du fait de ce qu'elle aurait réalisé ces travaux dans un bâtiment qui n'était pas hors d'eau et d'air, en méconnaissance des documents techniques unifiés applicables au marché. D'autre part, les modifications apportées au plan du plafond de l'atrium ne révèlent pas une estimation insuffisante des besoins du département de l'Ardèche. Ni ces modifications, ni les recalages de planning ne traduisent davantage que le maître d'ouvrage a commis une erreur manifeste d'appréciation des capacités de la société Studio Gardoni architectures à assurer la maîtrise d'œuvre des travaux de restructuration du collège. Aucune faute contractuelle n'est par conséquent imputable au département de l'Ardèche au regard de ses obligations de maître d'ouvrage.
4. En second lieu, l'article 15 du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux (CCAG Travaux) stipule que : " 15.1 () Le montant contractuel des travaux est le montant des travaux résultant des prévisions du marché, c'est-à-dire du marché initial éventuellement modifié par les avenants intervenus (). / () 15. 3 Si l'augmentation du montant des travaux, par rapport au montant contractuel, est supérieure à l'augmentation limite définie à l'alinéa suivant, le titulaire a droit à être indemnisé en fin de compte du préjudice qu'il a éventuellement subi du fait de cette augmentation au-delà de l'augmentation limite. L'augmentation limite est fixée : - pour un marché à prix forfaitaires, à 5 % du montant contractuel ; (). ".
5. La société Gassend ne peut prétendre à aucune indemnité sur le fondement de ces stipulations en l'absence d'augmentation du montant des travaux résultant des prévisions du marché.
En ce qui concerne le décompte des sous-traitants :
6. La société Gassend n'établit pas qu'une somme de 252 euros reste due au titre du paiement direct de prestations exécutées par la société Dauphine Isolation Projection. Elle n'est dès lors pas fondée à demander que le département de l'Ardèche soit condamné à verser cette somme.
En ce qui concerne les pénalités et réfactions :
S'agissant des pénalités de retard :
7. Aux termes de l'article 4.4 du CCAP du marché du lot n° 13 relatif aux pénalités diverses : "Pénalités pour retard dans l'exécution des travaux : / Pour chaque tâche, en cas de non-respect de la date limite d'achèvement et/ou d'un point clé, portés sur le calendrier d'exécution, l'entrepreneur subira une pénalité (non révisable) par jour calendaire de retard dans l'exécution des travaux égale à 1/1000 (un pour mille) du montant correspondant du marché. / () Pénalités pour retard de levée de réserves : En cas de non-respect de la date limite de constat de levée totale des réserves, l'entrepreneur de chaque lot concerné subira une pénalité par jour calendaire égale à 100 (cent) €. ()". Sur le fondement de ces stipulations, le département de l'Ardèche a infligé à la société Gassend une pénalité de 69 638,44 euros correspondant à 195 jours de retard dans l'exécution des travaux du plafond de l'atrium calculés à compter du 11 juin 2019 jusqu'au 23 décembre 2019, ainsi qu'une pénalité de 8 400 euros correspondant à 84 jours de retard dans la levée des réserves émises sur les travaux qu'elle avait effectués dans le bâtiment central, calculés à compter du 30 septembre 2019 jusqu'au 23 décembre 2019.
8. D'une part, la société Gassend devait intervenir initialement sur le plafond de l'atrium du 25 mars 2019 au 12 avril 2019. S'il est mentionné dans le compte rendu de la réunion de chantier du 14 mai 2019 que cette date butoir a été reportée au 21 juin 2019, il résulte toutefois de l'instruction que le maître d'œuvre a notifié à l'entreprise des plans du plafond de l'atrium en dernier lieu les 16 juin et 8 juillet 2019, de sorte qu'elle ne pouvait pas achever les travaux le 11 juin comme prévu initialement ni le 21 juin. Par ailleurs, le compte rendu de la réunion de chantier du 19 novembre 2019 constate qu'à cette date un retard de 63 jours est imputable à la société Gassend, Il s'ensuit que les parties avaient fixé d'un commun accord la date d'achèvement des travaux du plafond de l'atrium au 17 septembre 2019. En conséquence, la société Gassend doit seulement supporter des pénalités de 34 640,64 euros correspondant à 97 jours de retard à compter du 17 septembre 2019 jusqu'au 23 décembre 2019.
9. D'autre part, il résulte de l'instruction que la liste des réserves émises sur les travaux qu'elle avait effectués dans le bâtiment central a été notifiée à la société Gassend le 4 septembre 2019. Alors que le délai imparti à l'entreprise venait à terme le 30 septembre 2019 et qu'elle n'ignorait pas les contraintes particulières d'une intervention en site occupé, elle n'a sollicité les clés du bâtiment que par un courriel du 10 septembre 2019. Il ne résulte pas de l'instruction que toutes les réserves avaient été reprises et levées avant l'abandon du chantier par l'entreprise en décembre 2019. Par suite, le département de l'Ardèche est fondé à infliger à la société Gassend des pénalités pour retard de levée de réserves de 8 400 euros correspondant à 84 jours de retard à compter du 30 septembre 2019 jusqu'au 23 décembre 2019.
S'agissant des réfactions :
10. En premier lieu, les pénalités de retard prévues par les clauses d'un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus, et sont exclusives de l'application de réfactions au même titre.
