TA Paris, 05/10/2022, n°2007327
Vu la procédure suivante :
Par une requête enregistrée le 20 mai 2020, la société Igo, représentée par Me Kluczynski, demande au tribunal :
1°) de condamner la Ville de Paris au paiement d'une somme de 70 000 euros HT, soit 89 000 euros TTC, sur le fondement du droit au paiement direct, assortie des intérêts et de leur capitalisation ;
2°) de mettre à la charge de la Ville de Paris la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- elle est fondée à réclamer, en tant que sous-traitant de la SARL Aerodata France, le paiement de la somme due au titre du droit au paiement direct, conformément à l'article 8 de la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 et à l'article 136 du décret n° 2016-360 ; la Ville de Paris a accepté le principe et les conditions financières de cette sous-traitance ; elle a présenté en temps utile sa demande de paiement direct à la Ville de Paris, après l'avoir adressée au titulaire du marché ;
- elle a livré le 29 novembre 2019 les prestations de l'unité d'œuvre 08 (UO8) commandées et corrigées conformément au rapport de contrôle de la Ville de Paris du 8 novembre 2019 et à sa mise en demeure du 14 novembre 2019 ; la Ville de Paris n'a pas réceptionné cette livraison ;
- la SARL Aerodata France, titulaire du marché public principal, a admis la parfaite exécution des prestations qui lui ont été confiées ;
- la résiliation du marché n'est pas lié à la réalisation de sa prestation.
Par un mémoire en défense enregistré le 8 octobre 2021, la Ville de Paris, représentée par Me Falala, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de la société Igo au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la société Igo n'est pas fondée à demander le paiement direct de ses prestations, dès lors qu'elle n'apporte pas la preuve que la SARL Aerodata France, titulaire du marché, a reçu sa demande de paiement direct et à quelle date ;
- elle n'a pas exécuté ses prestations conformément aux stipulations contractuelles, comme en témoignent les mises en demeure du 31 juillet et du 14 novembre 2019 et le rejet des livraisons les 28 août et 8 novembre 2019 ; la société Igo l'a même expressément reconnu dans le bordereau de livraison qui accompagne sa dernière livraison du 29 novembre 2019 ; c'est seulement trois semaines après l'expiration de la mise en demeure que cette société l'a informé, par l'intermédiaire de la SARL Aerodata France, qu'elle tenait à sa disposition une nouvelle version des prestations corrigées ;
- faute pour l'acte agréant la sous-traitance de l'UO8 à la société requérante de renvoyer au CCAP, cette dernière ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance des stipulations du CCAP régissant uniquement les rapports entre les parties au contrat ;
- la Ville de Paris a, en tout état de cause, respecté la procédure prévue au CCAP et a, à l'issue d'un contrôle intermédiaire et d'un contrôle final, rejeté la livraison de la société requérante ;
- la décision de résiliation fait l'objet d'un litige distinct ; en tout état de cause, cette décision vise les mises en demeure émises le 31 juillet 2018 et le 14 novembre 2019, qui portaient sur l'UO8.
Par un mémoire enregistré le 12 novembre 2021, la société Igo, représentée par Me Kluczynski, conclut aux mêmes fins que dans ses dernières écritures, limitant toutefois ses conclusions indemnitaires à la somme de 84 000 euros TTC augmentée des intérêts et de leur capitalisation, par les mêmes moyens.
