TA Strasbourg, 07/12/2022, n°2002436

Vu la procédure suivante :

Par une requête enregistrée le 25 mars 2020, des mémoires des 25 février,

1er et 17 septembre, 3 novembre 2021 et un mémoire récapitulatif, présenté le 29 novembre 2021 sur le fondement de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, la société SPIE Batignolles Est, représentée par Me Lorthiois (Montesquieu Avocats), demande au tribunal :

A titre principal :

1°) de dire que le projet de décompte général notifié par la société SPIE Batignolles Est le 18 décembre 2019 est devenu définitif ;

2°) de condamner la communauté de communes du Bouzonvillois Trois Frontières à lui verser la somme de 371 480,37 euros HT au titre du solde du lot n°1 du marché de construction du centre aquatique, assortie des intérêts moratoires à compter du 18 décembre 2019 et capitalisés à chaque échéance annuelle ;

A titre subsidiaire :

3°) d'établir le décompte général du lot n°1 du marché de construction du centre aquatique conformément au décompte produit par la société requérante et d'en fixer le solde à la somme de 371 480,37 euros HT ;

4°) de condamner la communauté de communes du Bouzonvillois Trois Frontières à lui verser la somme de 371 480,37 euros HT au titre du solde du lot n°1 du marché de construction du centre aquatique, assortie des intérêts moratoires à compter du 18 décembre 2019 et capitalisés à chaque échéance annuelle ;

5°) en tout état de cause, de mettre à la charge de la communauté de communes du Bouzonvillois Trois Frontières le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société SPIE Batignolles soutient, dans l'état récapitulé de ses écritures, que :

- sa requête est recevable dès lors qu'elle a mis en demeure le maître d'ouvrage de procéder à la notification du décompte général ;

- la communauté de communes du Bouzonvillois Trois Frontières ne peut lui opposer les délais prévus à l'article 50 du CCAG Travaux dès lors qu'elle était dispensée de produire un mémoire en réclamation préalable à la saisine du tribunal ;

- la version du CCAG Travaux applicable est celle issue de l'arrêté du 3 mars 2014 ;

- en application de l'article 13.4.4 du CCAG Travaux, un décompte général est né du silence conservé par le maître de l'ouvrage, en conséquence le solde lui est dû sans que les sommes figurant au décompte puissent être contestées ;

- subsidiairement, elle a droit au paiement des travaux supplémentaires pour un montant de 304 623,41 euros, de l'avenant signé le 27 avril 2018 pour un montant de 38 526,74 euros, et aux sommes restant dues au titre du prix initial du marché soit 10 110,90 euros et au titre de la révision du prix soit 18 219,32 euros.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 4 décembre 2020 et 30 septembre 2021, et un mémoire récapitulatif, présenté le 3 décembre 2021 sur le fondement de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, la communauté de communes du Bouzonvillois Trois Frontières, représentée par Me Moitry, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) subsidiairement à la condamnation des sociétés BVL Architecture et Mission H2O à la garantir de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre ;

3°) à ce que soit mise à la charge de la société SPIE Batignolles Est, ou plus subsidiairement à la charge de la société BVL Architecture et de la société Mission H2O, le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 10 février et 16 septembre 2021, un mémoire du 7 octobre 2021, et un mémoire récapitulatif, présenté le 9 novembre 2021 sur le fondement de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, la société Mission H2O, représentée par Me Salhi, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes du Bouzonvillois Trois Frontières la somme de 5 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

3°) subsidiairement à la condamnation solidaire ou in solidum de la communauté de communes du Bouzonvillois Trois Frontières et de la société BVL Architecture à la garantir de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre ;

4°) à ce que soit mise à la charge solidaire ou in solidum de la communauté de communes du Bouzonvillois Trois Frontières et de la société BVL Architecture la somme de 2 500 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par des mémoires en défense enregistrés le 12 février 2021 et un mémoire récapitulatif, présenté le 1er décembre 2021 sur le fondement de l'article R. 611-8-1 du code de justice administrative, la société BVL Architecture, représentée par Me Zine, conclut :

1°) au rejet de la requête ;

