TA Montpellier, 05/12/2022, n°2203024

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 14 juin 2022, la société SMACL ASSURANCES, représentée par Me Pilone, demande au tribunal sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative :

1°) de condamner la société EIFFAGE GENIE CIVIL à lui verser une somme de 123 852 € à titre de provision ;

2°) de condamner la société OTEIS à lui verser une somme de 39 592,12 € à titre de provision ;

3°) de condamner la société BRL INGENIERIE à lui verser une somme de 39 592,12 € à titre de provision ;

4°) de mettre à la charge des sociétés EIFFAGE GENIE CIVIL, OTEIS et BRL INGENIERIE une somme de 3 500 € en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

Elle soutient que :

- la régie Gignac Energie, qui est propriétaire de la microcentrale et du barrage de la Meuse sur l'Hérault, a lancé une procédure de passation d'un marché public portant sur des travaux d'extension de cette microcentrale, pour y installer une troisième turbine, attribué le 20 février à EIFFAGE TP et dont la maîtrise d'œuvre a été confiée au groupement composé des sociétés BRL Ingénierie et GINGER ENVIRONNEMENT et INFRASTRUCTURES, devenue société GRONTMIJ, puis OTEIS ;

- le 14 septembre 2014, une importante crue de l'Hérault s'est produite, ce qui a conduit le 4 novembre suivant à reconnaître, sur la commune de Gignac, l'état de catastrophe naturelle cette crue ayant engendré la submersion du bâtiment en cours de construction avant sa couverture, alors que, selon l'article 1.8 du CCTP relatif à la période d'exécution des travaux, la réalisation de celle-ci devait intervenir avant la fin du mois d'août 2014 ;

- en sa qualité d'assureur "bris de machine", elle a mandaté un expert qui a relevé que "La MOE (maîtrise d'œuvre) a conçu un chantier où le risque d'inondation était prévisible. Si cela peut tout à fait s'entendre, nous ne comprenons pas pourquoi elle n'a pas imposé de ne faire la trémie reliant la zone G3 à la zone G1+G2 qu'après la réalisation de la dalle pour totalement rendre étanche la zone existante. En ce sens, elle a permis à EIFFAGE TP de pouvoir proposer un déroulé d'installation de la turbine en passant par le toit et de couler la dalle de couverture après l'installation de la turbine. Cependant ce faisant, EIFFAGE TP se devait de respecter la condition imposée par la MOE de limiter les risques d'inondation du bâtiment existant, ce qui n'a pas été chiffré par cette dernière car le risque de submersibilité était réel. De même, pourquoi la MOE n'a pas pris plus de soin pour étudier ce point dès l'ouverture de la trémie entre les ouvrages. () Nous estimons donc que la MOE et EIFFAGE TP portent une lourde responsabilité dans la survenance de ce sinistre et se doivent de répondre des dommages aux existants ;" ;

- la réception de l'ouvrage a été prononcée le 16 mars 2015, avec réserves et l'expert, désigné à sa demande, le 20 mars 2015, par le tribunal à raison des désordres constatés lors du fonctionnement de la nouvelle turbine, et dont la mission sera étendue le 1er avril 2019, a relevé, dans son rapport du 22 janvier 2022, de multiples fautes contractuelles dans l'exécution du marché, d'une part, s'agissant de la réalisation de la dalle de couverture, tant dans l'ordonnancement des travaux prévu à l'article 1.6 du CCTP, la pose des équipements électriques devant intervenir après le bétonnage de la couverture du bâtiment, que dans le respect du planning prévu à l'article 1.8 du même CCTP, celle-ci, qui devait intervenir avant la fin du mois d'août 2014, aurait permis d'éviter la submersion des ouvrages et, d'autre part, les défauts du système de manutention du groupe G3, pour lequel la société Eiffage est responsable de son sous-traitant, lesquels ont été constatés à la fois par l'expert judiciaire et par son sapiteur, le laboratoire CETIM ;

- outre la responsabilité de la société EIFFAGE, l'expert met en évidence des fautes contractuelles de la maîtrise d'œuvre, constituée par le groupement conjoint comprenant les sociétés OTEIS et BRL INGENIERIE, OTEIS assurant les fonctions de mandataire solidaire, qui, selon l'article 2.9 du CCTP, assure notamment les missions d'ordonnancement, pilotage et coordination (OPC) et de direction de l'exécution des travaux (DET) ; la maîtrise d'œuvre ayant validé le planning d'EIFFAGE et la modification de l'ordonnancement des travaux, en violation des stipulations du CCTP, or, la crue du 18 septembre 2014 n'aurait pas dû affecter les ouvrages si la maîtrise d'œuvre avait refusé les propositions d'EIFFAGE ; également, l'expert relève que, malgré la connaissance des risques, le maître d'œuvre n'a émis aucun ordre de service visant à insérer la G3 par l'ancienne usine selon les prescriptions du marché de travaux, de même, le système de manutention n'a pas été vérifié avant la date de mise en œuvre de la turbine G3 à son emplacement définitif ;

- conformément à l'article L.121-12 du code des assurances, ayant payé l'indemnité d'assurance à Gignac Energie, elle est subrogé dans les droits de celle-ci, jusqu'à concurrence de cette indemnité, contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur, et, au cas d'espèce, l'obligation n'est pas sérieusement contestable, la mauvaise exécution d'un marché public pouvant conduire à engager la responsabilité contractuelle du cocontractant défaillant, laquelle prend fin à la réception sans réserves des ouvrages ou à la notification du décompte général et définitif, et les réserves n'ont ici pas été levées ;

