TA Lyon, 16/12/2022, n°2205053

Vu la procédure suivante :

Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 juillet, 5 novembre et 2 décembre 2022, ce dernier non communiqué, la société Eiffage Energie Systèmes - IT Rhône Alpes (société EES), représentée par Me Martor et Weiss, demande au juge des référés, dans le dernier état de ses écritures :

1°) sur le fondement de l'article R. 541-1 du code de justice administrative, de condamner le syndicat intercommunal de gestion des déchets du Faucigny Genevois (SIDEFAGE), au droit duquel est venu, en cours d'instance, se substituer le syndicat intercommunal de valorisation, à lui payer la somme de 711 438,40 euros HT en exécution de l'acte spécial de sous-traitance et des conditions de paiement de Eiffage Energie Système - IT Rhône Alpes, sous astreinte de 1 000 euros par jour, avec intérêt au taux légal à compter du 13 avril 2022 pour ce qui concerne la somme de 443 853, 40 euros HT correspondant au jalon n° 8, à compter du 14 avril 2022 pour ce qui concerne la somme de 110 963, 35 euros HT correspondant au jalon n° 9 et à compter du 19 avril 2022 pour ce qui concerne les sommes de 282 621,65 euros, correspondant au reste à facturer ;

2°) de condamner le SIDEFAGE à lui verser une somme de 5 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le SIDEFAGE est un établissement public de coopération intercommunale compétent pour la gestion et le traitement des déchets ménagers et assimilés produits sur le territoire du Faucigny Genevois, Pays Bellegardien, Pays de Gex, Usses et Rhône, Haut Bugey et Rumilly Terre de Savoie ; le 20 juin 2019, il a attribué à HITACHI ZOSEN INOVA AG (Hitachi) un marché public pour le remplacement du traitement des fumées de l'unité de valorisation énergétique des déchets ménagers de Bellegarde-sur-Valserine par voie sèche double filtration et SCR situé à Bellegarde-sur-Valserine ;

- Hitachi lui a confié, le 21 novembre 2019, la réalisation des prestations électriques courants forts et courants faibles du marché, par un contrat de sous-traitance, qui inclut une Minute of Negotiation précisant notamment le prix du contrat et le calendrier de paiement de EES, selon différents jalons de paiement (Milestone Payment) ;

- elle a été agréée en tant que sous-traitant du marché par le SIDEFAGE et ses conditions de paiement ont été acceptées par un acte spécial prenant la forme d'un DC4 initial du 13 janvier 2020 ;

- l'exécution du marché et du contrat a été perturbée, notamment en raison de la crise sanitaire liée à la pandémie de Covid-19 ; ces perturbations exogènes ont entraîné des coûts supplémentaires pour EES et ont donné lieu à une modification du cadre contractuel initial ;

- le 28 juillet 2021, un avenant au marché a été signé entre Hitachi et le SIDEFAGE, afin de régulariser les prestations supplémentaires engagées à cette date ;

- un accord entre Hitachi et EES a ensuite été conclu, sous la forme d'une Minutes of Negotiation (MoN) révisée signée le 29 juillet 2021 par EES ;

- cet accord a redéfini et étendu le champ des prestations confiées à EES en exécution du contrat ainsi que leurs montants ;

- après un premier DC4 modificatif n°1, signé par EES, Hitachi et le SIDEFAGE le 11 juin 2020, un second DC4 modificatif n°2 a été signé entre Hitachi, EES et le SIDEFAGE, le 5 août 2021 ; ce dernier DC4 a porté le montant initial des prestations confiées à EES de 1 290 000 euros HT dans le DC4 initial, à 1 492 524 euros HT dans le DC4 modificatif n°1 et 2 219 267 euros HT dans le DC4 modificatif n°2 ;

- les travaux relatifs aux prestations se sont achevés le 10 décembre 2021 ;

- le bureau de contrôle mandaté par Hitachi ayant levé les dernières réserves émises, l'usine de valorisation des déchets de Bellegarde a pu être remise en service le 13 décembre 2021 ;

- néanmoins, Hitachi a refusé de régler à EES les factures correspondant aux jalons de paiement contractuel n° 8 et n° 9 prévus par le contrat de sous-traitance ;

- EES s'est tournée vers le SIDEFAGE afin d'en obtenir le paiement direct, ainsi que celui de la dernière facture, correspondant au jalon de paiement contractuel n° 10 et incluant également le reste à facturer en application du DC4 ;

- conformément à la règlementation applicable, EES a adressé à Hitachi les demandes de paiement direct, libellées au nom du SIDEFAGE, et accompagnées des factures correspondantes libellées au nom de Hitachi ;

- la demande de paiement direct de la facture n° F003602108 du 30 août 2021 est relative au jalon n° 8, d'un montant de 443 853, 40 euros HT, reçue par Hitachi le 5 avril 2022 ;

- la demande de paiement direct de la facture n° F003602110 du 15 octobre 2021 est relative au jalon n° 9, d'un montant de 110 963, 35 euros HT, reçue par Hitachi le 6 avril 2022 ;

- la demande de paiement direct de la facture n° F003602204 du 1er avril 2022 est relative au jalon de paiement n° 10 et au reste à facturer sur le fondement du DC4, d'un montant cumulé de 282 621, 65 euros HT, reçue par Hitachi le 11 avril 2022 ;