2°) subsidiairement au prononcé d'un partage de responsabilité entre la communauté de communes du Bouzonvillois Trois Frontières, la société Mission H2O et la société BVL Architecture, la part de cette dernière ne pouvant excéder 10%, en conséquence à la condamnation solidaire sinon in solidum de la communauté de communes du Bouzonvillois Trois Frontières et de la société Mission H2O à la garantir de toutes condamnations mises à sa charge conformément au partage de responsabilité ;

3°) en tout état de cause à ce que soit mise à la charge de la communauté de communes du Bouzonvillois Trois Frontières et / ou de la société SPIE Batignolles Est et / ou de la société Mission H2O, in solidum le cas échéant, la somme de 3 000 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par une ordonnance du 8 décembre 2021, la clôture d'instruction a été fixée

au 23 décembre 2021.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le décret n° 2016-360 du 25 mars 2016 relatif aux marchés publics ;

- l'arrêté du 8 septembre 2009 portant approbation du cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 16 novembre 2022 :

- le rapport de Mme Merri, première conseillère,

- les conclusions de M. Boutot, rapporteur public,

- et les observations de :

* Me Pilette, avocat de la société SPIE Batignolles Est ;

* Me Moitry, avocat de la communauté de communes du Bouzonvillois Trois Frontières.

Considérant ce qui suit :

1. Au cours de l'année 2013, la communauté de communes du Bouzonvillois Trois Frontières (ci-après CCB3F) a engagé une opération de construction d'un centre aquatique. Dans ce cadre, elle a conclu avec la société Mission H2O Piscine et Collectivité un marché public de prestation de service d'assistance à la maîtrise d'ouvrage, le 21 mai 2013, et un marché public de maîtrise d'œuvre avec la société BVL Architecture le 25 mars 2014. L'exécution du lot n°1, " Terrassement / Gros œuvre / Structure " du marché de travaux, a été confié,

le 12 décembre 2016, à la société SPIE Batignolles Est. Les travaux correspondant à ce lot ont été réceptionnés avec réserves le 28 août 2018. Le 22 janvier 2019, la société SPIE Batignolles Est a notifié au maître d'œuvre de l'opération, la société BVL Architecture, un projet de décompte final demandant le paiement du solde du prix du marché pour un montant de 371 480,37 euros. Par un courrier daté du 1er avril 2019, la société SPIE Batignolles Est a vainement mis en demeure la CCB3F de lui notifier le décompte général. Enfin, la société SPIE Batignolles Est a notifié à la CCB3F, par courrier du 18 décembre 2019, son projet de décompte général signé, lequel a fait l'objet d'une décision de rejet reçue le 24 janvier 2020.

Sur la recevabilité :

2. L'article 2 du cahier des clauses administratives particulières (CCAP), qui fixe la liste et l'ordre de priorité des documents contractuels du marché en litige, mentionne notamment le "cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicable aux marchés publics de travaux, annexé à l'arrêté du 8 septembre 2009 (JO du 1er octobre 2009)". Il résulte de ces stipulations que les parties ont entendu, comme il leur était loisible de le faire, appliquer à leurs relations contractuelles le CCAG issu de l'arrêté du 8 septembre 2009 tel que figurant au journal officiel du 1er octobre 2009, soit le CCAG dans sa version non modifiée par l'arrêté du 3 mars 2014.

3. Aux termes de l'article 13.4.2 du CCAG applicable au présent litige : "() Le représentant du pouvoir adjudicateur notifie au titulaire le décompte général (). Si le représentant du pouvoir adjudicateur ne notifie pas au titulaire () le décompte général signé, celui-ci lui adresse une mise en demeure d'y procéder. L'absence de notification au titulaire du décompte général signé par le représentant du pouvoir adjudicateur, dans un délai de trente jours à compter de la réception de la mise en demeure, autorise le titulaire à saisir le tribunal administratif compétent en cas de désaccord. ()".

4. Il résulte de ces stipulations qu'après l'achèvement des travaux, le titulaire du marché établit un projet de décompte final et le transmet ensuite au maître d'œuvre. Celui-ci établit alors un projet de décompte général qui doit être signé par le représentant du pouvoir adjudicateur avant d'être transmis par ce dernier au titulaire. En l'absence de notification du décompte général au titulaire du marché dans les délais prévus à l'article 13.4.2, celui-ci doit adresser au représentant du pouvoir adjudicateur une mise en demeure d'y procéder. Si cette notification au titulaire n'intervient pas dans un délai de trente jours à compter de la réception de la mise en demeure, celui-ci peut saisir le tribunal administratif compétent sans avoir à présenter au préalable le mémoire en réclamation prévu par les dispositions de l'article 50 du CCAG.