Elle soutient, en outre, que :
- la SARL Aerodata France a reçu le 30 décembre 2019 au plus tard sa demande de paiement direct ;
- la livraison du 29 novembre 2019 est conforme aux stipulations contractuelles ; la première livraison était attendue pour le 2 septembre 2019 et non pour juin 2019, comme le prétend à tort la Ville de Paris ; cette livraison a tenu compte de deux des trois points d'amélioration mentionnés par la Ville de Paris, à savoir les tuiles OBJ manquantes pour certains arrondissements et la géométrie et les textures de 13 bâtiments spécifiques ; le troisième point a également été pris en compte ; si elle a indiqué, lors de la livraison du 29 novembre 2019, que quelques artéfacts demeuraient sur trois petites zones des 10ème, 16ème et 17ème arrondissements en cas de visualisation du photomaillage à très haute altitude, ce problème n'a pas d'incidence sur la conformité de l'UO8 livrée au regard des stipulations contractuelles ; elle relève à cet égard que : + ce problème, matérialisé par quelques légers scintillements sur quelques m2 lorsqu'on visionne le fichier à très haute altitude, vient de la version du logiciel utilisé par la Ville de Paris, qui est postérieure à la version qui a été utilisée pour établir le photomaillage ; la version du logiciel utilisée par la Ville de Paris n'existait pas à la date de la commande ; + le photomaillage 3D fonctionne parfaitement dans les autres logiciels avec la norme standard OBJ ; + la livraison du 29 novembre 2019 respecte les conditions de validation définies à l'article 5.3.5.4 du CCTP indiquant que le taux d'erreur ne doit pas excéder 5 % ; + ces stipulations prévoient, en outre, une tolérance pour les artéfacts ;
- la décision de résiliation du marché est fondée sur les défaillances des entreprises chargées des UO2, UO3 et UO4, et non sur l'UO8, qui lui a été sous-traitée ;
- l'UO8 a été commandée par la Ville de Paris pour remédier à la défaillance d'une autre société dans le cadre de la prestation UO2 ;
- les prestations UO2, UO3, UO4 et UO8 ne sont pas dépendantes ; l'UO8 a été commandée seulement en mars 2019 en raison de l'incomplétude de l'UO2, qui ne présentait pas la qualité exigée ; l'UO8 ne dépendait que de la réalisation de l'UO1-2 ;
- la Ville de Paris ne prouve pas la défaillance de la société Igo ;
- elle n'a pas procédé au contrôle des prestations sous-traitées, en méconnaissance de l'article 4.2.2 du CCAP qui sont utilement invocables, et ainsi commis une faute ;
- les prestations ont été livrées avant la résiliation du marché ;
- le silence de la Ville de Paris vaut acceptation des prestations ;
- l'entrepreneur principal reste responsable de la bonne exécution des prestations ; la Ville de Paris n'avait qu'un pouvoir de contrôle de la consistance des prestations, et non de leur qualité ;
- la Ville de Paris était tenue de procéder au paiement, dès lors que le livrable du 29 novembre 2019 correspondait aux exigences du marché.
Par un mémoire enregistré le 15 décembre 2021, la société Igo, représentée par Me Kluczynski, conclut aux mêmes fins que dans ses dernières écritures, par les mêmes moyens.
Elle soutient, en outre, que la prestation UO8 est distincte de la prestation UO2, mais que la première était destinée à remplacer la seconde.
Par un mémoire en défense enregistré le 16 décembre 2021, la Ville de Paris, représentée par Me Falala, conclut aux mêmes fins que dans ses précédentes écritures, par les mêmes moyens.
Elle soutient, en outre, que :
- la SARL Aerodata France s'était engagée à transmettre l'UO8 d'ici la fin du mois de juin 2019 ;
- l'UO2 et l'UO8 visaient la réalisation de produits distincts ;
- elle n'était pas tenue d'émettre un nouveau procès-verbal de rejet à la suite de la livraison du 29 novembre 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;
- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 ;
- l'arrêté du 16 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de techniques de l'information et de la communication (CCAG-TIC) et ce CCAG ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Grandillon, premier conseiller,
- les conclusions de Mme de Schotten, rapporteure publique,
- les observations de Me Kluczynski, avocat de la société Igo,
- et les observations de Me Gorse, avocat de la Ville de Paris.
Une note en délibéré, enregistrée le 27 septembre 2022, a été produite pour la société Igo.
Considérant ce qui suit :
1. La Ville de Paris a, par un acte d'engagement du 13 octobre 2017 signé le 1er mars 2018 avec la société à responsabilité limitée (SARL) Aerodata France, premier co-traitant et mandataire du groupement conjoint formé avec la société par actions simplifiée (SAS) Luxcarta Technology et la société Géosat, respectivement deuxième et troisième co-traitants, conclu un accord-cadre à bons de commande pour l'acquisition d'une maquette 3D complète de l'ensemble des bâtiments et " ouvrages d'art structurants parisiens ", et acquisitions 3D complémentaires d'une durée de quatre ans ferme. Le CCTP, qui liste les différentes unités d'œuvre (UO) du contrat, prévoyait notamment, à son article 5.3.5, la livraison d'une UO8 concernant une orthophoto 3D, dite photomaillage, qui a fait l'objet d'un bon de commande émis le 8 mars 2019 à la SARL Aerodata France. Cette dernière en a sous-traité la réalisation à la société Igo par déclaration de sous-traitance réceptionnée par la Ville de Paris le 18 juin 2019 et acceptée le 22 août suivant. La Ville de Paris a, par un courrier du 31 juillet 2019, mis en demeure la SARL Aerodata France de livrer l'UO8 d'ici le 19 août 2019, ce qui a été fait. Toutefois, les prestations livrées ont été rejetées le 28 août 2019. Une nouvelle livraison de cette unité d'œuvre est intervenue le 9 septembre suivant, laquelle a toutefois de nouveau été rejetée par un courrier du 8 novembre 2019. La Ville de Paris a, par un courrier du 14 novembre 2019, de nouveau mis en demeure la société Aerodata de lui livrer l'ensemble des prestations à livrer prévues au contrat, dont l'UO8. Cette nouvelle livraison est intervenue le 29 novembre 2019. Le 17 décembre 2019, la Ville de Paris a décidé de résilier le marché pour faute au motif que les éléments livrés à cette date n'incluaient pas les bâtiments 3D et les ouvrages d'art. Par la présente requête, la société Igo, sous-traitante de la SARL Aerodata France, demande au tribunal de condamner la Ville de Paris au paiement de la somme de 70 000 euros HT, soit 84 000 euros TTC en raison de la livraison de l'UO8 sur le fondement du droit au paiement direct.