- elle a ensuite adressé les demandes n° 1, n° 2 et n° 3, accompagnées de la preuve de leur réception par Hitachi au SIDEFAGE, ces demandes n° 1, n° 2 et n° 3 ont été respectivement reçues par le SIDEFAGE les 13, 14 et 19 avril 2022 ;

- pour les demandes n° 1 et n° 2 formulées, Hitachi n'a exprimé aucun refus au paiement direct de EES par le SIDEFAGE dans le délai réglementaire de quinze jours, prévu par l'article R. 2193-12 du code de la commande publique ;

- de manière laconique, inopérante et non justifiée, le SIDEFAGE a expressément refusé de faire droit à la demande n° 1, par lettre recommandée avec avis de réception reçue par EES le 19 mai 2022, à la demande n° 2, par lettre recommandée avec avis de réception reçue par EES le 13 mai 2022 et à la demande n° 3 par lettre du 26 avril 2022, puis par lettre recommandée avec avis de réception reçue le 13 mai 2022 par EES ;

- la provision qu'elle sollicite est fondée sur son droit au paiement direct par le SIDEFAGE ; elle n'est pas sérieusement contestable dans son principe, ni dans son montant ;

- en effet, l'article L. 2193-11 du code de la commande publique dispose que : " Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par l'acheteur est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution. / Toute renonciation au paiement direct est réputée non écrite " ; cette disposition instaure donc une présomption irréfragable d'acceptation de la demande de paiement direct par le titulaire du marché qui ne daigne pas répondre, cette acceptation liant le maître d'ouvrage qui est alors tenu de verser au sous-traitant les sommes demandées ; cette présomption irréfragable d'acceptation de la demande de paiement direct n'était pas prévue par le droit antérieur ; l'article 359 du code des marchés publics ne la prévoyait pas, et octroyait de fait au maître d'ouvrage un pouvoir d'interprétation quant à la réalité des prestations effectuées par le sous-traitant. ;

- elle s'est conformée à la procédure prévue aux articles R. 2193-11 et suivants du code de la commande publique ;

- il n'est pas sérieusement contestable qu'elle a exécuté les prestations à sa charge ;

- les refus qu'a opposés le SIDEFAGE à ses demandes sont dénués de tout fondement et ne permettent pas de conclure à l'absence de caractère contestable du droit au paiement direct d'EES ;

- pour les demandes n° 1 et n° 2, Hitachi ne lui a jamais notifié de refus, contrairement à ce que soutient SIDEFAGE ;

- pour refuser de faire droit à la demande n° 3, le SIDEFAGE s'est borné à invoquer les déclarations de Hitachi selon lesquelles EES n'avait pas finalisé l'ensemble des prestations contractuellement convenues dans le contrat de sous-traitance et les réserves n'avaient pas toutes été levées, sans aucune autre précision ; il ne s'est pas préoccupé de l'absence totale de précisions accompagnant le refus de Hitachi, alors qu'elle avait réalisé ses prestations et que l'usine a été remise en service le 13 décembre 2021 ;

- à supposer même que certaines réserves nécessitaient encore d'être levées en application du contrat de sous-traitance conclu exclusivement entre Hitachi et EES, cette circonstance était inopérante pour justifier le refus de paiement direct opposé par le SIDEFAGE à EES ; une telle circonstance aurait été exclusivement de nature à justifier la retenue par Hitachi de la garantie de bonne exécution constituée par EES à son profit en exécution du contrat de sous-traitance ;

- l'argument du SIDEFAGE dans ses réponses aux demandes n° 1, n° 2 et n° 3 de paiement direct de EES selon lequel " le montant forfaitaire du marché " aurait été atteint ce qui ferait obstacle au paiement direct est inopérant ; en effet, les montants demandés dans le cadre des demandes de paiement direct sont précisément fondés sur l'acte spécial de sous-traitance et concerne donc des prestations dans le forfait ;

- le montant de provision sollicitée, soit 711 438,40 euros HT, correspond au montant total visé par l'acte spécial de sous-traitance et repris dans le contrat de sous-traitance, soit 2 219 267 euros HT, réduit des sommes déjà versées à EES par Hitachi en exécution de leur contrat ; ce montant est justifié par les trois factures établies par EES ;

- elle a droit aux intérêts au taux légal, qui courent à compter de la réception de la demande de paiement par le débiteur ;

- les défendeurs font valoir que par ordonnance du 10 mai 2022, le juge des référés du tribunal administratif a nommé, M. A B, aux fins notamment de rechercher et préciser les liens contractuels unissant les parties, décrire les missions confiées à chacune des parties à la présente instance et informer les parties qu'il est de leur intérêt d'appeler immédiatement les entreprises dont la responsabilité serait mise en évidence au cours des premières opérations d'expertise ;

- la demande de sursis à statuer présentée par le SIVALOR et Hitachi doit être rejetée et l'appel en garantie introduit par le SIVALOR ne le libère pas de ses obligations découlant de son statut de maître d'ouvrage ;