5. Il résulte de l'instruction qu'après avoir transmis au maître d'œuvre son projet de décompte final le 22 janvier 2019, la société SPIE Batignolles Est a mis en demeure la CCB3F, sur le fondement de l'article 13.4.2 du CCAG, de lui notifier le décompte général du marché. Il ne résulte pas de l'instruction, et n'est d'ailleurs pas allégué, que le décompte général et définitif du marché lui aurait ensuite été notifié. Dès lors, et sans que les formalités et délais prévus par l'article 50 du CCAG ne puissent lui être utilement opposés, la société SPIE Batignolles Est pouvait demander directement au tribunal de procéder à l'établissement du décompte général du marché.

6. Par suite, les fins de non-recevoir opposées par la CCB3F et les sociétés BVL Architecture et Mission H2O Piscine et Collectivité, tirées de l'absence de mémoire en réclamation, de l'absence de demande préalable, et de ce que la requête a été introduite postérieurement à l'expiration du délai de six mois prévu par les dispositions de l'article 50.3.2 du CCAG, doivent être écartées.

Sur l'existence d'un décompte général et définitif tacite :

7. Ainsi qu'il a été dit au point 2, le CCAG applicable au présent litige est celui approuvé par l'arrêté du 8 septembre 2009 tel que figurant au journal officiel du 1er octobre 2009. Dès lors, la requérante ne peut pas utilement se prévaloir de l'existence d'un décompte général et définitif né dans les conditions prévues par l'article 13.4.4 du CCAG dans sa rédaction modifiée issue de l'arrêté du 3 mars 2014. Par suite, elle n'est pas fondée à demander que lui soit versé le solde de ce décompte.

Sur l'établissement du décompte du marché :

8. Dans l'état récapitulé de ses écritures, la société SPIE Batignolles Est doit être regardée comme sollicitant la prise en compte de la somme de 10 110,90 euros lui restant due au titre des prestations initialement prévues, celle de 38 526,74 euros au titre de l'avenant n° 1, celle de 304 623,41 euros au titre des prestations supplémentaires et celle de 18 219,32 euros au titre de la révision du prix.

En ce qui concerne les prestations supplémentaires :

9. Le marché conclu entre la société SPIE Batignolles Est et la CCB3F étant un marché à prix global et forfaitaire, seuls les travaux supplémentaires réalisés au-delà de la masse initiale des travaux et sur ordre de service, ainsi que les travaux supplémentaires réalisés sans ordre de service du maître d'ouvrage, mais indispensables à la réalisation de l'ouvrage dans les règles de l'art, peuvent être indemnisés.

S'agissant des prestations mentionnées aux devis 1, 3 et 5 :

10. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le devis 5 relatif à la chape de plancher chauffant a été accepté par le maître d'œuvre, et pris en compte dans le montant de l'avenant n° 1, que la CCB3F ne conteste pas.

11. En deuxième lieu, les devis n° 1 et n° 3, respectivement relatifs au mur de soutènement et au bac tampon, ont également été pris en compte dans l'avenant, dans la limite des sommes de 3 235,50 et 24 897,73 euros. Pour rejeter la prise en compte des études d'exécution concernant ces prestations complémentaires, la CCB3F se limite à soutenir que les compléments d'études d'exécution sont compris dans le marché. Toutefois, aucune stipulation du marché en litige ne permet ainsi de dissocier le prix de la prestation dont le caractère supplémentaire n'est pas contesté et le prix des compléments d'études y afférent. Par suite, la société SPIE Batignolles peut prétendre au paiement des sommes de 368 euros et 1 319 euros au titre des compléments d'études, tels que figurant aux devis.

S'agissant des prestations mentionnées au devis 2 :

12. Ce devis, d'un montant de 19 330,80 euros, concerne des modifications sollicitées par le maître d'œuvre en cours de chantier pour l'ajout de siphons et de drains en fond de bassin. La société requérante soutient qu'elle a dû modifier les études d'exécution pour prendre en compte des siphons et des drains ne figurant pas aux plans initiaux.