Sur les conclusions indemnitaires :
En ce qui concerne le respect de la procédure de paiement direct :
2. Aux termes de l'article 6 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance dans sa version applicable au présent litige : " Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution. / () ". En vertu de l'article 8 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance dans sa version applicable au présent litige : " L'entrepreneur principal dispose d'un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d'acceptation. / Passé ce délai, l'entrepreneur principal est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu'il n'a pas expressément acceptées ou refusées. / Les notifications prévues à l'alinéa 1er sont adressées par lettre recommandée avec accusé de réception ". Selon l'article 136 du décret du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics : " I. - Le sous-traitant admis au paiement direct adresse sa demande de paiement au titulaire du marché public, sous pli recommandé avec accusé de réception, ou la dépose auprès du titulaire contre récépissé. / Le titulaire dispose d'un délai de quinze jours à compter de la signature de l'accusé de réception ou du récépissé pour donner son accord ou notifier un refus, d'une part, au sous-traitant et, d'autre part, à l'acheteur ou à la personne désignée par lui dans le marché public. / Le sous-traitant adresse également sa demande de paiement à l'acheteur ou à la personne désignée dans le marché public par l'acheteur, accompagnée des copies des factures adressées au titulaire et de l'accusé de réception ou du récépissé attestant que le titulaire a bien reçu la demande ou de l'avis postal attestant que le pli a été refusé ou n'a pas été réclamé. / () ".
3. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, pour obtenir le paiement direct par le maître d'ouvrage de tout ou partie des prestations qu'il a exécutées dans le cadre de son contrat de sous-traitance, le sous-traitant régulièrement agréé doit adresser sa demande de paiement direct à l'entrepreneur principal, titulaire du marché. Il appartient ensuite au titulaire du marché de donner son accord à la demande de paiement direct ou de signifier son refus dans un délai de quinze jours à compter de la réception de cette demande. Le titulaire du marché est réputé avoir accepté cette demande s'il garde le silence pendant plus de quinze jours à compter de sa réception. A l'issue de cette procédure, le maître d'ouvrage procède au paiement direct du sous-traitant régulièrement agréé si le titulaire du marché a donné son accord ou s'il est réputé avoir accepté la demande de paiement direct. Cette procédure a pour objet de permettre au titulaire du marché d'exercer un contrôle sur les pièces transmises par le sous-traitant et de s'opposer, le cas échéant, au paiement direct. Sa méconnaissance par le sous-traitant fait ainsi obstacle à ce qu'il puisse se prévaloir, auprès du maître d'ouvrage, d'un droit à ce paiement.
4. Il résulte de l'instruction que la société Igo a, par un courrier daté du 11 décembre 2019 et envoyé le lendemain par lettre recommandé avec demande d'avis de réception postal, adressé au titulaire du marché une demande de paiement de ses factures valant demande de paiement direct. Si le titulaire du marché en a accusé réception en signant le bordereau de réception du pli, ce document ne mentionne pas, en raison d'une erreur des services de la poste, la date à laquelle il a été réceptionné. Toutefois, une telle erreur n'est pas imputable à la société requérante qui a respecté la procédure mentionnée aux deux points qui précèdent et mis à même le titulaire de se prononcer sur l'accomplissement des prestations effectuées, lequel n'a formulé aucune observation. Par suite, et contrairement à ce que soutient la Ville de Paris, la société Igo est fondée à se prévaloir de la voie du paiement direct par la maître d'ouvrage du travail effectué.
