TA Paris, 06/02/2023, n°2101552

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 26 janvier, 29 octobre et 12 novembre 2021, la société Edeis, représentée par Me Caradeux, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) d'annuler la décision du 13 octobre 2020 par laquelle la société Setec Organisation a rejeté son mémoire en réclamation communiqué le 6 mars 2020, ainsi que la décision implicite du 21 décembre 2020 par laquelle la société Setec Organisation a refusé de lui notifier le décompte général du marché ;

2°) de fixer le montant du décompte de résiliation du marché d'assistance à maîtrise d'ouvrage conclu le 13 septembre 2017 avec la société Setec Organisation à 760 767,98 euros toutes taxes comprises ;

3°) de condamner SNCF Réseau à lui verser la somme de 187 774,53 euros toutes taxes comprises au titre du solde de ce marché, augmenté des intérêts dus de droit avec anatocisme ;

4°) de mettre à la charge de SNCF Réseau la somme de 6 000 euros sur le fondement de de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la décision de résiliation du marché aux torts de la société Edeis est irrégulière, dès lors que la mise en demeure du 18 juillet 2019 a produit des effets, que l'avenant n° 1 signé le 5 août 2019 prévoit une clause de renonciation à toute action contentieuse pour des faits antérieurs à sa date de notification, et que les difficultés qu'elle a rencontrées résultent des retards pris par la société Setec Organisation elle-même, en tant que mandataire de maîtrise d'ouvrage, dans l'attribution des marchés de travaux ;

- les dispositions de l'article 82.6 du cahier des clauses et conditions générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles (CCCG-PI) sont illicites, dès lors qu'elles méconnaissent les dispositions de l'article L. 2195-3 du code de la commande publique ;

- la décision implicite du 21 décembre 2020 refusant de notifier le décompte général est irrégulière ;

- la résiliation du marché n'est pas fondée ; elle doit, par conséquent, être indemnisée du préjudice qu'elle a subi du fait de cette résiliation pour un montant de 11 172,71 euros ;

- les pénalités appliquées par la société SNCF Réseau ne sont pas justifiées, dès lors que les pénalités portant sur des retards antérieurs au 5 août 2019 ne peuvent être réclamées, en vertu de la clause de renonciation à recours prévue par l'article 8 de l'avenant n°1 notifié le 5 août 2019, qu'elles sont infondées, et qu'elles sont disproportionnées car, s'élevant à 17,1% du montant total hors taxes du marché, elles lui font supporter la responsabilité de retards d'exécution qui ne lui sont pas imputables, et elles affecteraient sa santé financière ;

- les conclusions reconventionnelles présentées par SNCF Réseau sont infondées.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 16 juillet, 29 octobre et 18 novembre 2021, SNCF Réseau, représentée par le cabinet Adden avocats, demande au tribunal, dans le dernier état de ses écritures :

1°) de rejeter la requête ;

2°) à titre reconventionnel, de condamner la société Edeis à lui verser la somme de 525 294,43 euros au titre du préjudice qu'elle a subi du fait des manquements de la société Edeis à ses obligations contractuelles ;

3°) de mettre à la charge de la société Edeis la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable, dès lors que la société Edeis n'a pas respecté la procédure prévue à l'article 85.1 du CCCG-PI, de sorte qu'elle est forclose ;

- les moyens soulevés par la société Edeis ne sont pas fondés ;

- elle a subi un préjudice financier en raison des manquements commis par la société Edeis dans le cadre de l'exécution de son marché, évalué à la somme totale de 525 294,43 euros, à savoir la somme de 83 855,72 euros résultant du surcoût engendré par la nécessité pour SNCF Réseau de confier les prestations non assurées par la société Edeis à la société Systra dans le cadre d'un marché signé le 29 novembre 2019, et la somme de 392 147,78 euros résultant du coût des travaux supplémentaires que les sociétés Colas Rail et Bouygues Travaux publics lui ont facturé en raison des retards imputables à la société Edeis.

Par un mémoire en défense, enregistré le 1er septembre 2021, la société Setec Organisation, représentée par Me Chamard-Sablier, conclut :

1°) à sa mise hors de cause, dès lors que la requérante ne formule aucune demande de condamnation à son endroit ;

2°) à l'irrecevabilité de la requête, dès lors que la société Edeis est forclose ;

3°) au rejet de la requête ;

4°) à ce que le solde du marché litigieux soit fixé à 19 198,82 euros toutes taxes comprises ;

5°) à ce que soit mise à la charge de la société Edeis la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable, dès lors que la société Edeis n'a pas respecté la procédure prévue à l'article 85.1 du CCCG-PI, de sorte qu'elle est forclose ;

- les moyens soulevés par la société Edeis ne sont pas fondés, dès lors que la résiliation à ses torts exclusifs était fondée, et que le solde du marché doit être fixé à 19 198,82 euros toutes taxes comprises.

