Cour Administrative d'Appel de Nancy, 29/06/2022, n°19NC00038
Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL) et la région Alsace ont demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner in solidum la société Entreprise Galopin, la société Serge Gaussin et associés, la société Realbati et la société CEIS Etanchéité à verser, d'une part, la somme de 452 277,93 euros à la SMACL et, d'autre part, la somme de 118 018,25 euros à la région Alsace, d'assortir ces condamnations des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de la requête et de condamner ces entreprises aux dépens ainsi que de mettre à leur charge la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1602157 du 8 novembre 2018, le tribunal administratif de Strasbourg a condamné in solidum les sociétés Entreprise Galopin et Realbati à verser les sommes de 452 277,93 euros à la SMACL et 33 031,26 euros à la région Alsace, assorties des intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2016, a mis à la charge solidaire des deux entreprises le versement à la SMACL et à la région Alsace de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, a rejeté l'appel en garantie présenté par la société Entreprise Galopin à l'égard de la société CEIS Etanchéité comme étant porté devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée 8 janvier 2019, la société Realbati, représentée par Me Hager, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Strasbourg du 8 novembre 2018 en ce qu'il l'a condamnée, in solidum avec la société Entreprise Galopin, à verser les sommes de 452 277,93 euros à la SMACL et 33 031,26 euros à la région Alsace, avec intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2016, a mis sa charge, in solidum avec la société Entreprise Galopin, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté ses appels en garantie ;
2°) de rejeter les demandes présentées à son encontre par la SMACL et la région Alsace ;
3°) de mettre à la charge solidaire de la SMACL et de la région Alsace le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) subsidiairement, de condamner solidairement les sociétés Entreprise Galopin et CEIS Etanchéité à la garantir intégralement des sommes qui pourraient être mises à sa charge au profit de la région Grand Est et de la SMACL ;
5°) subsidiairement, de mettre à la charge solidaire des sociétés Entreprise Galopin et CEIS Etanchéité tous les dépens ainsi que le versement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la demande présentée par la SMACL devant le tribunal administratif de Strasbourg est irrecevable ; elle n'a pas produit la police d'assurance au titre de laquelle elle indique avoir effectué le paiement subrogatoire, ce qui ne permet pas d'établir que l'indemnité versée à la région Alsace était contractuellement due par la SMACL et que celle-ci est effectivement subrogée en application de l'article L. 121-12 du code des assurances ;
- elle n'a pas commis de faute contractuelle dans l'exécution de sa mission de coordinateur " sécurité et de protection de la santé " (SPS) ; le titulaire du marché de travaux est en charge d'élaborer le plan particulier de sécurité et de protection de la santé (PPSPS) et de sécurité sur le chantier ; son rôle à elle n'est que d'assurer la coordination entre les différents intervenants en ce qui concerne la sécurité et de protection de la santé , dans le cadre du plan général de coordination (PCG), le coordinateur SPS ne gère pas le risque propre aux travaux exécutés par chaque intervenant mais le risque lié à une co-activité ;
- la société CEIS Etanchéité, sous-traitante de la société Entreprise Galopin titulaire du marché public, était la seule intervenante présente sur le chantier le jour de l'incendie et n'a pas respecté les recommandations du PPSPS de la société Entreprise Galopin ; l'incendie s'est déclaré après 17h alors que, selon le PPSPS, les travaux par point chaud devaient cesser à 15h30 et être suivis d'une vérification des lieux avant le départ ; de plus, ni la société CEIS Etanchéité, ni la société Entreprise Galopin n'ont transmis au coordinateur SPS le permis de feu, contrairement à ce qui était demandé dans le plan général de coordination (PCG) ; les fautes ainsi commises par la société CEIS Etanchéité sont la cause directe de l'incendie ;
- le maître de l'ouvrage ne l'a pas associée à la phase de conception des travaux de réfection de la toiture du lycée Camille Sée ; malgré une demande adressée à la région Alsace en date du 10 février 2012, elle n'a pas été informée de ce que le support de toiture était en bois et non en béton, ni des détails sur le débord de toiture, de sorte qu'elle ne pouvait formuler de préconisations sur ce point dans le PCG ; le maître de l'ouvrage s'est borné à la convoquer à une visite d'inspection préalable le 10 juillet 2012 alors que le chantier avait déjà démarré ;
- en méconnaissance des articles 28.3 et 35 du CCAG-Travaux, les sociétés CEIS Etanchéité et Entreprise Galopin ne lui ont pas transmis le PPSPS avant le commencement des travaux ;
- dans ces conditions, elle n'a pas été mise à même d'évaluer le risque incendie ;
- le lien de causalité entre les manquements qui lui sont reprochés et la survenance du dommage n'est pas établi ;
- l'assureur a versé à la région une somme qui correspond à un ouvrage neuf, alors que le préjudice avait été évalué à la somme de 375 318,88 euros par l'expert nommé par le tribunal de grande instance de Colmar après l'application d'un coefficient de vétusté ; l'indemnité accordée par les premiers juges doit donc être réduite ;
- subsidiairement les sociétés CEIS Etanchéité et Entreprise Galopin seront condamnées in solidum, sur le fondement de leur responsabilité civile délictuelle, à la garantir intégralement en cas de condamnation prononcée à son encontre ; comme précédemment démontré, leurs manquements contractuels et aux règles de l'art sont à l'origine directe de l'incendie ; la société CEIS Etanchéité ne saurait échapper à sa responsabilité en se prévalant d'un défaut de conseil de la société Entreprise Galopin.
