TA Rennes, 04/10/2022, n°1903978

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés le 31 juillet 2019 et le 28 juin 2021, la

SAS David-Goic et Associés, représentée par Me Isabelle Goic, mandataire judiciaire désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la société Jolivel-Guillemer, représentée par Me Vincent Gicquel, avocat de la SCP Laudrain-Gicquel, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler la décision du 29 mai 2019 par laquelle le maire de la commune de Rieux a résilié pour faute le lot n°4 du marché de construction de la salle socio-culturelle communale dont la société Jolivel-Guillemer était attributaire ;

2°) de condamner la commune de Rieux à lui verser :

- une somme de 37 160,22 euros en règlement du solde du marché ;

- une somme de 15 950,40 euros correspondant au montant du devis remis pour rachat du matériel ;

- une somme de 5 000 euros à titre d'indemnisation du fait de la rupture des relations contractuelles ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Rieux le paiement d'une somme de

3 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- une lettre de mise en demeure a été adressée à la société Jolivel-Guillemer, le

27 mars 2019, par l'architecte en charge du projet de construction de la salle socio-culturelle de la commune de Rieux, compte tenu du retard constaté sur le chantier et de différents manquements ;

- le 9 mai 2019, la commune de Rieux a mis en demeure la société Jolivel-Guillemer d'exécuter sous huitaine, avant le 17 mai 2019, l'ensemble des prestations du lot n°4 et de garantir l'étanchéité du bâtiment à cette date ;

- une décision de résiliation du marché dont la société Jolivel-Guillemer était attributaire lui a été notifiée le 11 juin 2019, aux motifs d'un non-respect des délais d'exécution, d'un

non-respect des consignes de sécurité, de la présence d'un sous-traitant non déclaré et d'une mauvaise exécution des prestations ;

- la mise en demeure datée du 9 mai 2019 est irrégulière, en ce qu'elle ne fait pas clairement état de la sanction envisagée, demeure vague sur les motifs invoqués et n'a pas invité la société attributaire à présenter ses observations, conformément à l'article 43.3.2 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) Travaux ;

- la décision portant résiliation du marché est irrégulière, dès lors que le courrier de résiliation fait état de motifs autres que ceux exposés dans la lettre de mise en demeure ;

- les fautes qui sont reprochées à la société Jolivel-Guillemer ne sont pas établies et ne peuvent suffire à justifier la décision de résiliation du marché, en application de l'article 46-3 du CCAG Travaux ;

- le non-respect des délais d'exécution ne lui est pas imputable ;

- aucun manquement aux consignes de sécurité ne peut lui être reproché ;

- la société Jolivel-Guillemer n'a pas eu recours à des sous-traitants mais elle a régularisé une convention de prêt de main d'œuvre à but non lucratif ;

- la société Jolivel-Guillemer a exécuté les travaux conformément aux prescriptions techniques de son fabricant et n'a pas été en mesure d'achever certaines prestations du fait de l'interdiction qui lui a été faite de se présenter sur le chantier ;

- elle est bien fondée à solliciter le règlement du solde du marché restant dû, auquel s'ajoute la somme de 15 950,40 euros correspondant au montant du devis qui a été remis pour le rachat du matériel ainsi que la somme de 5 000 euros à titre d'indemnisation du fait de la rupture des relations contractuelles.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 avril 2020, la commune de Rieux, représentée par Me Christophe David, avocat de la SELARL Le Porzou David Ergan, conclut :

1°) à titre principal,

- à l'irrecevabilité des demandes présentées par la société Jolivel-Guillemer en règlement du solde du marché et à titre indemnitaire ;

- au rejet des conclusions tendant à l'annulation de la décision de résiliation du marché et au paiement des frais de l'instance ;

- à la condamnation de la société Jolivel-Guillemer à lui verser une somme de 9 840 euros TTC au titre des pénalités contractuelles ;