- en application des contrats "Bris de machine" et "Dommages aux biens" signés le 1er janvier 2013, elle a indemnisé Gignac Energie du sinistre déclaré le 18 septembre 2014, à hauteur de la somme de 203 036, 51 euros pour les frais de remise en état de l'usine après l'inondation, pour les frais liés à l'intervention des experts mandatés par la SMACL et les frais d'avocat, dont le détail figure en page 123 du rapport d'expertise, soit 120 000 euros à titre d'indemnités, 40 675, 28 euros au titre des frais d'avocat, 16 884 euros au titre de l'expertise de M. D et 8 934,35 euros au titre des frais d'expertise de M. C ;

- il y a lieu, en application du partage des responsabilité opéré par l'expert, de mettre 61% de cette somme à la charge de la société EIFFAGE et respectivement 19,5 % à la société OTEIS et à la société BRL INGENIERIE.

Par deux mémoires, enregistrés les 14 septembre et 8 novembre 2022, la société BRL INGENIERIE, représentée par la SCP de Angelis et autres, avocats, conclut :

- à titre principal, en raison de la contestation sérieuse des créances dont elles se prévalent :

. au rejet de la requête,

. et au rejet des conclusions indemnitaires formées par la société EIFFAGE GENIE CIVIL

- à titre subsidiaire :

. à ce que la société EIFFAGE GENIE CIVIL, venant aux droits de la société EIFFAGE TP, et la société ANDRITZ HYDRO, soient condamnées, solidairement, à la garantir de toute condamnation,

- en tout état de cause, à condamner solidairement Gignac Energie et les sociétés EIFFAGE GENIE CIVIL et ANDRITZ HYDRO à lui verser la somme de 8 750 € HT en indemnisation de son préjudice ;

- et à ce que soit mise solidairement à la charge de Gignac Energie et des sociétés EIFFAGE GENIE CIVIL et ANDRITZ HYDRO la somme de 3 000 € au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.

Elle fait valoir que :

- la SMACL n'établit pas qu'elle est subrogée dans les droits de Gignac Energie dès lors qu'elle ne justifie pas du versement à son assuré des sommes en litige, notamment pas par la production des copies d'écran et la lettre d'acceptation de Gignac Energie qu'elle verse ;

- en outre, la demande de la régie se heurte à des contestations sérieuses dès lors qu'elle n'a commis aucune faute au regard de ses obligations contractuelles, d'une part, les pièces produites démontrent qu'elle n'a cessé d'alerter la société EIFFAGE et de lui enjoindre d'établir un planning en conformité avec les dates imposées au CCTP, le risque de crue apparaissant maîtrisé par la société EIFFAGE du fait des deux possibilités de montage de la turbine et d'une période de latence d'un mois entre la finition des voiles périphériques et la réalisation de la couverture, permettant d'avancer le coulage de la dalle, l'obligation qui était conférée à l'entreprise, qui l'avait acceptée, sur la surveillance des données météo en vue de l'anticipation des risques de crues, ne fait que confirmer ce point ; d'autre part, s'agissant de la procédure de démontage de la turbine, lors de la réunion de chantier, le 10 juin 2014, les plans de bâti de la turbine seront finalement communiqués pour la première fois et à cette date, il apparaît que les dimensions de la nouvelle turbine ne permettaient plus a priori d'envisager un montage par l'intérieur avec passage par la trémie entre l'ancienne et la nouvelle centrale, dans le cadre du chantier, et la maîtrise d'œuvre, mise devant le fait accompli, n'a pourtant pas manqué de solliciter dès le compte-rendu n°18 de fin juillet 2014 de respecter l'objectif de refermer au plus tôt le bâtiment en réalisant la dalle de la couverture générale pour limiter les risques d'inondation du nouveau bâtiment ainsi que de l'ancien ; s'agissant du respect de l'ordonnancement du chantier, la maîtrise d'œuvre avait demandé dès la fin du mois de juillet de recaler le planning des travaux ;

- elle est, en conséquence de ces constats, fondée à rechercher la responsabilité de la société EIFFAGE et celle de la société ANDRITZ HYDRO, d'une part, afin de la garantir de toutes condamnation, d'autre part, à titre reconventionnel, pour l'indemnisation, à hauteur de 8 750 euros, de ses propres préjudices à raison de la mobilisation supplémentaire des ingénieurs en charge du suivi des travaux sur la période de novembre 2014 au 16 février 2015, date de réception de l'ouvrage, puis en raison du temps consacré du fait des pannes successives, du fait de l'allongement du chantier au-delà de la période de levée des réserves prévue dans les documents relatifs à réception de l'ouvrage.

Par un mémoire enregistré le 8 août 2022 et un mémoire récapitulatif enregistré le 2 novembre 2022, la société OTEIS, venant aux droits de la société Grontmij, représentée par Me Mahy-Ma-Somga, conclut :

- à titre principal :

. au rejet de la requête,

- à titre subsidiaire :

. de condamner les sociétés EIFFAGE GENIE CIVIL et ANDRTZ HYDRO à la garantir de toute condamnation ;

- en tout état de cause :

à ce que soit mise à la charge de la SMACL la somme de 4 000 € en application de l'article L.761-1 du code de justice administrative et les entiers dépens.