Un courrier a été adressé le 13 septembre 2021 aux parties en application des dispositions de l'article R. 611-11-1 du code de justice administrative, les informant de la période à laquelle il est envisagé d'appeler l'affaire à l'audience et précisant la date à partir de laquelle l'instruction pourra être close dans les conditions prévues par les derniers alinéas des articles R. 613-1 et R. 613-2 du code de justice administrative.

Par ordonnance du 4 janvier 2022, la clôture d'instruction a été fixée au même jour.

Les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que le jugement était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions présentées par la société Edeis tendant à l'annulation de la décision du 13 octobre 2020 par laquelle la société Setec Organisation a rejeté son mémoire en réclamation, et de la décision implicite du 21 décembre 2020 par laquelle la société Setec Organisation a refusé de lui notifier un décompte général, qui ont eu pour seul effet de lier le contentieux à l'égard des conclusions aux fins d'indemnisation, ainsi que sur un moyen relevé d'office, tiré de l'illicéité des stipulations de l'article 7.3.3 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) applicable au marché en litige, relatives à l'échéance et aux modalités de paiement, dès lors que les parties à un marché public, en application des dispositions de l'article 67 de la loi n° 94-679 du 8 août 1994, ne peuvent pas renoncer aux intérêts moratoires dus en raison d'un retard dans le règlement de ce marché à compter de l'expiration du délai de paiement et dont le taux est fixé à l'article 8 du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 applicable au litige.

Vu :

- les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- la loi n° 94-679 du 8 août 1994 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier ;

- le décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique ;

- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période ;

- le cahier des clauses et conditions générales applicables aux marchés de prestations intellectuelles (CCCG-PI), version n° 5 du 1er avril 1997 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme A,

- les conclusions de Mme Alidière, rapporteure publique,

- et les observations de Me Barthelemy, représentant la société Edeis, de Me Belorgey, représentant SNCF Réseau et de Me Kervella, représentant la société Setec Organisation.

Considérant ce qui suit :

1. Le 26 mai 2010, Réseau Ferré de France, maître d'ouvrage, a engagé une opération de modernisation de la ligne Serqueux-Gisors (Normandie). Par une convention de mandat de maîtrise d'ouvrage signée le 28 décembre 2010, Réseau Ferré de France, aux droits duquel vient SNCF Réseau, a retenu la société Setec Organisation en qualité de mandataire de maîtrise d'ouvrage en vue de la réalisation de cette opération. Par un marché du 13 septembre 2017, la société Setec Organisation, mandataire du maître d'ouvrage, agissant au nom et pour le compte de SNCF Réseau, a confié à la société Edeis une mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage pour l'ordonnancement, le pilotage et la coordination (OPC) de l'opération. Le 19 juillet 2019, la société Setec Organisation a mis en demeure la société Edeis de revoir l'organisation et le fonctionnement de son équipe OPC pour répondre pleinement à ses obligations contractuelles et tenir l'objectif de la mise en service, sous peine de résiliation du marché à ses torts, conformément aux dispositions de l'article 82.6 du cahier des clauses et conditions générales applicables aux marchés de travaux (CCCG - Travaux). Le marché a finalement été résilié aux torts exclusifs de la société Edeis le 5 novembre 2019. Le 20 décembre 2019, la société Edeis a notifié à la société Setec Organisation un mémoire en indemnisation pour préjudice subi du fait de cette résiliation, sur le fondement des dispositions de l'article 83.4 du cahier des clauses administratives générales - prestations intellectuelles (CCCG-PI). Par le même courrier, elle a notifié à la société Setec Organisation un décompte de résiliation fixant le solde du marché à 634 756,67 euros hors taxes. Par courrier du 6 mars 2020, reçu le 9 mars 2020, la société Edeis a transmis à la société Setec Organisation un mémoire en réclamation contestant la résiliation à ses torts, sur le fondement des dispositions de l'article 85.1 du CCCG-PI. Par courrier du 13 octobre 2020 adressé à la société Edeis, la société Setec Oganisation a rejeté ce mémoire en réclamation et notifié un décompte général du marché d'un montant de 564 302,66 euros toutes taxes comprises. Par courrier du 5 novembre 2020, la société Edeis a refusé ce décompte général et demandé que le solde du marché soit fixé à 607 996,31 euros hors taxes. Par sa requête, la société Edeis demande au tribunal de fixer le solde du décompte général à 740 767,98 euros toutes taxes comprises, et de condamner SNCF Réseau à lui verser la somme de 187 774,53 euros toutes taxes comprises au titre de ce solde, augmentée des intérêts dus de droit avec anatocisme.

Sur la demande de mise hors de cause de la société Setec Organisation :

2. La requête de la société Edeis ne comporte aucune conclusion mettant en cause la société Setec Organisation. Cette dernière est donc fondée à demander sa mise hors de cause.