- une mesure d'expertise a été prononcée en référé " pour notamment éclairer la juridiction du fond sur les responsabilités respectives de chaque intervenant " ; l'expertise vise à éclairer la juridiction du fond sur une répartition de responsabilité (et ne vise d'ailleurs pas que le problème des prestations réalisées par EES) et non à déterminer le caractère contestable de la demande de paiement direct de EES pour les travaux qu'elle a effectués depuis longtemps sans recevoir paiement de son cocontractant Hitachi ;

- sa requête trouve sa source dans un fondement extracontractuel, quand bien même un appel en garantie aurait été fait par le SIVALOR, alors que l'instance devant le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse vise à engager la responsabilité contractuelle de Hitachi, du fait de ses manquements dans ses obligations contractuelles au titre de son contrat de sous-traitance ; aucune exception de litispendance ne peut être soulevée à l'occasion de la présente instance et ne peut conduire à un sursis à statuer ;

- le SIVALOR et Hitachi soutiennent que les travaux réalisés par EES ne seraient pas conformes, en se fondant sur les prétendues constatations de l'expert nommé dans le cadre du référé-expertise ainsi que sur le fait que les nombreuses réserves n'ont pas été levées par EES mais par des sociétés tierces ; Hitachi a en réalité accepté tacitement les prestations de manière tacite dans le cadre du paiement direct ; aussi et quand bien même le maître d'ouvrage pourrait prendre en compte la réalisation effective des prestations sous-traitées, il sera constaté que les travaux ont été réalisés en conformité avec les règles APSAD et les réserves invoquées ne sont pas prouvées ;

- le mécanisme de paiement direct doit s'appliquer, y compris lorsque le titulaire argue qu'il ne doit pas payer son sous-traitant du fait de prétendues malfaçons constatées dans l'exécution des travaux ;

- il est inexact que les travaux auraient été réalisés en méconnaissance des obligations posées par les règles APSAD applicables au marché ;

- CHUBB, sa sous-traitante, est certifiée APSAD ; elle était en charge avec ROFICOM disposant au demeurant des moyens et compétences professionnelles nécessaires au sens de la règle APSAD R7, de fournir et mettre en service les équipements incendies de l'unité pour le compte d'EES ; c'est à propos que EES a produit le certificat APSAD de son sous-traitant chargé de la réalisation effective des prestations ; les travaux sont donc conformes ;

- les réserves citées par le SIVALOR sont en réalité des réserves de catégorie " C " dites réserves mineures, qui n'empêchent pas le fonctionnement de l'installation ;

- le SIVALOR est bien tenu de se conformer à son obligation de paiement direct et ne peut être libéré de cette obligation en faisant référence à la créance de Hitachi ;

- le SIVALOR souhaite voir la responsabilité extracontractuelle d'EES engagée en raison de son prétendu retard dans la réalisation de l'installation, lequel aurait entraîné un préjudice au montant fallacieusement élevé de 5 000 000 euros ;

- or, d'une part les conditions pour engager une telle action ne sont pas réunies et d'autre part, le montant de l'indemnité demandée n'est pas justifié ;

- EES n'a commis aucune violation des règles de l'art ou de dispositions législatives ou réglementaires, pas plus qu'elle ne s'est rendue coupable d'une quelconque inexécution de ses obligations contractuelles ;

- le montant de 5 000 00 euros demandé par le SIVALOR est fantaisiste et ne s'appuie sur aucun élément visant à prouver la réalité de ce prétendu préjudice.

Par des mémoires, enregistrés le 21 juillet et le 24 novembre 2022, le syndicat intercommunal de gestion de déchets du Faucigny Genevois, aux droits du quel est venu le SIVALOR, représenté par Me Cossalter conclut :

1°) au rejet de la requête,

2°) de manière superfétatoire, à la condamnation, sur le fondement de la responsabilité extracontractuelle, de la société Hitachi Zosen Inova AG (HZI) à payer directement à la Société Eiffage les sommes auxquelles le SIVALOR serait condamné par le tribunal de céans ou tout au moins de rembourser ces sommes au SIVALOR dès que l'ordonnance deviendra exécutoire ;

3°) à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société ESS à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable en tant qu'elle excède une somme de 711 438,40 euros HT ;

- le contrat a été conclu avec l'entreprise Hitachi Zosen Inova AG, mandataire d'un groupement composé, outre cette entreprise, de l'entreprise Mauro SAS ;

- un litige important oppose le SIDEFAGE à la société HZI interdisant notamment la réception même de l'ouvrage et, avant toute saisine de la juridiction du fond, le SIDEFAGE a demandé à la juridiction de céans de nommer un expert aux fins d'avoir un avis éclairé sur les responsabilités respectives de chaque intervenant ;

- deux des litiges opposant le SIDEFAGE à HZI sont liés à la société Eiffage qui a réalisé en qualité de sous-traitant les travaux litigieux : la problématique de la sécurité incendie ; le SIDEFAGE n'a pu que constater la non-conformité des installations vis-à-vis de l'APSAD ; la certification APSAD, qui était exigée, atteste de la qualité d'un système de sécurité incendie, anti-intrusion, vidéo ou de télésurveillance, qu'il s'agisse d'appareils ou de services, en France ; la problématique de la conformité électrique des installations : sur ce point, la levée des réserves de conformité a eu lieu le 09 juin 2022 et les rapports ont été envoyés au SIDEFAGE le 14 juin 2022 ;

