Tribunal Administratif de VERSAILLES, 07/07/2022, n°2202161

Vu la procédure suivante :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 18 mars et 25 mai 2022, le préfet de l'Essonne demande au tribunal d'annuler le lot n°6 " électricité " du marché public  de restructuration du bâtiment E de l'ancien lycée Blériot en locaux associatifs, conclu entre la commune d'Etampes et la société Prunevieille le 2 novembre 2021.

Il soutient que : 

- son déféré n'est pas tardif ; 

- la commune d'Etampes a commis une erreur manifeste d'appréciation en n'écartant pas l'offre de la société Prunevieille comme anormalement basse alors qu'aucun élément fourni ne permet de justifier de manière satisfaisante la cohérence du prix de l'offre ; 

- le caractère anormalement bas de l'offre fait peser un risque sur les deniers publics et la satisfaction des besoins de la commune. 

Par des mémoires en défense, enregistrés les 2 mai et 1er juin 2022, la commune d'Etampes, représentée par Me Salamand, conclut au rejet de la requête, à titre principal, pour irrecevabilité, à titre subsidiaire, comme infondée et à titre plus subsidiaire, comme portant une atteinte excessive à l'intérêt général et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'Etat au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. 

Elle soutient que :

- le déféré est irrecevable pour tardiveté ;

- il est infondé dès lors que le prix de l'offre de la société Prunevieille était suffisamment justifié ;

- une annulation du contrat porterait une atteinte excessive à l'intérêt général, dès lors que les travaux sont en cours, que la réception des locaux est nécessaire pour accueillir une trentaine d'associations communales et qu'une annulation aurait des conséquences financières majeures pour les finances communales.

La procédure a été communiquée à la société Prunevieille qui n'a pas produit de mémoire en défense.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu : 

- le code de la commande publique  ; 

- le code général des collectivités territoriales :

- le code de justice administrative. 

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A, 

- les conclusions de Mme Marc, rapporteure publique,

- et les observations de Me Congard, représentant la commune d'Etampes.

Considérant ce qui suit : 

1. Par un avis d'appel public à la concurrence, publié le 29 juin 2021, la commune d'Etampes a engagé une consultation en vue de l'attribution selon la procédure adaptée  d'un marché public  relatif à la restructuration du bâtiment E de l'ancien lycée Blériot en locaux associatifs. Ce marché était divisé en huit lots dont le sixième était relatif à l'électricité courant fort, courant faible. Deux candidats ont soumissionné en vue de l'attribution du lot n°6 dans les délais impartis. Le 2 novembre 2021, le lot n°6 a été attribué à la société Prunevieille. En application des article L. 2131-2 et R. 2131-5 du code général des collectivités territoriales, la commune d'Etampes a transmis, le 8 novembre 2021, aux services de la sous-préfecture les pièces relatives à ce marché. En réponse, le sous-préfet d'Etampes lui a adressé, le 29 décembre 2021, une lettre d'observations faisant part de sa suspicion concernant le caractère anormalement bas de l'offre de la société Prunevieille et invitant la commune à lui fournir toutes précisions de nature à lever cette suspicion. La commune d'Etampes a adressé ses observations le 19 janvier 2022. Par le présent déféré, le préfet de l'Essonne demande l'annulation de l'attribution du lot n°6 du marché en litige à la société Prunevieille. 

2. Aux termes de l'article L. 2131-6 du code général des collectivités territoriales : " Le représentant de l'Etat dans le département défère au tribunal administratif les actes mentionnés à l'article L. 2131-2 qu'il estime contraires à la légalité dans les deux mois suivant leur transmission. / Sur demande du maire, le représentant de l'Etat dans le département l'informe de son intention de ne pas déférer au tribunal administratif un acte des autorités communales qui lui a été transmis en application des articles L. 2131-1 à L. 2131-5. Lorsque le représentant de l'Etat dans le département défère un acte au tribunal administratif, il en informe sans délai l'autorité communale et lui communique toutes précisions sur les illégalités invoquées à l'encontre de l'acte concerné () ". 