Sur les conclusions à fin d'annulation :

3. Le juge du contrat n'a pas le pouvoir de prononcer l'annulation de mesures prises par l'autre partie, lesquelles ne sont pas détachables de l'exécution du marché, et il lui appartient seulement de rechercher si ces mesures sont intervenues dans des conditions de nature à ouvrir un droit à indemnité. Par suite, les conclusions à fin d'annulation de la décision par laquelle la société Setec Organisation a refusé de faire droit à la demande d'indemnisation présentée par la société Edeis, et les conclusions à fin d'annulation de la décision implicite du 21 décembre 2020 par laquelle la société Setec Organisation a refusé de lui notifier un décompte général, doivent être rejetées comme irrecevables.

Sur les fins de non-recevoir opposées en défense :

En ce qui concerne la demande d'une indemnité de résiliation :

4. Aux termes de l'article 85.1 du CCCG-PI applicable au litige : " Les différends qui pourraient naître entre les parties à l'occasion de l'exécution du marché doivent faire l'objet, de la part du prestataire, d'un mémoire de réclamation qui doit être remis à la personne responsable du marché. / La personne responsable du marché dispose d'un délai maximum de deux mois compté à partir de la réception du mémoire de réclamation pour notifier sa décision. L'absence de décision notifiée dans ce délai vaut rejet de la réclamation. / Le prestataire dispose, sous peine de forclusion, d'un délai de trois mois à compter : / • de la date de réception de la décision de la personne responsable du marché, / • ou de la date du rejet implicite de sa demande, / pour faire connaître son acceptation ou son refus des propositions qui lui sont faites ou du rejet de sa réclamation par la personne responsable du marché. / En cas de refus, il peut dans un délai de trois mois à compter de la date à laquelle il a fait connaître son refus des propositions qui lui ont été faites ou du rejet implicite de sa demande, porter le différend devant la juridiction compétente, étant précisé que le prestataire ne peut avancer devant elle que des chefs et motifs de réclamation énoncés dans le mémoire de réclamation remis à la personnes responsable du marché. Passé ce délai, il est réputé forclos. ".

5. Il résulte de l'instruction que, par courrier du 5 novembre 2019, notifié le 6 novembre 2019, la société Setec Organisation a résilié le marché en litige. Par courrier du 6 décembre 2019, la société Edeis a contesté cette résiliation à ses torts, caractérisant l'existence d'un différend au sens des dispositions précitées. Par courrier du 20 décembre 2019, remis en mains propres le même jour, la société Edeis a transmis à la société Setec Organisation un mémoire demandant son indemnisation en raison de cette résiliation. La société Setec Organisation n'ayant pas répondu à cette demande, une décision implicite de rejet est née le 20 février 2020. Par courrier du 6 mars 2020, reçu le 9 mars 2020, la société Edeis a fait connaître son rejet de cette décision implicite. En application de l'article 85.1 du CCCG-PI précité, la société Edeis devait porter le différend devant la juridiction compétente dans un délai de trois mois suivant la communication de cette décision de rejet, sous peine de forclusion. En application des dispositions de l'article 2 de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, ce délai a expiré le 24 août 2020. Il résulte de l'instruction que la présente requête a été enregistrée le 26 janvier 2021, soit au-delà du délai précité. Par suite, les conclusions présentées par la société Edeis contestant la résiliation du marché litigieux à ses torts et demandant, à ce titre, une indemnité sont irrecevables.

En ce qui concerne le décompte de résiliation :