En ce qui concerne le paiement direct de l'unité d'œuvre 08 :
5. Aux termes de l'article 5.3.5 du CCTP relatif à l'UO8 : " Sur la base des données du socle de la maquette 3D, cette Unité d'œuvre vise à acquérir une orthophoto 3D sur l'ensemble du périmètre de la maquette 3D. / () / L'orthophoto 3D est modélisée avec différents niveaux de détails ou de pyramide. Ces niveaux de détails doivent permettre de visualiser l'orthophoto 3D à différentes échelles, les données affichées devenant de plus en plus détaillées à mesure que l'échelle d'affichage augmente. / Les artéfacts liés à la technologie de restitution automatique ne font pas l'objet de corrections. Il s'agit notamment : * des objets " flottants en l'air " et isolés (artefact de grue par exemple), / * des objets mal modélisés en raison de leur matériau (par exemple les bâtiments avec habillage en verre), / des objets dont la structure est trop fine pour être correctement modélisée (par exemple les portiques routiers ou des détails architecturaux), / * les artéfacts liés à des objets en mouvement (géométrie et texture) / () ". En vertu de l'article 5.3.5.1 du même cahier : " Le maillage de l'orthophoto doit être décomposé en dalles () dans les différents formats : / * I3S ESRI () ". Selon l'article 5.3.5.4 de ce cahier : " L'administration se réserve le droit de réaliser ou de faire réaliser tout autre contrôle qu'elle juge nécessaire pour s'assurer de la qualité et de la conformité des travaux rendus. / Dans le cadre du contrôle final, l'Administration délivre : / * un procès-verbal (PV) de service fait si celui-ci est conforme aux prescriptions du marché, / * une procès-verbal (PV) de service fait avec réserves si le taux d'erreur est inférieur à 5 % du nombre d'objets contrôlés, / * un procès-verbal (PV) de service fait avec rejet si le taux d'erreur est supérieur à 5 % du nombre d'objets contrôlés. / le calcul du taux d'erreur est défini selon la règle suivante : / Pour les éléments " dalles orthophoto 3D ", le taux d'erreur correspondra au nombre de dalles présentant des défauts divisés par le nombre de dalles contrôlées. / Chaque livraison effectuée par le titulaire fait l'objet de tout ou partie des contrôles suivants : / Pour cette Unité d'œuvre la validation porte particulièrement sur : / () * Contrôles de format informatique et de performance d'affichage : : L'administration vérifie que les fichiers fournis par le titulaire respectent les formats stipulés. Les supports doivent être lisibles () ".
6. En premier lieu, il résulte de l'instruction qu'à la suite du rejet de la livraison du photomaillage par la Ville de Paris le 8 novembre 2019 en raison de dalles manquantes dans le format OBJ pour les 6ème et 3ème arrondissements de Paris, d'anomalies concernant la qualité géométrique et la texturation de quatre bâtiments et de contenus manquants en fonction des niveaux de zoom dans le format I3S/SPK, la société Igo a, conformément à la mise en demeure datée du 14 novembre suivant, procédé à une nouvelle livraison de cette unité d'œuvre le 29 novembre. Dans le bon de livraison de cette nouvelle version du photomaillage, elle a indiqué que l'ensemble des dalles étaient désormais présentes dans le document sous le format OBJ et que la géométrie et la texture sur les quatre bâtiments a été reprise. Toutefois, elle a aussi indiqué que certains artéfacts, correspondant aux contenus manquants identifiés dans la décision de rejet du 8 novembre 2019, demeuraient visibles sur trois zones et à certains niveaux de zoom du document au format ESRI I3S / SLPK. Ainsi, et indépendamment de sa qualité, dont l'appréciation est sans incidence en l'espèce, le photomaillage livré en dernier lieu le 29 novembre 2019 n'était pas conforme aux stipulations du marché, qui supposaient que le photomaillage puisse être intégralement visualisé à différentes échelles. Les objections formulées par la société Igo quant à l'indépendance de l'UO par rapport aux autres unités d'œuvre et à la résiliation du marché sont sans incidences sur ce point. Il en va de même du fait que la société Géofit a validé la qualité de l'UO1-2 réalisée par la SARL Aerodata France, tout comme le fait que cette dernière société a relevé la bonne qualité des prestations réalisées par la société requérante. Cette non-conformité, qui a empêché l'utilisation du photomaillage et notamment sa diffusion au grand public sur Internet, s'oppose au paiement de l'intégralité de cette unité d'œuvre, réclamé par la société Igo.
