TA Versailles, 15/12/2022, n°2106554

Vu la procédure suivante :

Par une requête, enregistrée le 29 juillet 2021, la société TPF Ingénierie, représentée par Me Noël, demande au tribunal :

1°) d'annuler pour excès de pouvoir la décision du 10 février 2021 du syndicat mixte ouvert Yvelines Numérique de lui infliger des pénalités de retard d'un montant de 123 000 euros dans le cadre de l'exécution des prestations faisant l'objet des lots nos 1 et 2 du marché d'assistance générale à maîtrise d'œuvre relatif à la mise en place de solutions de services de sécurisation de biens et de personnes conclu le 24 juillet 2017, ainsi que la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le syndicat mixte ouvert Yvelines Numérique sur sa demande du 9 avril 2021 tendant au retrait de ces pénalités ;

2°) de mettre à la charge du syndicat mixte ouvert Yvelines Numérique une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision attaquée du 10 février 2021 est entachée d'un défaut de motivation, dès lors qu'elle ne comporte aucune justification relative au fondement juridique utilisé pour appliquer le niveau de pénalités le plus sévère ;

- elle est entachée d'un vice de procédure, faute d'avoir été précédée d'une mise en demeure ;

- elle repose sur des faits matériellement inexacts ;

- les délais d'exécution des prestations fixés par le cahier des clauses administratives particulières (CCAP) ont fait l'objet d'une modification au cours de l'exécution des marchés, matérialisée par la remise du calendrier type de déploiement du 20 décembre 2018 ;

- le syndicat mixte ouvert Yvelines Numérique lui a infligé des pénalités pour des prétendus retards qui ne lui sont pas imputables ;

- les pénalités mises à sa charge ne sont justifiées ni dans leur principe, ni dans leur montant ;

- le syndicat mixte ouvert Yvelines Numérique a méconnu l'article 4-2-1 du CCAP ;

- aucune pénalité de retard ne peut lui être infligée au titre des prestations qui auraient dû être achevées entre le 12 mars 2020 et le 23 juillet 2020, en vertu des dispositions du 1° de l'article 6 de l'ordonnance du 25 mars 2020 portant diverses mesures d'adaptation des règles de passation, de procédure ou d'exécution des contrats soumis au code de la commande publique et des contrats publics qui n'en relèvent pas pendant la crise sanitaire née de l'épidémie de covid-19 ;

- le montant des pénalités mises à sa charge, manifestement excessif au regard du montant des bons de commande, est inapplicable.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 septembre 2022, le syndicat mixte ouvert Yvelines Numérique, représenté par Me Adeline-Delvolvé, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que les sommes réclamées par la société TPF Ingénierie soient ramenées à de plus justes proportions et, en tout état de cause, à ce qu'une somme de 5 000 soit mise à la charge de la société TPF Ingénierie au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

S'agissant de la recevabilité :

- la décision d'infliger des pénalités de retard à la société TPF Ingénierie n'est pas détachable de l'exécution des marchés à bons de commande litigieux et ne saurait faire l'objet d'une annulation par le juge du contrat ;

- la requête est tardive, dès lors qu'il n'a reçu que le 15 avril 2021 le courrier du 9 avril 2021 de la société requérante tendant au retrait de ces pénalités ;

- le contentieux n'est pas lié, dans la mesure où la décision du 10 février 2021 est devenue définitive ;

S'agissant du bien-fondé de la requête :

- la décision attaquée du 10 février 2021 est suffisamment motivée en droit et en fait ;

- il n'était pas tenu d'adresser à la société TPF Ingénierie une mise en demeure avant de lui infliger des pénalités de retard ;

- la décision contestée du 10 février 2021 n'est pas entachée d'erreur de fait ;

- les délais d'exécution des prestations prévus par le CCAP n'ont pas été modifiés ;

- les retards d'exécution sont imputables à la société requérante ;

- il a dressé un tableau récapitulatif des pénalités de retard justifiant leur montant total dans le respect des stipulations contractuelles ;

- la société TPF Ingénierie n'a jamais sollicité une prolongation au titre des dispositions du 1° de l'article 6 de l'ordonnance du 25 mars 2020 et n'a, en tout état de cause, pas rencontré de difficulté liée à l'épidémie de covid-19 ;

- il n'est pas établi que le montant des pénalités de retard serait manifestement excessif au regard du montant des marchés litigieux, faute pour la société TPF Ingénierie de verser aux débats l'ensemble des bons de commande émis dans le cadre de l'exécution de ces marchés.