2°) à titre subsidiaire, à ce que les sommes dues à la société Jolivel-Guillemer au titre du solde des travaux soient limitées à 27 506,56 euros TTC ;

3°) à ce qu'il soit mis à la charge de la société Jolivel-Guillemer le paiement d'une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la demande de paiement présentée par la société Jolivel-Guillemer est irrecevable, en vertu de l'article 47.2 du CCAG Travaux dès lors qu'elle est intervenue avant le règlement définitif du marché de substitution ;

- la société Jolivel-Guillemer ne lui a, en outre, pas adressé son projet de décompte final préalablement à la saisine du tribunal administratif et ne l'a pas mise en demeure d'établir un décompte de résiliation, ce qui rend en tout état de cause irrecevable sa demande tendant au paiement des travaux réalisés en exécution du marché résilié ;

- la lettre de mise en demeure du 9 mai 2019 comportait bien les mentions exigées par l'article 46.3.2 du CCAG Travaux et faisait suite à de nombreux courriers déjà adressés par le maître d'œuvre à l'entreprise, détaillant les manquements aux obligations contractuelles constatés et les attentes relatives aux travaux restant à réaliser ;

- la société Jolivel-Guillemer a été convoquée par le maire à une réunion contradictoire sur le chantier le 20 mai 2019, en présence d'un huissier afin de dresser un constat, et a fait valoir, par courrier du 24 mai 2019, ses observations ;

- le motif tiré d'un retard dans l'exécution des prestations confiées à la société

Jolivel-Guillemer figure bien dans la lettre de mise en demeure, préalable à la décision de résiliation ;

- la décision de résiliation notifiée à la société Jolivel-Guillemer étant, en tout état de cause, justifiée au fond, cette dernière se trouve privée du droit d'obtenir réparation du préjudice subi du fait de la résiliation ;

- elle n'entend pas faire supporter à la société Jolivel-Guillemer le préjudice financier lié à la résiliation de son marché ni le surcoût lié à la conclusion du marché de substitution avec la société Ettex ;

- les travaux confiés à l'entreprise de substitution ont été entièrement réalisés et la salle socio-culturelle est désormais terminée, de sorte qu'une annulation rétroactive de la décision de résiliation porterait une atteinte excessive à l'intérêt général et aux droits du nouveau titulaire ;

- quatre griefs suffisamment graves sont formulés à l'encontre de la société

Jolivel-Guillemer : non-respect des délais d'exécution, non-respect des consignes de sécurité, présence d'un sous-traitant non déclaré et mauvaise exécution des prestations ;

- la société Jolivel-Guillemer peut prétendre au règlement des travaux qu'elle a exécutés mais le montant des travaux restant à régler ne s'élève qu'à la somme de 22 922,13 euros HT, soit 27 506,55 euros TTC, après déduction de la retenue de garantie de 5 % ;

- le rachat de matériel a été réglé à l'entreprise postérieurement à l'introduction de sa requête, de sorte que la demande de paiement correspondante n'a plus d'objet ;

- une décision de résiliation justifiée au fond met valablement fin au contrat et n'ouvre pas droit à indemnisation au profit de l'entreprise fautive ;

- des pénalités s'élevant à 9 840 euros doivent être infligées à la société

Jolivel-Guillemer compte tenu de ses onze absences injustifiées à des réunions de chantier, du retard de 62 jours dans l'exécution des travaux et des six infractions aux règles de sécurité constatées par l'APAVE.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des marchés publics ;

- le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux issu de l'arrêté du 8 septembre 2009, modifié par l'arrêté du 3 mars 2014 ;

- le code du travail ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme B,

- les conclusions de M. Rémy, rapporteur public,

- et les observations de Me Carmes, représentant la commune de Rieux.