- un expert a été désigné par le tribunal ; la société Eiffage a été appelée à cette instance ;

- il existe une contestation sérieuse sur la créance de la société Eiffage en qualité de sous-traitant de la société HZI ;

- les documents produits par la société Eiffage n'apportent pas la preuve que son droit au paiement direct serait devenu définitif du fait de l'absence de réponse du titulaire du marché dans les délais réglementaires ;

- il y a donc lieu de surseoir à statuer ;

- le montant de la créance est inexact ; la créance ne peut excéder 711 438,40 euros HT ; les conditions de paiement entre la société HZI et la société Eiffage ne sont pas opposables au SIVALOR, les contrats n'ayant d'effets qu'entre les parties ;

- outre le fait que le travail effectué par la société Eiffage n'est pas conforme et a pris beaucoup de retard, il faut constater que cette société n'a pas effectué directement l'ensemble du travail qui lui incombait ;

- si elle était réglée des sommes qu'elle réclame, elle s'enrichirait sans cause dès lors qu'elle obtiendrait le paiement de travaux, qui n'ont pas été effectués selon les règles de l'art et dont le niveau de manquement s'oppose à une réception de l'ouvrage, qui ont été effectués avec un retard ayant entrainé un préjudice d'environ cinq millions d'euros pour le SIDEFAGE, dont la totalité n'a pas été effectué par la Société EIFFAGE elle-même ;

- les conditions du paiement direct ne sont pas réunies ;

- subsidiairement, l'entreprise Eiffage a un droit au paiement direct du seul fait des manquements de la société HZI qui, tout en contestant sur le fond les demandes de son sous-traitant, n'a pas cru devoir respecter les textes en vigueur pour s'opposer au paiement direct de ce dernier ;

- l'entreprise Eiffage aurait la possibilité d'être payée d'un travail qui n'est pas conforme aux règles de l'art du seul fait des manquements de l'entreprise HZI ;

- elle aurait la possibilité d'être payée d'un travail qui n'est pas conforme aux règles de l'art alors même que l'entreprise HZI conteste la réalité de ce travail ;

- enfin l'entreprise HZI a peut-être même commis une faute dolosive en se servant des règles du droit de la commande publique pour faire payer son sous-traitant par le SIDEFAGE et ainsi s'éviter un contentieux avec ce dernier ;

- l'entreprise HZI a en tout état de cause commis une faute en ne transmettant pas le contrat de sous-traitance demandé par le SIDEFAGE, alors même que le code de la commande publique permet d'avoir cette exigence et impose au titulaire d'un marché public de transmettre ce contrat ;

- le Conseil d'État considère que, malgré le droit d'être payé directement par l'administration, le sous-traitant peut aussi être payé directement par le titulaire du marché.

Par deux mémoires en défense, enregistrés le 19 août et 23 novembre 2022, la société Hitachi Zosen Inova AG, représentée par Me Endrös, conclut :

1°) à titre principal au rejet de l'appel en garantie présenté par le SIDEFAGE ;

2°) à titre subsidiaire prononcer le sursis à statuer sur la demande d'appel en garantie, dans l'attente d'une décision sur le fond dans le litige l'opposant à la société Eiffage et du dépôt du rapport de l'expert ;

3°) à ce qu'une somme de 5 000 euros soit mise à la charge de la société Eiffage à lui verser sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le 20 juin 2019, le SIDEFAGE a conclu un marché de conception - réalisation de remplacement du traitement des fumées de l'Unité de Valorisation Energétique (" UVE ") des déchets ménagers de Bellegarde-sur-Valserine par un traitement des fumées par voie sèche double filtration et SCR avec le groupement conjoint constitué entre la société HZI, en tant que mandataire du groupement, et la société Mauro SAS pour une durée de 22,5 mois du 15 juillet 2019 au 31 mai 2021 ;

- par différents avenants, la durée du marché a été prorogée de 11 mois, et le montant du marché a été porté à un total de 25 420.798 euros TTC ;

- par contrat du 21 novembre 2019, la société HZI a sous-traité les prestations " électrique courants forts et courants faibles " de ce marché à la société Eiffage ;

- ce contrat de droit privé contient une clause de droit applicable et de juridiction prévoyant l'application du droit suisse et attribuant juridiction exclusive aux tribunaux de Zurich en Suisse ;

- en cours d'exécution du marché, un important contentieux est né entre la société HZI et la société Eiffage ;

- ce contentieux est notamment né de refus graves et répétés de la société Eiffage d'exécuter l'ensemble de ses prestations contractuelles, de lever les 587 réserves qui lui ont été imputées et de fournir les certificats et déclarations de conformité obligatoires liés à ses prestations, notamment le certificat réglementaire du référentiel APSAD R7 ;

- en raison de ces graves manquements, la société HZI a notamment refusé de réceptionner les travaux de la société Eiffage et s'est opposée au paiement de ses dernières factures, émises de façon indue, au titre d'une exception d'inexécution flagrante ;

- en outre, ces manquements graves et répétés de la société Eiffage ont eu un impact extrêmement négatif sur le déroulé du chantier de l'UVE, à tel point que le SIDEFAGE a été contraint de procéder à une demande d'expertise judiciaire auprès du tribunal de céans ;