Par des mémoires enregistrés les 16 septembre et 13 décembre 2019, la société Entreprise Galopin, représentée par la SELARL Briand Avocat, conclut au rejet de la requête et, " subsidiairement par la voie de l'appel incident ", à l'annulation du jugement du tribunal administratif attaqué en ce qu'il l'a condamnée, in solidum avec la société Realbati, à verser la somme de 452 277,93 euros à la SMACL et la somme de 33 031,26 euros à la région Alsace, avec intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2016, d'autre part, a mis à charge, in solidum avec la société Realbati, la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et a rejeté ses appels en garantie ainsi qu'à la fixation du montant des travaux de réparation à la somme de 375 318,88 euros et les autres préjudices matériel à la somme de 19 808,75 euros et à la condamnation in solidum les sociétés Realbati et Serge Gaussin et associés à la garantir de l'intégralité des sommes qui pourraient être mise à sa charge au profit de la région Grand Est et de la SMACL et, enfin, dans tous les cas, à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge des sociétés Realbati et Serge Gaussin et associés.
Elle soutient que :
- à titre principal, elle s'associe au moyen soulevé par la société requérante tirée de l'irrecevabilité de la demande de première instance ;
- à titre subsidiaire et incident, il y a lieu de minorer l'évaluation des préjudices faites par les premiers juges en tenant compte d'un coefficient de vétusté ; le montant des travaux nécessaires à la remise en l'état de l'ouvrage a été évalué à la somme de 375 318,88 euros par l'expert nommé par le tribunal de grande instance de Colmar et les autres préjudices matériel doivent être chiffrés à la somme de 19 808,75 euros ;
- à titre plus subsidiaire, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'elle n'a pas commis de faute et que le lien de causalité entre ses manquements et le dommage n'est pas établi ; l'appréciation des premiers juges sur les responsabilités de la société CEIS Etanchéité et de la société Realbati, qui sont prépondérantes, sera confirmée ; la société Entreprise Galopin n'a pas commis de faute personnelle de nature à engager sa responsabilité ; le jugement doit être annulé en tant qu'il a rejeté ses appels en garantie contre la société Serge Gaussin et associés et la société Realbati ; les manquements de la société Serge Gaussin et associés et la société Realbati sont à l'origine du sinistre.
Par un mémoire en défense, enregistré le 20 septembre 2019, la région Grand Est et la SMACL, représentées par la SELARL Le Discorde, Deleau, concluent au rejet de la requête et à la confirmation des responsabilités retenues par les premiers juges et, par la voie de l'appel incident, à la réformation du jugement en tant qu'il a fixé à 33 013,26 euros l'indemnité due à la région Grand Est ainsi qu'à la condamnation in solidum des sociétés Entreprise Galopin, Serge Gaussin et associés, Realbati et CEIS Etanchéïté à verser, d'une part, la somme de 452 277,93 euros à la SMACL et, d'autre part, la somme de 118 018,25 euros à la région Alsace, en assortissant cette condamnation des intérêts au taux légal à compter de l'enregistrement de la requête et à la condamnation de ces entreprises aux dépens ainsi qu'à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à leur charge solidaire sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elles soutiennent que :
- le moyen tiré de l'irrecevabilité de la demande de la SMACL n'est pas fondé ;
- le moyen tiré de l'absence de faute de la société Realbati n'est pas fondé ;
- le moyen tiré de l'absence de faute de la société Entreprise Galopin n'est pas fondé ;
- par la voie de l'appel incident, l'évaluation du préjudice resté à la charge de la région faite par les premiers juges est erronée ; elle justifie par la production d'un tableau récapitulatif et de factures que son montant est de 118 018,25 euros.