Considérant ce qui suit :

1. En 2018, la commune de Rieux (Morbihan) a décidé d'entreprendre la construction d'une salle socio-culturelle. La maîtrise d'œuvre de ce projet a été confiée à la société

Kaso Atelier d'architecture et la mission de coordonnateur sécurité et protection de la santé (SPS) a été dévolue à l'APAVE. Le marché de travaux ayant été décomposé en 18 lots, le lot n°4 relatif à l'étanchéité et à la couverture polycarbonate a été attribué à la société Jolivel-Guillemer par acte d'engagement du 2 juillet 2018 portant sur un montant de 240 000 euros toutes taxes comprises (TTC). Les travaux ont débuté le 2 juillet 2018 et devaient s'achever à l'issue d'un délai de 14 mois. Le bureau de contrôle a rapidement identifié des difficultés dans l'exécution des travaux du lot n°4. Le 27 mars 2019, le maître d'œuvre a adressé à la société Jolivel-Guillemer un courrier de mise en demeure pointant des retards dans le chantier, l'absence de transmission des plans et réservations pour validation, ainsi que de certaines fiches produits, des difficultés d'approvisionnement du matériel sur le chantier, des mises en œuvre non conformes de certains produits, une mise en sécurité des accès en toiture sur le chantier non conforme ainsi qu'une problématique sérieuse tenant au personnel présent sur le site. Le 9 mai 2019, le maire de Rieux a mis en demeure l'entreprise d'exécuter sous huitaine, avant le 17 mai 2019, l'ensemble des prestations du lot n°4 et de garantir l'étanchéité du bâtiment à cette date. Par courrier du 29 mai 2019, distribué le 11 juin 2019, le maire a finalement informé la société Jolivel-Guillemer de la résiliation pour faute du marché qui lui avait été attribué, aux motifs du non-respect des délais d'exécution, du non-respect des consignes de sécurité, de la présence d'un sous-traitant non déclaré et d'une mauvaise exécution des prestations. Par courrier du 5 juillet 2019, la société Jolivel-Guillemer a adressé à la commune un mémoire en réclamation portant sur le paiement du solde du marché, le rachat du matériel et l'indemnisation du préjudice résultant de la résiliation du marché. Dans le cadre de la présente instance, la société David-Goic et Associés, représentée par Me Isabelle Goic, mandataire judiciaire, demande, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Jolivel-Guillemer, l'annulation de la décision de résiliation du lot n°4 du marché de construction de la salle socio-culturelle ainsi que la condamnation de la commune de Rieux au règlement du solde du marché, à hauteur de 37 160,22 euros, au paiement du rachat du matériel s'élevant à 15 950,40 euros et à l'indemnisation du préjudice résultant d'une rupture fautive des relations contractuelles, évalué à 5 000 euros. La commune de Rieux demande, à titre reconventionnel, la condamnation de la société Jolivel-Guillemer au paiement d'une somme de 9 840 euros TTC au titre des pénalités contractuelles.

Sur l'étendue du litige :

2. La commune de Rieux justifie avoir mandaté, en cours d'instance, la somme de 15 950,40 euros TTC, correspondant au coût du rachat du matériel du chantier, selon le devis établi le 21 juin 2019 par la société Jolivel-Guillemer. Par suite, les conclusions présentées par la société requérante tendant au paiement de ce matériel sont devenues sans objet.

Sur le cadre juridique du litige :

3. Il incombe au juge du contrat, saisi par une partie d'un recours de plein contentieux contestant la validité d'une mesure de résiliation et tendant à la reprise des relations contractuelles, lorsqu'il constate que cette mesure est entachée de vices relatifs à sa régularité ou à son bien-fondé, de déterminer s'il y a lieu de faire droit, dans la mesure où elle n'est pas sans objet, à la demande de reprise des relations contractuelles, à compter d'une date qu'il fixe, ou de rejeter le recours, en jugeant que les vices constatés sont seulement susceptibles d'ouvrir, au profit du requérant, un droit à indemnité. Dans l'hypothèse où il fait droit à la demande de reprise des relations contractuelles, il peut décider, si des conclusions sont formulées en ce sens, que le requérant a droit à l'indemnisation du préjudice que lui a, le cas échéant, causé la résiliation, notamment du fait de la non-exécution du contrat entre la date de sa résiliation et la date fixée pour la reprise des relations contractuelles.