- la société EIFFAGE a contesté le non-paiement de ses dernières factures par la société HZI et, arguant manquements de HZI, l'a assignée sur le fondement de la responsabilité contractuelle, par exploit d'huissier en date du 28 mars 2022, devant le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse en vue d'obtenir sa condamnation à lui verser la somme de 2 713 873,80 euros HT (à parfaire) ", somme qu'elle considère lui être due en exécution du contrat de sous-traitance ; elle a soulevé l'incompétence territoriale du tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse, compte tenu de la clause attributive de compétence exclusive aux juridictions compétentes de Zurich en Suisse, figurant au contrat de sous-traitance ;

- en application de l'article L. 2193-11 du code de la commande publique, seul le maître de l'ouvrage est débiteur de l'obligation de paiement au titre de la procédure de paiement direct instaurée par le législateur ;

- le sous-traitant est libre d'agir en parallèle contre le titulaire du marché au titre d'une éventuelle responsabilité contractuelle mais, une telle action nécessite d'entrer dans l'appréciation de la relation contractuelle de droit privée entre le titulaire du marché et le sous-traitant et ne peut donc relever que du juge judiciaire, d'où l'action devant le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse ;

- l'appel en garantie du SIDEFAGE est manifestement mal-fondé ;

- le droit au paiement direct de la société Eiffage est sérieusement contesté ; ses conditions n'en sont pas remplies ;

- la société HZI s'est déjà opposée aux demandes de paiement direct de la société EIFFAGE de ses factures correspondant aux jalons n° 8 et n° 9 dans le délai de quinze jours à compter de la réception de la demande, mais la société EIFFAGE a procédé de façon abusive deux fois de suite à cette même demande ;

- pour la dernière facture correspondant au jalon n° 10 et au " reste à facturer sur le fondement du DC4 ", la société HZI a reçu le courrier de demande de paiement direct d'Eiffage le 11 avril 2022 ; elle s'y est opposée le 26 avril 2022, soit dans le délai réglementaire de quinze jours ce que la société Eiffage ne conteste pas ;

- en outre, elle reproche à la société Eiffage d'avoir livré une installation non-conforme à la réglementation (manquements attentatoires pour certains à la sécurité incendie du bâtiment) et de ne pas avoir rempli l'intégralité de ses obligations contractuelles ;

- HZI n'a eu ensuite de cesse de réclamer à la société Eiffage la communication des certificats et attestations de conformité réglementaires, notamment la déclaration de conformité obligatoire du référentiel APSAD R7 relatif à l'installation de détection incendie délivrée et installée par Eiffage dans l'UVE, l'attestation de conformité à la norme NFC 15-100 et l'attestation de conformité de l'éclairage et de l'éclairage de sécurité à l'article R.4223-4 du code du travail et à l'arrêté du 14 décembre 2011 relatif aux installations d'éclairage de sécurité dans les ERT, etc ; aucun de ces certificats et attestations de conformités réglementaires n'a été communiqué par la société Eiffage ; même après une mise en demeure d'avocats adressée à la société Eiffage de remettre à HZI la documentation réglementaire afférente à la détection incendie dans l'UVE, cette dernière n'a communiqué qu'un certificat APSAD R7 non-conforme car non-émis par l'installateur de la détection incendie mais par un fournisseur (ce qui est contraire à l'obligation prévue par le référentiel APSAD R7) et qui ne couvrait même pas le site de Bellegarde-sur-Valserine ;

- la société HZI a obtenu entre-temps un nouveau rapport du laboratoire CNPP selon lequel le système mis en place par EIFFAGE n'est pas conforme à la norme APSAD R7 ; le laboratoire précise également que pour obtenir ce certificat de conformité, seront nécessaires des modifications afin de pallier les non-conformités dues aux prestations de la société Eiffage mais également une re-vérification de l'installation dans son ensemble (dont l'existant) ;

- les non-conformités ne sont pas uniquement documentaires (comme a pu le prétendre la société Eiffage dans le cadre de la procédure d'expertise) mais concernent l'installation elle-même puisque des repérages de câbles sont manquants, des câbles ou cheminements de câbles ne sont pas adaptés et doivent être repris ;

- en outre, le cabinet d'experts indépendants spécialisés dans le risque incendie, le cabinet EF3I, a remis à la société HZI le 10 avril 2022 un rapport de dix-sept pages attestant des non-conformités des travaux et installation de la société Eiffage vis-à-vis du référentiel APSAD (et également vis-à-vis de la norme FRS 61-970) ;

- d'autre réserves ont été formulées par le bureau Veritas ;

- elle a dû faire appel à des sociétés tierces pour lever les réserves ; HZI est maintenant en droit de demander à la société Eiffage le remboursement de 750 393 euros pour leurs activités ;

- en raison de ces graves manquements, HZI s'est notamment retrouvée empêchée de lever des réserves importantes demandées par le SIDEFAGE, a subi un important préjudice qu'elle se réserve de faire valoir et a été contrainte d'actionner la garantie de bonne exécution qu'Eiffage avait souscrite à son profit ; c'est notamment aussi pour ces raisons que la concluante a refusé de réceptionner les travaux de la société Eiffage et s'est opposée au paiement de ses dernières factures émises de façon indue, et ce au titre d'une exception d'inexécution flagrante ;

- or le juge des référés ne fait pas droit aux demandes provisionnelles des sous-traitants fondées sur leur droit au paiement direct lorsque la réalité des travaux effectués est sérieusement contestable ;

- compte tenu du litige devant le tribunal de commerce, et de l'expertise en cours, il y a lieu de surseoir à statuer.