Par un mémoire enregistré le 23 octobre 2019, la société Serge Gaussin et associés conclut, à titre principal, à la confirmation du jugement en tant qu'il a écarté le principe de sa responsabilité, au rejet de l'appel provoqué de la société Entreprise Galopin et des appels incidents de la SMACL et de la région Alsace et ainsi qu'à ce que les dépens et la somme de 3 000 euros soient mis à la charge solidaire de la SMACL, de la région Alsace et de la société Entreprise Galopin, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, à titre subsidiaire, à la condamnation des sociétés Entreprise Galopin et CEIS Etanchéité à la garantir intégralement de toute condamnation qui pourrait être prononcée à son encontre ainsi qu'à ce que les dépens et la somme de 3 000 euros soient mis à la charge solidaire des appelées en garantie, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les appels incidents de la SMACL et de la région Alsace ne contiennent aucun moyen de nature à contester le jugement attaqué en tant qu'il n'a pas retenu la responsabilité de la société Serge Gaussin et associés ;
- la société Entreprise Galopin ne démontre pas qu'elle aurait commis une faute à l'origine du désordre, de sorte que l'appel en garantie qu'elle forme à son encontre doit être rejeté ;
- l'assureur a versé à la région une somme de 452 277,93 euros qui correspond à un ouvrage neuf, alors que le préjudice avait été évalué à la somme de 375 318,38 euros par l'expert nommé par le tribunal de grande instance de Colmar après l'application d'un coefficient de vétusté ; l'indemnité accordée par les premiers juges doit donc être réduite ;
- subsidiairement les sociétés CEIS Etanchéité et Entreprise Galopin seront condamnées in solidum, sur le fondement de leur responsabilité civile délictuelle, à la garantir intégralement en cas de condamnation prononcée à son encontre ; leurs manquements contractuels et aux règles de l'art sont à l'origine directe de l'incendie ; la société Entreprise Galopin ne saurait échapper à sa responsabilité en se prévalant d'un défaut de conseil de la société Serge Gaussin et associés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Picque, première conseillère,
- les conclusions de M. Michel, rapporteur public,
- les observations de Me Hager, représentant la société Realbati,
- et les observations de Me Cohen, représentant la société Entreprise Galopin.
Considérant ce qui suit :
1. Le lycée Camille Sée de Colmar a fait l'objet de travaux de réfection intégrale de ses toitures qui ont débuté à l'été 2012. La maîtrise d'œuvre de l'opération était exercée par un groupement momentané d'entreprises solidaires constitué de la société Serge Gaussin et associés (SGA), mandataire du groupement, de la SARL Icat, de la société Cerec ingénierie et de la société Clic. Le lot unique " réfection intégrale des toitures " était attribué à la société Entreprise Galopin, qui faisait réaliser les travaux à un sous-traitant, la société Ceis Etanchéité. Enfin, la société Realbati était chargée de la mission de coordination en matière de sécurité et de protection de la santé des travailleurs (CSPS). Alors que les travaux d'étanchéité étaient en cours, un important incendie s'est déclaré sur le chantier dans l'après-midi du 23 juillet 2012. Le feu a détruit l'intégralité de la toiture du lycée et provoqué des dégâts dans les salles de classe attenantes. Par une ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Colmar du 22 août 2012, un expert, M. A, a été désigné. Celui-ci a remis son rapport le 22 juillet 2013. La société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL) a versé à la région Alsace, devenue région Grand Est, la somme de 452 277,93 euros en indemnisation du sinistre sur la base des dépenses engagées par la collectivité pour la remise en état de l'ouvrage. La collectivité publique et son assureur ont ensuite demandé au tribunal administratif de Strasbourg de condamner in solidum la société Entreprise Galopin, la société SGA, la société Realbati et la société CEIS Etanchéité à verser, d'une part, la somme de 452 277,93 euros à la SMACL et, d'autre part, la somme de 118 018,25 euros à la région Alsace, en indemnisation des préjudices résultant du sinistre. La société Realbati relève appel du jugement n° 1602157 du 8 novembre 2018 en tant qu'il l'a condamnée, solidairement avec la société Entreprise Galopin, à verser les sommes de 452 277,93 euros à la SMACL et 33 031,26 euros à la région Alsace, assorties des intérêts au taux légal à compter du 14 avril 2016, et a mis à sa charge la somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la voie de l'appel provoqué, la société Entreprise Galopin doit être regardée comme contestant l'évaluation du préjudice faite par les premiers juges et appelle en garantie la société Realbati et la société SGA. Enfin, par les voies de l'appel incident et de l'appel provoqué, la région Alsace, devenue région Grand Est, doit être regardée comme contestant également l'évaluation du préjudice réalisée par les premiers juges.