7. En deuxième lieu, il ressort du bon de livraison précité que le photomaillage a été livré le 29 novembre 2019 dans la version v1.5 du logiciel ESRI I3S / SLPK et que sa transmission dans la version v1.7, qui nécessitait de longs calculs, était prévue pour la semaine suivante. En outre, ce document indique également que les artéfacts encore visibles étaient en relation avec le logiciel, sans cependant imputer ces anomalies à la version v1.7 de celui-ci, et que les éditeurs étaient mobilisés pour résoudre ce problème. Dans ces conditions, la société Igo n'est pas fondée à soutenir que les artéfacts affectant le photomaillage livré le 29 novembre 2019 étaient liés à la version du logiciel v1.7 du logiciel ESRI I3S / SLPK utilisé par la Ville de Paris.
8. En troisième lieu, la circonstance que le photomaillage livré le 29 novembre 2019 fonctionnait parfaitement avec le logiciel OBJ est sans incidence sur l'appréciation de sa conformité au marché, lequel prévoyait expressément sa livraison au format IRS ESRI, comme l'indique l'article 5.3.5.1 du CCTP cité a point 5 du présent jugement.
9. En quatrième lieu, la société Igo ne fait pas état du nombre de dalles concernées par les problèmes d'artéfacts identifiés le 29 novembre 2019 par rapport au nombre de dalles du photomaillage. Ainsi, elle ne démontre pas que ces artéfacts entraient dans la marge de 5 % d'erreurs prévue à l'article 5.3.5.4 du CCTP cité au point 5 ci-dessus, stipulant qu'un procès-verbal de service fait avec réserves pouvait être délivré dans un tel cas. Par ailleurs, et en tout état de cause, le simple fait que le photomaillage livré par la société requérante présentait un taux d'erreur, même minime, démontre qu'il n'était pas conforme aux prescriptions du marché.
10. En cinquième lieu, la société requérante n'établit ni même n'allègue que les artéfacts affectant la qualité du photomaillage étaient liés à la technologie de restitution des images, condition pourtant fixée à l'article 5.3.5 du CCTP pour que ces défauts n'aient pas à faire l'objet d'une correction. Du reste, il résulte de ses écritures que ces artéfacts n'étaient pas liés aux limites de la technologie de restitution de l'image de certains objets, mais au fonctionnement même du logiciel dont l'utilisation faisait apparaître, en fonction du niveau de zoom du document, des zones blanches.
11. En dernier lieu, si la société requérante soutient que le silence de la Ville de Paris au sujet de la livraison du 29 novembre 2019 valait acceptation des prestations, elle ne se prévaut d'aucun texte ni principe, ni d'aucune stipulation applicable à ses relations contractuelles avec la Ville de Paris prévoyant une telle acceptation tacite. Par ailleurs, il résulte de l'instruction que l'accord-cadre, qui incluait notamment la réalisation de l'UO8, a, après plusieurs procès-verbaux de rejet concernant diverses prestations contractuelles du groupement, été résilié le 17 décembre 2019 par la Ville de Paris, soit dans le délai de trois mois suivant la livraison des ouvrages par la société Igo. La résiliation de l'accord-cadre s'oppose donc, en tout état de cause, à tout acceptation tacite des prestations réalisées par la société requérante à l'expiration du délai de trois mois précité.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Igo n'est pas fondée à demander le paiement direct de ses prestations ni, par voie de conséquence, les intérêts et la capitalisation de ces intérêts.
Sur les frais liés au litige :
13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacles à ce que soit mise à la charge de la Ville de Paris, qui n'est pas partie perdante dans la présente instance, les sommes que demande la société Igo au titre des frais liés au litige. En outre, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la requérante la somme demandée par la Ville de Paris au titre des mêmes frais.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de la société Igo est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la Ville de Paris au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent jugement sera notifié à la société Igo et à la Ville de Paris.
Délibéré après l'audience du 16 septembre 2022, à laquelle siégeaient :
M. Simonnot, président,
Mme Voillemot, première conseillère,
M. Grandillon, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 octobre 2022.
Le rapporteur,
J. GRANDILLONLe président,
J-F. SIMONNOT
La greffière
S. RAHMOUNI
La République mande et ordonne au préfet de la région Ile-de-France, préfet de Paris en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent jugement.