Offre inacceptable, quelles solutions acceptables ?

L'offre inacceptable dans la commande publique

L’offre inacceptable est définie par l’article L. 2152-3 du Code de la commande publique — CCP comme "une offre dont le prix excède les crédits budgétaires alloués au marché, déterminés et établis avant le lancement de la procédure ».

L’offre inacceptable est le pendant de l’offre anormalement basse. Si cette dernière est manifestement moins chère, la première est quant à elle trop chère par rapport au montant des crédits budgétaires alloués au marché.

L’ancien article 35 du Code des marchés publics prévoyait deux conditions pour qu'une offre soit considérée comme inacceptable :

  1. Offre dont les conditions de son exécution méconnaissent la législation en vigueur.
  2. Crédits budgétaires alloués au marché après évaluation du besoin à satisfaire ne permettent pas au pouvoir adjudicateur de la financer.

En effet, le juge administratif considère que « l’offre inacceptable requiert l’impossibilité de financer les offres » (CAA de TOULOUSE, 13/06/2023, 20TL01906 ). Ainsi, l'acheteur doit fournir une justification, sous peine d'irrégularité, démontrant qu'il dispose du montant des crédits alloués au marché. Cette justification peut être apportée par le biais d'une délibération de l'assemblée délibérante, par exemple (CAA de MARSEILLE, 01/02/2016, 14MA01954).

L’actuel article L. 2152-3 du Code de la commande publique - CCP prévoit une seule condition à l’offre inacceptable :

  • Lorsque le « […] prix excède les crédits budgétaires alloués au marché, déterminés et établis avant le lancement de la procédure ».

Il convient de rappeler que les crédits budgétaires ne sont pas les estimations effectuées par les services de l'acheteur (CE, 24/06/2011, n° 346665). Néanmoins, le Conseil d'État considère que le juge des référés peut prendre en compte les crédits budgétaires alloués au lot examiné en les comparant aux estimations financières de la collectivité afin d'évaluer si les offres sont inacceptables (CE, 09/11/2015, n° 392785).

Ainsi, « dès lors qu’il n’est pas établi que le pouvoir adjudicateur n’aurait pas disposé des crédits suffisants pour financer le prix proposé par la société déclarée attributaire du marché et qu’il n’est pas davantage établi, ni même allégué, qu’un seuil d’acceptabilité avait été fixé par celui-ci, la société requérante n’est pas davantage fondée à soutenir que l’offre de la société Fifteen aurait dû être écartée comme inacceptable » (TA Rennes, 18/04/2023, n° 2301622).

En conclusion, le Code de la commande publique apporte une définition restrictive des conditions d'une offre inacceptable. Contrairement à ce qui était prévu dans le Code des marchés publics, où une offre en méconnaissance d'une convention collective (ou une législation en vigueur) pouvait être considérée comme inacceptable, désormais, un tel manquement relève plutôt d'une offre irrégulière (TA Lyon, 19/01/2023, n°2100274).

L'acheteur fixe les crédits budgétaires alloués au marché au moment de la préparation du marché. C'est sur ces crédits qu'il se basera pour évaluer les offres transmises par les soumissionnaires et déterminer leur caractère acceptable ou inacceptable.

Cette estimation doit être réaliste. Ainsi, une estimation réalisée par la maîtrise d’œuvre, sans qu'aucun élément ne corrobore qu'il s'agissait également des crédits budgétaires alloués à l'opération, ne peut fonder une déclaration infructueuse et une relance de la procédure par l’acheteur (CAA de PARIS, 10/02/2023, n° 22PA00023). De même, un budget estimatif ne constitue pas un seuil d'acceptabilité.

« Une délibération […] (du) conseil municipal […] a approuvé la décision de restaurer l’orgue de l’église Saint-Charles ainsi que l’autorisation de programme correspondante, à hauteur de 486 000 euros TTC. Cette somme constitue donc le montant des crédits budgétaires alloués au marché, au sens des dispositions de l’article L. 2152-3 du Code de la commande publique, déterminés et établis avant le lancement de la procédure au mois de février 2023 » (TA Marseille, 13/06/2023, n° 2304890).