Sur recevabilité de l'action subrogatoire de la SMACL devant le tribunal :
2. Aux termes de l'article L. 121-12 du code des assurances : " L'assureur qui a payé l'indemnité d'assurance est subrogé, jusqu'à concurrence de cette indemnité, dans les droits et actions de l'assuré contre les tiers qui, par leur fait, ont causé le dommage ayant donné lieu à la responsabilité de l'assureur ". Il appartient à l'assureur qui demande à bénéficier de la subrogation prévue par ces dispositions législatives de justifier par tout moyen du paiement d'une indemnité à son assuré. En outre, l'assureur n'est fondé à se prévaloir de la subrogation légale dans les droits de son assuré que si l'indemnité a été versée en exécution d'un contrat d'assurance.
3. Il résulte de l'instruction que l'indemnité de 452 277,93 euros versée par la SMACL à la région Alsace l'a été en exécution du contrat d'assurance, lequel était en outre produit en première instance. Par suite, la SMACL est fondée à se prévaloir de la subrogation légale prévue par les dispositions précitées. La fin de non-recevoir opposée par la société requérante doit donc être écartée.
Sur la responsabilité contractuelle de la société Realbati :
4. Il résulte de l'instruction que la toiture terrasse existante du lycée Camille Sée se composait d'une charpente en bois, avec un isolant en polystyrène intercalé entre les chevrons, et d'une couverture en inox ou en zinc selon les zones du bâtiment. La société CEIS Etanchéité,
sous-traitante de la société Entreprise Galopin, a réalisé les travaux de réfection de l'étanchéité par la pose d'un revêtement bitumeux au moyen d'un chalumeau à gaz. Le rapport de l'expert judiciaire relève qu'en " en appliquant le revêtement d'étanchéité sur la paroi verticale de remontée (), la température de la flamme s'est accumulée et a amorcé le processus de combustion des éléments combustibles de la couverture (). Aussi comme le polystyrène est un matériau de synthèse fuyant à la flamme, cette dernière a favorisé la formation d'espaces vides entre les chevrons, vides dans lesquels la chaleur s'est accumulée en entrainant la distillation pour l'inflammation des composants du bois ". L'homme de l'art précise que c'est l'existence d'un " espace libre en sous-face du débord de toiture " qui " déterminait le risque incendie ", cet espace permettant de mettre en contact la chaleur du chalumeau et les matériaux combustibles. Ces conclusions techniques sont corroborées par l'analyse faite par l'expert mandaté par la société Realbati, qui indique que " l'écran thermique protecteur de l'isolant de qualité coupe-feu 1/2 était inexistant aux abouts en bas de pente, provoquant ainsi un point de grande vulnérabilité en cas de travaux par point chaud ". Il en résulte que l'incendie trouve sa cause déterminante dans l'exécution des travaux d'étanchéité réalisés par le sous-traitant du titulaire du marché de travaux.