4. Des conclusions tendant à l'annulation d'une décision de résiliation d'un marché public doivent être regardées comme contestant la validité de cette mesure de résiliation et tendant également à la reprise des relations contractuelles. Toutefois, il résulte de l'instruction qu'après avoir résilié le marché attribué à la société Jolivel-Guillemer, la commune de Rieux a conclu avec la société Ettex un marché de substitution et que les travaux ainsi entrepris au titre du lot n°4 bis du marché de construction de la salle socio-culturelle communale ont fait l'objet d'un procès-verbal de réception en date du 15 janvier 2020. Au demeurant, le Tribunal de commerce de Rennes a, par jugement du 9 décembre 2020, ouvert une procédure de liquidation judiciaire concernant la société Jolivel-Guillemer, ne permettant plus à celle-ci de prétendre à la reprise des relations contractuelles. Dans ces conditions, les conclusions présentées par la société David-Goic et Associés à fin d'annulation de la décision de résiliation du 29 mai 2019, qui sont par elles-mêmes irrecevables, ne peuvent s'interpréter comme tendant également à la reprise des relations contractuelles et doivent donc être rejetées.

Sur les conclusions tendant à l'indemnisation du caractère fautif de la résiliation :

En ce qui concerne la régularité de la décision de résiliation :

5. En premier lieu, l'article 46.3.2 du cahier des clauses administratives générales applicable aux marchés publics de travaux (CCAG Travaux) auquel se réfère le marché litigieux, prévoit qu'en cas de résiliation du marché pour faute du titulaire, et sauf dans certaines situations qui ne concernent pas le présent litige, " une mise en demeure, assortie d'un délai d'exécution, doit avoir été préalablement notifiée au titulaire et être restée infructueuse. / Dans le cadre de la mise en demeure, le représentant du pouvoir adjudicateur informe le titulaire de la sanction envisagée et l'invite à présenter ses observations. ". L'article 48.1 du même cahier précise que : " A l'exception des cas prévus aux articles 15.2.2, 15.4 et 47.2, lorsque le titulaire ne se conforme pas aux dispositions du marché ou aux ordres de service, le représentant du pouvoir adjudicateur le met en demeure d'y satisfaire, dans un délai déterminé, par une décision qui lui est notifiée par écrit. / Ce délai, sauf pour les marchés intéressant la défense ou en cas d'urgence, n'est pas inférieur à quinze jours à compter de la date de notification de la mise en demeure. ".

6. Il résulte de l'instruction que, par courrier du 9 mai 2019, le maire de la commune de Rieux a constaté que la mise hors d'eau et hors d'air du bâtiment, attendue pour le 16 avril 2019, n'était toujours pas effective, selon des photos qui étaient jointes, et que les nombreuses alertes effectuées en cours de chantier concernant l'exécution des prestations, l'intervention d'un