6. Aux termes de l'article 83 du CCCG-PI : " Effets de la résiliation " : " 83.2 Mesures à adopter. / Dans un délai d'un mois à compter de la notification de la décision de résiliation, le prestataire ou son mandataire légal est tenu : / () b) de remettre à la SNCF un rapport sur les prestations effectuées et les résultats obtenus ; / () La SNCF prononce, pour la partie des prestations effectuées et des résultats obtenus, une réception avec ou sans réfaction ou bien un rejet, avec effet de la date d'effet de la résiliation. () 83.3 Règlement du marché. / L'arrêté des comptes est établi selon les modalités prévues à l'article 13, au terme du délai d'un mois évoqué au point 2 du présent article ou, en cas d'exécution par défaut, au terme du marché de substitution. " Aux termes de l'article 13 du même document " Modalités de règlement " : " 13.3 Solde du marché. / Le prestataire adresse à la personne responsable du marché la demande de paiement du solde. Cette demande donne la liste des prestations non encore réglées et récapitule le montant des sommes déjà payées. " Aux termes de l'article 7.2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) applicable au marché litigieux " Solde " : " 7.2.1. Dans un délai maximum de quarante-cinq (45) jours de la constatation de l'achèvement des prestations par le MMO [mandataire maître d'ouvrage délégué], le Titulaire adresse au MMO un projet de décompte final. Le projet de décompte final établi par le Titulaire comprend : / a) le forfait de rémunération des prestations exécutées / b) les pénalités éventuelles susceptibles d'être appliquées au Titulaire en application du présent marché / c) la rémunération en prix de base hors T.V.A. due au titre du marché pour l'exécution de l'ensemble des missions. Cette rémunération étant égale au poste a) diminué du poste b) / d) le montant de la révision des prix calculée, / e) le récapitulatif des acomptes versés aux titre des prestations exécutées / f) le solde à verser. / Ce résultat constitue le montant du décompte final. / Le Titulaire envoie au représentant de la Personne Responsable du Marché (PRM), par tous moyens donnant date certaine à son envoi (par lettre recommandée avec avis de réception postal ou lui remet contre récépissé dûment daté), son projet de décompte, accompagné d'une demande de paiement. / En cas de retard dans la présentation du projet de décompte final et après mise en demeure restée sans effet et passé le délai de quarante-cinq (45) jours mentionné ci-dessus, le décompte peut être établi d'office par le MMO. / Le MMO peut demander au Titulaire d'établir le projet de décompte final suivant un modèle ou des modalités particulières. / Ce projet de décompte final est vérifié et modifié en fonction d'éventuelles remarques du MMO. / 7.2.2 Décompte général et définitif du marché. / Le MMO établit le décompte général qui comprend:/ a) le décompte final ci-dessus / b) la récapitulation du montant des acomptes arrêtés par le maître d'ouvrage délégué / c) le montant en prix de base hors T.V.A., du solde ; ce montant étant la différence des postes a et b ci-dessus / d) l'incidence de la T.V.A. / e) l'état du solde à verser au Titulaire / f) la récapitulation des acomptes versés ainsi que du solde à verser ; cette récapitulation constitue le montant du décompte général. / Le MMO notifie au Titulaire le décompte général et l'état du solde dans les quarante-cinq (45) jours suivant la réception du décompte final. / Le Titulaire dispose de quarante-cinq (45) jours pour signer et renvoyer au maître MMO ce décompte général, sans ou avec réserves accompagné de sa facture de solde. / Si le décompte général n'est pas retourné par le Titulaire dans le délai fixé, il est réputé être/ accepté sans réserve. / Ce décompte général devient ainsi le décompte général et définitif du marché. ".

7. Il résulte de l'instruction que la société Setec Organisation a notifié à la société Edeis la résiliation du marché en litige le 6 novembre 2019. Par courrier du 6 décembre 2019, la société Edeis a transmis à la société Setec Organisation le rapport des prestations effectuées le 6 novembre 2019, et par courrier du 20 décembre 2020, remis en mains propres le même jour, la société Edeis a transmis à la société Setec Organisation un décompte de résiliation (facture n° 164002-00-0010 établie le 18 décembre 2019). La société Setec Organisation n'a pas notifié à la société Edeis le décompte général dans le délai de quarante-cinq jours prévu par l'article 7.2 du CCAP applicable au marché litigieux cité ci-dessus. Toutefois, aucune stipulation des CCAP et CCCG-PI précités ne prévoit que le silence gardé par le maître de l'ouvrage, sur le projet de décompte final transmis par le titulaire, vaudrait acceptation tacite ou rejet tacite de ce projet de décompte. Il résulte toutefois de l'instruction que la société Setec Organisation a notifié à la société Edeis un décompte de résiliation par courrier du 13 octobre 2020, arrêtant la position définitive du maître d'ouvrage et faisant naître à cette date un différend au sens de l'article 85.1 du CCCG-PI cité ci-dessus. Par courrier du 5 novembre 2020, la société Edeis a fait connaître son refus du décompte général notifié par la société Setec Organisation. Une décision implicite de rejet de son refus est née le 5 janvier 2021. La présente requête a été enregistrée le 26 janvier 2021, soit dans le délai de trois mois prévu par l'article 85.1 du CCCG-PI cité ci-dessus. Par suite, les conclusions présentées par la société Edeis visant à l'établissement du solde général du marché sont recevables, et la fin de non-recevoir présentée en défense doit être écartée.

Sur les demandes de la société Edeis :

En ce qui concerne l'indemnité de résiliation :

8. La société requérante fait valoir que, la résiliation du marché litigieux ayant été prononcée du seul fait de la SNCF, elle est fondée à obtenir une indemnisation sur le fondement de l'article 82.1 du CCCG-PI. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 5, les conclusions de la société Edeis visant à l'indemniser de la résiliation du marché litigieux sont irrecevables. Par suite, sa demande à ce titre doit être rejetée.

En ce qui concerne les pénalités :

9. Les pénalités de retard prévues par les clauses d'un marché public ont pour objet de réparer forfaitairement le préjudice qu'est susceptible de causer au pouvoir adjudicateur le non-respect, par le titulaire du marché, des délais d'exécution contractuellement prévus. Elles sont applicables au seul motif qu'un retard dans l'exécution du marché est constaté, et alors même que le pouvoir adjudicateur n'aurait subi aucun préjudice ou que le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché qui résulte de leur application serait supérieur au préjudice subi.