13. Toutefois, aux termes de l'article 1.1 du cahier des clauses techniques particulières (CCTP) : "Les travaux comprendront : () / - les réseaux sous dallages, / - les drainages périphériques, () "et aux termes de l'article 4.8.1, les travaux de canalisations à charge du lot Gros œuvre s'entendent par : "- travaux comprenant l'ensemble des canalisations, compris T, Y, coudes, etc., et sortie à 1 m des façades". Il résulte de ces stipulations que l'ajout de siphons et de canalisations ne saurait être considéré comme une prestation complémentaire.

En conséquence, la société requérante n'est pas fondée à solliciter une rémunération complémentaire à ce titre.

S'agissant des prestations mentionnées aux devis 4 et 7 :

14. La société SPIE Batignolles soutient, d'une part, que le nombre de niveaux de décaissés à réaliser était supérieur à celui indiqué dans les plans contractuels et, d'autre part, que les décaissés en fond de bassin n'étaient pas prévus au marché. Il est constant que ces prestations ont été réalisées en exécution d'un ordre de service. Toutefois, les stipulations contractuelles prévoyant la réalisation de ces décaissés sans en limiter la quantité et la profondeur, le caractère supplémentaire de ces prestations n'est pas établi. Par suite, la requérante n'est pas fondée à solliciter une rémunération complémentaire pour ces travaux.

S'agissant des prestations mentionnées au devis 9 :

15. Il est constant que l'ordre de service n°2 a accepté ce devis dans la limite de 16 960 euros. Il résulte de l'instruction que cette prestation de modification de l'arase inférieure de la casquette préfabriquée a nécessité une opération supplémentaire de levage, dont le prix doit également être pris en compte. Par suite, la société SPIE Batignolles Est est bien fondée à solliciter à ce titre la somme de 22 175,34 euros.

S'agissant des prestations mentionnées au devis 10 :

16. La société SPIE Batignolles Est soutient que les plans annexés au document de la consultation prévoyaient 47 réservations, alors qu'en fin de chantier plus de 320 réservations avaient été demandées par le maître d'œuvre et exécutées par elle, ce qui a considérablement modifié les études d'exécution à sa charge.

17. Aux termes de l'article 4.9.1 du CCTP relatif aux "trous - réservations - incorporations - scellements - calfeutrements" : "Ces prestations dues par l'entreprise de gros œuvre font implicitement partie des travaux. (Gabarits, bouches de ventilations, réseaux traitement d'eau et plomberie, tasseaux, cheveux de scellement, engravures, calfeutrement des murs entre éléments de charpente et contre couverture, échelle bassin, goulotte en périphérie du bassin + pataugeoire, réservation pour grille de ventilation sous banc, réservation pour trappe pour ligne de nage etc) / Localisation : - pour l'ensemble des ouvrages, suivant nécessités et à la demande de tous les corps d'état."

18. En application de ces stipulations, l'ensemble des réservations étaient prévues au marché initial et la société requérante n'est, par suite, pas fondée à en solliciter le paiement au titre de prestation supplémentaire.

S'agissant des prestations mentionnées au devis 11 :

19. Aux termes de l'article 4.9.7 du CCTP : "Réalisation d'un socle en béton armé d'épaisseur 10 cm compris coffrage, armature pour support des éléments techniques (chaudière, CTA, équipement technique traitement d'eau). / Localisation : - suivant plan implantation générale". Il résulte de ces stipulations qu'était prévu au marché un socle en béton armé pour chacun des éléments techniques. Par suite, la société SPIE Batignolles Est, qui au demeurant n'a même pas produit le plan d'implantation générale, n'est pas fondée à solliciter le paiement des socles béton au titre de prestation supplémentaire.

S'agissant des prestations mentionnées au devis 12 :

20. La CCB3F a refusé de prendre en compte la différence de prix des matériaux isolants au titre des prestations supplémentaires. Il résulte néanmoins de l'instruction que la substitution de Fibraroc A2 au matériau prévu au contrat a été décidée en cours de chantier, et que la société requérante justifie, par les pièces qu'elle produit, de la différence de prix.

Par suite, elle est fondée à solliciter la somme de 1 876,50 euros à ce titre.