Par une ordonnance du 16 septembre 2022, la clôture de l'instruction a été fixée au 17 octobre 2022.

Les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office, tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la société TPF Ingénierie tendant à l'annulation de la décision du 10 février 2021 du syndicat mixte ouvert Yvelines Numérique de lui infliger des pénalités de retard d'un montant de 123 000 euros et de la décision implicite de rejet de sa demande du 9 avril 2021 tendant au retrait de ces pénalités, le juge du contrat n'ayant pas le pouvoir de prononcer, à la demande de l'une des parties, l'annulation de mesures prises par l'autre partie, lesquelles ne sont pas détachables de l'exécution du marché.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Connin, conseiller ;

- les conclusions de Mme Marc, rapporteure publique ;

- et les observations de Me Adeline-Delvolvé, pour le syndicat mixte ouvert Yvelines Numérique.

Considérant ce qui suit :

1. Le syndicat mixte ouvert Yvelines Numérique a confié, par deux actes d'engagement signés par son président le 24 juillet 2017, à la société TPF Ingénierie les lots nos 1 " Yvelines Nord " et 2 " Yvelines Sud " de l'accord-cadre à bons de commande multi-attributaires ayant pour objet " une mission d'assistance générale à maîtrise d'œuvre dans le cadre de la mise en place de solutions de services de sécurisation de biens et de personnes ". Par un courrier du 10 février 2021, le syndicat mixte ouvert Yvelines Numérique a indiqué à la société TPF Ingénierie qu'en raison du non-respect des délais d'exécution maximaux fixés contractuellement, il était en droit de lui infliger des pénalités de retard d'un montant de 123 000 euros, dont il a détaillé le calcul dans un tableau annexé au courrier. Par une lettre du 9 avril 2021, la société TPF Ingénierie a demandé au syndicat mixte ouvert Yvelines Numérique le retrait de ces pénalités. La société TPF Ingénierie demande au tribunal l'annulation de la décision du 10 février 2021 et de la décision implicite de rejet résultant du silence gardé par le syndicat mixte ouvert Yvelines Numérique sur sa demande du 9 avril 2021.

2. Le juge du contrat n'a pas, en principe, le pouvoir de prononcer, à la demande de l'une des parties, l'annulation de mesures prises par l'autre partie, lesquelles ne sont pas détachables de l'exécution du marché. Il lui appartient seulement de rechercher si ces mesures sont intervenues dans des conditions de nature à ouvrir un droit à indemnité. Par suite, les conclusions présentées par la société TPF Ingénierie tendant à l'annulation de la décision du 10 février 2021 par laquelle le syndicat mixte ouvert Yvelines Numérique l'a informée qu'il était en droit de lui infliger des pénalités de retard d'un montant de 123 000 euros et, en tout état de cause, de la décision implicite de rejet de sa demande du 9 avril 2021 tendant au retrait de ces pénalités, sont irrecevables et doivent être rejetées.

3. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du syndicat mixte ouvert Yvelines Numérique, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société TPF Ingénierie demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société TPF Ingénierie une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par le syndicat mixte ouvert Yvelines Numérique et non compris dans les dépens.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société TPF Ingénierie est rejetée.

Article 2 : La société TPF Ingénierie versera au syndicat mixte ouvert Yvelines Numérique une somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société TPF Ingénierie et au syndicat mixte ouvert Yvelines Numérique.

Délibéré après l'audience publique du 1er décembre 2022, à laquelle siégeaient :

Mme Christine Grenier, présidente,

Mme Virginie Caron, première conseillère,

M. Nicolas Connin, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 décembre 2022.

Le rapporteur,

signé

N. CONNIN

La présidente,

signé

C. GRENIER

La greffière,

signé

A. ESTEVES

La République mande et ordonne au préfet des Yvelines en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N° 1901371

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