Par une ordonnance en date du 25 novembre 2022, la clôture d'instruction a été fixée au 5 décembre 2022.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de justice administrative.

La présidente du tribunal a désigné Mme Wolf, présidente honoraire, pour statuer sur les demandes de référé.

Considérant ce qui suit :

1. Le SIDEFAGE, devenu SIVALOR, a conclu un marché de services avec SET Faucigny Genevois (SET Faucigny) pour l'exploitation de son unité de valorisation énergétique des déchets ménagers de Bellegarde-sur-Valserine. Après 20 ans d'exploitation, le SIDEFAGE a souhaité remplacer le traitement des fumées vieillissant par un traitement par voie sèche double filtration SCR. Le 8 juillet 2019, il a confié la conception et la réalisation de la nouvelle installation à la société de droit suisse Hitachi Zosen Inova (HZI). Le marché, conclu pour une durée de 22,5 mois du 15 juillet 2019 au 31 mai 2021 a, par différents avenants, été prorogé de 11 mois, et le montant du marché a été porté à 25 420 798 euros TTC. En exécution d'un contrat de sous-traitance du 21 novembre 2019, la société HZI a fait intervenir la société Eiffage Energies Systèmes-IT Rhône (EES), pour la partie détection incendie. La société EES a été agréée en tant que sous-traitant du marché. La détection incendie a été réalisée avec du matériel Chubb par la société ROFICOM pour le compte de Eiffage Energies Systèmes-IT Rhône. N'ayant pas été payée par la société HZI des factures correspondant aux jalons 8, 9 et 10 du marché de sous-traitance, et s'étant heurtée au refus de paiement direct par le SIDEFAGE, la société EES demande au juge des référés de condamner ce dernier à lui payer une somme de 711 438, 40 euros HT en exécution de l'acte spécial de sous-traitance et des conditions de paiement de EES. Le SIDEFAGE demande, en défense, de condamner la société Hitachi Zosen Inova AG (HZI) à payer directement à la société Eiffage les sommes auxquelles il serait condamné, ou tout au moins de rembourser ces sommes au SIVALOR dès que l'ordonnance deviendra exécutoire.

Sur la provision :

2. Aux termes de l'article R. 541-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés peut, même en l'absence d'une demande au fond, accorder une provision au créancier qui l'a saisi lorsque l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable. Il peut, même d'office, subordonner le versement de la provision à la constitution d'une garantie. ". Il résulte de ces dispositions que, pour regarder une obligation comme non sérieusement contestable, il appartient au juge des référés de s'assurer que les éléments qui lui sont soumis par les parties sont de nature à en établir l'existence avec un degré suffisant de certitude. Dans ce cas, le montant de la provision que peut allouer le juge des référés n'a d'autre limite que celle résultant du caractère non sérieusement contestable de l'obligation dont les parties font état.

3. Aux termes de l'article L. 2193-11 du code de la commande publique : "Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par l'acheteur est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution. Toute renonciation au paiement direct est réputée non écrite". Aux termes de l'article R. 2193-11 du code de la commande publique : "Le sous-traitant admis au paiement direct adresse sa demande de paiement au titulaire du marché, par tout moyen permettant d'en assurer la réception et d'en déterminer la date, ou la dépose auprès du titulaire contre récépissé". Aux termes de l'article R. 2193-12 du même code : "Le titulaire dispose d'un délai de quinze jours à compter de la date de réception ou du récépissé mentionnés à l'article R. 2193-11 pour donner son accord ou notifier un refus, d'une part, au sous-traitant et, d'autre part, à l'acheteur". Aux termes de l'article R. 2193-13 du même code : "Passé le délai mentionné à l'article R. 2193-12, le titulaire du marché est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu'il n'a pas expressément acceptées ou refusées". Aux termes de l'article R. 2193-14 du même code : "Lorsque le sous-traitant a obtenu la preuve ou le récépissé attestant que le titulaire a bien reçu la demande de paiement dans les conditions fixées à l'article R. 2193-11 ou qu'il dispose de l'avis postal attestant que le pli a été refusé ou n'a pas été réclamé par le titulaire, le sous-traitant adresse sa demande de paiement à l'acheteur accompagnée de cette preuve, du récépissé ou de l'avis postal. L'acheteur adresse sans délai au titulaire une copie des factures produites par le sous-traitant".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, pour obtenir le paiement direct par le maître d'ouvrage de tout ou partie des prestations qu'il a exécutées dans le cadre de son contrat de sous-traitance, le sous-traitant régulièrement agréé doit adresser sa demande de paiement direct à l'entrepreneur principal, titulaire du marché. Il appartient ensuite au titulaire du marché de donner son accord à la demande de paiement direct ou de signifier son refus dans un délai de quinze jours à compter de la réception de cette demande. Le titulaire du marché est réputé avoir accepté cette demande s'il garde le silence pendant plus de quinze jours à compter de sa réception. A l'issue de cette procédure, le maître d'ouvrage procède au paiement direct du sous-traitant régulièrement agréé si le titulaire du marché a donné son accord ou s'il est réputé avoir accepté la demande de paiement direct. Cette procédure a pour objet de permettre au titulaire du marché d'exercer un contrôle sur les pièces transmises par le sous-traitant et de s'opposer, le cas échéant, au paiement direct. Sa méconnaissance par le sous-traitant fait ainsi obstacle à ce qu'il puisse se prévaloir, auprès du maître d'ouvrage, d'un droit à ce paiement.