Elle fait valoir que :

- à titre principal, la SMACL ne démontre nullement être la créancière directe d'une obligation envers la société OTEIS, aucune juridiction n'ayant reconnu la responsabilité de la société OTEIS dans la survenance des dommages dont se prévaut GIGNAC ENERGIE, pas plus qu'un montant de dommages et intérêts à son bénéfice, et la SMACL ne prouve d'ailleurs pas plus que les sommes versées à GIGNAC ENERGIE le sont en application du contrat d'assurance, et pour les dommages subis par GIGNAC ENERGIE liés à la turbine G3, de sorte que le mécanisme de subrogation légale auquel fait référence la SMACL n'est pas opposable dans le cadre de la présente procédure ;

- à titre subsidiaire, la créance fait l'objet d'une contestation sérieuse, aucune faute ne saurait lui être reprochée, ce faisant, aucune condamnation ne pourrait être mise à sa charge, contrairement à ce que la régie soutient, elle a mis en œuvre tous les moyens à sa disposition pour assurer le respect du planning défini dès le stade de la consultation des entreprises, soit une notification du marché en février 2014 et une fermeture du nouveau bâtiment fin août 2014 pour pallier à de potentielles inondations, à l'occasion de son mémoire technique, la société EIFFAGE TP indiquait respecter le calendrier défini avec une modification de 10 jours pour la couverture du bâtiment au 10 septembre 2014, mais précisait que la couverture pourrait être anticipée et, dans son mémoire complémentaire en date du 3 février 2014, EIFFAGE TP indiquait, sans équivoque aucune : " Question 33 : l'offre du candidat indique une notification du marché au 3/02/2014. Merci de confirmer que l'ensemble de son offre reste valable pour un décalage de la notification de 3 semaines : Un décalage de notification de 3 semaines n'engendre aucune modification de notre offre de base remise le 17/01/2014 " et, c'est à suite de sa sélection qu' EIFFAGE TP a transmis à la maîtrise d'œuvre un planning non conforme à ses engagements, notamment au regard de sa réponse à la question 33 suscitée, en retenant un décalage de trois semaines de l'ensemble des travaux , de sorte que la maîtrise d'œuvre n'a pas manqué de refuser ce nouveau planning, précisant d'ailleurs qu'" un simple décalage de trois semaines de l'ensemble du planning fait que ce dernier n'est alors plus conforme aux spécifications du DCE qui fixe des dates limites de réalisation des parties d'ouvrage et de fournitures et essais des équipements. " en alertant, dès février 2014, le titulaire du marché sur les problématiques relatives à un décalage du planning du marché, notamment sa non-conformité avec les dispositions du CCTP applicable ;

- s'agissant de la procédure de démontage de la turbine, les plans des équipements de la nouvelle turbine devaient être transmis à la maîtrise d'œuvre pour le 20 avril 2014, ils ne l'ont été dans leur intégralité que le 5 juin, alors même que la maîtrise avait alerté EIFFAGE TP sur la nécessité de production immédiate de ces plans dès le 23 avril, soit plus d'un mois et demi avant la communication complète, et, sans ces éléments cruciaux, la maîtrise d'œuvre n'était pas en mesure de valider la solution technique à mettre en œuvre pour l'installation de la nouvelle turbine ; ces difficultés ont été rappelées à l'occasion des réunions de chantier suivantes alors que l'analyse de ces plans a révélé l'impossibilité probable, au regard des dimensions de la nouvelle turbine, d'envisager un montage par l'intérieur du bâtiment, par le biais d'un passage entre l'ancienne et la nouvelle centrale, c'est ce qui ressortait en tout cas des dires de la société EIFFAGE TP et de son sous-traitant la société ANDRITZ HYDRO, cela en contradiction évidente avec les propositions contenues dans le mémoire technique de la Société EIFFAGE TP ;

- la maîtrise d'œuvre a continué à mettre en œuvre tous les moyens possibles aux fins de faire respecter les délais du chantier, notamment au regard du risque de crue, ainsi, dès la fin du mois de juillet 2014, elle a demandé à EIFFAGE TP d'anticiper sur les travaux de création de la trémie, de mise en place de la nouvelle turbine et de réalisation de la couverture du nouveau bâtiment en produisant un planning détaillé et d'avancer la livraison de la nouvelle turbine de manière à ce que la couverture du nouveau bâtiment soit réalisée le plus tôt possible et, ce, pour mettre hors crue tant l'ancien que le nouveau bâtiment, ainsi que leurs équipements ; d'ailleurs EIFFAGE TP avait conscience des problématiques liées au risque d'inondation et de submersion des installations, comme cela ressort notamment du compte rendu de chantier n°23 du 3 septembre 2014, dans lequel il était précisé expressément : " Le titulaire propose de mettre en place une plaque de coffrage pour éviter les intrusions ainsi que de protéger des intempéries le temps de mettre en place la toiture de bâtiment de la nouvelle turbine. En cas de risque de crue cette protection serait équipée de joints d'étanchéité et complétée d'une ligne de big bag sur la plateforme amont pour dévier les surverses vers le barrage ".