sous-traitant non déclaré et non approuvé et les défauts de mise en sécurité du chantier n'avaient pas été suivies d'effets. En conséquence, l'édile a mis en demeure la société Jolivel-Guillemer d'exécuter sous huitaine, avant le 17 mai 2019, l'ensemble des prestations du lot n°4 et de garantir l'étanchéité du bâtiment à cette date et l'a informée qu'à défaut, une autre entreprise serait missionnée, à ses frais, pour finir le chantier et que des pénalités de retard seraient infligées. Par ces termes, le maire de Rieux a suffisamment exposé la nature des manquements reprochés à l'entreprise ainsi que les sanctions qu'il envisageait dans l'hypothèse où la mise en demeure serait infructueuse. Par courrier du 16 mai 2019, dont l'objet mentionne qu'il fait suite au premier courrier de mise en demeure, le maire de Rieux avise la société Jolivel-Guillemer qu'il a mandaté un huissier de justice pour constater les réalisations sur le chantier ainsi que les malfaçons et l'invite à participer à la réunion de constat qui se tiendra le 20 mai 2019 à 17h. Il résulte de l'instruction que le conducteur de travaux de la société Jolivel-Guillemer était présent lors de cette réunion. En outre, le 24 mai 2019, la société Jolivel-Guillemer a répondu par un courrier adressé au maire et à l'architecte aux différents griefs formulés s'agissant des conditions d'exécution des travaux. Au regard de ces éléments, l'entreprise ayant eu la possibilité de faire valoir ses observations avant que la décision de résiliation n'intervienne, conformément aux exigences de l'article 46.3.2 du CCAG Travaux précitées, il ne saurait être soutenu que la procédure de résiliation aurait été irrégulièrement menée.

7. En deuxième lieu, il résulte des dispositions du CCAG Travaux citées au point 5 qu'un manquement aux obligations contractuelles ne peut fonder la résiliation d'un marché que s'il en a été fait état dans la mise en demeure préalable à cette résiliation. Toutefois, la société requérante ne saurait sérieusement soutenir que le maire de Rieux a fondé sa décision de résiliation sur des motifs qui n'avaient pas été évoqués dans la lettre de mise en demeure, particulièrement s'agissant du non-respect des délais d'exécution dès lors que le courrier du 9 mai 2019 fait expressément état du constat qu'à cette date, le bâtiment prend l'eau de toute part alors que la mise hors d'eau et hors d'air du bâtiment devait être effective au 16 avril 2019. Par suite, le moyen selon lequel la décision de résiliation du marché serait irrégulière compte tenu des motifs la fondant manque en fait et doit être écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé de la décision de résiliation :

8. Aux termes de l'article 46.3 du CCAG Travaux applicable : " Résiliation pour faute du titulaire : 46.3.1. Le représentant du pouvoir adjudicateur peut résilier le marché pour faute du titulaire dans les cas suivants : / a) Le titulaire contrevient aux obligations légales ou réglementaires, relatives au travail ou à la protection de l'environnement / () c) Le titulaire, dans les conditions prévues à l'article 48, ne s'est pas acquitté de ses obligations dans les délais contractuels, après que le manquement a fait l'objet d'une constatation contradictoire et d'un avis du maître d'œuvre, et si le titulaire n'a pas été autorisé par ordre de service à reprendre l'exécution des travaux ; dans ce cas, la résiliation du marché décidée peut être soit simple, soit aux frais et risques du titulaire et, dans ce dernier cas, les dispositions des articles 48.4 à 48.7 s'appliquent ; / () e) Le titulaire a sous-traité en contrevenant aux dispositions législatives et réglementaires relatives à la sous-traitance, ou il ne respecte pas les obligations relatives aux sous-traitants mentionnées à l'article 3.6 ; /() j) Le titulaire ou le sous-traitant ne respecte pas les obligations relatives à la confidentialité, à la protection des données à caractère personnel, et à la sécurité, conformément à l'article 5.() ".

9. Il résulte de l'instruction que, par décision du 29 mai 2019, le maire de Rieux a prononcé la résiliation du lot n°4 du marché de construction de la salle socio-culturelle communale, aux motifs du non-respect des délais d'exécution, du non-respect des consignes de sécurité, de la présence d'un sous-traitant non déclaré et de la mauvaise exécution des prestations.