Sur la recevabilité : 

3. Lorsque la transmission de l'acte d'une collectivité territoriale ou d'un établissement public relevant des dispositions des articles L. 2131-1, L. 2131-6 et L. 2131-12 du code général des collectivités territoriales au représentant de l'Etat dans le département ou à son délégué dans l'arrondissement ne comporte pas le texte intégral de cet acte ou n'est pas accompagnée des documents annexes nécessaires pour mettre le préfet à même d'en apprécier la portée et la légalité, il appartient au représentant de l'Etat de demander à l'exécutif de la collectivité ou de l'établissement public dont l'acte est en cause, dans le délai de deux mois suivant sa réception, de compléter cette transmission. Dans ce cas, le délai de deux mois imparti au préfet pour déférer l'acte au tribunal administratif court à compter soit de la réception du texte intégral de l'acte ou des documents annexes réclamés, soit de la décision, explicite ou implicite, par laquelle l'exécutif refuse de compléter la transmission initiale. En revanche, à défaut d'une demande tendant à son retrait, son réexamen ou sa modification pouvant être regardée comme un recours gracieux dirigé contre l'acte, ou d'une demande tendant à ce que la transmission soit complétée, présentées par le préfet dans le délai de deux mois de la réception de l'acte, le délai qui lui est imparti pour déférer cet acte au tribunal administratif court à compter de cette réception.

4. En premier lieu, par la lettre d'observations qu'il a adressée au maire  d'Etampes le 29 décembre 2021, le préfet de l'Essonne relève, au vu des pièces adressées par la commune d'Etampes, que l'offre de la société Prunevieille semble anormalement basse, met la commune en garde contre le risque que fait peser une telle offre sur les deniers publics et la satisfaction des besoins de la commune et relève également les positions divergentes au sein de la commission d'appel d'offres sur le caractère suffisant des précisions apportées par la société Prunevieille en réponse à la demande que lui a adressée la commune d'Etampes. Ce courrier demande, en conclusion, à la commune d'Etampes de lui " fournir toutes précisions de nature à lever les griefs [relatifs au caractère anormalement bas de l'offre de l'attributaire] et permettant d'éclaircir le choix de l'attributaire du lot n°6 ". Eu égard à ses termes, cette lettre d'observations ne saurait être regardée comme un recours gracieux, dès lors que le préfet se borne à y exposer des réserves quant à la légalité du lot n°6 du marché litigieux, sans en solliciter le retrait, le réexamen ou la modification. Ainsi que le fait valoir la commune d'Etampes, elle n'était, en conséquence, pas de nature à interrompre le délai imparti au préfet de l'Essonne pour déférer le lot n°6 du marché litigieux au tribunal. 

5. En second lieu, aux termes de l'article R. 2131-5 du code général des collectivités territoriales : " La transmission au préfet ou au sous-préfet des marchés publics des communes et de leurs établissements publics autres que les établissements publics de santé comporte les pièces suivantes : / 1° La copie des pièces constitutives du marché public, à l'exception des plans ; / 2° La délibération autorisant le représentant légal de la commune ou de l'établissement à passer le marché public  ; / 3° La copie de l'avis d'appel à la concurrence et de l'invitation des candidats sélectionnés ; / 4° Le règlement de la consultation, si celui-ci figure parmi les documents de consultation ; / 5° Les procès-verbaux et rapports de la commission d'appel d'offres et les avis du jury de concours, avec les noms et qualités des personnes qui y ont siégé, ainsi que le rapport de présentation de l'acheteur prévu par les articles R. 2184-1 à R. 2184-6 du code de la commande publique  ou les informations prévues par les articles R. 2184-7 à R. 2184-11 de ce même code ; / 6° Les renseignements, attestations et déclarations fournis en vertu des articles R. 2143-6 à R. 2143-12 et R. 2143-16 du code de la commande publique  ". L'article R. 2131-7 du même code dispose que : " Le préfet ou le sous-préfet peut demander, pour exercer le contrôle de légalité, que des pièces complémentaires lui soient fournies. ". 