- il n'est pas démontré, ni même d'ailleurs allégué, que le service de distribution d'électricité serait perturbé par les difficultés rencontrées sur la turbine G3, en effet, le complément théorique de production de la turbine G3 est très faible par rapport à la production des turbines G1 et G2. La turbine G3, théoriquement, devait représenter tout au plus seulement 10% de la production totale des trois turbines dans ses meilleures années d'exploitation ;

- en tout état, il est établi que les préjudices subis par GIGNAC ENERGIE trouvent leur origine dans l'incurie de la société EIFFAGE TP et de son sous-traitant la société ANDRITZ HYDRO, la maîtrise d'œuvre n'ayant commis aucune faute dans l'exécution de ses obligations contractuelles, et, à ce titre, si une condamnation devait intervenir à l'encontre de la Société OTEIS, il est demandé que les sociétés EIFFAGE GENIE CIVIL et ANDRITZ HYDRO soient condamnées à relever et garantir la société OTEIS de toutes condamnations.

Par deux mémoires, enregistrés les 14 septembre et 21 novembre 2022, la société EIFFAGE GENIE CIVIL, représentée par Me Aze, conclut :

- à titre principal au rejet de la requête de la SMACL en tant qu'elle est irrecevable ;

- à titre subsidiaire au rejet de la requête de la SMACL et des demandes des sociétés OTEIS et BRL INGENIERIE et, à tout le moins, en l'état des contestations sérieuses soulevées, se déclarer incompétent pour statuer sur les demandes des sociétés OTEIS et BRL INGENIERIE ;

- à la condamnation de la SMACL à lui verser la somme de 5 000 € au titre des frais irrépétibles et aux entiers dépens.

Elle fait valoir que :

- la SMACL, qui agit en tant qu'assureur "dommages aux biens" et "bris de machine" de la régie GIGNAC ENERGIE, ne verse aux débats ni les conditions particulières du contrat d'assurance "dommages aux biens", ni celles du contrat d'assurance "bris de machine" et rend impossible le contrôle par le tribunal de ses demandes, d'une part, de la qualité d'assurée de la régie, d'autre part, du paiement de l'indemnité dont elle réclame le remboursement en vertu de l'un ou l'autre de ces deux contrats ; la SMACL ne précise pas la part de l'indemnité de 123.852,27 € dont elle réclame le remboursement qu'elle a payée au titre du contrat d'assurance " dommages aux biens " et celle qu'elle a payée au titre du contrat "bris de machine" ;

- sa responsabilité dans le dommage n'est pas établie ; l'intensité de la crue de l'Hérault, la plus forte observée au mois de septembre depuis 1952, provoquée par les pluies ayant donné lieu au classement de la commune de Gignac en état de catastrophe naturelle selon arrêté du 4 novembre 2014, excédait ses engagements contractuels, tels qu'ils ressortent du CCAP, ce qui l'exonère de toute responsabilité du chef des dommages consécutifs à la crue, ainsi il n'était pas prévu par la maîtrise d'œuvre, à sa charge, l'obligation de réaliser la couverture de l'extension dès lors que la hauteur des murs extérieurs était suffisante au regard des risques météo encourus à cette période du chantier, c'est-à-dire dès lors qu'elle avait atteint, le 17 septembre 2014, la côte de 44,5 m A et donc dépassé celle de 42 m A, soit 2,5 mètres de plus que ce qui était indiqué dans le CCTP, alors qu'elle avait donc établi sa proposition de prix, laquelle a été acceptée par la régie municipale GIGNAC ENERGIE, en prenant en compte que le niveau des eaux de l'Hérault est limité à 42 m A ;

- elle a respecté l'ordonnancement des travaux, le CCTP prévoit que les interventions les plus sensibles vis-à-vis de la montée des eaux, notamment la réalisation des ouvertures dans le voile extérieur du bâtiment existant, ne pourraient être réalisées que lorsque les voiles extérieurs du nouveau bâtiment auraient été entièrement bétonnés afin de limiter au maximum les risques d'entrées d'eaux par ces ouvertures, dans ces conditions, le passage entre la partie ancienne et la partie nouvelle de la microcentrale pouvait être ouvert dans le respect de l'ordonnancement des tâches ; au regard de l'article 4.1 du CCTP, contrairement à ce que la régie soutient, la turbine G3 n'est pas l'un des "éléments électriques" à mettre en place après la réalisation de la couverture du bâtiment mais l'un "des équipements réalisés en atelier" à approvisionner et installer avant le bétonnage de la couverture du nouveau bâtiment au surplus, aucune mise en demeure de respecter strictement le CCTP ne lui a été adressée par la maîtrise d'œuvre ;