5. Cette procédure ne fait néanmoins pas obstacle au contrôle par le maître de l'ouvrage du montant de la créance du sous-traitant, compte tenu des travaux qu'il a exécutés et des prix stipulés par le marché.

6. Il résulte de l'instruction que la société EES a adressé une première lettre recommandée à la société HZI, reçue par cette dernière le 5 avril 2022 portant sur le paiement direct de la facture n° F003602108 du 30 août 2021 d'un montant de 443 853,40 euros HT (532 624,08 euros TTC), une deuxième lettre recommandée reçue le 6 avril 2022 portant sur le paiement direct de la facture n° F003602110 du 15 octobre 2021 d'un montant de 110 963,35 euros HT (133 156,02 euros TTC), une troisième lettre recommandée reçue le 11 avril 2022 portant sur le paiement direct de la facture n° F003602204 du 7 avril 2022 d'un montant de 282 621,65 euros HT (339 145,98 euros TTC).

7. Puis, la société EES a adressé au SIDEFAGE une première lettre recommandée, reçue par ce dernier le 13 avril 2022, lui demandant le paiement direct de la facture n° F003602108 du 30 août 2021 d'un montant de 443 853,40 euros HT (532 624,08 euros TTC), à laquelle était joint l'accusé de réception le 5 avril 2022 par la société HZI du courrier portant sur le paiement direct de cette facture, une deuxième lettre recommandée reçue le 14 avril 2022, lui demandant le paiement direct de la facture n° F003602110 du 15 octobre 2021 d'un montant de 110 963,35 euros HT (133 156,02 euros TTC), à laquelle était joint l'accusé de réception le 6 avril 2022 par la société HZI du courrier portant sur le paiement direct de cette facture, enfin une troisième lettre recommandée reçue le 19 avril 2022, lui demandant le paiement direct de la facture n° F003602204 du 7 avril 2022 d'un montant de 282 621,65 euros HT (339 145,98 euros TTC), à laquelle était joint l'accusé de réception le 11 avril 2022 par la société HZI du courrier portant sur le paiement direct de cette facture.

8. Le 5 mai 2022, le SIDEFAGE a adressé un courrier à la société EES l'informant qu'il demandait à la société HZI la preuve qu'elle avait, dans le délai de quinze jours, prévu à l'article R. 2193-12 du code de la commande publique, éventuellement notifié son opposition au paiement direct. Puis, le 25 mai 2022, le SIDEFAGE refusait la demande de paiement direct présentée par la société EES, au motif que la société HZI lui avait apporté la preuve qu'elle avait refusé le paiement des sommes dans le délai de quinze jours de la réception des demandes de EES.

9. Devant le juge des référés, la société EES conteste l'existence d'une lettre de refus de la société HZI, notifiée dans le délai de 15 jours suivant la réception de ses courriers portant sur les factures n° F003602108 du 30 août 2021 d'un montant de 443 853,40 euros HT (532 624,08 euros TTC) et n° F003602110 du 15 octobre 2021 d'un montant de 110 963,35 euros HT (133 156,02 euros TTC) et conteste le motif du refus en date du 26 avril 2022 de la société HZI relatif à la facture n° F003602204 du 7 avril 2022 d'un montant de 282 621,65 euros HT (339 145,98 euros TTC).

10. En premier lieu, ni le SIDEFAGE, ni la société HZI ne produisent de lettres de cette dernière opposant un refus à la société EES dans le délai de 15 jours suivant la réception des lettres recommandées des 5 et 6 avril 2022 de cette dernière société portant sur le paiement direct des factures n° F003602108 du 30 août 2021 d'un montant de 443 853,40 euros HT (532 624,08 euros TTC) et n° F003602110 du 15 octobre 2021 d'un montant de 110 963,35 euros HT (133 156,02 euros TTC). La société HZI invoque des démarches précédentes de la société EES en vue d'être payée des factures n° F003602108 et n° F003602110 auxquelles elle avait opposé un refus le 23 décembre 2021, ainsi qu'une lettre au SIDEFAGE en date du 17 décembre 2021, par laquelle elle signalait au SIDEFAGE que la demande de paiement direct que la société EES avait présentée le 16 décembre 2021 n'était pas régulière et au demeurant pas fondée. Elle apporte également la preuve d'une réponse donnée à une nouvelle demande de paiement direct présentée par la société EES le 10 janvier 2022. Mais ces échanges ne peuvent être regardés comme constituant un refus valablement opposé aux demandes de paiement direct régulièrement introduites les 5 et 6 avril 2022, dès lors qu'en tout état de cause, aucune disposition du code de la commande publique ne fait obstacle à la présentation de demandes successives.