6. L'article L. 2141-3 du code de la commande publique  énonce que : " Sont exclues de la procédure de passation des marchés les personnes : / 1° Soumises à la procédure de liquidation judiciaire prévue à l'article L. 640-1 du code de commerce ou faisant l'objet d'une procédure équivalente régie par un droit étranger ; / 2° Qui font l'objet, à la date à laquelle l'acheteur se prononce sur la recevabilité de leur candidature, d'une mesure de faillite personnelle ou d'une interdiction de gérer en application des articles L. 653-1 à L. 653-8 du code de commerce, ou d'une mesure équivalente prévue par un droit étranger ; / 3° Admises à la procédure de redressement judiciaire instituée par l'article L. 631-1 du code de commerce ou à une procédure équivalente régie par un droit étranger, qui ne bénéficient pas d'un plan de redressement ou qui ne justifient pas avoir été habilitées à poursuivre leurs activités pendant la durée prévisible d'exécution du marché ". Aux termes de l'article R. 2143-9 du même code, dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er novembre 2021, applicable en l'espèce au marché conclu le 2 novembre 2021 : " Afin de prouver qu'il ne se trouve pas dans un des cas d'exclusion mentionné à l'article L. 2141-3, le candidat produit son numéro unique d'identification permettant à l'acheteur d'accéder aux informations pertinentes par le biais d'un système électronique mentionné au 1° de l'article R. 2143-13 ou, s'il est étranger, produit un document délivré par l'autorité judiciaire ou administrative compétente de son pays d'origine ou d'établissement, attestant de l'absence de cas d'exclusion. / Lorsque le candidat est en redressement judiciaire, il produit la copie du ou des jugements prononcés. ". 

7. D'une part, par la lettre d'observations qu'il a adressée au maire  d'Etampes le 29 décembre 2021, le préfet de l'Essonne demande des pièces complémentaires, et notamment un extrait K bis de toutes les sociétés retenues. Il résulte du 6° de l'article R. 2131-5 du code général des collectivités territoriales que les renseignements mentionnés notamment par l'article R. 2143-9 du code de la commande publique  doivent être transmis au préfet dans le cadre du contrôle de légalité. La demande du préfet de l'Essonne doit ainsi être regardée comme renvoyant nécessairement aux dispositions de l'article R. 2143-9 du code de la commande publique  selon lesquelles l'absence de cause d'exclusion de plein droit en application de l'article L. 2141-3 du code de la commande publique  doit être vérifiée. Ainsi, alors même que l'article R. 2143-9 du code de la commande publique, dans sa rédaction en vigueur à compter du 1er novembre 2021, n'exige plus la production d'un extrait K bis de la société attributaire, il incombait au représentant de l'Etat de vérifier l'absence de toute cause d'exclusion. La demande de pièces complémentaires en application de l'article R. 2143-9 du code de la commande publique  était, en conséquence, nécessaire pour apprécier la légalité du marché litigieux. Dans ces conditions, la demande de pièces complémentaires du 29 décembre 2021 a été de nature à proroger le délai de recours contentieux

8. D'autre part, aux termes de l'article 7.1 du règlement de la consultation du marché litigieux : " La signature électronique des documents n'est pas exigée dans le cadre de cette consultation. / La signature électronique du contrat par l'attributaire n'est pas exigée dans le cadre de cette consultation. Après attribution, les candidats sont informés que l'offre électronique retenue sera transformée en offre papier, pour donner lieu à la signature manuscrite du marché par les parties ". Il résulte de l'instruction et notamment de l'acte d'engagement du lot n°6 transmis au préfet de l'Essonne dans le cadre du contrôle de légalité qu'il ne comportait pas de signature de la société attributaire  mais seulement le cachet de la société Prunevieille. Par suite, le préfet de l'Essonne était fondé à demander à la commune d'Etampes de lui fournir la signature électronique de la société Prunevieille, qui était nécessaire pour apprécier la validité de l'engagement de cette société. Cette demande a, en conséquence, également été de nature à proroger le délai de recours contentieux. 