11. Il résulte de l'instruction que le département de l'Ardèche a inscrit au débit du décompte de résiliation du marché de la société Gassend une réfaction pour " frais supplémentaires liés au retard de l'entreprise ", d'un montant de 144 911,53 euros. Le département n'établit pas que cette réfaction correspondrait à un préjudice distinct de celui déjà indemnisé par les pénalités de retard infligées à l'entreprise. Par suite, il y a lieu d'extraire la somme de 144 911,53 euros du débit du décompte de liquidation.
12. En second lieu, aux termes de l'article 41 du GGAG Travaux : " () 41.7 Si certains ouvrages ou certaines parties d'ouvrages ne sont pas entièrement conformes aux spécifications du marché, sans que les imperfections constatées soient de nature à porter atteinte à la sécurité, au comportement ou à l'utilisation des ouvrages, le maître de l'ouvrage peut, eu égard à la faible importance des imperfections et aux difficultés que présenterait la mise en conformité, renoncer à ordonner la réfection des ouvrages estimés défectueux et proposer au titulaire une réfaction sur les prix. / Si le titulaire accepte la réfaction, les imperfections qui l'ont motivée se trouvent couvertes de ce fait et la réception est prononcée sans réserve. / Dans le cas contraire, le titulaire demeure tenu de réparer ces imperfections, la réception étant prononcée sous réserve de leur réparation. ".
13. Il résulte de ces stipulations que si la personne responsable du marché peut proposer à l'entreprise dont les travaux ne sont pas entièrement conformes aux spécifications du marché une réfaction sur le prix de ces travaux et la dispenser en conséquence de l'obligation d'effectuer les travaux destinés à réparer ces imperfections, elle n'y est pas tenue et peut choisir d'assortir la réception des travaux de réserves. L'intervention d'une réception avec réserves fait obstacle à l'application d'une réfaction sur les prix, dès lors que l'entreprise concernée est alors tenue d'effectuer les travaux qui sont la condition de la levée des réserves.
14. Le département de l'Ardèche ne peut procéder à une réfaction de 73 933,20 euros sur les prix correspondant à des réserves non levées, la réception des travaux effectués par société Gassend ayant été prononcée avec réserves. Par suite, il y a lieu d'extraire la somme de 73 933,20 euros du débit du décompte de liquidation du marché de la société Gassend.
En ce qui concerne le solde du décompte de liquidation :
15. Il résulte de ce qui précède que le décompte de liquidation du marché de la société Gassend s'établit comme suit :
Montant des prestations effectuées563 589,83 €Retenue de non nettoyage - 104,88 €Sous-Total HT563 484,95 €Total TTC 676 181,94 €Acomptes- 670 290,77 €Pénalités- 43 040,64 €Solde- 37 149,47 €
16. Le solde du décompte s'établit à la somme de 37 149,47 euros en défaveur de la société Gassend.
Sur les conclusions du département tendant à la condamnation de la société Gassend :
17. Aux termes de l'article L. 622-21 du code de commerce : " I.- Le jugement d'ouverture interrompt ou interdit toute action en justice de la part de tous les créanciers dont la créance n'est pas mentionnée au I de l'article L. 622-17 et tendant : / 1° A la condamnation du débiteur au paiement d'une somme d'argent ; / 2° A la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent. / II.- Il arrête ou interdit également toute procédure d'exécution de la part de ces créanciers tant sur les meubles que sur les immeubles ainsi que toute procédure de distribution n'ayant pas produit un effet attributif avant le jugement d'ouverture (). ".
18. Ces dispositions fixent le principe de la suspension ou de l'interdiction, à compter du jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde, de toute action en justice tendant au paiement d'une somme d'argent ou à la résolution d'un contrat pour défaut de paiement d'une somme d'argent, de la part de tous les créanciers autres que ceux détenteurs d'une créance postérieure privilégiée. Si ces dispositions sont sans influence sur la compétence du juge administratif pour se prononcer sur des conclusions tendant à la fixation définitive d'un décompte de liquidation, elles font en revanche obstacle à une demande de condamnation postérieure au jugement d'ouverture de la procédure de sauvegarde. Par suite, les conclusions du département de l'Ardèche tendant à la condamnation de la société Gassend au paiement de l'intégralité des pénalités et réfactions appliquées sont irrecevables et doivent être rejetées pour ce motif.
Sur les frais du litige :
19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de laisser à la charge des parties les frais qu'elles ont exposés au titre des frais du litige.
D E C I D E :
Article 1er : Le solde du décompte de liquidation du marché de la société Gassend est fixé à la somme de 37 149,47 euros TTC en faveur du département de l'Ardèche.
Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Gassend, à la société Charles de Saint Rapt et Bruno Berthollet, en qualité d'administrateur judiciaire de cette société, à la société étude Balincourt, en qualité de mandataire de cette société, et au département de l'Ardèche.
Délibéré après l'audience du 20 octobre 2022, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente,
M. Bertolo, premier conseiller,
Mme Conte, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 10 novembre 2022.
Le rapporteur,La présidente,
C. BertoloC. Michel
La greffière,
S. Hosni
La République mande et ordonne au préfet de l'Ardèche en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
Un greffier