TA Orléans, 07/02/2023, n°2001976
Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire enregistrés le 18 juin 2020 et le 7 octobre 2021, la commune de Ports-sur-Vienne, représentée par Me Dalibard, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :
1°) de condamner la société Infrastructures Concept à lui verser la somme de 163 267,13 euros hors-taxes (HT) augmentée des intérêts au taux légal à compter du 23 avril 2015 et de la capitalisation de ces intérêts, correspondant au coût des travaux de rénovation de la place Romain Rideau restant à réaliser en exécution d'un marché conclu le 29 janvier 2013 du fait de manquements imputables à la maîtrise d'œuvre ;
2°) de supprimer les propos injurieux, outrageants et diffamatoires tenus par la société Infrastructures Concept à l'adresse du maire de Ports-sur-Vienne aux termes de ses écritures ;
3°) de mettre à la charge de la société Infrastructures Concept une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les dépens de l'instance, qui comprennent les frais d'expertise judiciaire d'un montant de 13 617,16 euros HT.
Elle soutient que :
En ce qui concerne la responsabilité :
- en application de la loi n°85-704 du 12 juillet 1985 et de son décret d'application n°93-1268 du 29 novembre 1993, le maître d'œuvre, titulaire d'une mission de base comprenant notamment les missions APD (avant projet détaillé) et PRO (étude de projet), s'engage contractuellement sur le montant des travaux considérés en conformité avec l'enveloppe financière arrêtée par le maître de l'ouvrage, sauf pour le premier à refuser la mission considérée en application de ses devoirs de conseil et d'information ; en application des articles 7 de la loi du 12 juillet 1985 et 30 du décret du 29 novembre 1993, le maître d'œuvre est ainsi responsable des surcoûts induits par ses fautes au bénéfice du maître de l'ouvrage sur un terrain contractuel ; si le maître d'œuvre doit fournir une estimation globale du coût des travaux qui ne peut être considérée comme un prix forfaitaire, il n'en demeure pas moins que le coût réel des travaux ne doit pas être trop différent de celui annoncé ; en pratique, ce seuil de tolérance stipulé entre les parties est compris entre 3 et 5 % ; à défaut d'un tel seuil, il y a lieu de considérer que le maître d'ouvrage engage sa responsabilité dès lors qu'il ne respecte pas sa propre estimation du coût des travaux ; en l'espèce, alors qu'aux termes de son acte d'engagement et de son mémoire explicatif établi dans le cadre de sa mission APD, la société Infrastructures Concept avait procédé à une estimation prévisionnelle des travaux d'aménagement de voirie de la place Romain Rideau égale à 260 175 euros HT à majorer des honoraires de maîtrise d'œuvre à hauteur de 14 825 euros HT, soit un coût total de 275 000 euros HT, lui-même accepté par délibération du conseil municipal de Ports-sur-Vienne du 29 janvier 2013, l'analyse des devis proposés par les entreprises candidates au marché a révélé que ce coût prévisionnel était intenable et avait ainsi été totalement sous-estimé ; si, à l'issue de négociations du maître d'œuvre avec les entreprises candidates, ces offres ont été révisées pour se rapprocher de l'estimation convenue et la société Eurovia a été déclarée attributaire du marché pour un coût finalement très proche du coût prévisionnel, ces révisions font suite à la suppression unilatérale par le maître d'œuvre et sans information préalable de la commune des postes de dépense relatifs aux toilettes, à l'abribus et à la fontaine ; la prestation de rénovation complète de la place telle qu'elle avait été initialement envisagée avec le maître d'œuvre et à laquelle celui-ci s'était engagé aurait dû coûter, au regard tant des devis de l'entreprise Eurovia concernant les postes de dépenses retenus et supprimés, que des honoraires du maître d'œuvre et des devis de la société Ineo, à la somme de 456 998,12 euros HT ; il s'en déduit que la prestation de rénovation complète de la place outrepasse l'enveloppe financière fixée par la commune d'environ 166 % ; au demeurant, en se cantonnant à l'analyse financière des seuls travaux réalisés à ce jour, ce dépassement est approximativement égal à 20 % ; ce dépassement constitue une faute qui engage la responsabilité contractuelle de la société Infrastructures Concept ;