9. Il résulte de ce qui précède que la fin de non-recevoir opposée par la commune d'Etampes tirée de ce que les demandes de pièces complémentaires du 29 décembre 2021 n'ont pas été de nature à proroger le délai de recours contentieux doit être écartée. Il résulte de l'instruction que la commune d'Etampes a répondu le 19 janvier 2022 à la lettre d'observations du 29 décembre 2021. Par suite, la requête du préfet de l'Essonne, enregistrée le 18 mars 2022, n'est pas tardive.

Sur la validité du marché : 

10. Aux termes de l'article L. 2152-5 du code de la commande publique  : " Une offre anormalement basse  est une offre dont le prix est manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché ". Aux termes de l'article L. 2152-6 du même code : " () Lorsqu'une offre semble anormalement basse, l'acheteur exige que l'opérateur économique fournisse des précisions et justifications sur le montant de son offre. / Si, après vérification des justifications fournies par l'opérateur économique, l'acheteur établit que l'offre est anormalement basse, il la rejette dans des conditions prévues par décret  en Conseil d'Etat ". Aux termes de l'article R. 2152-3 du même code : " L'acheteur exige que le soumissionnaire justifie le prix ou les coûts proposés dans son offre lorsque celle-ci semble anormalement basse eu égard aux travaux, fournitures ou services (). / Peuvent être prises en considération des justifications tenant notamment aux aspects suivants : / 1° Le mode de fabrication des produits, les modalités de la prestation des services, le procédé de construction ; / 2° Les solutions techniques adoptées ou les conditions exceptionnellement favorables dont dispose le soumissionnaire pour fournir les produits ou les services ou pour exécuter les travaux ; / 3° L'originalité de l'offre ; / 4° La règlementation applicable en matière environnementale, sociale et du travail en vigueur sur le lieu d'exécution des prestations ; / 5° L'obtention éventuelle d'une aide d'Etat par le soumissionnaire ". Aux termes de l'article R. 2152-4 du même code : " L'acheteur rejette l'offre comme anormalement basse dans les cas suivants : / 1° Lorsque les éléments fournis par le soumissionnaire ne justifient pas de manière satisfaisante le bas niveau du prix ou des coûts proposés () ".

11. Il résulte de ces dispositions que, quelle que soit la procédure de passation mise en œuvre, il incombe au pouvoir adjudicateur qui constate qu'une offre paraît anormalement basse de solliciter auprès de son auteur toutes précisions et justifications de nature à expliquer le prix proposé, sans être tenu de lui poser des questions spécifiques. Si les précisions et justifications apportées ne sont pas suffisantes pour que le prix proposé ne soit pas regardé comme manifestement sous-évalué et de nature à compromettre la bonne exécution du marché, il appartient au pouvoir adjudicateur de rejeter l'offre. Pour contrôler le caractère anormalement bas ou non d'une offre, qui s'apprécie au regard de son montant global, le juge du contrat ne peut se borner à relever un écart de prix important entre cette offre et d'autres offres que les explications fournies par le candidat ne sont pas de nature à justifier, sans rechercher si le prix en cause est en lui-même manifestement sous-évalué et, ainsi, susceptible de compromettre la bonne exécution du marché. 

12. D'une part, il résulte de l'instruction que l'écart entre l'offre de 281 061, 61 euros de la société Prunevieille, attributaire  du contrat et celle de l'autre candidate à l'attribution du lot n°6, la société SEGE, était de plus de 32,56 %. Il était de 42,41% avec l'estimation du prix du marché réalisé par le maître d'œuvre à hauteur de 488 046 euros. Dès lors, la commune d'Etampes était fondée à estimer que l'offre de la société Prunevieille pouvait paraître anormalement basse au sens de l'article L. 2152-6 du code de la commande de publique et à lui demander des précisions sur son offre.

