🔑 Commande publique, ne dites plus… dites plutôt… mais…

Chaque matière a son langage.

Celui de la commande publique comporte des subtilités. La plus évidente d'entre elles est qu'une même personne peut changer d'appellation au cours d'une même procédure de passation - comme un mutant.

Opérateur économique = candidat = soumissionnaire = attributaire = titulaire.

Il n'est pas rare de constater des confusions dans l'utilisation de ces termes. Parfois, c'est le cocktail qui fait défaut ❌.

Les lignes ci-dessous proposent, d'une part, d'Ă©viter l'usage de certaines expressions, et d'autre part, de faire le choix, en toute connaissance de cause, d'utiliser ou non d'autres termes contestables, mais traditionnels.

Ne dites plus…dites plutôt

« En dessous de 40 000, il n'y a pas de marché »

Cette expression dénature la définition même d'un marché. Le Code de la commande publique - art. L1111-1 CCP - définit un marché comme suit :

"Un marché est un contrat conclu par un ou plusieurs acheteurs avec un ou plusieurs opérateurs économiques, pour répondre à leurs besoins en matière de travaux, de fournitures ou de services, en contrepartie d'un prix ou de tout équivalent".

Il en résulte que le prix nécessaire à la qualification d'un marché n'est pas plafonné. En conséquence, un contrat par lequel l'acheteur profite des soldes pour acquérir un bien en contrepartie d'un euro est un marché de fournitures.

Il convient donc de ne pas confondre le marché lui-même et sa procédure de passation. En dessous de 40 000 euros, l'acheteur conclut bien un marché. En revanche, il n'est pas tenu de faire une procédure de publicité et de mise en concurrence pour conclure le marché.

Ainsi, dire qu' "en dessous de 40 000 €, il n'y a pas de marché" ou " en dessous de 40 000 €, nous sommes hors marché " peuvent être remplacées par "en dessous de 40 000 €, on n'est pas tenu par une procédure de publicité et de mise en concurrence". Et si cette expression est longue, "marché sans concurrence" s'approche mieux de la réalité que "pas de marché" ou "hors marché".

« Notifier le marché au titulaire »

Pour relever le paradoxe qui affecte cette phrase, on peut la comparer à une expression similaire. "Vendre le véhicule à son propriétaire".

À partir de quelle étape de la procédure de passation doit-on, en réalité, parler de titulaire voire de marché ?

Le fait pour l'acheteur de notifier l'AE à l'attributaire fait de ce dernier le titulaire du marché. C'est à partir de là (normalement) qu'on peut dire "marché" ou "titulaire".

Notifier le marché au titulaire est pratiquement compréhensible, mais terminologiquement impropre. On peut utiliser l'expression "Notifier l'AE à l'attributaire".

« Notifier l'OS de démarrage à l'attributaire »

On est en présence du contraire de "Notifier le marché au titulaire". Si dans ce dernier cas, parler de "titulaire" est prématuré, "notifier l'OS de démarrage des travaux à l'attributaire" est régressif.

En effet, sauf à vouloir griller les étapes, et se retrouver dans une situation irrégulièrement inédite, l'acheteur notifie l'AE et ensuite il notifie l'OS de démarrage des travaux. Ce qui signifie qu'au moment de la notification de l'OS, l'attributaire est déjà titulaire.

"Notifier l'OS de démarrage au titulaire" est préférable à "Notifier l'OS de démarrage à l'attributaire".

« Candidature du soumissionnaire »

Le problème vient de la confusion entre candidat et soumissionnaire.

Un candidat transmet une candidature et un soumissionnaire propose une offre. Cependant, lorsque la consultation des entreprises ne dissocie pas la phase des candidatures et celles des offres, le même opérateur économique peut être à la fois candidat et soumissionnaire - cela ne signifie pas toutefois qu'ils sont interchangeables.

Candidat = candidature, soumissionnaire = offre. L'offre du soumissionnaire, la candidature du candidat.

« Négociation du marché »

La négociation est antérieure au marché. Comme évoqué ci-dessus, le marché commence à compter de la notification de l'AE.

L'acheteur négocie les offres avec les soumissionnaires.

La cohérence exige donc une négociation des offres et non une négociation du marché.

« Notifier le marché »

La notification a pour effet de faire naître le marché. En réalité, l'acheteur notifie l'AE à l'attributaire du marché.

« L'offre du titulaire »

Cette expression n'est pas forcement incorrecte. Tout dépend du moment où l'on parle.

Si l'on se situe en phase de procédure de passation du contrat, le purisme voudrait "l'offre du soumissionnaire". En revanche, si l'on se trouve au moment de l'exécution du contrat, il est possible de parler de "l'offre du titulaire" pour faire référence soit au prix que le soumissionnaire (devenu titulaire) avait proposé en phase de procédure soit pour désigner son offre de manière globale (offre financière et offre technique).

« Mettre en concurrence une DSP ou un marché »

L'acheteur met en concurrence des opérateurs économiques en vue de conclure avec l'un ou plusieurs d'entre eux un marché ou une concession.

… Mais

Mais, certaines expressions, qui pourraient sembler impropres, tirent leur origine dans la conception française du contrat administratif.

Ce contrat, à différence du contrat privé, a pour objet la satisfaction de l'intérêt général. C'est en cela qu'il est spécifique et dérogatoire du droit commun. Il est même considéré comme "un diminutif de l'acte administratif unilatéral" ou constitutif d'un "contrat d'adhésion".

Ces considérations ont suscité la préexistence d'une dénomination de marché ou de concession avant même sa signature ou sa notification. L'acheteur fait le marché ou la concession et il appartiendra à l'opérateur économique d'y adhérer ou non. On parle donc de :

  • Notification du marchĂ©
  • Mise en concurrence d'une DSP
  • Envoi du marchĂ© au contrĂ´le de lĂ©galitĂ©
  • …

En conséquence, certaines appellations sont à éviter :

  • En dessous de 40 000, il n'y a pas de marchĂ©
  • Nous sommes hors marchĂ©
  • Notifier le marchĂ© au titulaire
  • Notifier l'OS de dĂ©marrage Ă  l'attributaire
  • Candidature du soumissionnaire
  • …

En revanche, d'autres dénominations sont ancrées dans la pratique du fait de la nature administrative d'un marché ou d'une concession (même si le droit administratif a évolué et aspire la modernité. On tente souvent un rééquilibrage des relations contractuelles entre l'acheteur et l'opérateur économique, en dernier lieu, la réforme des CCAG en 2021).

  • NĂ©gociation du marchĂ©
  • Notification de l'avenant
  • Mise en concurrence du marchĂ©
  • …

Le plus important en pratique :

  • L'impropriĂ©tĂ© comprĂ©hensible prime le purisme incomprĂ©hensible.
  • Le purisme adaptĂ© limite les incomprĂ©hensions et accroĂ®t la crĂ©dibilitĂ©.

Donc, choisissez … mais…

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