10. Aux termes de l'article 12 du CCAP applicable au marché : " Pénalités " : " 12.1. PENALITES POUR NON-RESPECT DES DELAIS PARTIELS FIXES A L'ARTICLE 5 DE l'ACTE d'engagement / En cas de non-respect des délais d'exécution des éléments de sa mission fixés à l'article 5 de l'Acte d'Engagement, le Titulaire se verra appliquer des pénalités de retard par jour calendaire de retard, et ce dès le premier jour de retard et sans mise en demeure préalable formulée par le MMO. / Par dérogation à l'article 22.1 du CCCG-PI, le montant des pénalités journalières est fixé à 300,00 euros HT pour chacun des délais partiels fixés à l'article 5 de l'acte d'engagement. / 12.2. PENALITES POUR NON REPRESENTATION DU TITULAIRE A UNE REUNION / En cas d'absence à une réunion pilotée par le MOA/MMO ou le MOEG propre au suivi opérationnel et plus particulièrement temporel ainsi qu'aux réunions pour lesquelles il aura reçu une convocation spécifique, il sera appliqué une pénalité de cinq cents (500,00) euros/ HT par réunion. / A défaut de précision dans la convocation, la personne physique qui doit représenter le Titulaire à chaque réunion est le Responsable OPC nommé à l'acte d'engagement. / 12.3. PENALITES POUR DEPART NON JUSTIFIE DU RESPONSABLE OPC / En cas de départ de la personne désignée comme " Responsable OPC " dans l'acte d'engagement, non justifié par un cas de force majeure, le Titulaire sera passible d'une pénalité forfaitaire de trois mille (3 000,00) euros HT, complétée par une pénalité de trois cents (300,00) euros HT par jour ouvré d'indisponibilité, indépendamment de l'obligation faite au Titulaire de remédier au remplacement du partant conformément aux dispositions de l'article 48 " Stipulations relatives au personnel " du CCCG-PI. / 12.4. CONDITIONS D'APPLICATION DES PENALITES / Les pénalités reprises aux articles 12.1 à 12.3 ci-dessus sont applicables sur simple constatation des faits, dès le premier jour de retard et sans mise en demeure préalable. Elles sont cumulables. / () Par dérogation à l'article 82.61 du CCCG-PI, au-delà de 30 jours de retard pour un des délais distincts ou pour le délai global d'exécution du marché, la résiliation du marché peut être prononcée par le maître d'ouvrage délégué sans mise en demeure préalable, les pénalités pour retard lui restant acquises jusqu'au jour inclus de la notification de la résiliation par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. () ".

S'agissant de la portée de la clause de renonciation à recours :

11. L'article premier de l'avenant n° 1 au marché de mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage pour l'ordonnancement, le pilotage et la coordination de l'opération de modernisation de la ligne Serqueux-Gisors signé par le maître d'ouvrage le 5 août 2019 stipule : " Le présent avenant a pour objet : / - d'intégrer certaines modifications administratives ; / - de modifier le périmètre de la tranche optionnelle ". L'article 8 du même avenant " Clause de renonciation à recours " prévoit : " Par la notification du présent avenant au marché, les parties renoncent à toute réclamation ultérieure et à toute action contentieuse, de quelque nature que ce soit, pour tout fait antérieur à la date de notification du présent avenant et tout objet et faits générateurs du présent avenant. ".

12. D'une part, il résulte de l'instruction que, par mise en demeure du 18 juillet 2019, notifiée le 19 juillet 2019, la société Setec Organisation avait informé la société Edeis des pénalités applicables au 18 juillet 2019, pour un montant de 66 200 euros. Si, en apposant leur signature sur cet avenant, le 5 août 2019, les parties au marché ont renoncé à toute réclamation ultérieure et à toute action contentieuse pour tout fait antérieur à la date de notification de l'avenant, SNCF Réseau n'a pas renoncé à solliciter le paiement des pénalités réclamées antérieurement à la notification de cet avenant. D'autre part, la clause de renonciation à recours de cet avenant se limite, en l'absence de stipulation expresse qui en élargirait le champ, à l'objet de l'avenant tel que défini à l'article 1er. Il résulte de l'instruction que les pénalités mises à la charge de la société requérante pour la période postérieure au 5 août 2019, pour un montant de 72 300 euros, liées à une absence de remise de rapport ou études dans les délais impartis, ne sont pas liées à l'objet de l'avenant n° 1. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que la clause de renonciation à recours de l'avenant n° 1 fait obstacle à ce que des pénalités d'un montant de 138 500 euros lui soient infligées.

S'agissant du bien-fondé des pénalités :

13. Si la société Edeis soutient que les pénalités appliquées ne sont pas justifiées, dès lors que les retards constatés ne lui sont pas imputables, elle ne l'établit pas par la production d'un courrier du 4 mai 2018, alors que, au demeurant, elle se borne à contester le bien-fondé de ces pénalités en termes généraux. Par suite, la société requérante n'est pas fondée à soutenir que les pénalités qui lui sont infligées sont infondées.