- elle a également respecté le planning des travaux, notamment en ce qui concerne la date de la réalisation de la dalle de couverture de l'extension de la microcentrale, l'article II-7 du règlement de la consultation, stipulant que " Les délais de préparation et d'exécution, sont laissés à l'initiative de l'entreprise et doivent figurer sur l'acte d'engagement ", l'article 7 de son mémoire technique aux termes duquel " Ceci implique une fin de couverture le 10/09/2014 au lieu du 29/08/2014 " et son planning en annexe 9, reprennent cet ordonnancement des travaux, la turbine G3 devant être installée dans l'extension de la microcentrale avant le coulage de la dalle de couverture ; puis, elle avait clairement indiqué à la société BRL, le 20 février 2014, dans un message annexé à son mémoire technique que " () - délai de réalisation des travaux de 31 semaines (durée augmentée de deux semaines par rapport à l'acte d'engagement), l'achèvement des travaux étant prévu le 18 novembre 2014, repli des installations compris, avec les étapes suivantes • ouverture de la trémie de passage entre le bâtiment existant et l'extension du 6 au 12 aout 2014, • installation de la turbine G3 du 11 au 12 septembre 2014, • coulage de la dalle de couverture de l'extension du 15 au 19 septembre 2014." et, en conséquence, le 3 mars 2014, elle a retourné le projet de marché et l'ordre de service n°1 avec une lettre de réserve rappelant à la régie municipale GIGNAC ENERGIE et aux maîtres d'œuvre les échanges intervenus au moment de la mise au point du marché et le planning mis au point conjointement le 20 février 2014, ces échanges et ce planning prévalant sur les dispositions contraires du contrat, il en résulte que, par novation, le planning du 21 février 2014 s'est substitué aux dispositions du CCTP relatives aux dates limites qui ont donc perdu leur caractère contractuel et qui, dès lors, ne lui étaient plus opposables ; la régie municipale GIGNAC ENERGIE, en décalant de trois semaines la notification de son marché, prévue initialement le 3 février 2014 et effectuée le 24 février 2014, a ainsi contribué à augmenter le risque d'exposition du chantier aux crues. Dans son courrier du 3 mars 2014 par lequel elle fait retour de son marché au maître d'œuvre, elle a émis d'ailleurs des réserves sur l'incohérence entre les délais indiqués à l'acte d'engagement, la date de notification de l'OS de démarrage de la période de préparation à la date figurant sur le planning du 21 février 2014, conformément à l'article IX - 1 du CCAP et à l'article 2.4.2 du CCTP, à l'issue de la période de préparation du chantier, elle a transmis, par mail du 3 avril 2014, au maître d'œuvre le planning d'exécution définissant l'ordonnancement des tâches élémentaires et ce planning est réputé approuvé en l'absence de toute observation du maître d'œuvre, en outre, les comptes rendus de réunions hebdomadaires de chantier démontrent que les travaux ont été exécutés conformément au planning arrêté conjointement à l'issue de la mise au point du marché, en particulier avec la date prévisionnelle de bétonnage de la couverture, sans la moindre observation de la part de la régie municipale GIGNAC ENERGIE et des maîtres d'œuvre lesquels ne lui ont pas demandé de respecter les dates figurant au CCTP ;

- en outre, il ne lui a pas été interdit d'introduire la turbine G3 par le haut de l'extension de la microcentrale avant coulage de la dalle de couverture, au contraire, cette solution résulte en fait des contraintes imposées par le maître d'œuvre dans le DCE, l'article 4.1 du CCTP décrit " le principe d'agencement des tâches " ainsi qu'il suit : - réalisation des ouvertures dans le voile extérieur du bâtiment existant ; - réalisation des dalles intérieures du nouveau bâtiment ; - approvisionnement sur chantier et pose des équipements réalisés en atelier ainsi que des escaliers métalliques ; - ferraillage, coffrage et bétonnage de la couverture du bâtiment, le mémoire technique qu'elle a remis, dans son offre du 17 janvier 2014, reprend ce principe en page 14 et respecte donc scrupuleusement le descriptif rédigé par le maître d'œuvre ;

- il est donc ainsi démontré que le planning contractuel des travaux a été parfaitement respecté puisque l'inondation du 17 septembre 2014 est survenue alors que le coulage de la dalle de couverture de l'extension de la microcentrale ne devait pas être achevé avant le 19 septembre 2014, étant rappelé que, d'une part, il était indiqué dans le CCTP que la hauteur maximum des eaux de l'Hérault en septembre était de 42,12 m A, d'autre part que le CCAP excluait toute obligation contractuelle à la charge de l'exposante à la côte de 42 mètres A ;

- la société OTEIS, qui soutient qu'elle n'a pas procédé à la réalisation des travaux dans les délais prévus par le CCTP ce qui a entrainé les dommages sur la turbine G3 ", feint d'oublier que l'article 19.3 du CCAG TRAVAUX qui prévoit que " Si les documents particuliers du marché fixent, au lieu d'un délai d'exécution des travaux, une date limite pour l'achèvement des travaux, cette date n'a de valeur contractuelle que si les documents particuliers du marché fixent en même temps une date limite pour le commencement des travaux ", or, en l'espèce, aucune date limite n'ayant été fixée pour le démarrage des travaux, les dates auxquelles se réfère la société OTEIS et, également, la régie municipale GIGNAC ENERGIE, ne sont donc pas des dates contractuelles, cela est d'autant plus vrai qu'à la suite de la notification tardive de son marché, elle avait répondu à la société BRL INGENIERIE qu'il ne serait pas possible de raccourcir les délais de réalisation et, donc, de respecter les dates limites du CCTP, en conséquence, il sera retenu que les dates du CCTP ne lui sont pas opposables car elle a respecté les délais prévus par son marché ;

- il est à noter également que la régie municipale GIGNAC ENERGIE, en décalant de trois semaines la notification de son marché prévue, initialement le 3 février 2014, a ainsi contribué à augmenter le risque d'exposition du chantier aux crues ; les dommages consécutifs à la remise en service de la turbine G3 ne peuvent donc lui être imputés ;