- en application de la loi du 12 juillet 1985 précitée et notamment de son article 7, mais aussi du décret du 29 novembre 1993 et notamment de son article 6, le maître d'œuvre s'engage contractuellement sur le programme technique envisagé ; en l'espèce, alors qu'au titre de sa mission APD, la société Infrastructures Concept avait établi un mémoire explicatif à destination de la commune reprenant précisément les données techniques et financières du programme fixé par le maître de l'ouvrage incluant la fourniture et la pose d'une fontaine publique, la démolition de WC publics, la création d'un abribus et la réalisation de travaux d'espaces verts, elle a unilatéralement supprimé ces postes de dépenses sans en informer la commune ; par ailleurs, alors que le maître d'œuvre envisageait un marché mono-attributaire au bénéfice de la société Eurovia et qu'une délibération du 2 octobre 2013 du conseil municipal de la commune confirmait l'attribution du marché tel que défini au programme à la seule société Eurovia, des travaux spécifiques ont également été confiés à d'autres entreprises et notamment à la société Inéo au titre de l'éclairage public de la place ; la mission ACT n'a donc pas été correctement exécutée ; ces fautes sont également de nature à engager la responsabilité contractuelle de la société Infrastructures Concept ;
- le maître d'œuvre, en tant qu'il est tenu d'une obligation générale de conseil, doit guider les choix de son client, en attirant notamment son attention sur les conséquences techniques et financières de son choix, faute de quoi sa responsabilité peut être engagée ; en l'espèce, la société Infrastructures Concept ne l'a jamais informée de l'impossibilité d'exécuter les travaux confiés dans le budget envisagé initialement ; de plus, elle a unilatéralement décidé de supprimer des postes de travaux des devis négociés avec les entreprises candidates sans jamais en faire état à la commune ; ces fautes sont également de nature à engager la responsabilité contractuelle de la société Infrastructures Concept ;
- en application des dispositions de l'article 7 de la loi du 12 juillet 1985 précitée et de l'article 9 du décret du 29 novembre 1993, il appartient au maître d'œuvre d'assurer la direction de l'exécution du contrat de travaux ; la responsabilité du maître d'œuvre est engagée si ce dernier a manqué à sa mission de direction et de surveillance des travaux ; en l'espèce, la société Infrastructures Concept s'était vu confier la direction exécution travaux (DET) ; à ce titre, elle se devait d'organiser et diriger les réunions de chantiers, d'établir les procès-verbaux résultant de ces réunions de chantier et de s'assurer que les entreprises réalisent les travaux conformément aux stipulations des marchés ; or, d'une part, cette entreprise a décidé seule d'abandonner purement et simplement le chantier sans explication à compter du 13 mars 2014, date de la dernière réunion de chantier ; la mise en demeure d'avoir à reprendre l'exécution de sa mission qui lui a ensuite été adressée est elle-même restée sans effet ni réponse ; cet abandon de chantier par le maître d'œuvre a entraîné la suspension des travaux restant à réaliser ; si le maître d'œuvre entend soutenir qu'il serait resté dans l'attente de la validation d'un devis pour les espaces verts, l'expertise a démontré que l'entreprise n'a adressé le plan pour espaces verts à la commune que le 16 novembre 2015 alors que ce dernier était attendu pour le 13 mars 2014 ; par ailleurs, le maître d'œuvre n'a pas réalisé sa mission au titre du suivi financier des marchés des entreprises, étant ainsi totalement défaillante dans la réception et l'analyse des décomptes généraux ; ces fautes sont aussi de nature à engager la responsabilité contractuelle de la société Infrastructures Concept ;
- en application de l'article L. 2194-1 du code de la commande publique, une modification d'un marché, sans nouvelle procédure de mise en concurrence, ne peut être régulière si elle change la nature globale du marché ou même, à défaut, si elle apporte des modifications substantielles à ce dernier ou d'un montant conséquent ; en application de l'article R. 2194-7 du même code, une modification apportée à un marché est dite substantielle et doit engendrer une nouvelle procédure de mise en concurrence lorsqu'elle modifie considérablement l'objet du marché ; en ce sens, un avenant susceptible de changer l'objet du marché public constitue un nouveau contrat qui doit être soumis aux règles de la commande publique, dès lors qu'il modifie dans une proportion importante la nature des prestations ; une mise au point ne doit jamais être qu'une modification technique et/ou financière à la marge du marché public de travaux en cours d'exécution ; dans le cas contraire, elle doit donner lieu à l'organisation d'une nouvelle procédure d'attribution du contrat ; en l'espèce, la nature globale du marché de travaux a été altérée du fait de la mise au point que la société Infrastructures Concept a suggéré à la commune et les modifications induites ont été substantielles ; la mise au point ainsi édictée en cours d'exécution du marché, qui n'a eu pour autre objet que d'éviter de mettre en lumière les multiples manquements du maître d'œuvre à ses obligations contractuelles, s'est opérée en méconnaissance totale des règles du code de la commande publique ; la société Infrastructures Concept ne peut se prévaloir de l'illégitimité du comportement adopté pour s'exonérer de sa responsabilité ;
En ce qui concerne la réparation :