5. Aux termes de l'article L. 4531-1 du code de travail : " Afin d'assurer la sécurité et de protéger la santé des personnes qui interviennent sur un chantier de bâtiment ou de génie civil, le maître d'ouvrage, le maître d'œuvre et le coordonnateur en matière de sécurité et de protection de la santé mentionné à l'article L. 4532-4 mettent en œuvre, pendant la phase de conception, d'étude et d'élaboration du projet et pendant la réalisation de l'ouvrage, les principes généraux de prévention énoncés aux 1° à 3° et 5° à 8° de l'article L. 4121-2. () ". Selon cet article L. 4121-2 : " L'employeur met en œuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants :1° Eviter les risques ; 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3° Combattre les risques à la source ; ()5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ; 6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral, tel qu'il est défini à l'article L. 1152-1 ; 8° Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ". Enfin, selon l'article L. 4532-2 du même code : " Une coordination en matière de sécurité et de santé des travailleurs est organisée pour tout chantier de bâtiment ou de génie civil où sont appelés à intervenir plusieurs travailleurs indépendants ou entreprises, entreprises sous-traitantes incluses, afin de prévenir les risques résultant de leurs interventions simultanées ou successives et de prévoir, lorsqu'elle s'impose, l'utilisation des moyens communs tels que les infrastructures, les moyens logistiques et les protections collectives ".
6. Il résulte de ces dispositions que la mission d'un coordonnateur en matière de sécurité et de protection de la sante (SPS) est de prévenir les risques résultant des interventions simultanées ou successives de différents constructeurs sur un chantier de bâtiment, afin d'assurer la sécurité et de protéger la santé des intervenants. Cette mission se traduit par des actions de prévention à mettre en œuvre pendant la phase de conception, d'étude et d'élaboration du projet ainsi que pendant la réalisation de l'ouvrage.
7. La région Alsace soutient que la société Realbati n'a pas identifié le risque incendie existant en sous-face du débord de toiture et n'a pas attiré son intention, ni celle des constructeurs, sur ce point. Toutefois, la prévention des risques résultant non pas des interventions simultanées ou successives de différents constructeurs mais de la configuration de l'ouvrage lui-même, ne relevait pas des missions du coordinateur SPS. Par suite, aucun manquement contractuel ne peut être reproché à la société Realbati dans la survenance de l'incendie en litige. Dès lors, la requérante est fondée à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Strasbourg d'une part l'a condamnée, solidairement avec la société Entreprise Galopin, à indemniser, sur le fondement de sa responsabilité contractuelle, le maître de l'ouvrage et l'assureur de ce dernier et d'autre part a mis à sa charge solidairement avec la société Entreprise Galopin 1 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Les articles 1er à 3 du jugement en litige sont en conséquence annulés en tant qu'ils condamnent la société Realbati. La demande de la région Alsace et de la SMACL tendant à la condamnation de cette société est par suite rejetée.
Sur le préjudice :
En ce qui concerne les coûts des travaux de réfection :
8. Il résulte de ce qui a été dit au point 7 que, dès lors qu'il est donné satisfaction, par le présent arrêt, à l'appel principal de la société Realbati, la société Entreprise Galopin est désormais seule responsable vis-à-vis du maître de l'ouvrage du fait de son sous-traitant. La société Entreprise Galopin, la région Grand Est et la SMACL sont par suite recevables, par la voie de l'appel provoqué, à contester l'appréciation par les premiers juges du préjudice.
9. La vétusté d'un bâtiment peut donner lieu, lorsque la responsabilité contractuelle ou décennale des entrepreneurs et architectes est recherchée à l'occasion de désordres survenus sur un bâtiment, à un abattement affectant l'indemnité allouée au titre de la réparation des désordres. Il appartient au juge administratif, saisi d'une demande en ce sens, de rechercher si, eu égard aux circonstances de l'espèce, les travaux de reprise sont de nature à apporter une plus-value à l'ouvrage, compte tenu de la nature et des caractéristiques de l'ouvrage ainsi que de l'usage qui en est fait.
10. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport de l'expert judiciaire, que le coût des travaux strictement nécessaires à la remise en état de l'ouvrage a été évalué à la somme de 485 291,10 euros. Cette somme comprend le coût des travaux de dépose et de réfection de la toiture (15 968,49 euros), pour lequel il n'y a pas lieu d'appliquer un abattement de vétusté dès lors que les travaux à l'origine de l'incendie avaient pour objet même de procéder à cette réfection. En revanche, compte tenu de l'état d'usage du bâtiment à la date du sinistre, il y a lieu d'en tenir compte sur le restant des travaux. Dans ces conditions il sera fait une juste appréciation du préjudice subi en fixant cet abattement à 20 %, à appliquer à la somme de 469 322,61 euros, et en arrêtant en conséquence le montant de l'indemnisation due à la somme de 375 458,088 euros. La société Entreprise Galopin est par suite fondée, par la voie de l'appel provoqué, à demander la diminution de ce poste de préjudice.