11. En revanche, il résulte de l'instruction que la société HZI a formellement opposé le 26 avril 2022 un refus à la demande portant sur le paiement direct de la facture n° F003602204 du 7 avril 2022 d'un montant de 282 621,65 euros HT (339 145,98 euros TTC). L'existence de ce refus suffit à faire obstacle à ce que l'obligation du SIDEFAGE dont se prévaut la société EES soit regardée comme non sérieusement contestable.

12. En second lieu, le SIDEFAGE, qui admet que les réserves qui avaient été opposées à la société EES ont été levées le 9 juin 2022, invoque la non-conformité des installations vis-à-vis de l'APSAD, cette difficulté étant abordée dans une note aux parties de l'expert désigné par le tribunal, sur requête du SIVALOR, enregistrée le 15 mai 2022, initialement dirigée contre la société HZI et l'exploitant de l'unité de valorisation énergétique des déchets ménagers. Or cette objection ne porte pas sur la consistance des travaux confiés à la société EES par la société HZI et dont la réalité n'est pas contestée. Au surplus, il n'est pas allégué que les réserves non levées par la société EES représenteraient une somme supérieure à celle de 282 621,65 euros HT, pour laquelle la société HZI a régulièrement fait opposition.

13. En troisième lieu, ni la circonstance que la société EES a saisi le tribunal de commerce de Bourg-en-Bresse en vue d'obtenir le paiement de ses factures, ni celle que l'expert désigné par le tribunal de céans, n'a pas encore déposé son rapport, ne sont de nature à créer un doute sur la réalité des travaux réalisés par la société EES, dans la mesure évoquée au point 12 de la présente ordonnance.

14. Dans ces conditions, la créance dont la société EES se prévaut à l'encontre du SIDEFAGE au titre de son droit au paiement direct des factures n° F003602108 du 30 août 2021 d'un montant de 443 853,40 euros HT (532 624,08 euros TTC) et n° F003602110 du 15 octobre 2021 d'un montant de 110 963,35 euros HT (133 156,02 euros TTC) n'est pas sérieusement contestable.

Sur les conclusions du SIVALOR dirigées contre la société HZI :

15. Se prévalant d'une faute extracontractuelle de la société HZI qui n'a pas opposé un refus aux demandes de paiement direct présentées les 5 et 6 avril 2022 par la société EES, le SIDEFAGE, puis le SIVALOR demandent la condamnation de la société HZI à payer directement à la société EES les sommes auxquelles le SIVALOR serait condamné par le tribunal de céans ou tout au moins de rembourser ces sommes au SIVALOR dès que l'ordonnance deviendra exécutoire.

16. Toutefois, les dispositions des articles L. 2193-11 et R. 2193-11 et suivants du code de la commande publique relèvent des titres IX des livres 1er des parties législative et règlementaire du code de la commande publique, relatifs à l'exécution du marché. Par suite, le SIDEFAGE ne peut utilement invoquer une faute extracontractuelle de la société HZI. Il suit de là que les conclusions du SIVALOR dirigées contre la société HZI doivent être rejetées.

17. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir relative à l'irrecevabilité des conclusions de la société EES en tant qu'elles excèdent la somme de 711 438,40 euros HT, qu'il y a lieu de condamner le SIVALOR à payer à la société EES une somme provisionnelle de 554 816,75 euros HT, soit 665 788,10 euros TTC. Les sommes de 532 624,08 euros TTC et 133 156,02 euros TTC, porteront intérêt au taux légal, respectivement à compter des 13 et 14 avril 2022.

18. Alors que les dispositions du II de l'article 1er de la loi n° 80-539 du 16 juillet 1980, reproduites à l'article L. 911-9 du code de justice administrative, fixent les conditions dans lesquelles la société EES peut, le cas échéant, obtenir le mandatement d'office de la somme que le SIVALOR est condamné à lui verser par la présente décision, les conclusions de la requête à fin d'injonction et d'astreinte ne peuvent être accueillies.

Sur les frais liés à l'instance :

19. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge de la société EES, qui n'est pas, dans la présente instance, à verser au SIVALOR et à la société HZI.

20. D'autre part, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de condamner le SIVALOR à verser à la société EES la somme de 1 500 euros au titre de ces mêmes dispositions.

O R D O N N E :

Article 1er : Le SIVALOR est condamné à payer à la société Eiffage Energie Systèmes - IT Rhône Alpes une somme provisionnelle de 665 788,10 euros TTC. La somme de 532 624,08 euros TTC portera intérêts au taux légal à compter du 13 avril 2022 et la somme de 133 156,02 euros TTC portera intérêt au taux légal à compter du 14 avril 2022.

Article 2 : Le SIVALOR versera à la société Eiffage Energie Systèmes - IT Rhône Alpes la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Eiffage Energie Systèmes - IT Rhône Alpes, à la société Hitachi Zosen Inova AG et au SIVALOR

Fait à Lyon le 16 décembre 2022.

La juge des référés

A. Wolf

La République mande et ordonne à la préfète de l'Ain en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.

Pour expédition conforme,

Le greffier,

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