- alors que le montant des dépenses annoncées par le maître d'œuvre impliquant les coûts d'intervention de la société Eurovia à hauteur d'une somme de 278 905,99 euros et les honoraires de maîtrise d'œuvre à hauteur d'un montant de 14 825 euros, s'élevait à 293 730,99 euros HT, la prestation de rénovation complète de la place retenue par le maître d'œuvre est égale à 456 9898,12 euros HT ; son préjudice égal à 163 267,13 euros HT correspond à ce surcoût ;
En ce qui concerne les propos tenus par la société Infrastructures Concept :
- les termes du mémoire en défense enregistré le 2 mars 2021 relatifs au maire de la commune Ports-sur-Vienne contenus aux pages 1, 3, 5 et 13 sont injurieux, outrageants et diffamatoires et doivent en conséquence être supprimés conformément aux dispositions de l'article L. 741-2 du code de justice administrative.
Par des mémoires enregistrés le 18 août 2020, le 2 mars 2021, le 29 octobre 2021, le 22 novembre 2021 et le 15 novembre 2022 et des mémoires déposés le 20 octobre 2021 et le 28 octobre 2021, la société Infrastructures Concept, représentée par son gérant, M. C B, conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que :
- aucun dépassement de l'enveloppe financière ne peut lui être reproché dès lors que les travaux relatifs à la démolition du bâtiment WC et de l'abribus, ainsi que ceux relatifs à la réalisation d'une fontaine et de grilles d'arbres ont été retirés du marché par décision de la commission d'appel d'offres du 16 septembre 2013 afin de tenir compte de l'existence de travaux déjà réalisés par un artisan local à la demande de la commune et à moindre coût ; le montant du marché conclu avec la société Eurovia d'un montant de 278 905,99 euros HT le 14 octobre 2013 est conforme aux termes de la décision de la commission d'appel d'offres (CAO) et de la délibération du conseil municipal du 2 octobre 2013 ; la mise au point du marché qui constate cette modification a été signée et annexée à l'acte d'engagement de la société Eurovia le 14 octobre 2013, ainsi qu'en attestent les mentions du marché en double exemplaire remises à la trésorerie de Chinon, et non au 16 avril 2014 comme le prétend la requérante en se prévalant de l'apposition sur ce document d'un tampon antidaté ; au surplus, le cadre de décomposition du prix global et forfaitaire (CDPGF), qui est également joint au marché a été actualisé avec les modifications apportées à la mise au point du marché ; le montant de l'enveloppe de l'avant-projet ne peut donc pas être rattaché à celui de l'engagement des travaux et des marchés signés le 14 octobre 2013 puisque ce coût distinct est l'expression du choix de la CAO du 16 septembre 2013 approuvé par délibération du conseil municipal du 2 octobre 2013 ; au surplus, du surcoût invoqué par la requérante doit être retiré le coût de financement de réfection du tapis d'enrobé de la route départementale qui est pris en charge par le département ;
- il ne peut lui être fait grief d'avoir procédé à une consultation avec la société Eurovia pendant l'appel d'offres en vue d'une modification des termes de son offre, sur la base d'un prétendu devis modifié d'un montant de 254 069,10 euros HT qui lui aurait été adressé en cours de procédure, dès lors que ladite pièce correspond en réalité à un projet de décompte envoyé par le titulaire du marché après la réception des travaux le 10 mars 2014 et produit au débat de façon incomplète car il occulte, au moyen d'une manipulation, la partie relative aux coûts de travaux supplémentaires notés aux comptes rendus de chantier du 23 janvier 2014, du 13 février 2014 et du 20 février 2014 ;
- elle n'a dissimulé aucune modification des prestations convenues puisque les travaux litigieux ont été volontairement retirés du marché par le maître de l'ouvrage à la suite d'une mise au point ;
- il ne peut lui être fait grief d'avoir abandonné le chantier alors que l'interruption des travaux fait suite au non-paiement des factures émises par la société Eurovia, ainsi qu'à l'adoption de deux délibérations par le nouveau conseil municipal, à la suite des élections tenues en 2014, portant annulation des emprunts contractés par le conseil sortant et annulation de la permission de voirie précédemment consentie pour la réalisation des travaux ; ces blocages sont donc exclusivement imputables à la commune ;
- il ne peut davantage lui être reproché d'avoir failli à sa mission de suivi des travaux alors qu'elle justifie l'envoi régulier de situations de travaux.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 85-704 du 12 juillet 1985 ;
- le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;
- l'arrêté du 21 décembre 1993 précisant les modalités techniques d'exécution des éléments de mission de maîtrise d'œuvre confiés par des maîtres d'ouvrage publics à des prestataires de droit privé ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. A,
- les conclusions de Mme Best-De Gand, rapporteure publique,
- et les observations de Me Dalibard, représentant la commune de Ports-sur-Vienne, et de M. B, représentant la société Infrastructures Concept.