S'agissant de la modération des pénalités :

14. Aux termes de l'article 12 du CCAP applicable au marché : " Pénalités " : " 12.4. CONDITIONS D'APPLICATION DES PENALITES / () Par dérogation à l'article 22.5 du CCCG-PI, le montant total des pénalités y compris les pénalités liées à l'évolution du forfait de rémunération ne peut dépasser 20 % du montant total des honoraires du Titulaire. ".

15. Si, lorsqu'il est saisi d'un litige entre les parties à un marché public, le juge du contrat doit, en principe, appliquer les clauses relatives aux pénalités dont sont convenues les parties en signant le contrat, il peut, à titre exceptionnel, saisi de conclusions en ce sens par une partie, modérer ou augmenter les pénalités de retard résultant du contrat si elles atteignent un montant manifestement excessif ou dérisoire, eu égard au montant du marché et compte tenu de l'ampleur du retard constaté dans l'exécution des prestations.

16. Lorsque le titulaire du marché saisit le juge de conclusions tendant à ce qu'il modère les pénalités mises à sa charge, il ne saurait utilement soutenir que le pouvoir adjudicateur n'a subi aucun préjudice ou que le préjudice qu'il a subi est inférieur au montant des pénalités mises à sa charge. Il lui appartient de fournir aux juges tous éléments, relatifs notamment aux pratiques observées pour des marchés comparables ou aux caractéristiques particulières du marché en litige, de nature à établir dans quelle mesure ces pénalités présentent selon lui un caractère manifestement excessif. Au vu de l'argumentation des parties, il incombe au juge soit de rejeter les conclusions dont il est saisi en faisant application des clauses du contrat relatives aux pénalités, soit de rectifier le montant des pénalités mises à la charge du titulaire du marché dans la seule mesure qu'impose la correction de leur caractère manifestement excessif.

17. La société Edeis fait valoir que les pénalités qui lui sont appliquées par SNCF Réseau sont disproportionnées. Toutefois, il résulte de l'instruction que les pénalités, de 138 500 euros, soit 17,1% du montant initial du marché, n'atteignent pas un montant manifestement excessif. En outre, aux termes de l'article 12.4 du CCAP applicable au marché cité ci-dessus, le montant total des pénalités y compris les pénalités liées à l'évolution du forfait de rémunération ne peut dépasser 20 % du montant total des honoraires du titulaire. Par suite, la société requérante, qui ne fait état d'aucune circonstance particulière ou élément de comparaison avec des marchés comparables susceptibles de caractériser le caractère excessif des pénalités en cause, et qui ne peut, au demeurant, utilement se prévaloir des dispositions du CCAG-PI 2021 applicables aux marchés passés à compter du 1er avril 2021, n'est pas fondée à soutenir que les pénalités de retard qui lui sont appliquées par SNCF Réseau seraient disproportionnées.

Sur les conclusions reconventionnelles de la société SNCF Réseau :

En ce qui concerne la conclusion d'un nouveau marché avec Systra :

18. Aux termes de l'article 84 du CCCG-PI " Exécution par défaut " : " 84.1 En cas de résiliation du marché prononcée aux torts du prestataire en vertu du point 6 de l'article 82, ou en cas d'arrêt partiel de certaines prestations décidé en vertu du point 2 de l'article 54, la SNCF peut, dans un délai de six mois à compter de la décision, passer, aux frais du prestataire, des marchés pour l'exécution de tout ou partie des prestations nécessaires à la complète exécution du marché résilié. () 84.3. Conséquences financières. () / L'augmentation de dépenses, par rapport aux prix du marché, qui résulterait de l'exécution par défaut est à la charge du prestataire ".

19. La société SNCF Réseau fait valoir qu'en raison de la résiliation du marché litigieux aux torts de la société Edeis, elle a été contrainte de signer un marché de remplacement avec l'entreprise Systra, pour un montant total de 475 997,50 euros hors taxes, et demande l'indemnisation du préjudice qu'elle a subi du fait du coût supplémentaire de la mission OPC par rapport au coût prévu dans le marché initial, soit la somme de 83 849,72 euros. Toutefois, il résulte de l'instruction, en particulier des termes de la lettre de résiliation du 5 novembre 2019, que SNCF Réseau n'a pas entendu se placer dans le cadre d'une exécution par défaut. La résiliation prononcée le 5 novembre 2019 par SNCF Réseau doit ainsi être regardée comme une résiliation pure et simple au regard des stipulations de l'article 83 du CCCG-PI, et non pas comme la décision de prononcer une résiliation avec exécution par défaut. Par suite, la demande présentée par SNCF Réseau tendant au paiement d'une somme de 83 855,72 euros hors taxes correspondant au surcoût acquitté du fait de la conclusions d'un nouveau marché avec la société Systra doit être rejetée.