13. D'autre part, il résulte de l'instruction que la société Prunevieille a répondu à la demande de justifications que lui a adressée la commune d'Etampes, le 8 novembre 2021, par la production d'un planning prévisionnel et des fiches techniques. Estimant que ces éléments présentaient un caractère insuffisant pour justifier le prix proposé par la société Prunevieille et préciser la composition des prix par rapport aux besoins du marché, le maître d'œuvre a émis un avis défavorable dans son rapport d'analyse des offres et préconisé de rejeter l'offre de la société Prunevieille comme anormalement basse. Ainsi, si la commune d'Etampes fait valoir que la société Prunevieille, qui a un capital de 3 millions d'euros et emploie 154 personnes, était en mesure de réaliser des économies d'échelle et de présenter une offre particulièrement compétitive, ce qui n'était pas le cas de la société SEGE, qui dispose d'un capital de 40 000 euros et emploie moins de 20 personnes, il résulte toutefois de l'instruction que cette circonstance, qui n'est assortie d'aucune justification précise sur la formation des prix dans le cadre du marché litigieux, ne saurait suffire à expliquer l'écart important avec l'offre de la société SEGE et l'estimation du marché réalisée par le maître d'œuvre. En outre, la valeur technique constituait le critère prépondérant dans l'évaluation des offres, à hauteur de 60%. Or, il résulte de l'instruction que l'offre de la société Prunevieille n'a obtenu que 36 points pour ce critère, en raison notamment des sous-critères tenant aux délais d'exécution et à la qualité des matériaux, pour lesquels la société Prunevieille n'a obtenu respectivement que 8 points sur 20 et 4 points sur 10, tandis que la candidate concurrente a obtenu 58 points sur 60 sur le critère de la valeur technique de l'offre, dont 16 points sur 20 en ce qui concerne le sous-critère relatif aux délais d'exécution et la note maximale de dix points en ce qui concerne la qualité des matériaux. Le rapport d'analyse des offres relève ainsi notamment que les délais d'étude proposés par la société Prunevieille sont " courts " et que les " travaux empiètent de 3 semaines sur certaines tâches par rapport au planning total du document de la consultation, ce qui n'est pas acceptable ". Il énonce également que la société Prunevieille propose des " produits de qualité inférieure aux spécifications ", que la variante sur les luminaires de gammes est " inférieure à la préconisation " et qu'elle n'a pas fourni les caractéristiques techniques des produits. Après négociation, le rapport d'analyse des offres mentionne que la société Prunevieille n'a apporté aucune information complémentaire en ce qui concerne les délais d'exécution et que si elle propose de nouveaux luminaires conformes aux préconisations du cahier des clauses techniques particulières du marché, elle ne fournit cependant aucune fiche technique en justifiant. 

14. Il résulte de ce qui précède que le préfet de l'Essonne est fondé à soutenir que la commune d'Etampes a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que le caractère anormalement bas de l'offre de la société Prunevieille ne constituait pas un risque pour la bonne exécution du marché et en ne la rejetant pas comme irrégulière. 

Sur les conséquences du caractère anormalement bas de l'offre de la société Prunevieille : 

15. Il revient au juge du contrat, après avoir pris en considération la nature des vices entachant la validité du contrat, soit de décider que la poursuite de son exécution est possible, soit d'inviter les parties à prendre des mesures de régularisation dans un délai qu'il fixe, sauf à résilier ou résoudre le contrat. En présence d'irrégularités qui ne peuvent être couvertes par une mesure de régularisation et qui ne permettent pas la poursuite de l'exécution du contrat, il lui revient de prononcer, le cas-échéant avec un effet différé, après avoir vérifié que sa décision ne portera pas une atteinte excessive à l'intérêt général, soit la résiliation du contrat, soit, si le contrat a un contenu illicite ou s'il se trouve affecté d'un vice de consentement ou de tout autre vice d'une particulière gravité que le juge doit ainsi relever d'office, l'annulation totale ou partielle de celui-ci.