- en toute hypothèse, les investigations menées par le CETIM, en tant que sapiteur de l'expert, ont mis en évidence que chaque dysfonctionnement de la turbine G3 est consécutif soit à une révision défectueuse après l'incident du 17 septembre 2014 de cet équipement due selon l'expert à une "insuffisance de diagnostic préalable" de la société ANDRITZ HYDRO, soit à des vices de conception ou de fabrication "sans lien avec la crue" ;

- à titre subsidiaire, la seule somme payée par la SMACL, sans que l'on puisse vérifier si elle l'a été en application des garanties " dommages aux biens " ou "bris de machine", et quittancée par la régie GIGNAC ENERGIE, s'élève à 120 000 €, le tableau produit par la SMACL ne saurait être considéré comme la preuve qu'elle a payé une somme totale de 203.036,51 € ; la demande de remboursement des honoraires payés aux experts et avocats qu'elle a mandatés relève des dispositions de l'article L 761-1 du code de justice administrative en application duquel la SMACL réclame une indemnité de 3 500 €, et ces deux demandes font double emploi alors qu'au surplus, dans la procédure n° 2202269, la régie GIGNAC ENERGIE réclame de ce chef une indemnité de 2 000 €.

Par un mémoire, enregistré le 31 octobre 2022 et un mémoire enregistré le 30 novembre 2022, lequel n'a pas été communiqué, la SAS ANDRITZ HYDRO, représentée par Me Endrös, conclut :

- à titre principal, au rejet des appels en garantie des sociétés BRL INGENIERIE et OTEIS à son encontre ;

- à titre subsidiaire, à constater l'existence de contestations sérieuses concernant la demande principale et, par conséquent, au rejet des appels en garantie des sociétés BRL INGENIERIE et OTEIS ;

- à titre très subsidiaire, à ne la condamner à garantir respectivement la société BRL INGENIERIE et la société OTEIS qu'à la somme maximale de 9 673,85 € ;

- en tout état de cause :

. au rejet de la demande reconventionnelle de la société BRL INGENIERIE,

. et à la condamnation de la société BRL INGENIERIE, la société OTEIS ou toute partie perdante à lui verser la somme de 4 000 € au titre des frais irrépétibles.

Elle fait valoir, à titre principal, qu'elle n'est pas responsable des dommages pour lesquelles la requérante considère qu'elle est subrogée dans les droits de Gignac Energie.

Un mémoire a été enregistré pour la société SMACL ASSURANCE le 2 décembre 2022, postérieurement à la date de la clôture de l'instruction le 30 novembre 2022, et il n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des assurances ;

- le code de justice administrative.

Le président du tribunal administratif de Montpellier a désigné M. Souteyrand, vice-président, pour statuer sur les demandes de référé.

Considérant ce qui suit :

1. Gignac Energie, régie municipale d'électricité de la commune de Gignac, qui est propriétaire de la microcentrale et du barrage de la Meuse sur l'Hérault, a passé un marché public portant sur des travaux de génie civil et d'équipements pour l'extension du bâtiment et l'installation d'une troisième turbine (G3). La réalisation du génie civil et des équipements a été confiée à la société Eiffage et la maîtrise d'œuvre au groupement composé, au final, des sociétés BRL Ingénierie et OTEIS. A la suite d'une crue de l'Hérault le 18 septembre 2014, le chantier a subi une inondation importante, la commune de Gignac étant reconnue en état de catastrophe naturelle pour les inondations et coulées de boue intervenues du 17 septembre 2014 au 19 septembre 2014. Le 20 mars 2015, sur proposition de la maîtrise d'œuvre, Gignac Energie a réceptionné les travaux, à compter du 16 mars 2015, sous réserve de l'exécution concluante de certaines épreuves et prestations. Gignac Energie, considérant que la nouvelle turbine dysfonctionnait, a demandé au Tribunal de désigner un expert, dont la mission du 20 mars 2015, complétée le 1er avril 2019, a consisté à déterminer l'origine et les causes des désordres constatés, les travaux propres à remédier aux désordres et en évaluer le coût et la durée et tous éléments propres à permettre d'apprécier et chiffrer les préjudices de toute nature, en distinguant les préjudices consécutifs aux pluies de septembre 2014 de ceux résultant des vices de conception de la turbine G3 et de son système de manutention. Dans son rapport du 27 janvier 2022, l'expert retient qu'après sa submersion par les eaux de l'Hérault, des travaux ont été nécessaires pour remettre en état le bâtiment non couvert, que les turbines G1, G2 et G3 ont dû être mises à l'arrêt jusqu'au 15 février 2015, et que les désordres liés à l'insuffisance de diagnostic et à la conception défectueuse de la turbine G3 se sont traduits par des arrêts réguliers depuis le 13 mai 2015 jusqu'à ce jour. Sur la base des conclusions de l'expert, Gignac Energie a demandé, sous la requête n° 2202269, sur le fondement de la responsabilité contractuelle, de condamner la société EIFFAGE GENIE CIVIL, la société OTEIS, la société BRL INGENIERIE à lui verser, à titre de provisions, respectivement, 351 965,32 €, 111 171,02 € et 111 171,02 €, en indemnisation des dommages ayant affectés l'ouvrage à la suite de la crue ainsi que des vices de conception affectant la turbine G3, sommes assorties des frais d'expertise. Par la présente requête, la société SMACL ASSURANCES, agissant en qualité d'assureur de Gignac Energie subrogée dans ses droits, demande de condamner la société EIFFAGE GENIE CIVIL, la société OTEIS et la société BRL INGENIERIE à lui verser, à titre de provision, une somme de 123 852 €, pour la première, et de 39 592,12 €, les deux suivantes.