10. En premier lieu, selon les stipulations de l'article 4.1 du cahier des clauses administratives particulières du marché litigieux : " Le délai de réalisation de l'ensemble des lots est fixé à 14 mois compris un mois de préparation du chantier, à compter de l'ordre de service prescrivant le démarrage général des travaux. / Les délais d'exécution propres à chacun des lots s'insèrent dans ce délai d'ensemble conformément au calendrier détaillé d'exécution annexé. / Le délai d'exécution propre à chacun des lots commence à courir à la date fixée dans le calendrier détaillé d'exécution. Au cours du chantier, le maître d'ouvrage se réserve la possibilité d'apporter des modifications en tant que de besoin au calendrier détaillé d'exécution dans la limite du délai de réalisation de l'ensemble des lots fixé ci-dessus. Le calendrier initial, éventuellement modifié, est notifié par ordre de service à tous les titulaires. (). " L'article 4.3 de ce cahier relatif au suivi des calendriers prévoit que : " Les constats d'avancement du chantier seront réalisés de façon hebdomadaire. Pour cela, l'entreprise remettra à une échéance fixe qui sera déterminée pendant la période de préparation du chantier, deux exemplaires de la feuille hebdomadaire sur laquelle il sera porté pour la semaine écoulée : - les avances ou retards constatés, / - les motifs des retards, / - les prévisions de rattrapage, / - les journées d'intempéries. () ".

11. Il résulte de l'instruction que le planning de travaux " DCE ", accepté contractuellement, faisait état d'un délai d'exécution des travaux confiés à la société attributaire du lot n°4 de 35 jours. Les comptes-rendus de chantier produits par la commune de Rieux permettent toutefois de constater que, dès le 15 octobre 2018, des retards ont été identifiés dans l'exécution de ses prestations par la société Jolivel-Guillemer s'agissant de la transmission des plans d'exécution et de défaillances dans les mises en conformité. Lors de la réunion de chantier n°18 du 14 janvier 2019, le maître d'œuvre rappelle notamment la nécessité pour la société Jolivel-Guillemer de se mettre en conformité avec les demandes du bureau de contrôle au sujet des descentes d'eaux pluviales, de mettre en place la sécurité pour le 1er février 2019 et de débuter les travaux d'étanchéité le 4 février 2019. Pour autant, lors de la réunion de chantier n°24 du 25 février 2019, le maître d'œuvre constate que les retards dans la remise des documents persistent puisque les plans d'exécution n'ont pas été transmis à l'architecte et au bureau de contrôle, malgré l'engagement de le faire à l'issue de la réunion du 14 janvier 2019, et que, le maçon étant en cours de montage des acrotères, le chantier se trouve désormais en difficulté. Ce compte-rendu rappelle la nécessité de poser en urgence une tour d'accès pour le personnel conformément aux prescriptions du coordonnateur SPS et mentionne que les travaux pour la mise " hors d'eau " sont prévus en fin de semaine 10, selon un accord du 25 février 2019 de M. A. Par la suite, le maître d'œuvre a été contraint, à plusieurs reprises, et notamment par courriers du 26 mars 2019 et du 3 mai 2019, de solliciter les explications de l'entreprise au regard des manquements persistants et des retards accumulés. Dans ces conditions, la société David-Goic et associés, intervenant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Jolivel-Guillemer, ne saurait sérieusement soutenir que celle-ci s'est conformée à ses obligations contractuelles, telles que rappelées au point 8, s'agissant des délais d'exécution des travaux qui lui avaient été confiés.

12. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction, et particulièrement des fiches rédigées par l'APAVE à l'issue de ses visites sur le chantier, que la société Jolivel-Guillemer n'avait toujours pas remis au coordinateur SPS son plan particulier de sécurité et de protection de la santé (PPSPS), le 22 mars 2019, malgré les nombreux rappels formulés à ce sujet. Le coordinateur SPS a pourtant identifié un risque de chute, en l'absence de tour escalier permettant l'accès en toiture de l'ouvrage ainsi qu'en l'absence de protections au niveau des planchers, trémies, réservations et gaines. Le coordinateur SPS a également constaté, lors de sa visite du 18 mars 2019, que le personnel de la société Jolivel-Guillemer ne portait ni badge, ni carte professionnelle. Il a également déploré l'absence de port du casque malgré les risques générés par le chantier. Malgré les alertes signalant l'existence d'un danger grave et imminent compte tenu du non-respect des consignes de sécurité qui lui ont été adressées par l'APAVE, le 26 mars 2019 puis le 8 avril 2019, la société Jolivel-Guillemer n'en a pas tenu compte, contraignant, en conséquence, le coordinateur SPS à prescrire un arrêt des tâches. Pour autant, après reprise des travaux, le coordinateur SPS a constaté, le

