Localisme dans la commande publique, conflit d’intérêts, procédures irrégulières…des risques graves selon la CRC  

A l'occasion du contrôle des comptes et de la gestion d'une commune, la CRC (Chambre Régionale des Comptes) a relevé les irrégularités suivantes avant de formuler des recommandations.

Absence de procédure interne : p.18

  • Le processus d'achat n’est pas formalisé sous la forme d’une procédure interne visant à diffuser et harmoniser les règles et les bonnes pratiques et l’effectif communal ne compte pas de personnels disposant d’une expertise particulière en la matière.
  • Les achats sont en pratique définis et réalisés au cas par cas, et suivis par le maire et le directeur général de services, ce dernier bénéficiant d’une délégation pour les achats d’un montant inférieur à 7 500 €.

Non publication en accès libre des données essentielles : p.19

  • Le site internet de la plateforme ne publie pas en accès libre les données essentielles relatives aux marchés publics de plus de 25 000 €, ainsi que l’exige la réglementation.

Accord-cadre irrégulier : p.20

  • La commune a tenu compte du seul coût annuel estimé de l'accord-cadre pluriannuel à bons de commande pour la restauration collective pour passer des procédures adaptées alors que "« la valeur estimée du besoin est déterminée en "prenant en compte la valeur maximale estimée de l'ensemble des marchés à passer ou des bons de commande à émettre pendant la durée totale de l'accord-cadre1 ».
  • La valeur totale du besoin sur les quatre années du marché atteignait donc 330 680 € et excédait le seuil de la procédure formalisée (215 000 € HT).
  • Les marchés ne prévoient de maximum ni pour le prix ni pour les quantités ; leur conclusion devait donc faire l’objet d’un appel d’offres formalisé.
  • Elle a ainsi méconnu plusieurs règles qui s’imposent dans le cadre d’une procédure formalisée (la publication au BOAMP2 et au JOUE, la publication de l'avis d'attribution3, l'information des candidats non retenus4, le choix du prestataire par la CAO5 et la transmission du marché au contrôle de légalité6.
  • La valeur totale du marché sur quatre ans (330 680 €) excède le seuil de 215 000 € HT.
  • Le montant annuel des prestations a augmenté de 73% en 2021, atteignant 142 626 € par an.
  • La commune n'a pas procédé à un appel d'offres formalisé, ni publié d'avis d'appel public à concurrence.
  • Le conseil municipal n'a pu se prononcer que sur des tarifs unitaires et non sur un prix global.

Absence de contrat écrit pour l'entretien des espaces verts et terrains de football : p.22

  • Les prestations externalisées ne reposent sur aucun contrat écrit, sauf pour le terrain de football synthétique.
  • Le montant des prestations dépasse le seuil de 25 000 € HT (seuil de passation de contrat écrit7).
  • La commune n'a pas procédé à une mise en concurrence des prestataires.

Irrégularités dans le marché global de performance énergétique de la médiathèque : p.24

  • Le marché a été attribué par le conseil municipal alors qu'il relevait de la compétence du maire.
  • Le conseil municipal ne s’est pas prononcé au vu de l’avis motivé du jury prévu par la réglementation
  • Le marché a été attribué en tenant compte du seul critère prix8.
  • La commune n'a pas pu communiquer les documents clés de la procédure.

Manque de traçabilité et de contrôle interne : p.25

  • La commune ne conserve pas les pièces justificatives des marchés publics pendant la durée légale.
  • Le processus d'achat n'est pas formalisé et les procédures ne sont pas harmonisées.
  • La commune ne dispose pas d'un personnel ayant une expertise en matière de commande publique.

Conflit d'intérêts : pages 4, 25, 26, 60…

  • La commune n'a pas mis en place de dispositif de prévention des conflits d'intérêts.
  • Le maire n'a pas donné lecture de la charte de l'élu local lors du premier conseil municipal.
  • Le gérant de la société ayant réalisé l'étude de faisabilité (du marché global de performance énergétique de la médiathèque) était actionnaire de la société attributaire du marché.
  • Le maire est en situation de conflits d'intérêts : p.71.

Sous-effectif : pages 15…18…

  • L'effectif et le régime indemnitaire des agents sont inférieurs à la moyenne des communes comparables.

Localisme : pages 6, 26…

  • "La chambre observe que la commune pratique un certain localisme dans le choix de ses fournisseurs mais est faiblement sensibilisée à la prévention des conflits d’intérêts.
  • Aucune disposition sur le sujet ne figure dans le règlement intérieur du conseil municipal et le maire n’a pas donné lecture de la charte de l’élu local lors du premier conseil municipal de la mandature le 26 mai 2020, ni remis aux conseillers municipaux une copie de cette charte, ainsi que la loi le lui imposait9.
  • La chambre rappelle que les élus locaux doivent s’abstenir de tout conflit d’intérêts dans l’exercice de leur mandat, et qu’un marché public conclu dans un tel contexte serait entaché de nullité".

Recommandations de la CRC :

  • Procéder aux achats communaux dans le respect du code de la commande publique.
  • Mettre en œuvre le dispositif de prévention des conflits d'intérêts (n°2014-90 du 31 janvier 2014).
  • Mutualiser les fonctions d'achat et de systèmes d'informations.
  • Renforcer l'expertise en matière de commande publique et développer un contrôle interne.
  • Se conformer aux règles du code de la commande publique et faire preuve de vigilance dans le choix des fournisseurs.

Notes :

  1. Article R. 2121-8 du code de la commande publique. ↩︎
  2. Article R. 2131-12 du code de la commande publique. ↩︎
  3. Article R. 2183-1 du code de la commande publique. ↩︎
  4. Article R. 2181-1 du code de la commande publique. ↩︎
  5. Article L. 1414-2 du code général des collectivités territoriales. ↩︎
  6. Articles L. 2131-2 alinéa 4 et L. 2131-1 du code général des collectivités territoriales (voir Conseil d’État,
    27 avril 1987, OPHLM des Côtes-du-Nord, n° 68831
    ; 9 mai 2012, Syndicat départemental des ordures ménagères de l’Aude, n° 355665). ↩︎
  7. Articles L. 2112-1 et R. 2112-1 du code de la commande publique. ↩︎
  8. Article R. 2171-3 du code de la commande publique. ↩︎
  9. Articles L. 1111-1-1 et L. 2121-7 du code général des collectivités territoriales. ↩︎

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