En ce qui concerne les rémunérations complémentaires versées à des entreprises de travaux :

20. La société SNCF Réseau fait valoir que les défaillances de la société Edeis dans l'exécution du marché litigieux ont entraîné des retards ayant perturbé l'ordonnancement et la réalisation des travaux, qui ont eu pour résultats des demandes de rémunération supplémentaire de la part des groupements Colas Rail et Bouygues Travaux publics pour allongement du chantier. Elle demande que la société Edeis soit condamnée à lui verser 25 % des coûts de l'allongement du chantier détaillés dans les avenants qu'elle a signés avec ces groupements, soit 188 881,58 euros hors taxes pour Colas Rail et 165 008,06 euros hors taxes pour Bouygues Travaux publics. Toutefois, en se bornant à produire les avenants signés, et le mémoire en demande de rémunération complémentaire présenté par le groupement Bouygues Travaux publics, qui font état de retards sur le chantier, liés, pour Colas Rail, à la survenance d'un aléa géotechnique, et pour Bouygues Travaux publics, au démarrage tardif des travaux lié à des problématiques d'études d'exécution ainsi qu'à des contraintes extérieures (foncier, environnement, concessionnaires) ainsi qu'à la période d'arrêt de chantier liée au Covid-19, la société SNCF Réseau n'établit pas la responsabilité de la société Edeis dans les retards subis par le chantier, objet du marché litigieux. Par suite, ses demandes à ce titre doivent être rejetées.

21. Il résulte de ce qui a été dit aux points 18 à 20 que les conclusions reconventionnelles présentées par SNCF Réseau doivent être rejetées.

Sur le solde du marché :

22. L'ensemble des opérations auxquelles donne lieu l'exécution d'un marché de travaux publics est compris dans un compte dont aucun élément ne peut être isolé et dont seul le solde arrêté lors de l'établissement du décompte définitif détermine les droits et obligations définitifs des parties. Il appartient au juge du contrat, en l'absence de décompte général devenu définitif, comme en l'espèce, de statuer sur les réclamations pécuniaires présentées par chacune des deux parties et de déterminer ainsi le solde de leurs obligations contractuelles respectives.

23. Il résulte de tout ce qui précède que le montant du décompte général doit être maintenu à 608 752,22 euros hors taxes. Le solde du marché en faveur de la société Edeis s'établit dès lors à 154 499,02 euros hors taxes, soit 185 398,82 euros toutes taxes comprises, auquel il convient de retrancher 138 500 euros au titre des pénalités, soit un solde final en faveur de la société Edeis de 46 898,82 euros toutes taxes comprises. Il y a lieu, par suite, de condamner SNCF Réseau à régler cette somme à la société Edeis en règlement du marché en litige, sous réserve des sommes éventuellement versées par SNCF Réseau.

Sur les intérêts et leur capitalisation :

24. En premier lieu, aux termes de l'article 13.11 du CCCG-PI : " Le paiement est effectué 60 jours à compter de la date d'émission de la facture, selon le mode - virement ou virement commercial - stipulé au marché, sous réserve de la vérification des mentions de la facture et de l'exécution conforme des prestations contractuelles () / Si les sommes dues au fournisseur au titre du marché ne sont pas réglées dans le délai contractuel de paiement, le fournisseur a droit, à des intérêts de retard, à hauteur de trois fois le taux de l'intérêt légal. Ces intérêts sont calculés à compter du jour suivant l'expiration du délai contractuel de paiement. ". Aux termes de l'article 7.3.3 du CCAP du marché en litige : " Chaque paiement sera réalisé par virement dans les soixante (60) jours qui suivent la date d'émission de la facture correspondante. () Le défaut de paiement dans le délai prévu au premier alinéa fait courir de plein droit et sans autre formalité, au bénéfice du titulaire ou du sous-traitant bénéficiant du paiement direct, des intérêts moratoires à compter du jour suivant l'expiration dudit délai jusqu'à la date de mise en paiement. Les intérêts moratoires appliqués aux acomptes ou au solde sont calculés sur le montant total de l'acompte ou du solde toutes taxes comprises, diminué de la retenue de garantie, et après application des clauses de pénalités. Le taux des intérêts moratoires est égal à 3 fois le taux d'intérêt légal en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir. Ces intérêts sont calculés à compter du jour suivant l'expiration du délai contractuel de paiement jusqu'au jour du paiement effectif ". Aux termes de l'article 13.3 du CCCG-PI : " Le prestataire adresse à la personne responsable du marché la demande de paiement du solde. Cette demande donne la liste des prestations non encore réglées et récapitule le montant des sommes déjà payées. ". Aux termes de l'article 7.2.2 du CCAP du marché en litige : " Le MMO notifie au titulaire le décompte général et l'état du solde dans les quarante-cinq (45) jours suivant la réception du décompte final. / Le titulaire dispose d'un délai de quarante-cinq (45) jours pour signer et renvoyer au maître MMO ce décompte général, sans ou avec réserves accompagné de sa facture de solde. / Si le décompte général n'est pas retourné par le titulaire dans le délai fixé, il est réputé être accepté sans réserve ".