16 mai 2019, l'absence sur l'ouvrage de garde-corps assurant une protection contre les chutes. Au regard de ces constatations, la société requérante ne saurait utilement soutenir que les consignes de sécurité qui s'imposaient sur le chantier, conformément aux stipulations du CCTP, ont été respectées, en se bornant à alléguer que le PPSPS de l'entreprise a été diffusé et que des dispositifs de sécurité, tels que des filets de protection ou des garde-corps ont été mis en place en périphérie de la terrasse.

13. En troisième lieu, la seule production, dans le cadre de la présente instance, d'une convention de prêt de main d'œuvre à but non lucratif, sur le fondement des articles L. 8241-1 et L. 8241-2 du code du travail, qui aurait été conclue le 4 décembre 2018 avec la société

Protect Etanchéité, et dont il n'est pas même soutenu que le maître de l'ouvrage en aurait été informé, ne saurait suffire à considérer que la société Jolivel-Guillemer a respecté ses obligations déclaratives à l'égard de la commune de Rieux alors qu'il lui a été demandé à plusieurs reprises au cours du chantier de justifier de la présence de salariés de la société Protect Etanchéité sur le chantier.

14. En quatrième lieu, il résulte de l'instruction que, lors de la réunion de chantier n°36 du 20 mai 2019, le maître d'œuvre a relevé, s'agissant du lot n°4 du marché, la nécessité d'une mise en conformité des descentes d'eaux pluviales, selon une demande réitérée du bureau de contrôle, du système de gestion d'ouverture et de fermeture automatique des ouvrants par temps de vent et de pluie, de la pose de l'isolant sur la toiture en bois au-dessus des loges et de la salle de repos, de la pose des solins sur la toiture en bois de l'accueil et de l'étanchéité à la jonction des bavettes. Il a également relevé l'absence de solin sur la toiture en bois au-dessus des loges, un trou dans la membrane PVC au-dessus des sanitaires et un problème de finition de l'étanchéité dans les angles de liaison au niveau des bavettes. Le maître d'œuvre fait, en outre, état de ses inquiétudes sur l'étanchéité de l'ouvrage, ainsi qu'illustrées par les photographies du chantier prises au début du mois de mai 2019. Dans son procès-verbal dressé le 20 mai 2019, l'huissier de justice mandaté par la commune de Rieux a également constaté l'absence de couverture polycarbonate en façade ouest sur l'auvent, l'absence de descentes d'eaux pluviales sur l'ensemble du bâtiment, l'absence de fenêtres de toit et de commande de contrôle, l'absence de lanterneaux acoustiques créant des risques de chutes car les réservations sont camouflées et non identifiées, l'existence de jours entre les murs et les solins, lesquels sont tordus ou mal découpés, ce qui engendre des problèmes d'étanchéité, l'absence de couvertines sur l'ensemble du bâtiment et l'absence d'isolant sur les têtes d'acrotère béton, l'absence de contre bardage métallique, l'absence d'isolation en toiture autour des puits de lumière, l'absence de chemin de circulation en toiture ainsi que des longueurs de sorties d'eaux pluviales qui rendent impossible le raccordement. Compte tenu de ces constatations, la société Jolivel-Guillemer ne conteste pas utilement la mauvaise qualité de ses prestations qui lui est reprochée en se bornant à produire un courriel de son fournisseur qui se serait rendu sur le chantier le 7 juin 2019 et aurait constaté que ses prescriptions techniques auraient été respectées, tout en relevant que certains éléments de l'ouvrage restent à réaliser ou à reprendre.

15. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la résiliation du lot n°4 du marché était irrégulière ou infondée et à solliciter, en conséquence, la condamnation de la commune de Rieux à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation du préjudice résultant de la rupture des relations contractuelles. Par suite, ses conclusions indemnitaires doivent être rejetées.

Sur le solde du marché résilié :

16. Le cocontractant de l'administration dont le marché a été résilié à ses frais et risques ne peut, en vertu de l'article 47.2 du CCAG Travaux, obtenir le décompte général de ce marché, en vue du règlement des sommes dues au titre des travaux exécutés, qu'après règlement définitif du nouveau marché passé pour l'achèvement des travaux. Les conclusions présentées en l'espèce au juge du contrat en vue d'obtenir le règlement des sommes contractuellement dues avant le règlement définitif du nouveau marché sont ainsi irrecevables. Ces dispositions, applicables lorsque le marché a été régulièrement résilié, ne font cependant pas obstacle à ce que, sous réserve que le contentieux soit lié, le cocontractant dont le marché a été résilié à ses frais et risques saisisse le juge du contrat afin de faire constater l'irrégularité ou le caractère infondé de cette résiliation et demander, de ce fait, le règlement des sommes qui lui sont dues, sans attendre le règlement définitif du nouveau marché après, le cas échéant, que le juge du contrat a obtenu des parties les éléments permettant d'établir le décompte général du marché résilié.

17. Il résulte de ce qui précède que la résiliation du marché dont la société

Jolivel-Guillemer était attributaire est régulière et fondée. Dans ces conditions, le solde du marché de substitution n'ayant pas encore été établi, la commune de Rieux est fondée à soutenir que les conclusions de la requérante tendant au paiement des prestations impayées, qui doivent s'analyser comme tendant à l'établissement du solde du marché résilié, sont prématurées, et, par suite, irrecevables.

Sur les conclusions reconventionnelles :

18. La commune de Rieux demande, à titre reconventionnel, de condamner la société Jolivel-Guillemer à lui verser une somme de 9 840 euros TTC au titre des pénalités contractuelles en se prévalant de onze absences injustifiées de l'entrepreneur aux réunions de chantier, de 62 jours de retard dans l'exécution des travaux du lot n°4 et de six infractions aux règles de sécurité. Toutefois, la recevabilité des conclusions reconventionnelles présentées par le défendeur au cours d'une instance de plein contentieux est subordonnée à la recevabilité des conclusions présentées, à titre principal, par le demandeur à cette instance. Il résulte de ce qui a été dit ci-dessus, et ainsi que l'a fait valoir elle-même la commune de Rieux, que les conclusions présentées par la société Jolivel-Guillemer au titre du solde du marché résilié sont irrecevables. Par voie de conséquence, et pour les mêmes motifs, les conclusions présentées par la commune de Rieux, à titre reconventionnel, tendant à ce que des pénalités soient infligées à la société Jolivel-Guillemer, en application des dispositions contractuelles les liant, sont elles-mêmes irrecevables et ne peuvent donc qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

19. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de rejeter les conclusions présentées par les parties au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société David-Goic et Associés est rejetée.

Article 2 : Les conclusions reconventionnelles présentées par la commune de Rieux, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sont rejetées.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société David-Goic et Associés et à la commune de Rieux.

Délibéré après l'audience du 16 septembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Vergne, président,

Mme Thalabard, première conseillère,

M. Blanchard, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 4 octobre 2022.

La rapporteure,

Signé

M. Thalabard

Le président,

Signé

G.-V. VergneLe greffier,

Signé

N. Josserand

La République mande et ordonne au préfet du Morbihan en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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