S'agissant des dépenses relatives à l'allongement de la durée du chantier, figurant dans le devis 14 :

21. Les difficultés rencontrées dans l'exécution d'un marché à forfait ne peuvent ouvrir droit à indemnité au profit de l'entreprise titulaire du marché que dans la mesure où celle-ci justifie soit que ces difficultés trouvent leur origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat, soit qu'elles sont imputables à une faute de la personne publique commise notamment dans l'exercice de ses pouvoirs de contrôle et de direction du marché, dans l'estimation de ses besoins, dans la conception même du marché ou dans sa mise en œuvre, en particulier dans le cas où plusieurs cocontractants participent à la réalisation de travaux publics.

22. La société SPIE Batignolles ne démontre ni même n'allègue que l'allongement de la durée du chantier serait imputable à une faute du maître de l'ouvrage ou qu'elle trouverait son origine dans des sujétions imprévues ayant eu pour effet de bouleverser l'économie du contrat. Par suite, elle n'est pas fondée à en solliciter l'indemnisation.

S'agissant des prestations mentionnées au devis 15 :

23. En premier lieu, il résulte de l'article 4.6.13 du CCTP que seules les faces vues des murs en agglomérés du rez-de-chaussée devaient respecter les joints creux sur les faces extérieures et les prescriptions relatives à la teinte des joints au mortier de ciment.

24. En second lieu, il n'est pas contesté que le remblaiement initialement prévu au droit d'une des façades du bâtiment a été abandonné en cours de chantier, entraînant ainsi l'application des prescriptions de l'article 4.6.13 à une façade supplémentaire dans toute sa longueur, ce qui a donné lieu à un ordre de service demandant explicitement la reprise des joints sur cette façade.

25. Dans ces conditions, et alors que la société SPIE Batignolles produit aux débats des photos établissant l'installation d'un échafaudage de grande hauteur au droit de cette façade, elle est fondée à solliciter le paiement de la somme de 12 614,05 euros représentant les travaux supplémentaires et le montage et démontage de l'échafaudage.

S'agissant des prestations mentionnées aux devis 16 et 24 :

26. Il est constant que le devis 16, portant sur l'ajout de plots béton sous les bancs en bois installés autour du bassin, et le devis 24, relatif à la modification des tampons de fonte en sous-sol, ont été acceptés par le maître d'œuvre. La société requérante peut donc prétendre au paiement des sommes de 1 478,68 euros et 735 euros à ce titre.

S'agissant des prestations mentionnées aux devis 19 et 20 :

27. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les stipulations de l'article 4.7.2 du CCTP, qui prescrivent la pose d'un matériau isolant, ne concernent que l'isolation thermique sous face de plancher haut du sous-sol. Les stipulations de l'article 4.7.1 du même CCTP ne prévoient, s'agissant des planchers haut et bas RDC, qu'un rupteur de pont thermique.

28. En second lieu, il n'est pas contesté que les travaux objets des devis 19 et 20 ont été commandés par le maître d'œuvre en cours de chantier, via l'ordre de service n°3. La CCB3F, pour s'opposer à la prise en charge de ces travaux, soutient que ceux-ci étaient indiqués dans les plans. Toutefois, elle ne justifie ni de la localisation de cet isolant, ni qu'il soit à la charge du lot Gros Œuvre. Par suite, la société SPIE Batignolles Est est fondée à solliciter le paiement des sommes de 12 769,15 euros et 13 745,45 euros, dont le montant n'est pas discuté, au titre de prestations supplémentaires.

S'agissant des prestations mentionnées au devis 21 :

29. En premier lieu, et pour les motifs précédemment exposés aux points 17 et 18, les réservations aux angles de la modification des bondes de fond et dans un voile du bassin ne sauraient constituer des prestations complémentaires.

30. En deuxième lieu, il résulte de l'article 3.3.1 du CCAP, relatif aux dépenses communes, que les installations communes de sécurité sont à la charge du lot Gros Œuvre.

La société requérante n'est donc pas fondée à soutenir que le déplacement des garde-corps n'est pas à sa charge en exécution du contrat.

31. En troisième lieu en revanche, la CCB3F ne peut sérieusement soutenir que le ponçage du voile béton dont la prise en charge est également demandée par ce devis relevait de travaux de reprise et non de prestations supplémentaires, en l'absence de toute stipulation imposant des normes plus exigeantes que le DTU visé au contrat. Le respect de la norme contractuellement imposée sur le voile béton n'étant pas discuté, la société SPIE Batignolles Est est fondée à solliciter la réintégration de la somme de 5 578,65 euros au décompte.