Trois notes en délibéré présentées par la société Infrastructures Concept, représentée par M. B, ont été déposées le 17 janvier 2023, le 19 janvier 2023 et le 24 janvier 2023.
Considérant ce qui suit :
1. Par un acte d'engagement du 29 janvier 2013, la commune de Ports-sur-Vienne (Indre-et-Loire) a confié une mission de maîtrise d'œuvre à la société Infrastructures Concept pour la réalisation de travaux voirie et réseaux divers (VRD) de la place Romain Rideau située sur le territoire communal, la part de l'enveloppe financière affectée aux travaux étant égale à 260 175 euros HT et la rémunération de la maîtrise d'œuvre fixée à 5,70 % étant égale à 14 825 euros HT, soit un total de 275 000 euros HT. Les travaux VRD et espaces verts confiés à la société Eurovia Centre Loire pour un montant de 419 202,49 euros HT en vertu d'un acte d'engagement du 14 octobre 2013 ont été remisés à 278 905,99 euros HT à la suite d'une mise au point signée par les parties. La durée d'exécution de ces travaux a été fixée à trois mois à compter du jour de notification de l'ordre de service. Par un acte d'engagement du même jour, les travaux d'éclairage public ont été confiés à la société Inéo pour un montant de 22 960,63 euros HT. L'ordre de service est intervenu le 18 novembre 2013 et la réception des travaux confiés à la société Eurovia, hors espaces verts, a été prononcée avec réserves le 10 mars 2014.
2. Compte tenu de l'inachèvement des travaux dans les délais convenus et de leur réception partielle avec réserves, le juge des référés a été saisi aux fins de prescrire une expertise. L'expert désigné par une ordonnance du 18 juin 2015 a déposé son rapport le 19 mars 2018. Par sa requête, la commune de Ports-sur-Vienne demande la condamnation de la société Infrastructures Concept à lui verser la somme de 163 267,13 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du dépassement de l'enveloppe financière affectée aux travaux.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne la responsabilité :
3. En premier lieu, aux termes de l'article 7 de la loi du 12 juillet 1985 alors applicable : " La mission de maîtrise d'œuvre que le maître de l'ouvrage peut confier à une personne de droit privé ou à un groupement de personnes de droit privé doit permettre d'apporter une réponse architecturale, technique et économique au programme () ". Aux termes de l'article 30 du décret du 29 novembre 1993 alors applicable : " Le contrat de maîtrise d'œuvre précise, d'une part, les modalités selon lesquelles est arrêté le coût prévisionnel assorti d'un seuil de tolérance, sur lesquels s'engage le maître d'œuvre, et, d'autre part, les conséquences, pour celui-ci, des engagements souscrits. / I. Lorsque la mission confiée au maître d'œuvre comporte l'assistance au maître de l'ouvrage pour la passation du ou des contrats de travaux, le contrat prévoit l'engagement du maître d'œuvre de respecter le coût prévisionnel des travaux arrêté au plus tard avant le lancement de la procédure de passation du ou des contrats de travaux. / Le respect de cet engagement est contrôlé à l'issue de la consultation des entreprises de travaux. En cas de dépassement du seuil de tolérance, le maître de l'ouvrage peut demander au maître d'œuvre d'adapter ses études, sans rémunération supplémentaire. / II. Lorsque la mission confiée au maître d'œuvre comporte en outre la direction de l'exécution du contrat de travaux et l'assistance au maître de l'ouvrage lors des opérations de réception, le contrat prévoit également un engagement du maître d'œuvre de respecter le coût, assorti d'un nouveau seuil de tolérance, qui résulte des contrats de travaux passés par le maître de l'ouvrage. / Le respect de cet engagement est contrôlé après exécution complète des travaux nécessaires à la réalisation de l'ouvrage en tenant compte du coût total définitif des travaux résultant des décomptes finaux et factures des entreprises. / Pour contrôler le respect de l'engagement, le contrat de maîtrise d'œuvre prévoit les modalités de prise en compte des variations des conditions économiques. / En cas de dépassement excédant le seuil de tolérance fixé par le contrat de maîtrise d'œuvre, la rémunération