En ce qui concerne les frais de nettoyage et de traitement des locaux :
11. Il résulte de l'instruction et notamment des quatre factures nos F12-157 à F12-160 de la société Masterclean, produites pour la première fois en appel par la région Alsace, que le montant du préjudice résultant des frais de nettoyage et de traitement des locaux doit être évalué à la somme de 78 458,53 euros. La région Grand Est et la SMACL sont par suite fondées, par la voie de l'appel provoqué, à demander l'indemnisation de ce poste de préjudice.
12. Il résulte de tout ce qui précède que le montant total des préjudices subis du fait de l'incendie en litige doit être ramené à la somme de 453 916,618 euros (375 458, 088+78 458, 53). A cet égard, il n'y a pas lieu de réformer la condamnation prononcée par les premiers juges au bénéfice de la SMACL, subrogée dans les droits de la région dans la limite de 452 277,93 euros. En revanche, l'indemnité revenant à la région doit être ramenée à la somme de 1 638,68 euros. L'article 2 du jugement contesté doit donc être réformé dans cette mesure.
Sur les appels en garantie présentés par la société Entreprise Galopin :
13. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 7 que l'appel en garantie de la société Entreprise Galopin dirigé contre la société Realbati, qui n'est pas responsable du dommage, doit être rejeté.
14. En second lieu, si la société Entreprise Galopin soutient que le maître d'œuvre a failli dans sa mission de diagnostic de l'existant, en ne fournissant pas aux entreprises des plans permettant d'identifier clairement la configuration de la toiture, en particulier en bas de pente, il ne résulte en tout état de cause pas de l'instruction et plus particulièrement de l'origine directe de l'incendie rappelée au point 4, qu'un tel manquement, à le supposer avéré, ait pu concourir à la survenance du sinistre. L'appel en garantie du titulaire du marché contre la société SGA doit, dès lors, être rejeté.
Sur les frais liés à l'instance :
15. En premier lieu, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la région Grand Est et de la SMACL la somme de 3 000 euros à verser à la société Realbati au titre des frais de première instance et d'appel.
16. En second lieu, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions des autres parties présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E:
Article 1er : Le jugement n° 1602157 du tribunal administratif de Strasbourg du 8 novembre 2018 est annulé en tant qu'il condamne la société Realbati à verser, solidairement avec la société Entreprise Galopin, la somme de 452 277,93 euros à la SMACL et la somme de 33 013,26 euros à la région Grand Est ainsi que la somme de 1 500 euros à la SMACL et à la région Grand Est sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 2 : La demande présentée par la région Alsace et la SMACL devant le tribunal administratif de Strasbourg tendant à la condamnation de la société Realbati est rejetée.
Article 3 : La somme de 33 013,26 euros que la société Entreprise Galopin a été condamnée à verser à la région Grand Est par l'article 2 du jugement n° 1602157 du tribunal administratif de Strasbourg du 8 novembre 2018 est ramenée à la somme de 1 638,68 euros.
Article 4 : L'article 2 du jugement n° 1602157 du 8 novembre 2018 du tribunal administratif de Strasbourg est réformé en ce qu'il a de contraire à l'article 3 du présent arrêt.
Article 5 : La SMACL et la région Grand Est verseront une somme de 3 000 euros à la société Realbati sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 6 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 7 : Le présent jugement sera notifié à la société mutuelle d'assurances des collectivités locales (SMACL), à la région Grand Est, à la société Entreprise Galopin, à la société CEIS Etanchéité, à la société Serge Gaussin et associés et à la société Realbati.
Délibéré après l'audience du 7 juin 2022, à laquelle siégeaient :
- Mme Ghisu-Deparis, présidente,
- Mme Grossrieder, présidente assesseure,
- Mme Picque, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 29 juin 2022.
La rapporteure,
Signé : A.-S. PicqueLa présidente,
Signé : V. Ghisu-Deparis
La greffière,
Signé : N. Basso
La République mande et ordonne au préfet du Haut-Rhin en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N. Basso.