S'agissant des prestations mentionnées au devis 22 :

32. Alors que le caractère indispensable de ces travaux n'est ni démontré, ni même allégué par la société requérante, cette dernière n'est pas fondée, en l'absence d'ordre de service, à solliciter le paiement de la somme de 1 534 euros au titre de la découpe des têtes de quai du bassin sportif.

S'agissant des prestations mentionnées au devis 23 :

33. Aux termes de l'article 3.3.2 du CCAP relatif aux dépenses d'entretien communes du compte prorata : " chaque entreprise doit procéder à la protection de l'ouvrage ou des parties d'ouvrage déjà réalisées, au nettoyage, à la réparation et à la remise en état des installations qu'elle aura salies ou détériorées ". Il résulte de ces stipulations que les travaux de remise en état du caniveau en pied de rampe d'accès extérieur, endommagé, ainsi que le soutient la société requérante, par une autre entreprise présente sur le chantier, ne sauraient être mis à la charge de la CCB3F.

S'agissant des prestations mentionnées au devis 25 :

34. Il résulte de l'instruction que la recharge béton sur les têtes de quai, ordonnée par le maître d'œuvre par suite des défauts d'altimétrie et de planéité des ouvrages, ont le caractère de travaux de reprise et non de prestations supplémentaires. La CCB3F est ainsi fondée à en refuser la prise en charge, en application de l'article 1.1 du CCTP.

S'agissant des prestations mentionnées au devis 26 :

35. Pour les motifs déjà explicités au point 31, la CCB3F ne peut opposer le caractère non réceptionnable d'un ouvrage réalisé par un autre corps d'état, en l'occurrence l'entreprise en charge de la pose du carrelage, pour refuser de prendre en charge au titre des prestations supplémentaires les prestations de ragréage de la zone pataugeoire, dont il n'est pas contesté que la surface respectait la norme DTU contractuellement applicable. La somme de 1 875,85 euros doit ainsi être mise au décompte.

36. Il résulte de tout ce qui précède que la société SPIE Batignolles Est est fondée à demander que soit mise au décompte, au titre des prestations supplémentaires, la somme totale de 74 517,67 euros.

En ce qui concerne les autres sommes à mettre au décompte :

37. Il n'est pas contesté que les sommes de 10 110,90 euros et 38 526,74 euros restent dues à la requérante au titre, respectivement, des prestations initialement prévues qu'elle a réalisées et de l'avenant n° 1 signé le 27 avril 2018. Il y a donc lieu de mettre ces sommes au décompte.

En ce qui concerne la révision des prix :

38. Aux termes de l'article 3.5 du CCAP : " Les répercussions sur les prix du marché des variations des éléments constitutifs du coût des travaux sont réputées réglées par les stipulations ci-dessous : / 3.5.1 Type de variation des prix / Les prix sont révisables suivant les modalités fixées au 3.5.3 et 3.5.4 du présent cahier. / 3.5.2 Mois d'établissement des prix du marché / Les prix sont réputés établis sur la base des conditions économiques du mois ci-après : septembre. Ce mois est appelé mois zéro. / 3.5.3 Choix des index de référence / Les index de référence I choisis en raison de leur structure pour la révision des prix des travaux sont les suivants, dans l'ordre des lots : / lot n°01 Terrassement - Gros œuvre - Structure BT02+BT06 () / 3.5.4 Modalité de variation des prix / Le coefficient de révision applicable pour chaque lot pour le calcul des acomptes est calculé comme suit : Cn = 0.15 + 0.85x(In/Io) où Io et In sont les valeurs prises par l'index de référence I du marché respectivement au mois zéro et au mois n. () ".

39. Il résulte de ces stipulations qu'elles ont pour objet de prendre en compte uniquement les modifications intervenues dans les conditions économiques entre la date de remise de l'offre de l'entreprise, à laquelle les prix du marché ont été établis, et la date d'exécution des prestations. Dès lors, ces stipulations ne sont applicables qu'aux prix figurant dans l'offre initiale, et non aux prix fixés ultérieurement pour la rémunération de travaux supplémentaires, y compris ceux ayant fait l'objet d'un avenant. En l'espèce, la révision des prix n'est ainsi applicable qu'à la somme de 10 110,90 euros correspondant aux prestations initialement prévues, que la requérante a réalisées et qui ne lui ont pas encore été réglées.