Sur les conclusions tendant à l'allocation d'une provision :

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : "Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie.". Il appartient au juge des référés, dans le cadre de cette procédure, de rechercher si, en l'état du dossier qui lui est soumis, l'obligation du débiteur éventuel de la provision est ou n'est pas sérieusement contestable sans avoir à trancher ni de questions de droit se rapportant au bien-fondé de cette obligation ni de questions de fait soulevant des difficultés sérieuses et qui ne pourraient être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi.

3. Aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : "L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur.". Il appartient à l'assureur qui demande à bénéficier de la subrogation prévue par ces dispositions législatives de justifier par tout moyen du paiement d'une indemnité à son assuré. En outre, l'assureur n'est fondé à se prévaloir de la subrogation légale dans les droits de son assuré que si l'indemnité a été versée en exécution d'un contrat d'assurance.

4. Selon l'article 1.8 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP), au regard des contraintes hydrologiques, les travaux sont prévus d'être réalisés de février 2014 à octobre 2014, avec la couverture du nouveau bâtiment avant fin août 2014, les finitions de l'ensemble du génie civil avant fin septembre 2014 et l'installation des équipements hydromécaniques et électriques avant fin octobre 2014. Et, selon l'article 1.9 suivant, les crues de l'Hérault pouvant atteindre une cote d'environ 47.00 A, l'ensemble des nouveaux ouvrages seront submersibles et devront présenter les conditions d'étanchéité permettant de garantir la pérennité des équipements. Et, aux termes de l'article 2.4.1. du même CCTP "Programme prévisionnel d'exécution" : "L'Entreprise remet dans son offre technique un programme prévisionnel d'exécution des travaux cohérent avec les délais contractuels précisés à l'acte d'engagement et répondant aux préconisations définies au règlement de la consultation du marché et au présent CCTP. Le phasage des travaux reste entièrement de la stricte et entière responsabilité de l'Entreprise qui doit le concevoir et le présenter dès sa soumission dans son mémoire justificatif dans le respect des contraintes générales suivantes : Respect de ses délais contractuels partiels et global ; Prise en compte des risques naturels ; Prise en compte des contraintes environnementales existantes ; Prise en compte des usages, notamment vis-à-vis des débits réservés de la rivière ; Prise en compte des prescriptions du présent CCTP ".

5. Il résulte de l'instruction et du rapport d'expertise, d'une part, que la société EIFFAGE n'a pas procédé à la couverture du nouveau bâtiment avant fin août 2014, comme stipulé au CCTP, et que la maîtrise d'oeuvre, informée dès la production du mémoire technique de la société EIFFAGE, aux termes duquel le fait que la turbine G3 doit être installée dans l'extension de de la microcentrale avant le coulage de la dalle de couverture implique une fin de couverture le 10 septembre 2014 au lieu du 29 août 2014, n'a pas, régulièrement, mis en demeure la société de respecter les stipulations précitées du CCTP, lesquelles n'ont pas pu être modifiées unilatéralement par le seul contenu du mémoire technique en cause. Or, selon les conclusions de l'expert désigné par le tribunal, la couverture en temps utile du nouveau bâtiment aurait été de nature à empêcher l'inondation des bâtiments et de la turbine G3 et donc la pénétration d'eaux boueuses dans cette dernière lors de la crue du 18 septembre 2014, et ce, nonobstant le caractère particulièrement violent de celle-ci, puisque le niveau d'eau a excédé de 2.5 mètres environ le niveau d'arase supérieur des voiles du nouvel ouvrage non encore couvert. Ce décalage, constaté dans le programme des travaux, a entraîné l'inondation du nouveau bâtiment et la dégradation de la turbine G3, qui venait d'y être implantée, ainsi que les armoires et équipements électriques du nouveau bloc, l'inondation s'étant ensuite propagée à l'intérieur de l'usine existante regroupant les turbines génératrices G1 et G2, ainsi qu'un ensemble d'équipements annexes, par écoulement gravitaire de l'eau via une trémie de liaison entre nouveau et anciens ouvrages, entraînant l'arrêt des trois turbines jusqu'au 16 février 2015. L'ensemble de ces dommages matériels sont donc initialement imputables à la société EIFFAGE et à la maîtrise d'œuvre.

6. En premier lieu, s'agissant des préjudices matériels, liés directement à la crue, à raison des opérations de nettoyage, de remplacement de pièces et d'appareils, l'expert, en prenant en compte un taux de vétusté des matériels existant, retient une somme globale de 136 969,28 € HT, de laquelle il constate qu'il convient de déduire de cette dernière la somme de 120 000 € HT que Gignac Energie reconnaît avoir reçue en 2015 de la SMACL, son assureur, à titre d'indemnités, sur sa police d'assurance "bris de machine et dommage aux biens" souscrite le 1er janvier 2013. Et, s'agissant de la responsabilité de ce seul préjudice matériel, l'expert retient 50% pour la société EIFFAGE et 50% pour la maîtrise d'œuvre répartis pour moitié entre les sociétés OTEIS et BRL. Eu égard à ce constat, par une décision n° 2202269 du 30 novembre 2022, le juge des référés du tribunal a, après déduction de la somme de 120 000 € HT que Gignac Energie a reçue en 2015 de la SMACL, mis la somme de 16 969, 28 € HT, donc 20 363,13 € TTC pour moitié, à la charge la société EIFFAGE et pour moitié à celle de la maîtrise d'œuvre, répartis à égalité entre les sociétés OTEIS et BRL.