du maître d'œuvre est réduite. Le contrat de maîtrise d'œuvre détermine les modalités de calcul de cette réduction qui ne peut excéder 15 p. 100 de la rémunération du maître d'œuvre correspondant aux éléments de missions postérieurs à l'attribution des contrats de travaux. / III. En cas de modification de programme ou de prestations décidées par le maître de l'ouvrage, le contrat de maîtrise d'œuvre fait l'objet d'un avenant qui arrête le programme modifié et le coût prévisionnel des travaux concernés par cette modification, et adapte en conséquence la rémunération du maître d'œuvre et les modalités de son engagement sur le coût prévisionnel. / Le contrat de maîtrise d'œuvre peut, en outre, prévoir d'autres clauses d'incitation à de meilleurs résultats quantitatifs ou qualitatifs. / Le contrat de maîtrise d'œuvre peut ne pas prévoir les engagements mentionnés aux I et II ci-dessus, s'il est établi que certaines des données techniques nécessaires à la souscription de tels engagements ne pourront être connues au moment où ces engagements devraient être pris ".
4. Il résulte de ces dispositions que lorsque la mission confiée au maître d'œuvre comporte la direction de l'exécution du contrat de travaux et l'assistance au maître de l'ouvrage lors des opérations de réception, le maître d'œuvre s'engage à respecter le coût, assorti d'un seuil de tolérance, qui résulte des contrats de travaux passés par le maître de l'ouvrage. Le respect de cet engagement est contrôlé, après exécution complète des travaux nécessaires à la réalisation de l'ouvrage, en tenant compte du coût total définitif des travaux résultant des décomptes finaux et factures des entreprises.
5. D'une part, il résulte de l'instruction que l'acte d'engagement signé par la société Infrastructures Concept le 29 janvier 2013 comportait non seulement une mission d'avant-projet détaillé, de projet et d'assistance à la conclusion des contrats de travaux mais aussi une mission de direction de l'exécution des travaux et d'assistance à la réception des ouvrages. Si, suivant les stipulations de ce même acte, la part de l'enveloppe financière affectée aux travaux VRD de la place Romain Rideau s'élevait, hors coût de maitrise d'œuvre, à 260 175 euros HT conformément aux termes d'une délibération du conseil municipal de la commune du 29 janvier 2013, il résulte de l'instruction que par une nouvelle délibération en date du 2 octobre 2013 portant autorisation de signature du marché avec la société Eurovia Centre Loire, à laquelle a succédé une mise au point signée par le maire de Ports-sur-Vienne le 14 octobre 2013, celle-ci a été portée à 278 905,99 euros HT. Par ailleurs, il résulte de l'instruction qu'aucun cahier des clauses administratives particulières n'a été établi dans le cadre de conclusion du marché de maîtrise d'œuvre de sorte qu'aucun seuil de tolérance en deçà duquel un dépassement de l'enveloppe est admis n'a été défini.
6. D'autre part, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise judiciaire que le montant des dépenses réellement engagées a été finalement de 245 848,49 euros HT au titre des travaux confiés à la société Eurovia Centre Loire. A ce montant doit s'ajouter, ainsi que le relève l'expert, le coût des travaux d'éclairage public d'un montant de 21 600,96 euros HT exécutés par la société Inéo, dont la réalisation, bien qu'omise par le mémoire explicatif du maître d'œuvre, figurait dans la définition du programme faite par le maître d'ouvrage visant un " positionnement de l'éclairage public avec un impératif de sécurité des personnes, biens et des circulations ". Par suite et alors qu'il ne résulte pas de l'instruction et notamment pas du rapport d'expertise judiciaire que d'autres dépenses se rapportant à des travaux initialement confiés à la société Eurovia Centre Loire, tels que la réfection de l'enrobé de la route départementale, l'aménagement paysager, la démolition de toilettes publiques et la réalisation d'un abribus et d'une fontaine publique, auraient été réellement exposées par la commune, le coût définitif total de réalisation des travaux, hors coût de maîtrise d'œuvre s'élève, en l'état de l'instruction, à 267 449,45 euros HT.