En ce qui concerne le solde du décompte :

40. Compte tenu du montant du marché, des acomptes déjà versés et des sommes retenues par le présent jugement pour être mises au décompte, le solde du décompte général du marché en litige doit être arrêté à la somme de 123 155,31 euros hors taxes, augmentée, comme il a été dit au point 39, du produit de la révision des prix calculé sur la somme de 10 110,90 euros.

41. Il résulte de ce qui précède que la requérante est fondée à demander la condamnation de la CCB3F à lui verser ce solde.

Sur les intérêts moratoires :

42. Aux termes de l'alinéa 2 de l'article 8 I du décret du 29 mars 2013 : " Les intérêts moratoires courent à compter du jour suivant l'échéance prévue au contrat ou à l'expiration du délai de paiement jusqu'à la date de mise en paiement du principal incluse. " Ce même décret dispose, en son article 2 I. 2° que : " Pour le paiement du solde des marchés de travaux soumis au code des marchés publics, le délai de paiement court à compter de la date de réception par le maître de l'ouvrage du décompte général et définitif établi dans les conditions fixées par le cahier des clauses administratives générales applicables aux marchés publics de travaux ".

43. La requérante se bornant à solliciter les intérêts moratoires, sans autre précision, il y a lieu de faire application de ces dispositions. En l'absence de réception par le maître de l'ouvrage du décompte général et définitif établi dans les conditions fixées par le CCAG, le délai de paiement du solde n'a pas commencé à courir. Par voie de conséquence, les intérêts moratoires n'ont pas non plus commencé à courir. Dès lors, la requérante n'est pas fondée à les réclamer.

Sur les appels en garantie :

44. La CCB3F recherche la responsabilité des sociétés BVL Architecture et Mission H2O Piscine et Collectivité au titre de leurs manquements à leur devoir de conseil et d'assistance, pour ne pas l'avoir alertée sur le risque de voir naître un décompte général et définitif tacite. Toutefois, ainsi qu'il a été dit au point 7, la procédure de règlement des comptes du marché n'a pas donné lieu à la naissance d'un décompte général et définitif tacite. Par suite, les appels en garantie de la CCB3F ne peuvent qu'être rejetés.

Sur les frais de l'instance :

45. D'une part, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de condamner la communauté de communes du Bouzonvillois Trois Frontières à verser aux sociétés SPIE Batignolles Est, BVL Architecture et Mission H2O Piscine et Collectivité une somme de 1 500 euros chacune au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. D'autre part, les dispositions du même article font obstacle à ce que les sommes demandées à ce titre par la communauté de communes du Bouzonvillois Trois Frontières soient mises à la charge des société SPIE Batignolles Est, BVL Architecture et Mission H2O Piscine et Collectivité, qui ne sont pas les parties perdantes à la présente instance.

D E C I D E :

Article 1 : La communauté de communes du Bouzonvillois Trois Frontières est condamnée à verser à la société SPIE Batignolles Est la somme de 123 155,31 euros (cent-vingt-trois mille cent-cinquante-cinq euros et trente-et-un centimes), augmentée du produit de la révision des prix calculé sur la somme de 10 110,90 euros (dix mille cent dix euros et quatre-vingt-dix centimes).

Article 2 : La communauté de communes du Bouzonvillois Trois Frontières versera aux sociétés SPIE Batignolles Est, BVL Architecture et Mission H2O Piscine et Collectivité une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros chacune au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par la communauté de communes du Bouzonvillois Trois Frontières ainsi que le surplus des conclusions des sociétés SPIE Batignolles Est, BVL Architecture et Mission H2O Piscine et Collectivité sont rejetées.

Article 4 : Le présent jugement sera notifié à la communauté de communes du Bouzonvillois Trois Frontières et aux sociétés SPIE Batignolles Est, BVL Architecture et Mission H2O Piscine et Collectivité.

Délibéré après l'audience du 16 novembre 2022, à laquelle siégeaient :

M. Rees, président,

Mme Merri, première conseillère,

Mme Dobry, conseillère.

Rendu public, par mise à disposition au greffe, le 7 décembre 2022.

La rapporteure,

D. MERRI

Le président,

P.REES

La greffière,

M.-C. SCHMIDT

La République mande et ordonne au préfet de la Moselle en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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