25. Le défaut de mandatement du solde d'un marché dans les délais qu'il prévoit fait courir de plein droit et sans autre formalité, au bénéfice du titulaire ou du sous-traitant, des intérêts moratoires. La circonstance que le solde du marché ne puisse être établi par les parties elles-mêmes est sans incidence sur le point de départ de ces intérêts qui doit être fixé à la date à laquelle ce solde aurait dû être établi.

26. Il résulte de l'instruction que la société Setec Organisation a reçu, le 20 décembre 2019, le décompte final par lequel la société Edeis a revendiqué le paiement du solde qu'elle estimait lui être dû. En application de l'article 7.2.2 du CCAP du marché, la société Setec Organisation devait, dans un délai de quarante-cinq jours, soit au plus tard le 4 février 2020, notifier le décompte général. Dans ces conditions, la société requérante a droit aux intérêts moratoires sur la somme de 46 898,82 euros à compter du 4 avril 2020.

27. En deuxième lieu, aux termes de l'article 67 de la loi n° 94-679 du 8 août 1994 portant diverses dispositions d'ordre économique et financier, applicable au contrat en litige : " Dans le cadre des marchés publics, y compris les travaux sur mémoires et achats sur factures, est réputée non écrite toute renonciation au paiement des intérêts moratoires exigibles en raison du défaut, dans les délais prévus, soit du mandatement des sommes dues, soit de l'autorisation d'émettre une lettre de change-relevé, soit du paiement de celle-ci à son échéance / La présente disposition est applicable à toute clause de renonciation conclue à compter de l'entrée en vigueur de la présente loi. " Aux termes de l'article 8 du décret n° 2013-269 du 29 mars 2013 relatif à la lutte contre les retards de paiement dans les contrats de la commande publique, applicable au contrat en litige : " I. ' Le taux des intérêts moratoires est égal au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points de pourcentage. () " Aux termes de l'article 7.3.3 précité du CCAP du marché en litige : " () Le taux des intérêts moratoires est égal à 3 fois le taux d'intérêt légal en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir. () ".

28. Il résulte de ces dispositions que les parties ne peuvent déroger contractuellement aux dispositions, citées au point 27, de l'article 8 du décret du 20 mars 2013, qui sont d'ordre public et qui étaient applicables au contrat en litige. Il y a donc lieu de retenir, pour le calcul des intérêts moratoires demandés, le taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à ses opérations principales de refinancement les plus récentes, en vigueur au premier jour du semestre de l'année civile au cours duquel les intérêts moratoires ont commencé à courir, majoré de huit points de pourcentage.

29. En troisième lieu, aux termes de l'article 1343-2 du code civil : " Les intérêts échus, dus au moins pour une année entière, produisent intérêt si le contrat l'a prévu ou si une décision de justice le précise. ". La capitalisation des intérêts peut être demandée à tout moment devant le juge, même si, à cette date, les intérêts sont dus depuis moins d'une année. En ce cas, cette demande ne prend toutefois effet qu'à la date à laquelle, pour la première fois, les intérêts sont dus pour une année entière. La capitalisation des intérêts a été demandée le 26 janvier 2021, date d'enregistrement de la requête de la société Edeis au greffe du tribunal. Il y a lieu de faire droit à cette demande à compter du 4 avril 2021, date à laquelle était due, pour la première fois, une année d'intérêts, ainsi qu'à chaque échéance annuelle à compter de cette date.

Sur les frais liés au litige :

30. Les dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit mis à la charge de la société Edeis qui n'est pas la partie perdante, le versement des sommes que SNCF Réseau et la société Setec Organisation réclament au titre des frais d'instance.

31. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de SNCF Réseau une somme de 1 500 euros à verser à la société Edeis sur ce même fondement.

D E C I D E :

Article 1er : La société Setec Organisation est mise hors de cause dans la présente instance.

Article 2 : La société SNCF Réseau est condamnée à verser à la société Edeis la somme de 46 898,82 euros toutes taxes comprises avec intérêts moratoires au taux prévu par l'article 8 du décret du 20 mars 2013 à compter du 4 avril 2020. Les intérêts échus à la date du 4 avril 2021, puis à chaque échéance annuelle à compter de cette date, seront capitalisés à chacune de ces dates pour produire eux-mêmes intérêts.

Article 3 : La société SNCF Réseau versera à la société Edeis la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête, les conclusions de la société SNCF Réseau, et les conclusions de la société Setec Organisation présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetés.

Article 5 : Le présent jugement sera notifié à la société Edeis, à SNCF Réseau et à la société Setec Organisation.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2023, à laquelle siégeaient :

Mme Le Roux, présidente,

Mme Madé, première conseillère,

Mme Berland, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2023.

La rapporteure,

F. A

La présidente,

M.-O. LE ROUX La greffière,

I. SZYMANSKI

La République mande et ordonne au ministre de la transition écologique et de la cohésion des territoires en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.

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