16. Le vice mentionné au point 14 entachant la procédure de passation du contrat et consistant à retenir une offre anormalement basse, qui aurait dû être écartée comme irrégulière, fait obstacle à l'exécution du contrat conclu avec cette société. Un tel vice n'est pas régularisable. Il incombe au juge saisi d'une contestation de la validité du contrat, au regard de l'importance et les conséquences du vice, d'apprécier les suites qu'il doit lui donner. 

17. D'une part, le fait pour le pouvoir adjudicateur d'attribuer le marché à une société qui a présenté une offre anormalement basse, en méconnaissance des règles de publicité et de mise en concurrence, est sans incidence sur le contenu du contrat. Il n'affecte pas non plus le consentement des parties et ne constitue pas un vice d'une particulière gravité que le juge devrait relever d'office. Par suite, il n'est pas de nature à justifier l'annulation du contrat litigieux ainsi que le demande le préfet de l'Essonne.

18. D'autre part, la commune d'Etampes fait valoir que la résiliation du lot n°6 du marché litigieux porterait une atteinte excessive à l'intérêt général, dès lors qu'une trentaine d'associations, notamment caritatives de la commune et le service municipal " vie associative " ne disposent plus de locaux en raison de la démolition imminente de l'ancienne école Waldeck Rousseau, que les travaux en cours, largement entamés, doivent, en principe, s'achever à la fin du mois d'octobre 2022 et que l'arrêt des travaux réalisés par la société Prunevieille, qui ont débuté en février 2022, aurait des répercussions sur l'ensemble des autres lots avec des incidences financières importantes pour la commune. 

19. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que les associations et le service municipal " vie associative " ne pourraient pas être hébergés dans des locaux provisoires, à supposer que la démolition de l'école Waldeck Rousseau, à une date au demeurant non précisée, ne puisse être retardée. De plus, la circonstance que les travaux ont débuté depuis le mois de février 2022 et sont en cours d'exécution, qui n'est pas de nature à priver d'objet une mesure de résiliation, ne révèle par elle-même aucune atteinte à l'intérêt général. Il en va de même de l'hypothèse qu'une indemnité serait due par la commune à différents titulaires de lots du marché, dont le montant n'est étayé par aucune allégation sérieuse, dès lors que la commune d'Etampes s'abstient de préciser la nature des travaux devant être réalisés postérieurement aux travaux de la société Prunevieille et soutient d'ailleurs que seuls le câblage des contrôles d'accès et les essais des installations n'auront pas débuté à la date de notification du présent jugement, la pose des luminaires et des appareillages CFO/CFA étant alors en cours. Par suite, en l'absence d'atteinte excessive à l'intérêt général, il y a lieu de prononcer la résiliation du lot n°6 du marché, sans effet différé. 

Sur les frais d'instance :

20. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, la somme que demande la commune d'Etampes au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le lot n°  6 du marché conclu le 2 novembre 2021 entre la commune d'Etampes et la SAS Prunevieille est résilié. 

Article 2 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté. 

Article 3 : Le présent jugement sera notifié au préfet de l'Essonne, à la commune d'Etampes et à la société Prunevieille.

Délibéré après l'audience du 23 juin 2022, à laquelle siégeaient : 

- Mme Grenier, présidente,

- Mme Caron, première conseillère,

- M. Connin, conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 juillet 2022. 

La présidente-rapporteure,

signé

C. A

L'assesseure la plus ancienne 

dans le grade,

signé

V. Caron

La greffière,

signé

A. Esteves

La République mande et ordonne au préfet de l'Essonne, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.

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