Par conséquent, il est inacceptable de rejeter une offre comme étant inacceptable sans fixer préalablement les crédits alloués au marché (TA Guadeloupe, 07/12/2022, n° 2201260).  En revanche, l’acheteur n’est pas tenu de mentionner les crédits budgétaires dans l'avis de publicité (TA Marseille, 13/06/2023, n°2304890).

La gestion d'une offre inacceptable peut varier en fonction du type de procédure de passation.

Dans le cas d'une procédure d'appel d'offres ou d'une procédure sans négociation, l'acheteur est tenu de rejeter les offres inacceptables avant le classement des offres. Conformément à l'article R. 2152-1 du Code de la commande publique (CCP), dans ces procédures, les offres irrégulières, inappropriées ou inacceptables sont éliminées.

Cependant, dans le cas où, lors d'un appel d'offres, seules des offres inacceptables (et irrégulières) sont reçues par l'acheteur, il a la possibilité de déclarer la procédure infructueuse et de relancer un marché en utilisant une procédure négociée afin de régulariser les offres inacceptables (voir le point sur l'offre inacceptable et la négociation).

Pour les autres procédures, notamment les procédures adaptées avec négociation, l'acheteur peut décider d'ouvrir une phase de négociation pour permettre la régularisation des offres inacceptables ou choisir de les rejeter.

Une offre inacceptable ne peut être régularisée conformément à l'alinéa 1 de l'article R. 2152-2 du Code de la commande publique dès lors qu'une telle régularisation entraînerait une modification des caractéristiques substantielles de l'offre, ce qui est interdit par l'alinéa 2 du même article.

L'article R. 2152-1 du Code de la commande publique dispose que "les offres irrégulières ou inacceptables peuvent devenir régulières ou acceptables au cours de la négociation ou du dialogue, à condition qu'elles ne soient pas anormalement basses".

L'article R. 2124-3 du même code ajoute que l'acheteur peut passer ses marchés selon une procédure avec négociation "lorsque, dans le cadre d'un appel d'offres, seules des offres irrégulières ou inacceptables, au sens des articles L. 2152-2 et L. 2152-3, ont été présentées, pour autant que les conditions initiales du marché ne soient pas substantiellement modifiées".

Selon le même article, "le pouvoir adjudicateur n'est pas tenu de publier un avis de marché s'il ne fait participer à la procédure que le ou les soumissionnaires qui ont présenté des offres conformes aux exigences relatives aux délais et modalités formelles de l'appel d'offres". De plus, "par dérogation aux dispositions de l'article R. 2144-4, ne peuvent participer à la procédure que le ou les soumissionnaires ayant justifié au préalable ne pas être dans un cas d'exclusion et satisfaisant aux conditions de participation fixées par l'acheteur".

Il en résulte que l'acheteur peut régulariser une offre inacceptable dans le cadre d'une négociation, tant dans les procédures adaptées avec négociation que dans les procédures d'appels d'offres déclarées infructueuses en raison de la réception exclusive d'offres inacceptables (et irrégulières).

Cependant, cette négociation ne doit pas modifier de manière substantielle le marché initial et ne doit en aucun cas conduire à des offres anormalement basses.

Il existe plusieurs raisons pour lesquelles l'acheteur peut décider de négocier des offres inacceptables. Voici quelques exemples non exhaustifs :

  • Lorsque l'inacceptabilité des offres est due, en tout ou en partie, à une mauvaise définition des besoins.
  • Lorsqu'il y a un léger dépassement du budget alloué au marché, mais que l'offre présente une meilleure proposition technique.
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  • Lorsque toutes les offres reçues sont inacceptables.

Les accords-cadres doivent fixer le montant maximum en valeur et/ou en quantité. En application de la jurisprudence de la CJUE, 17 juin 2021, Simonsen & Weel, Aff. C-23/20, le défaut de fixation d’un montant maximum d’un accord-cadre est un vice justifiant l’annulation de la procédure d’attribution de l’accord-cadre.

Toutefois, le Conseil d’État a jugé que le montant maximum d’un accord-cadre n’est pas un seuil d’acceptabilité de l’offre au sens de l’offre inacceptable. Ainsi, l’acheteur peut fixer un montant maximum excédant les crédits budgétaires alloués au marché et rejeter comme étant inacceptable toute offre dépassant ces crédits budgétaires.

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