7. Il résulte de ce qui précède qu'en l'absence de dépassement du coût prévisionnel des travaux sur lequel le maître d'œuvre s'était engagé, la commune de Ports sur Vienne n'est pas fondée à soutenir que la société Infrastructures Concept aurait commis une faute dans l'exécution de son obligation contractuelle.
8. En deuxième lieu, si la commune de Ports-sur-Vienne reproche également au maître d'œuvre d'avoir méconnu les termes du programme technique envisagé et ainsi unilatéralement supprimé des postes de dépenses initialement convenus consistant en la fourniture et la pose d'une fontaine publique, la démolition de toilettes publiques et la création d'un abribus, il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise judiciaire que lesdites suppressions font
suite à la mise au point du 14 octobre 2013 citée au point 5 à laquelle la commune, représentée par son maire, a expressément consentie. Par suite, aucune faute ne peut davantage être reprochée à la société Infrastructures Concept à ce titre.
9. En dernier lieu, si la commune de Ports-sur-Vienne reproche enfin au maître d'œuvre d'avoir méconnu les règles de la commande publique dans le cadre d'attribution des marchés de travaux en litige, d'avoir été défaillant dans le cadre d'accomplissement de sa mission de direction et de surveillance des travaux et d'être à l'origine d'un abandon de chantier, le maître d'ouvrage ne démontre pas que ces fautes, à les supposer établies, seraient, ainsi qu'il a été dit au point 7, à l'origine d'un quelconque surcoût de dépenses de travaux, seul préjudice qu'elle invoque. Par suite, la société Infrastructures Concept ne saurait davantage engager sa responsabilité contractuelle pour ce motif.
Sur les conclusions relatives aux dépens :
10. Aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent les frais d'expertise, d'enquête et de toute autre mesure d'instruction dont les frais ne sont pas à la charge de l'Etat. Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagés entre les parties. L'Etat peut être condamné aux dépens ".
11. Par ordonnance n° 1501495 du 22 juin 2018, la présidente du tribunal a taxé et liquidé les frais et honoraires de l'expertise à la somme de 13 617,16 euros HT soit 16 340,59 euros TTC. Il y a lieu de mettre cette somme à la charge définitive de la commune de Ports-sur-Vienne.
Sur les conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 741-2 du code de justice administrative :
12. En vertu de l'article L. 741-2 du code de justice administrative, rappelant les dispositions des alinéas 3 à 5 de l'article 41 de la loi du 29 juillet 1881, les juges peuvent " prononcer la suppression des discours injurieux, outrageants ou diffamatoires " d'écrits produits devant eux.
13. Les passages des écritures qui commencent en page 1 du mémoire en défense enregistré le 2 mars 2021, par " Je tiens fermement à vous rappeler " et se terminent sur cette même page par " à la garantie bancaire du marché etc ", ainsi que ceux qui commencent en page 5 de ce même mémoire par " Je souhaite également rappeler l'attitude " et se terminent sur cette même page par " son intimidation au quotidien " présentent un caractère diffamatoire, injurieux et outrageant à l'égard du maire de la commune de Ports-sur Vienne au sens des dispositions précitées de l'article L. 741-2 du code de justice administrative. Il y a lieu, par suite, d'en prononcer la suppression.
14. En revanche, les autres passages dont la suppression est demandée n'excèdent pas le droit à la libre discussion et ne présentent pas un caractère injurieux, outrageant ou diffamatoire. Par suite, les conclusions présentées à ce titre doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la société Infrastructures Concept, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la commune de Ports-sur-Vienne demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Les dépens, d'un montant total de 16 340,59 euros TTC, sont mis à la charge définitive de la commune de Ports sur Vienne.
Article 2 : Les passages du mémoire en défense de la société Infrastructures Concept enregistré le 2 mars 2021 et mentionnés au point 13 du jugement sont supprimés.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la commune de Ports-sur-Vienne et à la société Infrastructures Concept.
Délibéré après l'audience du 17 janvier 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Lefebvre-Soppelsa, présidente,
M. Joos, premier conseiller,
M. Nehring, conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 février 2023.
Le rapporteur,
Emmanuel A
La présidente,
Anne LEFEBVRE-SOPPELSA
La greffière,
Nadine PENNETIER-MOINET
La République mande et ordonne au préfet d'Indre-et-Loire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.