7. Il résulte de l'instruction que la quittance de règlement du sinistre "DAB du 18/09/2014" établie le 12 juin 2015 par la SMACL, et sur laquelle le directeur de la régie a apposé le 17 juin suivant sa signature, correspondant à la somme de 120 000 euros en cause, procède des contrats d'assurance des 31 août et 26 décembre 2012 "bris de machine" et "dommage aux biens" produits au dossier, avant la signature de l'avenant du 3 juillet 2015 concernant l'extension de la garantie "bris de machine" à la nouvelle turbine G3. Par conséquent, la SMACL établit qu'elle est subrogée dans les droits de Gignac à hauteur de la somme de 120 000 euros qu'elle lui a versée en indemnisation des travaux de nettoyage et de la réparation des dommages causés aux installations et aux machines, à l'exception de la turbine G3, par les effets directs de la crue, ce qui exclut la prise en compte de la réparation des désordres liés à l'insuffisance de diagnostic et à la conception défectueuse de la turbine G3 qui se sont traduits par des arrêts réguliers depuis le 13 mai 2015 jusqu'à ce jour.

8. Par suite, eu égard à la répartition proposée par l'expert et qu'il convient de retenir, il y a lieu de mettre à la charge de la société EIFFAGE GENIE CIVIL, à titre de provision, la somme de 60 000 euros et celle de 30 000 euros respectivement à la charge des sociétés OTEIS et BRL.

9. En second lieu, s'agissant des frais de conseils et d'expertises, si la société SMACL soutient qu'elle a exposé les sommes de 40 675, 28 euros au titre de frais d'avocat, ainsi que de 16 884 et 8 934,35 euros au titre de frais d'expertises, elle n'établit pas que ces sommes ont été versées à Gignac Energie et donc qu'elle serait subrogée, à cet égard, dans les droits de cette dernière.

Sur les appels en garantie :

10. Compte tenu de la répartition de responsabilité sus-opérée au point 6, et de l'absence de condamnation solidaire, il n'y pas lieu d'accueillir les conclusions de la société EIFFAGE et de la société BRL aux fins d'être garanties des condamnations prononcées à leur encontre.

11. Compte-tenu de ce qui a été dit au point 7., l'indemnité que la société SMACL a versée à Gignac Energie et pour laquelle, elle est subrogée dans les droits de cette dernière, ne porte pas sur les préjudices relevés à raison des dysfonctionnements de la turbine G3 et donc sur la responsabilité de la société ANDRITZ HYDRO. Par suite, il y a également lieu de rejeter les appels en garantie présentés contre la société ANDRITZ HYDRO et l'appel en garantie formé par cette dernière.

Sur les conclusions reconventionnelles :

12. Les conclusions reconventionnelles des sociétés EIFFAGE et BRL INGENIERIE, qui présentent des questions de fait soulevant des difficultés sérieuses ne pouvant être tranchées que par le juge du fond éventuellement saisi, doivent être rejetées pour ce motif.

Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

13. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation ". Il n'y a pas lieu de condamner la société SMACL ASSURANCES, qui n'est pas la partie perdante, à verser aux sociétés Eiffage Génie Civil, OTEIS, BRL Ingénierie et ANDRITZ-HYDRO une somme au titre de ces dispositions. En revanche, il y a lieu de mettre à la charge des sociétés EIFFAGE GENIE CIVIL, OTEIS et BRL Ingénierie une somme de 2 100 euros à verser à la société SMACL ASSURANCES en application de ces mêmes dispositions.

DECIDE :

Article 1er : La société EIFFAGE GENIE CIVIL versera à la société SMACL ASSURANCES la somme de 60 000 € à titre d'indemnités provisionnelles.

Article 2 : La société OTEIS versera à la société SMACL ASSURANCES la somme de 30 000 € à titre d'indemnités provisionnelles.

Article 3 : La société BRL versera à la société SMACL ASSURANCES la somme de 30 000 € à titre d'indemnités provisionnelles.

Article 4 : Les sociétés EIFFAGE GENIE CIVIL, OTEIS et BRL Ingénierie verseront une somme globale de 2 100 € à la société SMACL ASSURANCES en application de l'article

L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la société SMACL ASSURANCES et les conclusions des sociétés EIFFAGE GENIE CIVIL, OTEIS, BRL Ingénierie et ANDRITZ-HYDRO sont rejetées.

Article 6 : La présente ordonnance sera notifiée à la société SMACL ASSURANCES et à la SAS EIFFAGE GENIE CIVIL, la SAS OTEIS, la SA BRL Ingénierie et à la SAS ANDRITZ-HYDRO.

Le président

E. Souteyrand

La République mande au préfet de l'Hérault en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance

Pour expédition conforme,

Montpellier le 5 décembre 202La greffière,

M. B

N°2203024

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